Cass. com., 13 décembre 2017, n° 16-12.477
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (SA), Yves Rocher France (SAS)
Défendeur :
Jonghes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu l'article 1108 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 7321-1 du Code du travail ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1999 et 2002, deux contrats de gérance libre ont été conclus entre la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (la société Yves Rocher) et la société D.B. Cosmétiques, représentée par sa gérante, Mme Jonghes, pour l'exploitation d'un institut de beauté sous l'enseigne Yves Rocher ; que Mme Jonghes s'est rendue caution solidaire des sommes dues en exécution de ces contrats ; que la relation contractuelle ayant pris fin le 1er avril 2005, Mme Jonghes a saisi le conseil de prud'hommes de plusieurs demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 781-1, 2°, devenu L. 7321-2, du Code du travail ; qu'un arrêt du 30 mars 2010, devenu irrévocable, a reconnu à Mme Jonghes la qualité de gérante de succursale et que la juridiction prud'homale lui a, en conséquence, accordé diverses indemnités ; que la société débitrice ayant été mise en liquidation judiciaire, la société Yves Rocher a déclaré sa créance, qui a été admise, puis a assigné Mme Jonghes en paiement devant un tribunal de commerce ; que le tribunal a condamné Mme Jonghes en qualité de caution ;
Attendu que pour infirmer le jugement, prononcer la nullité de l'acte de cautionnement du 13 mai 2002 et rejeter l'ensemble des demandes de la société Yves Rocher, l'arrêt retient que le lien unissant Mme Jonghes à la société Yves Rocher a été requalifié en contrat de gérance de succursale par décision rendue entre les mêmes parties, devenue définitive, que Mme Jonghes s'est portée caution des sommes dues en exécution des contrats passés entre la société D.B. Cosmétiques et la société Yves Rocher, que cette dernière a défini au quotidien les modalités d'exploitation du magasin, a imposé des modalités de contrôle de l'activité et s'est livrée à des évaluations régulières de l'exploitation, que la société D.B. Cosmétiques n'a disposé d'aucune autonomie, la société Yves Rocher déterminant seule la politique des prix, et que la situation de la société D.B. Cosmétiques avec la société Yves Rocher est celle d'une succursale avec sa maison mère ; qu'il en déduit qu'il ne peut y avoir de dettes ou de créances entre une société et une de ses succursales, cette dernière n'ayant pas de personnalité juridique autonome et que la caution de Mme Jonghes est donc dépourvue d'objet, de sorte qu'il y a lieu d'en prononcer la nullité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le statut de gérante de succursale reconnu à Mme Jonghes, bien que caractérisé par la dépendance économique de la société D.B. Cosmétiques à l'égard de la société Yves Rocher, laissait subsister la personnalité morale de la société dépendante, et l'existence, entre ces deux personnes morales distinctes, de relations commerciales pouvant faire naître, à la charge de la société D.B. Cosmétiques, des dettes garanties par le cautionnement de Mme Jonghes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de Mme Jonghes, l'arrêt rendu le 15 décembre 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers.