CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 décembre 2017, n° 15-20195
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Legris, Sirgel Restauration (SARL), Gangloff (ès qual.)
Défendeur :
France Quick (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Regnier, Meresse, Boccon Gibod, Derot, Ouabdesselam
Faits et procédure
La société France Quick exploite une chaîne de restauration rapide sous enseigne " Quick " sur le territoire français.
Le 1er septembre 2005, la société Sirgel et son gérant, M. Eric Legris, ont signé un contrat de franchise et un contrat de location-gérance portant sur l'exploitation d'un restaurant situé à Terville (57180) pour une durée initiale de 10 ans.
L'article 28 dudit contrat de franchise était notamment rédigé comme suit : " pendant toute la durée du présent contrat, le franchisé et l'intervenant s'interdisent de créer, participer, exploiter ou s'intéresser d'une quelconque manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes ou par personne interposée, seul ou conjointement avec une autre personne, entreprise ou société, en quelque qualité que ce soit et notamment en qualité d'actionnaire, administrateur, dirigeant de droit ou de fait, mandataire, gérant, salarié ou associé, à toute entreprise, société ou commerce ayant une activité identique, substituable ou similaire et qui serait dès lors concurrente de celle de l'une des unités du réseau Quick en franchise ou non relevant de la restauration rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu'elle soit, et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR (Syndicat national de l'Alimentation et de la Restauration Rapide), sauf accord préalable écrit du franchiseur qui répondra dans les 30 jours de la demande. ".
La clause prévoyait par ailleurs qu'en cas de non-respect, le franchisé devrait payer au franchiseur, à titre d'indemnité de clause pénale, une somme de 150 000 euros HT, sans préjudice de la possibilité pour le franchiseur de rompre le contrat aux torts exclusifs du franchisé.
Par avenant du 30 mars 2013, les parties ont prorogé le contrat de franchise et le contrat de location-gérance jusqu'au 31 août 2017 avec une possibilité pour le franchisé de poursuivre l'exécution du contrat jusqu'au 31 août 2019.
La société France Quick a découvert que la société Remigio exploitait un restaurant sous enseigne Pizza Hut à Metz et que la société ELE Financière, détenue à 100 % par M. Eric Legris, en détenait 10 parts, et que M. Eric Legris, à titre personnel, en détenait 3 autres parts, sur 20 parts au total.
Un litige est apparu à ce sujet entre les parties.
C'est dans ces conditions que par actes des 27 mars et 2 mai 2014, la société France Quick a assigné la société Sirgel et M. Eric Legris devant le Tribunal de commerce de Paris, afin qu'il constate la violation par ces derniers de leur obligation de non-concurrence et qu'en conséquence, il prononce la résiliation du contrat de franchise et du contrat de location-gérance, à leurs torts exclusifs et les condamne au paiement de l'indemnité contractuelle prévue.
Par jugement du 7 octobre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- joint les causes RG n° 2014021074 et 2014036096,
- dit nul et de nul effet le membre de phrase suivant figurant dans le premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise " et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR ",
- dit que le premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise doit s'entendre ainsi ; " pendant toute la durée du contrat, le franchisé et l'intervenant s'interdisent de créer, participer, exploiter ou s'intéresser d'une quelconque manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes ou par personne interposée, seul ou conjointement avec une autre personne, entreprise ou société en quelque qualité que ce soit et notamment en qualité d'actionnaire, administrateur, dirigeant de droit ou de fait, mandataire, gérant, salarié ou associé à toute entreprise, société ou commerce ayant une activité identique, substituable ou similaire, et qui serait dès lors concurrente à celle de l'une des unités du réseau Quick en franchise ou non relevant de la restauration de type rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu'elle soit, sauf accord préalable écrit du franchiseur qui répondra dans les 30 jours de la demande ",
- constaté que tant la société Sirgel Restauration en tant que société franchisée, que M. Eric Legris en tant qu'intervenant partie audit contrat ont violé délibérément la clause de non-concurrence figurant au premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise,
- condamné la société Sirgel Restauration à payer à la société France Quick la somme de 150 000 euros en application des dispositions de l'article 28 du contrat de franchise,
- prononcé la résiliation du contrat de franchise signé entre la société France Quick et la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris, aux torts exclusifs de ceux-ci, à compter de la date de signification du présent jugement,
- constaté la résiliation, à compter de la date de signification du présent jugement du contrat de location-gérance du fond de commerce de Terville, aux torts de la société Sirgel Restauration le preneur,
- enjoint à la société Sirgel Restauration de M. Eric Legris, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de huit jours suivant la signification du présent jugement, de :
* cesser l'exploitation du restaurant Quick de Terville,
* fournir à Quick la liste du personnel attaché au fonds de commerce,
* fournir à Quick la liste de tous les contrats commerciaux conclus aux fins de l'exploitation du fonds de commerce,
* restituer à Quick l'enseigne, le matériel publicitaire ainsi que tous documents, notamment le manuel général d'exploitation, remis aux défendeurs à titre de dépôt pour l'exploitation du restaurant,
* modifier l'adresse du siège social de Sirgel,
- dit que l'astreinte sera effective pour une durée de 60 jours, délai au-delà duquel il sera à nouveau statué, débouté pour le surplus des demandes d'astreinte,
- débouté la société Sirgel et M. Eric Legris de toutes leurs demandes,
- condamné in solidum la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris à payer 3 000 euros à la société France Quick au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent jugement et les en déboute,
- condamné la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris in solidum aux dépens du présent jugement, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.
