Cass. com., 20 décembre 2017, n° 16-18.280
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Doquet (SAS)
Défendeur :
Lagarde (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano
LA COUR : - Joint les pourvois n° 16-18.280 et 16-20.596 qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 2 avril 2003, M. et Mme Lagarde, qui exploitent un bar-tabac, ont conclu avec la société Doquet deux contrats d'achat exclusif, l'un de boissons et l'autre de bière, pour une durée de sept ans, en contrepartie de subventions consenties par le fournisseur ; qu'ultérieurement, plusieurs contrats de mise à disposition de matériels ont été signés ; que, par un avenant du 6 août 2003, un nouveau matériel a été mis à disposition et les contrats de base ont été prorogés de trois ans ; que M. et Mme Lagarde ayant, à compter du mois de janvier 2009, cessé tout approvisionnement auprès de la société Doquet, celle-ci les a assignés en paiement d'indemnités pour rupture des contrats et défaut de restitution des matériels ; que M. et Mme Lagarde ont reconventionnellement demandé l'annulation des contrats d'achat exclusif pour vice du consentement et ont en outre invoqué le caractère disproportionné des engagements respectifs ;
Sur le second moyen du pourvoi n° A 16-18.280 : - Attendu que la société Doquet fait grief à l'arrêt de limiter à la somme d'un euro le montant de l'indemnité de retard mise à la charge de M. et Mme Lagarde au titre de chacun des contrats de mise à disposition de matériels alors, selon le moyen, que le caractère manifestement excessif d'une clause pénale s'apprécie au regard de la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice subi par le créancier et le montant de la peine conventionnellement fixé ; qu'en réduisant à un euro le montant de la clause stipulée dans les contrats de mise à disposition de matériels pour le cas où ces derniers seraient restitués avec retard par M. et Mme Lagarde, au prétexte inopérant que cette clause apparaissait manifestement excessive " compte tenu du prix du matériel et des circonstances de la cause ", sans constater la disproportion manifeste entre le préjudice subi par le créancier et le montant de la peine conventionnellement fixée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1152 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui a pris en compte le prix du matériel et les circonstances de la cause, a retenu le caractère manifestement excessif des clauses pénales stipulées dans les contrats de mise à disposition de matériels ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° T 16-20.596, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1304 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 2224 du même Code ; - Attendu que pour déclarer M. et Mme Lagarde irrecevables en leurs demandes de nullité des contrats d'achat exclusif, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans et que la nullité des contrats, relative ou absolue, se prescrit par cinq ans à compter de la signature du contrat ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. et Mme Lagarde connaissaient ou auraient dû connaître, à cette date, les faits sur lesquels ils fondaient leur action en nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et vu l'article 624 du Code de procédure civile ; - Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation du chef du dispositif de l'arrêt qui condamne M. et Mme Lagarde à payer à la société Doquet une certaine somme à titre d'indemnité de rupture ;
Par ces motifs : casse et annule, sauf en ce que, confirmant le jugement rendu le 6 mai 2014 par le Tribunal de commerce de Reims, il rejette la demande d'expertise judiciaire de M. et Mme Lagarde et en ce que, l'infirmant, il les condamne à régler à la société Doquet la somme de 1 euro à titre d'indemnité de retard au titre de chacun des contrats de mise à disposition de matériels signés avec elle, l'arrêt rendu le 17 mai 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.