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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 décembre 2017, n° 13-15730

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Devauchelle (Epoux), Devauchelle (SCI)

Défendeur :

Troc de l'Ile (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Teytaud, Benoit, Threard, Guizard, Nicolas

T. com. Paris, du 28 juin 2013

28 juin 2013

FAITS ET PROCÉDURE

Vu l'appel interjeté par les époux Devauchelle et la société Devauchelle et leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 26 octobre 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de : vu les articles 1108, 1110, 1116, 1131 et 1382 anciens du Code civil, vu l'article L. 330-3 du Code de commerce,

- infirmer le jugement du 28 juin 2013 en totalité, sauf en ce qu'il a dit les demandes de la SCI Devauchelle recevables et débouté la société Troc de l'Ile de ses demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- dire recevables les demandes de Madame Devauchelle,

- dire que le consentement de Monsieur Devauchelle lors de la signature du contrat de réservation du 20 février 2008 et du contrat de franchise du 31 mai 2010 a été vicié,

en conséquence,

- dire les demandes de la société Troc de l'Ile infondées et la débouter de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- prononcer la nullité desdits contrats,

- condamner la société Troc de l'Ile à verser Monsieur Devauchelle :

- la somme de 35 880 € au titre du remboursement du droit d'entrée,

- la somme de 3 202,18 € au titre du remboursement des dépenses qu'il a engagées en pure perte,

- la somme de 150 000 € en réparation du préjudice subi,

- condamner la société Troc de l'Ile à verser à Madame Devauchelle la somme de 150 000 € en réparation du préjudice subi,

- condamner la société Troc de l'Ile à verser à la SCI Devauchelle la somme de 60 345,98 € au titre du remboursement des dépenses qu'elle a engagées en pure perte,

- condamner la société Troc de l'Ile à garantir les Epoux Devauchelle et la SCI Devauchelle de toutes condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées contre eux ou sommes qu'ils seraient contraints de verser aux différents entrepreneurs qu'ils ont fait intervenir dans le cadre de leur projet de création d'un magasin Troc de l'Ile, et notamment au titre :

- du contrat de maîtrise d'ouvrage,

- du marché de travaux pour la couverture et le bardage,

- du marché de travaux pour la VRD,

- du marché de travaux pour la charpente métallique

- condamner la société Troc de l'Ile à verser à chacun des requérants la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pout ceux le concernant au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Troc de l'Ile, intimée, déposées et notifiées le 30 octobre 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, 1134, 1147, 1184 et 1382 du Code civil, 122 à 126 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement du 28 juin 2013 dans sa totalité, sauf en ce qu'il a déclaré la SCI Devauchelle recevable en ses demandes, limité le montant des dommages et intérêts alloués à la société Troc de l'Ile à la somme de 33 000 €, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- déclarer Madame Devauchelle et la SCI Devauchelle irrecevables en leurs demandes, et leur appel autant irrecevable que mal fondé,

- déclarer l'appel de Monsieur Devauchelle mal fondé,

- débouter Monsieur, Madame Devauchelle, et la SCI Devauchelle de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner Monsieur Devauchelle à payer à la société Troc de l'Ile la somme de 75 000 €, en réparation du préjudice subi au titre de la résiliation anticipée du contrat de franchise,

- condamner solidairement Monsieur, Madame Devauchelle et la SCI Devauchelle à verser à la société Troc de l'Ile la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de la Selarl Guizard et associés,

- condamner solidairement Monsieur, Madame Devauchelle et la SCI Devauchelle au paiement des entiers dépens, avec distraction conforme à l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes de Mme Devauchelle et de la SCI Devauchelle

La société intimée conteste cette recevabilité au motif que les contrats dont il est demandé la nullité ont été signés entre elle et M. Devauchelle.

Mais, tiers au contrat, leur demande est basée sur un fondement délictuel.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande de la société Devauchelle, constituée spécialement pour acquérir les locaux nécessaires à la mise en place de la franchise et de l'infirmer en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes de Madame Devauchelle, celle-ci faisant prévaloir des dommages distincts de ceux de sa société, et, notamment un préjudice moral.

Sur la nullité du contrat de réservation et du contrat de franchise

Les époux et la société Devauchelle rappellent que l'article 1108 du Code civil prévoit quatre conditions pour la validité d'une convention, dont le consentement de la partie qui s'oblige.

Sur l'obligation pré-contractuelle d'information

Les appelants soutiennent que leur consentement a été vicié par le manque de sérieux du franchiseur dans l'exécution de son obligation d'information pré-contractuelle. En effet, ils soutiennent que la société Troc de l'Ile a fait preuve d'une légèreté blâmable et a omis de communiquer des éléments essentiels dans le cadre de son obligation pré-contractuelle d'information. Ils font valoir que :

- les informations sur le marché national ne sont pas pertinentes et consistent uniquement en de vagues généralités,

- la présentation du marché local est pratiquement inexistante,

- de plus, toutes ces informations étaient trop anciennes pour être utiles en quoi que ce soit aux époux Devauchelle, car elles dataient de 2005, voire étaient plus anciennes encore, étant rappelé que le DIP a été remis fin 2007,

- de même, les comptes d'exploitation prévisionnels n'ont été établis sur aucun élément concret et sérieux.

De plus, les appelants exposent que les magasins du réseau Troc.com connaissaient des difficultés financières depuis plus d'un an, et une baisse de chiffre d'affaires de 17 % en moyenne lors de la conclusion des contrats litigieux. A ce titre, ils affirment qu'ils ont été trompés car ils n'ont pas été prévenus de ces difficultés financières par la société intimée. En effet, les appelants soutiennent que, s'ils avaient eu connaissance de l'intégralité des éléments découverts juste après la signature, ils ne se seraient jamais engagés.

La société Troc de l'Ile indique qu'elle a fourni un DIP conforme aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. A ce titre elle estime avoir présenté le marché et ses perspectives d'évolution, le DIP remis à M. Devauchelle fin 2007 détaillant sur plusieurs pages le marché sur lequel les franchisés de Troc.com sont amenés à intervenir, l'état de la concurrence sur ce marché ainsi que ses perspectives d'évolution. De même, l'intimée soutient que la présentation de l'état local du marché dans le DIP remis à M. Devauchelle est parfaitement conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. Elle expose, au titre des dossiers prévisionnels, qu'il est impossible d'apprécier la validité du contrat de réservation au regard de dossiers prévisionnels transmis après sa signature. De plus, elle soutient que ces comptes ont été élaborés par un cabinet indépendant et qu'il incombait au candidat de mener sa propre étude prévisionnelle et de se déterminer sur l'opportunité et la rentabilité de son investissement. Par ailleurs, la société Troc de l'Ile soutient que les prévisions de M. Devauchelle étaient parfaitement réalisables et n'apparaissaient pas comme étant exagérément optimistes. Enfin, la société Troc de l'Ile affirme avoir fourni une information sincère quant à la trésorerie nécessaire au lancement de l'activité.

L'article L. 330-3 du Code de commerce dispose que " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ". Selon les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, le document d'information pré-contractuelle (ci-après DIP), " dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ". Selon l'article R. 330-1 du Code de commerce, " Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :

1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;

3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du Code monétaire et financier ;

5° une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) la liste des entreprises qui en font partie (...) ; b) l'adresse des entreprises établies en France (...) ; c) le nombre d'entreprises qui (...) ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document, (...) ; (...) ".

Au vu de la combinaison des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, le manquement à l'obligation d'information pré-contractuelle prévue à l'article L. 330-3 n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé. La société Troc de l'Ile a remis aux époux Devauchelle en 2007 un DIP conforme aux dispositions de ces articles.

Il n'est pas démontré que les informations relatives à la concurrence sur le marché national en cause délivrées par le franchiseur seraient erronées. Il s'agit en effet du marché du dépôt-vente de meubles d'occasion. La société franchiseur a énuméré les intervenants susceptibles de concurrencer le futur franchisé, à savoir les consommateurs préférant procéder par petites annonces, les magasins sous enseignes concurrentes La Trocante, La Caverne des Particuliers et Troc 3000, les enseignes pratiquant l'achat " cash ", les brocanteurs et les antiquaires, ces trois derniers n'étant en concurrence qu'indirecte car ils proposent des biens d'occasion très ciblés, non proposés par Troc de l'Ile, ainsi que les journaux gratuits de petites annonces.

La seule omission, au titre des concurrents potentiels, des sites Internet de vente d'objets d'occasion ne saurait en soi fausser la présentation générale du marché concerné. En effet, les deux enseignes amazon.fr et priceminister.com ne constituaient pas des concurrents, en ce qu'ils fournissent, au titre de l'occasion, des produits de petit électroménager qui ne représentent qu'une infime partie des biens proposés dans la franchise. Par ailleurs, les enseignes Eurocash, Cash Express, qui n'appartiennent pas au même marché pertinent, n'avaient pas à être mentionnées sur le DIP.

L'article R. 330-1 n'exige pas que soient mentionnés les parts de marché ou le chiffre d'affaires réalisés par chacune des enseignes concurrentes. En toute hypothèse, les appelantes ne démontrent pas que cette absence d'informations aurait pu vicier leur consentement.