La société Sirgel Restauration et M. Eric Legris ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 13 octobre 2015.
Par décision du 2 juin 2016 rendue par la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Thionville, la liquidation judiciaire de la société Sirgel Restauration a été prononcée et Me Christine Gangloff a été désignée en qualité de liquidateur.
La procédure devant la cour a été clôturée le 31 octobre 2017.
LA COUR
Vu les conclusions du 17 octobre 2017 par lesquelles Me Christine Gangloff, ès-qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris, appelants, invitent la cour, à :
- donner acte à Me Christine Gangloff de son intervention en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sirgel Restauration selon jugement du 2 juin 2016 du Tribunal de grande instance de Thionville,
à titre principal,
- infirmer le jugement rendu le 7 octobre 2015 par le Tribunal de commerce de Paris,
- dire que la société France Quick n'était pas fondée à se prévaloir de l'article 28 du contrat de franchise Quick à l'encontre de la société Sirgel et de M. Eric Legris,
- dire que la vente de hamburger par la société Sirgel dans le cadre de la franchise Quick n'est pas une activité concurrente au sens de l'article 28 du contrat de franchise de l'activité Pizza Hut exercée à 33 kms par la société Remigio,
- dire qu'un hamburger n'est pas un produit identique, similaire ou substituable à une pizza,
- dire que les activités, les produits et les savoir-faire de Pizza Hut et de Quick sont radicalement différents, en termes de formes, de goûts, de mode de fabrication, de consommation, de vente et de distribution,
- dire que les sociétés Sirgel et Remigio, qui exercent des activités différentes sur des zones de chalandise de 33 kms l'une de l'autre, ne sont pas concurrentes,
- dire en conséquence, que la société Sirgel et M. Eric Legris n'ont pas violé la clause de non-concurrence contractuelle à l'article 28 du contrat de franchise Quick,
- dire que l'article 28 du contrat de franchise, en ce qu'il vise les entreprises adhérentes au SNARR, est manifestement abusif,
- en conséquence, dire nul et de nul effet l'article 28 du contrat de franchise Quick dans son ensemble et subsidiairement dans sa partie faisant référence au SNARR ainsi qu'il a été jugé par le tribunal,
- dire que la société France Quick a poursuivi à ses risques et périls l'exécution provisoire du jugement dont appel et qu'elle est responsable des conséquences dommageables subies par la société Sirgel et M. Eric Legris,
- dire que la société France Quick est responsable du redressement puis de la liquidation judiciaire de la société Sirgel en poursuivant l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal, notamment en pratiquant des saisies et en exigeant de l'administrateur judiciaire la restitution du fond de commerce et l'arrêt du contrat de franchise,
- condamner en conséquence la société France Quick :
* à payer à Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel, la somme de 1 211 957 euros, correspondant au montant du passif devenu brutalement exigible en conséquence du redressement judiciaire puis de la liquidation judiciaire de la société Sirgel,
* à payer à Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel, la somme de 492 115 euros, au titre de la rupture fautive des contrats 3 ans et 5 mois avant leur échéance et subsidiairement la somme de 140 497 euros,
* à payer à Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel, la somme de 883 934 euros, sauf à parfaire, au titre de l'indemnité conventionnelle Quick, qui est due en fin de contrat,
* à payer à Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel, la somme de 344 517 euros au titre des immobilisations reprises par la société France Quick le 31 mars 2016,
* à restituer à Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel, la somme totale de 54 485,34 euros qu'elle a saisie les 9 et 10 décembre 2015,
* à garantir M. Legris de toutes les sommes qui lui sont réclamées par les créanciers de la société Sirgel, en sa qualité de caution, et notamment par la BNP à hauteur de 306 140,61 euros,
* à payer la somme de 50 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral de M. Legris,
- condamner la société France Quick au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel, d'une part et à M. Legris d'autre part ainsi qu'une somme de 20 000 euros à chacun d'eux, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société France Quick aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Regnier Bequet Moisan pour ceux, la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, à titre infiniment subsidiaire,
- si par impossible la cour devait confirmer le jugement, il lui est demandé, au regard de l'absence de préjudice de la société France Quick de faire application de l'article 1231-5 du Code civil et de réduire à 1 euro symbolique la clause pénale que le tribunal a chiffré à 150 000 euros ;
Ils font valoir que :
- la société Sirgel Restauration n'a pas violé l'obligation de non-concurrence stipulée à l'article 28 du contrat de franchise en ce que cette clause vise des activités identiques, substituables ou similaires et qui seraient dès lors concurrentes de celles de l'une des unités du réseau Quick,
- la vente de hamburgers à consommer sur place n'est pas une activité similaire, substituable ou identique à la vente de pizzas à livrer à domicile,
- la société Remigio, ayant une activité de vente de pizza à livrer à domicile sous enseigne Pizza Hut, n'exerce pas une activité concurrente du réseau Quick,
- la société France Quick ne saurait lui interdire l'affiliation à une entreprise simplement parce qu'elle est adhérente du SNARR, syndicat qui regroupe 155 entreprises d'activités diverses mais que la référence au SNARR dans l'article 28 du contrat de franchise doit s'entendre comme l'interdiction faite au franchisé d'adhérer à une entreprise adhérente du SNARR et ayant une activité concurrente de la société France Quick, soit une activité de vente de hamburgers,
- elle et son gérant n'ont pas concurrencé la société Quick France avec la société Remigio, la société Sirgel n'exploitant pas directement ou indirectement la franchise Pizza Hut, M. Eric Legris n'étant ni le gérant ni l'exploitant de la société Remigio,
- la société France Quick a commis des fautes en poursuivant l'exécution provisoire du jugement et en rompant, sans juste motif, le contrat de franchise et le contrat de location-gérance 3 ans et 5 mois avant leurs échéances,
- la société France Quick doit être condamnée au paiement d'une indemnité égale au passif de la liquidation judiciaire de la société Sirgel, qu'elle a provoquée, chiffré à la somme de 1 211 957 euros, en ce qu'elle n'était pas en difficulté financière avant la poursuite de l'exécution provisoire,
- les saisies, qui ont été pratiquées par la société France Quick au lendemain du jugement, sont à l'origine de sa cessation des paiements
- elle sollicite l'indemnisation de la perte des ressources générées par le contrat de franchise sur la durée restante du contrat de 3 ans et 5 mois de contrat, soit une somme de 492 115 euros, correspondant à l'excédent brut d'exploitation ou, à titre subsidiaire, la somme de 140 497 euros, correspondant aux bénéfices,
- la rupture fautive et anticipée du contrat lui a fait perdre son indemnité conventionnelle de fin de relations commerciales fixée, dans le réseau franchisé Quick, à 5 années de cash-flow, soit une somme de 883 934 euros,
- la société France Quick est contractuellement tenue de payer en fin de contrat une somme égale au montant des immobilisations financées par le franchisé que le franchiseur conserve lors de la reprise du fonds et sollicite à cet égard le paiement, par la société France Quick d'une somme de 344 517 euros correspondant à la valeur nette comptable des éléments repris et en parfait état de marche,
- cette demande est recevable et ne saurait s'assimiler à une demande nouvelle en cause d'appel puisqu'elle est la conséquence directe de la rupture du contrat dont la cour est saisie et qu'elle n'aurait pu être formulée avant la restitution du fonds de commerce le 31 mars 2016 ;
Vu les conclusions du 24 octobre 2017 par lesquelles la société France Quick, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1152 anciens du Code civil, de :
à titre principal,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé nul et de nul effet le membre de phrase faisant référence au SNARR dans la clause de non-concurrence figurant au premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise du 1er septembre 2005, à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé nul et de nul effet le membre de phrase faisant référence au SNARR tout en jugeant la clause de non-concurrence valable pour le surplus, en conséquence et en toute hypothèse,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris ont délibérément violé la clause de non-concurrence figurant au premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise qui les liait à la société France Quick,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris et constaté la résiliation du contrat de location-gérance aux torts de la société Sirgel Restauration,
- dire que la société Sirgel Restauration est redevable à son égard d'une indemnité contractuelle d'un montant de 150 000 euros,
- fixer le montant du solde de cette créance à admettre au passif de la société Sirgel Restauration à la somme de 95 514,66 euros,
- débouter Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sirgel Restauration, et M. Eric Legris de toutes leurs demandes de dommages et intérêts, de restitution et de garantie,
- dire que la demande Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sirgel Restauration, tendant au paiement de la valeur nette comptable des équipements repris par elle est irrecevable,
à défaut,
- dire que la créance de Me Christine Gangloff au titre de la valeur nette comptable des équipements repris par la société France Quick s'élève à 146 049 euros,
- débouter Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sirgel Restauration, de sa demande tendant au paiement de la valeur nette comptable des équipements repris par la société France Quick,
- ordonner la compensation de la créance correspondant à la valeur nette comptable des équipements repris par la société France Quick avec la créance de la société France Quick correspondant aux factures impayées et à la condamnation indemnitaire, à concurrence du montant à admettre par le juge-commissaire,
à titre infiniment subsidiaire,
- dire que les demandes de dommages-intérêts et de garantie de Me Chrstine Gangloff, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sirgel Restauration, et M. Eric Legris sont mal fondés, aussi bien dans leur principe que dans leur quantum,
- débouter Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sirgel Restauration, et M. Eric Legris de toutes leurs demandes de dommages et intérêts et de garantie, en tout état de cause,
- condamner solidairement Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sirgel Restauration, et M. Eric Legris à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles ;
Elle explique que :