S'agissant des perspectives d'évolution du marché national, il n'est pas démontré que le qualificatif de " marché à fort potentiel " se soit révélé inexact, la baisse d'activité au cours de l'exercice 2010 étant conjoncturelle et, en toute hypothèse, encore inconnue au moment de la signature des deux contrats.

Par ailleurs, l'état du marché local figurant dans le DIP est conforme à la loi et au règlement, le franchiseur n'ayant pas à communiquer une " étude de marché ", celle-ci incombant au franchisé qui doit étudier son implantation. Le franchiseur doit seulement communiquer des " informations " sur le marché local et il n'est pas démontré, en l'espèce, que celles qu'il a communiquées se soient révélées inexactes, tous les concurrents sérieux du futur magasin de la société Devauchelle étant bien identifiés, sans que les appelants puissent reprocher au franchiseur de n'avoir pas mentionné les brocanteurs indépendants de la zone, qui, comme il a été dit plus haut, ne constituent pas des concurrents directs. Enfin, les informations du DIP sur le marché local ont été enrichies dans le dossier prévisionnel relatif à la société Nessa, remis le 12 juin 2009 aux époux Devauchelle. Ce document détaille certaines caractéristiques supplémentaires de la zone de chalandise.

Les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce précités n'imposent pas au franchiseur de communiquer au futur franchisé un prévisionnel, mais lorsque le franchiseur verse un document prévisionnel au titre de l'information pré-contractuelle, les informations qu'il contient doivent être sincères et établies sérieusement. Il revient alors au franchisé de procéder lui-même, à partir de ces éléments, à une analyse d'implantation précise lui permettant d'apprécier le potentiel et, par là, la viabilité du fonds de commerce qu'il envisage de créer. Aux termes du 6° de l'article R. 330-1 du Code de commerce, le document d'information précontractuelle doit contenir " la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ". Il appartient ensuite à chaque franchisé d'établir son compte prévisionnel à partir de ces données. En toute hypothèse, les prévisionnels fournis au titre de l'information contractuelle n'ont pas valeur d'engagement contractuel pour le franchiseur, qui n'est pas obligé à en garantir la réalisation par le franchisé.

Les comptes d'exploitation prévisionnelle n'ont pas été établis par la société Troc de l'Ile, mais par la société Devauchelle. Il ne saurait être reproché au franchiseur de n'avoir formulé aucune observation sur ces chiffres qui lui avaient été communiqués et qui prévoyaient au titre de la première année d'exploitation la réalisation d'un chiffre d'affaires de 600 000 €, au titre de la deuxième année 730 000 € et enfin au titre de la troisième année 860 000 €.

Il n'est pas démontré, en effet que cette prévision était irréalisable. Les tableaux communiqués par les appelantes (pièces 34, 35 et 36) font ressortir, pour les magasins créés en 2007 et en 2008, un chiffre d'affaires moyen au titre de la première année de, respectivement, 587 000 € et 525 000 €.

De plus, le franchiseur a respecté son obligation légale en communiquant le montant des investissements spécifiques à l'enseigne. Si les appelantes exposent aussi avoir seulement pu prendre connaissance de la situation des franchisés du réseau après la signature du contrat de franchise, grâce à l'accès à l'intranet du réseau et avoir découvert que le réseau était en mauvaise santé, il résulte des pièces versées aux débats par les appelantes que les sociétés en liquidation dans les deux années précédant la signature du contrat de franchise étaient de 6, les autres redressements judiciaires ou difficultés cités par les appelants étant survenus après juin 2010. Ce chiffre de 6 rapporté aux 140 magasins du réseau ne saurait en soi démontrer l'absence de viabilité de celui-ci. L'état du réseau après juin 2006 ne révèle pas davantage un déficit chronique de rentabilité, selon les éléments du dossier.

De plus, les époux Devauchelle ont eu le temps nécessaire pour se renseigner auprès du réseau entre la date de signature du DIP et la date de signature du contrat de franchise, ayant eu à leur disposition la liste des franchisés. Ils ont d'ailleurs rencontré le franchisé de Brive qui les a encouragés dans leur démarche. Ils n'ont jamais demandé d'actualisation des données au franchiseur ni de précisions avant la signature du contrat de franchise en 2010.

Enfin, s'ils prétendent avoir été avertis d'un manque de rentabilité et incités à choisir une autre implantation par le directeur financier de la société Troc de l'Ile, ils n'en rapportent aucun commencement de preuves.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a estimé que le franchiseur n'avait pas vicié leur consentement.

Sur l'erreur sur la rentabilité du projet

Les appelants soutiennent, se fondant sur l'article 1109 du Code civil, dans sa version en vigueur au moment des faits, qu'ils ont été victimes d'une erreur sur la rentabilité du concept. En effet, l'article 1109 du Code civil dispose " qu'il n'y a point de consentement valable lorsqu'il n'a été donné que par erreur ". De même, l'article 1110 du Code civil précise que " l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ". A ce titre, les appelants indiquent que la jurisprudence caractérise une erreur sur la rentabilité comme une cause de nullité d'un contrat de franchise.