- la société Sirgel et son gérant M. Legris ont violé l'article 28 du contrat de franchise en ce qu'ils détiennent, directement pour l'un et indirectement pour l'autre des parts dans la société Remigio, exploitant un restaurant sous enseigne Pizza Hut, alors que, d'une part, la clause de non-concurrence liant entre les parties interdit toute participation, exploitation ou intéressement du franchisé dans une entreprise ayant une activité identique, substituable ou similaire et dès lors concurrente, ce qui est, selon elle, le cas du réseau de vente de pizza à emporter " Pizza Hut ", et que, d'autre part, la clause de non-concurrence interdit, notamment, toute participation, exploitation ou intéressement du franchisé dans une entreprise qui serait adhérente au SNARR, ce qui est le cas du réseau " Pizza Hut ",
- l'intention des parties était de faire entrer dans le champ de la clause de non-concurrence des entreprises de restauration rapide ne commercialisant pas que de hamburgers, comme les restaurants sous enseigne Pizza Hut,
- les activités des restaurants Pizza Hut et Quick sont bien des activités présentant un degré de similarité et de substituabilité suffisant pour qu'elles soient considérées concurrentes et relèvent du marché qu'elle qualifie de " marché de la restauration rapide, sur place ou à emporter ",
- il n'y a pas de lien de causalité entre la rupture des contrats qu'elle a poursuivie et le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire la société Sirgel, dès lors qu'elle a repris le fond le 1er avril 2016, 4 mois après la date de cessation des paiements fixée au 1er décembre 2015 et que c'est la situation financière de Sirgel qui est la cause de son redressement judiciaire et non la poursuite de l'exécution provisoire,
- la procédure de vérification du passif de la société Sirgel n'étant pas terminée, le passif n'a rien de définitif et ne peut servir de base à une condamnation indemnitaire,
- la probabilité que la société Sirgel poursuive l'exécution du contrat jusqu'en 2019 était faible au regard de sa situation financière et les impayés de Sirgel étaient de nature à lui permettre de résilier les contrats,
- elle conteste le caractère définitif du bilan produit par la société Sirgel pour calculer son manque à gagner,
- l'indemnité de fin de contrat ne peut s'inscrire que dans le cadre d'un accord mais ne constitue pas une obligation susceptible d'être sanctionnée judiciairement,
- elle conteste le mode de calcul de l'indemnité de fin de contrat,
- cette demande est nouvelle, pour être formulée pour la première fois en cause d'appel,
- en outre la valeur des immobilisations à reprendre à 238 738 euros et non à 344 517 euros,
- cette somme devra se compenser avec le solde dû par la société Sirgel à la société France Quick au titre de la clause pénale et de factures impayées par la société France Quick ;
Sur ce
LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur l'article 28 du contrat de franchise
Sur la portée de la clause
Les appelants soutiennent que la clause de l'article 28 du contrat de franchise limite l'interdiction, d'une part, à la vente d'autres hamburgers mais pas aux pizzas, en ce qu'une pizza n'est pas un produit substituable à un hamburger, et, d'autre part, aux activités concurrentes du réseau Quick, que n'est pas l'activité de livraison de pizzas commandées par téléphone. Elles indiquent que la composition du produit et la formation des employés ne sont pas les mêmes pour commercialiser des pizzas et des hamburgers. Elles relèvent aussi que l'interdiction visant les adhérents du SNARR (syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide) est abusive et anticoncurrentielle, au motif que la société France Quick ne peut cloisonner le marché à son profit.
La société France Quick explique que l'interdiction visant les adhérents du SNARR est valable, en ce qu'elle n'est pas le critère de la violation de l'obligation de non-concurrence, qu'elle est uniquement une illustration quant à la portée de la clause. Elle explique que par cette clause elle entend protéger son savoir-faire compte-tenu de la proximité des formules des activités de restauration rapide. Elle allègue qu'en tout état de cause, quand bien même l'interdiction visant les adhérents du SNARR était déclarée nulle, la portée dudit article n'est pas modifiée. Elle rappelle que la clause ne limite pas la clause de non-concurrence pendant la seule durée du contrat aux seules activités de vente de hamburgers. Elle relève que la mention au SNARR qui vise l'activité globale de la restauration rapide démontre la commune intention des parties sur la portée de la clause. Elle précise également que les enseignes Quick et Pizza Hut relèvent toutes deux du marché de la restauration rapide, sur place ou à emporter, les caractéristiques de base étant les mêmes, et que, bien qu'il comprenne des sous-segments, ce marché est traité comme un marché concurrentiel unique, par opposition au marché de la restauration traditionnelle à table.
La clause litigieuse de l'article 28 du contrat de franchise interdit notamment au franchisé , " pour assurer la pérennité du savoir-faire et la protection du réseau " d'avoir une activité identique, substituable ou similaires et qui serait dès lors concurrente à celle de l'une des unités du réseau Quick en franchise ou non relevant de la restauration rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu'elle soit, et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR.
Il est constant en l'espèce que tant Quick que Pizza Hut ont une activité de restauration rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile.
Il convient en revanche de déterminer si la vente de pizzas et de hamburgers sont des activités substituables ou similaires, dans le cadre de l'activité de la restauration rapide, l'absence de caractère identique entre les deux produits n'étant pas contestée par les parties.
Il est de principe qu'une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observe rarement ; ainsi sont considérés comme substituables et comme se trouvant sur un même marché, les produits ou services, dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande. Il convient à cet égard de procéder à l'examen des caractéristiques objectives du produit en cause mais aussi aux conditions de concurrence et de structure de la demande et de l'offre.
Le comportement du demandeur est apprécié de manière qualitative, en se fondant sur différents indices, tels que la nature du bien, l'utilisation qui en est faite, les caractéristiques de l'offre, à savoir les stratégies de commercialisation mises en place par les offreurs, comme la différenciation des produits ou celle des modes de distribution, les différences de prix ou les préférences des demandeurs.
Il ressort d'une étude réalisée par le bureau de la veille économique et des prix de la DGCCRF au mois de juillet 2014 (pièce Quick 47), dont la teneur n'est pas contestée par les appelantes, que le secteur de la restauration hors domicile est présenté comme constitué des branches suivantes : les restaurants traditionnels, la restauration rapide, les cafétérias, les cafés, les cantines et les services traiteurs. Le secteur de la restauration rapide est défini comme étant " une activité consistant à commercialiser des produits alimentaires à consommer sur place, à emporter, livrées à domicile ou en drive-in ", caractérisée par l'absence de service à table, l'utilisation de vaisselle et de conditionnements jetables, la fixation de prix contenus, la délivrance de repas consommables à tout moment de la journée, avec comme clients potentiels principalement les jeunes, les familles, les actifs, les touristes, et avec des modes de consommation précis, le nomadisme alimentaire, les pauses plus courtes notamment. L'étude indique que " les grands groupes qui dominent le marché de la restauration rapide en France sont notamment : McDonald's, Quick, Le Duff, Subway, Domino's Pizza, Yum ! Brands (KFC, Pizza Hut), Speed Rapid Pizza ".
Si l'étude distingue plusieurs familles au sein du secteur de la restauration rapide, suivant la nature des produits vendus, à savoir les hamburgers, les sandwicheries, les viennoiseries, les pizzas et les sushis par exemple, il n'en demeure pas moins que cette seule différence relative à la nature du produit vendu, ne peut occulter tous les autres points communs fondamentaux entre tous les acteurs du marché de la restauration rapide, à savoir le mode de distribution propre à la restauration rapide, les prix bas pratiqués, la clientèle cible privilégiant les consommations nomades, les modes de consommation avec des conditionnements et vaisselle jetable, de fonctionnement, en franchise et en limitant les produits commercialisés.
Par ailleurs, la société France Quick relève, à juste titre, que les caractéristiques élémentaires entre les deux modes de fonctionnement entre elle et Pizza Hut sont nombreuses, à savoir :
- un service presque instantané,
- un produit à faible coût,
- des choix de menus limités et standardisés,
- des articles avec des spécificités et une qualité constante, élaborés avec des produits alimentaires semi-élaborés ou finis,
- des ventes aux comptoirs avec des produits (nourriture et boissons) pouvant être consommés sur place ou à emporter,
- des horaires d'ouverture larges,
- des méthodes ou systèmes pouvant être mis en œuvre par une main d'œuvre semi-qualifiée.
Il convient d'ailleurs de relever que ces caractéristiques communes ne sont pas contestées par les appelantes.
En outre, les différences invoquées par les appelants, concernant la composition du produit, le mode de fabrication (grill ou four) et le mode de consommation (à la main pour le hamburger et à emporter pour la pizza) ne suffisent pas à distinguer les deux activités, la clientèle, les motivations de celle-ci, les prix, et le mode de distribution.
Ainsi, le consommateur fera le choix du secteur de la restauration rapide et de ses particularités, à savoir les prix et les modes de distribution, pouvant donc choisir un hamburger indifféremment d'une pizza.
Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer qu'un hamburger et une pizza, lorsqu'ils sont vendus par des restaurants de restauration rapide, constituent des produits similaires ou substituables.
Ensuite, concernant le point de déterminer si l'activité développée dans un restaurant à l'enseigne Pizza Hut concurrence un restaurant à l'enseigne Quick. Il a été relevé ci-dessus que le secteur d'activité doit être considéré comme étant identique, s'agissant du secteur de la restauration rapide, ce que relève d'ailleurs la clause, qui pose comme critère essentiel à la définition de l'activité concurrente celui du domaine de la restauration rapide. Celle-ci ne porte pas tant sur le produit qui est vendu que sur la manière de le consommer et de le commercialiser, à savoir la restauration rapide suivant les critères définis ci-dessus, qui priment d'ailleurs dans le secteur de la restauration rapide.
En conséquence, il y a lieu de considérer que les deux activités sont concurrentes.