Or, les appelants soutiennent que c'est le manque de rentabilité du concept, découvert lorsqu'ils ont eu accès aux chiffres d'affaires des membres du réseau après la signature du contrat de franchise, qui est le fondement de leur action en nullité.

L'intimée indique à titre liminaire que les appelants invoquent une erreur sur la rentabilité alors qu'ils n'ont jamais exploité le concept et que c'est eux qui ont réalisé le budget prévisionnel. Par ailleurs, elle soutient que le concept est rentable, les franchisés affichant pour la plupart des résultats bénéficiaires, malgré les effets de la crise. Ainsi, selon l'intimée, le consentement de M. Devauchelle n'a aucunement été entaché d'une erreur sur la rentabilité du concept.

Il y a lieu de rappeler que les prévisionnels ont été dressés par les appelants eux-mêmes et non par le franchiseur, mais qu'en toute hypothèse les chiffres n'étaient pas irréalistes, ni grossièrement erronés, ainsi qu'il ressort des chiffres d'affaires et des résultats des franchisés pour les années 2011 à 2013 communiqués par la société intimée.

Il y a donc lieu de la même façon de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité fondé sur l'erreur.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Troc de l'Ile

La société Troc de l'Ile soutient, à titre reconventionnel, que les défaillances du franchisé justifient l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis. En premier lieu, elle sollicite la résiliation des contrats aux torts exclusifs de M. Devauchelle. En effet, elle soutient que ce dernier a subitement abandonné son projet sans que le contrat de franchise ne soit jamais résilié. Or, elle soutient que la violation de l'article 15 du contrat de franchise, qui prévoit l'ouverture du point de vente dans les 12 mois de la signature du contrat, constitue une faute irréparable. En second lieu, la société Troc de l'Ile indique avoir subi un préjudice financier dû à la résiliation anticipée du contrat. Elle soutient que ce préjudice se traduit par la perte de redevances qu'elle aurait pu percevoir si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme. La société Troc de l'Ile sollicite l'application de l'article 17 du contrat prévoyant un versement forfaitaire par le franchisé d'une somme équivalente à la moitié des redevances que la société Troc de l'Ile aurait normalement perçues jusqu'à la date de l'échéance normale du contrat, soit 97 350 euros, en se basant sur le chiffre prévisionnel du franchisé. De même, elle sollicite des indemnités aux titre des redevances de publicité et de location du logiciel informatique, soit respectivement 4 485 euros et 48 512,75 euros. Ainsi, la société Troc de l'Ile estime que le total de l'indemnité due équivaut à 151 394,75 euros mais ne sollicite que le paiement de la moitié en réparation de son préjudice.

La société et les époux Devauchelle exposent que la nullité du contrat interdit à la société Troc de l'Ile de solliciter sa résiliation aux torts exclusifs de M. Devauchelle. De plus, ils soutiennent que la société Troc de l'Ile n'a subi aucun préjudice et que la clause pénale contenue dans le contrat est inapplicable en l'espèce, n'ayant jamais réalisé le moindre chiffre d'affaires sous l'enseigne Troc.com.

Il y a lieu de constater la résiliation du contrat de franchise, aux torts de la société Devauchelle, pour défaut d'exécution.

L'article 7 stipule que : " dans le cas d'une résiliation anticipée à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, Troc de l'Ile aura droit, à titre de dommages-intérêts, à un versement forfaitaire par le franchisé, d'une somme équivalente à la moitié des redevances que Troc de l'Ile aurait normalement perçues jusqu'à la date de l'échéance normale du contrat ".

La société Troc de l'Ile demande une indemnisation pour la perte des redevances de franchise, de publicité et de location informatique jusqu'à l'expiration du contrat, soit sur neuf ans.

Mais compte tenu du caractère excessif de la clause pénale prévue à l'article 7 au regard du préjudice subi par le franchiseur et de la faculté qu'avait celui-ci de conclure un contrat de franchise avec un autre franchisé pour la zone concernée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 33 000 euros les dommages-intérêts à allouer au franchiseur.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les appelants, succombant au principal, supporteront les dépens de l'instance d'appel et seront condamnés in solidum à payer à la société Troc de l'Ile la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Mme Devauchelle, L'infirme sur point, et, statuant à nouveau, Déclare recevables ses demandes, Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes, Condamne M. et Mme Duvauchelle et la SCI Duvauchelle in solidum aux dépens de l'instance d'appel, Les Condamne in solidum à payer à la société Troc de l'Ile la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.