S'agissant plus précisément de la mention contestée dans la clause " et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR (Syndicat national de l'Alimentation et de la Restauration Rapide ) ", il convient de relever que cette mention vise seulement à illustrer le principe d'interdiction générale d'exercer une activité concurrente à celle de l'une des unités du réseau Quick relevant de la restauration rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu'elle soit. Ainsi, comme il a été relevé ci-dessus, les deux activités dont il est question étant concurrentes, et dont il n'est pas contesté qu'elles relèvent du domaine de la restauration rapide, il n'y a pas lieu de considérer cette précision dans la clause comme étant illégale car anticoncurrentielle, alors qu'elle ne vise qu'à illustrer l'exercice d'une activité de restauration rapide par l'appartenance au syndicat national de ce secteur.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer de nul effet la mention contestée dans la clause " et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR (Syndicat national de l'Alimentation et de la Restauration Rapide) ", la demande de ce chef des appelantes doit ainsi être rejetée.
En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a :
- dit nul et de nul effet le membre de phrase suivant figurant dans le premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise " et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR ",
- dit que le premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise doit s'entendre ainsi ; " pendant toute la durée du contrat, le franchisé et l'intervenant s'interdisent de créer, participer, exploiter ou s'intéresser d'une quelconque manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes ou par personne interposée, seul ou conjointement avec une autre personne, entreprise ou société en quelque qualité que ce soit et notamment en qualité d'actionnaire, administrateur, dirigeant de droit ou de fait, mandataire, gérant, salarié ou associé à toute entreprise, société ou commerce ayant une activité identique, substituable ou similaire, et qui serait dès lors concurrente à celle de l'une des unités du réseau Quick en franchise ou non relevant de la restauration de type rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu'elle soit, sauf accord préalable écrit du franchiseur qui répondra dans les 30 jours de la demande ".
Sur la violation de la clause par la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris
Il ressort des éléments du dossier que M. Eric Legris était gérant de la société Sirgel qui exploitait le restaurant sous franchise Quick en vertu du contrat de franchise par M. Eric Legris, en son nom propre et en qualité de gérant de la société France Quick, avec la société France Quick, prenant effet au 1er septembre 2005.
M. Eric Legris est actionnaire de la société Reimigio à hauteur de 3 parts à titre personnel et de 10 parts indirectement, étant l'actionnaire unique de la société ELE Financière, détentrice de ces 10 parts.
Il est constant que la société Reimigio exerce l'activité Pizza Hut et que le gérant de cette société est M. Mirot.
Par lettre du 6 décembre 2011, M. Eric Legris demande l'autorisation à la société France Quick de prendre des parts dans une société qu'il présente comme étant de restauration rapide et qui a pour vocation de gérer des restaurants sous l'enseigne Pizza Hut. Par courrier du 13 décembre 2011, la société France Quick refuse à M. Eric Legris de lui donner l'autorisation sollicitée, en invoquant les dispositions de la clause de non-concurrence. La circonstance que la société Quick n'ait pas réagi pendant 2 ans ne peut constituer un argument, en ce que la société France Quick n'a pas à s'assurer que M. Eric Legris ne prendrait pas les participations évoquées malgré le refus opposé.
L'article 28 du contrat précise que la clause de non-concurrence s'applique à toute création, participation, exploitation ou l'intérêt " d'une quelconque manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes ou par personne interposée, seul ou conjointement avec une autre personne, entreprise ou société, en quelque qualité que ce soit et notamment en qualité d'actionnaire, administrateur, dirigeant de droit ou de fait, mandataire, gérant, salarié ou associé, à toute entreprise, société ou commerce ".
En l'espèce, la prise de parts par M. Eric Legris de la société Reimigio, soit directement soit par l'intermédiaire de la société ELE Financière, constitue une prise de participation prohibée, s'agissant d'une société dont il a été relevé ci-dessus que son activité est visée par l'article 28 dont il est question. La société Sirgel a elle aussi violé cette clause, M. Eric Legris étant son gérant.
Enfin, la circonstance que les magasins soient éloignés de 33 kilomètres est sans conséquence, en ce que l'objet de cette clause est de protéger le savoir-faire et le réseau Quick, ce qui n'est pas contesté.
En conséquence, M. Eric Legris et la société Sirgel ont violé la clause de non-concurrence visée à l'article 28 du contrat de franchise.
Sur la résiliation du contrat de franchise et du contrat de location-gérance
La société France Quick demande la résiliation des contrats de franchise et de location-gérance aux torts exclusifs de M. Eric Legris et de la société Sirgel, du fait de la violation de l'article 28 du contrat de franchise.
Les appelantes soutiennent que la rupture anticipée des contrats de franchise et de location-gérance est aux seuls torts de la société France Quick, les motifs invoqués n'étant pas fondés. Elles expliquent que le motif de la résiliation invoqué par le franchiseur a évolué, ce qui disqualifie cette rupture.
L'article 30 du contrat de franchise prévoit notamment que le franchiseur a le droit de rompre le contrat aux torts exclusifs du franchisé et de l'intervenant en cas de violation des dispositions de l'article 28 du même contrat.
M. Eric Legris et la société Sirgel ont violé la clause de non-concurrence visée à l'article 28 du contrat de franchise. Cette violation constitue un motif de résiliation du contrat aux torts exclusifs de ceux-ci. C'est en vain que les appelantes reprochent à la société France Quick d'avoir invoqué l'appartenance de Pizza Hut au SNARR dans l'assignation, alors que devant la cour elle soutient que cette appartenance est une illustration de l'interdiction générale, le motif de la demande de résiliation n'étant pas modifié, le même grief étant en réalité formulé par la société France Quick.
En conséquence, il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de M. Eric Legris et de la société Sirgel.
L'article 13 du contrat de location-gérance dispose que les contrats de franchise et de location-gérance sont indivisibles et que le second est résilié de plein droit et sans formalité en cas de résiliation judiciaire ou de plein droit du contrat de franchise.
Dès lors, la résiliation du contrat de location-gérance doit être prononcée.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur l'indemnité contractuelle sollicitée par la société France Quick
La société France Quick demande l'application du contrat qui prévoit l'allocation d'une indemnité de clause pénale d'un montant de 150 000 euros.
M. Eric Legris et la société Sirgel sollicitent la réduction de la clause pénale à l'euro symbolique, en application de l'article 1231-5 al. 2 du Code civil.
L'article 28 dudit contrat dispose que " en cas de non-respect des dispositions ci-dessus, le franchisé devrait payer au franchiseur à titre d'indemnité de clause pénale, une somme de 150 000 euros HT, sans préjudice des tous autres droits et recours du franchiseur, notamment le droit pour le franchiseur, en cas de violation des présentes dispositions au cours de l'exécution du présent contrat, de rompre celui-ci aux torts exclusifs du franchisé et de l'intervenant en application de la clause de résiliation du présent contrat ".
Aux termes de l'article 1231-5 du Code civil, dont l'application aux faits de l'espèce n'est pas contestée par la société France Quick, " lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. ".
En l'espèce, la société France Quick ne justifie pas avoir subi d'autre préjudice que la déconvenue et les conséquences liées à la résiliation des contrats dont il est question.
Il apparaît que la clause pénale est manifestement excessive et il y a lieu de la fixer à la somme de 10 000 euros.
Le jugement doit être infirmé sur ce point.
La créance de la société France Quick à l'égard de la société Sirgel doit être fixée au passif de cette dernière à hauteur de la somme de 10 000 euros.
Sur la responsabilité de la société France Quick dans le redressement et la liquidation judiciaire de la société Sirgel
La société Sirgel et M. Eric Legris soutiennent que la société France Quick est responsable de la rupture des contrats qui a entraîné sa liquidation judiciaire. Elle sollicite à ce titre la réparation de ses préjudices.
En raison des motifs exposés ci-dessus, il y a lieu de rejeter les demandes formulées par la société Sirgel et M. Eric Legris de ce chef.
Sur le paiement des matériels et équipements à valeur nette comptable
Sur la recevabilité de la demande
La société France Quick soulève, sur le fondement des articles 64 et 70 du Code de procédure civile, l'irrecevabilité de la demande, au motif qu'elle n'a pas été présentée en première instance.
La société Sirgel et M. Eric Legris expliquent que, cette demande étant la conséquence de la résiliation et de la restitution intervenue le 31 mars 2016, elle ne pouvait être formulée devant les premiers juges.
L'article 564 du Code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 70 al. 1 du même code, " les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ".
En l'espèce, la résiliation du contrat, fixant la date de celle-ci au jour du prononcé de la décision, a été prononcée par le tribunal de commerce par jugement du 7 octobre 2015 et la restitution est intervenue le 31 mars 2016.
Dès lors, cette demande correspond à la survenance d'un fait postérieur à la décision de première instance et ne pouvait donc être formulée devant les premiers juges. Cette demande présente donc un lien suffisant avec la présente instance, s'agissant d'une des conséquences financières de la résiliation du contrat.
Sur la demande
La société France Quick soutient que la valeur nette comptable des équipements repris par Quick est de 146 049 euros, seuls les équipements commerciaux pouvant faire l'objet de cette valorisation, alors que même les équipements non repris par elle sont comptabilisés, l'amortissement de certains matériels n'ayant pas été pris en compte, et le coût de la remise en état du restaurant devant être déduit.
La société Sirgel et M. Eric Legris expliquent que la société France Quick lui doit la somme de 344 517 euros en vertu de l'article 6.7 du contrat de location-gérance.
L'article 6.7 du contrat prévoit que :
" le locataire-gérant devra maintenir le matériel et le mobilier commercial en bon état de réparations locatives et d'entretien. Il devra, en fin de location-gérance, restituer en bon état d'entretien les objets désignés à l'inventaire ou des objets semblables en même nombre et de valeur égale à la prise de l'inventaire.
Dans le cas où le locataire-gérant aura pris en charge des équipements commerciaux, le loueur de fonds pourra reprendre lesdits équipements à leur valeur nette comptable. Seuls les équipements en parfait état pourront être repris "
La société Sirgel ne détaillant pas le montant global sollicité, la cour n'est pas en mesure de déterminer quelles immobilisations ont été finalement retenues par l'appelante. La somme de 238 738 euros doit dès lors être retenue par la cour, la société France Quick précisant, poste par poste, le montant qu'elle retient. En revanche, elle soutient que la somme de 92 689 euros doit être déduite pour le coût de la remise en état du restaurant. Il convient toutefois de relever que la visite technique du 18 mars 2016, non-contradictoire, n'est pas mentionnée dans le procès-verbal de reprise contrairement à ses affirmations, qui fait uniquement référence à un inventaire du 25 mars renvoyant à l'annexe 8, et que ladite annexe 8 n'est pas communiquée. La société France Quick n'établit pas que cette somme de 92 689 euros doit être déduite.
En conséquence, il y a lieu de condamner la société France Quick à payer à Me Christine Gangloff, ès qualité de liquidateur de la société Sirgel Restauration, la somme de 238 738 euros au titre des équipements repris par la société France Quick.
Sur la demande de compensation
La société France Quick sollicite la compensation des condamnations prononcées à son encontre avec :
95 514,66 en principal et 1 716,50 en intérêts, au titre de la condamnation indemnitaire prononcée par le Tribunal de commerce de Paris par jugement du 7 octobre 2015,
60 000 , au titre de l'astreinte prononcée par le Tribunal de commerce de Paris par jugement du 7 octobre 2015,
151 077,95 en principal, correspondant à des factures émises en application des contrats de franchise et de location-gérance et 3 166,51 , au titre des pénalités de retard ayant couru sur les factures impayées.
La société Sirgel et M. Eric Legris contestent ces demandes, aux motifs que ces sommes n'ont pas encore été admises au passif de la société Sirgel, que ces sommes sont contestées et que les créances ne sont pas certaines.
La liquidation de l'astreinte et les factures émises par la société France Quick ne font pas l'objet de ce litige. Par ailleurs, la liquidation de l'astreinte ne peut faire l'objet d'une compensation dans le cadre de la présente instance. La somme demandée au titre des factures n'étant pas admise au passif, elle ne revêt pas le caractère de certitude exigé pour qu'une compensation soit prononcée.
S'agissant de la somme réclamée au titre de la compensation prononcée suite à la condamnation de première instance, la compensation étant de droit, il y a lieu d'ordonner la compensation entre la somme fixée au titre de la clause pénale et celle allouée au titre des équipements repris par la société France Quick à due concurrence.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive demandés par la société Sirgel Restauration et M. Eric Legris
En application des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.
La société Sirgel et M. Eric Legris ne rapportent pas la preuve de ce que l'action de la société France Quick aurait dégénéré en abus. Ils doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration, et M. Eric Legris, partie perdante, doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société France Quick la somme supplémentaire de 10 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration, et M. Eric Legris.
Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement, sauf en ce qu'il a : - dit nul et de nul effet le membre de phrase suivant figurant dans le premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise " et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR ", - dit que le premier alinéa de l'article 28 du contrat de franchise doit s'entendre ainsi ; " pendant toute la durée du contrat, le franchisé et l'intervenant s'interdisent de créer, participer, exploiter ou s'intéresser d'une quelconque manière, directement ou indirectement, par eux-mêmes ou par personne interposée, seul ou conjointement avec une autre personne, entreprise ou société en quelque qualité que ce soit et notamment en qualité d'actionnaire, administrateur, dirigeant de droit ou de fait, mandataire, gérant, salarié ou associé à toute entreprise, société ou commerce ayant une activité identique, substituable ou similaire, et qui serait dès lors concurrente à celle de l'une des unités du réseau Quick en franchise ou non relevant de la restauration de type rapide avec vente au comptoir et/ou à emporter et/ou livraison à domicile quelle qu'elle soit, sauf accord préalable écrit du franchiseur qui répondra dans les 30 jours de la demande ", - condamné la société Sirgel Restauration à payer à la société France Quick la somme de 150 000 euros en application des dispositions de l'article 28 du contrat de franchise, L'infirmant sur ces points, Statuant à nouveau, rejette la demande de Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration, et de M. Eric Legris visant à déclarer nulle et de nul effet la mention dans la clause de l'article 28 du contrat de franchise " et notamment à une entreprise, société ou commerce qui serait adhérent du SNARR (Syndicat national de l'Alimentation et de la Restauration Rapide) ", fixe la créance de la société France Quick à l'égard de la société Sirgel au passif de cette dernière à hauteur de la somme de 10 000 euros, rejette les demandes de Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration et de M. Eric Legris, Y ajoutant, déclare recevable la demande formée par Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration, en paiement des matériels et équipements à valeur nette comptable, condamne la société France Quick à payer à Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration, la somme de 238 738 euros au titre des équipements repris par la société France Quick, ordonne la compensation à due concurrence de la somme de 238 738 euros avec celle de 10 000 euros, fixée au passif ci-dessus, condamne Me Christine Gangloff, ès qualités de liquidateur de la société Sirgel Restauration, et M. Eric Legris in solidum aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société France Quick la somme supplémentaire de 10 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, rejette toute autre demande.