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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 décembre 2017, n° 15-16663

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pont l'Abbé Distribution (SAS)

Défendeur :

BSN-Radiante (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Liger, Hallouet, Fisselier, Perrier

T. com. Rennes, du 16 juill. 2015

16 juillet 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Radiante a été créée en 1830 et est, depuis 2006, une filiale du groupe BSN Médical. L'activité de fabrication et de distribution de produits dans le domaine de la phlébologie, la compression médicale et la lymphologie a été conduite par la société Radiante jusqu'au 31 décembre 2012. Depuis le 1er janvier 2013, l'activité de distribution a été exploitée en location-gérance par la société BSN-Radiante, venant aux droits de la société Radiante. La société BSN-Radiante, ci-après la société Radiante commercialise depuis cette date les produits de compression remboursables portant les marques Radiante et Jobst à des pharmacies, des grossistes répartiteurs (approvisionnement des pharmacies) et des magasins d'orthopédie.

La société Radiante a mis en place un réseau de distribution sélective basée à la fois sur des critères qualitatifs et quantitatifs en ce qui concerne les magasins d'orthopédie et ce, afin d'y préserver le caractère médical, la haute technicité et l'image des produits de compression, y garantir aux patients une délivrance avisée, et tenir compte, notamment, des capacités de production de la société Radiante et de la population de la région, du nombre de praticiens ainsi que de pharmacies commercialisant les produits.

La société Pont l'Abbé Distribution exploite un hypermarché sous enseigne E. disposant d'un espace santé dénommé Le Matériel Médical.

Le 21 février 2011, la société Pont l'Abbé Distribution a adressé à la société Radiante une lettre accompagnée d'un bon de commande.

La société Radiante a refusé de donner suite à la demande de la société Pont l'Abbé Distribution dans son courrier du 1er mars 2011.

Le 9 mars 2011, la société Pont l'Abbé Distribution a réitéré sa demande auprès de la société Radiante.

Le 9 avril 2011, la société Pont l'Abbé Distribution a passé une nouvelle commande de produits en indiquant que son point de vente était conforme aux normes de sécurité sociale et disposait des qualifications et du personnel compétent.

Par courrier du 18 avril 2011, la société Radiante a informé la société Pont l'Abbé Distribution qu'elle ne pouvait pas l'intégrer dans son réseau, dans la mesure où un magasin d'orthopédie était déjà agréé dans la zone couvrant la ville de Pont l'Abbé.

Le 30 juin 2011, à la demande de la société Pont l'Abbé Distribution la société Radiante lui a transmis ses conditions générales de vente, dans lesquelles figuraient les critères d'agrément des candidats.

Par acte du 23 octobre 2013, la société Pont l'Abbé Distribution a assigné la société Radiante devant le Tribunal de commerce de Quimper, aux fins de la voir condamnée au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de vente fautif.

Par jugement du 28 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Quimper s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de la société Pont l'Abbé Distribution et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Rennes.

Par jugement du 16 juillet 2015, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- dit que les critères de distribution de la société Radiante sont licites, que c'est à juste titre qu'elle n'a pas intégré la société Pont l'Abbé Distribution dans son réseau de vente, que le comportement de la société Radiante n'est pas constitutif d'un refus de vente fautif,

En conséquence,

- débouté la société Pont l'Abbé Distribution de toutes ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

- condamné la société Pont l'Abbé Distribution à payer à la société Radiante la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté la société Radiante du surplus de sa demande,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Pont l'Abbé Distribution aux entiers dépens de l'instance,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 92,26 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.

La société Pont l'Abbé Distribution a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 30 juillet 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 31 octobre 2017.

LA COUR

Vu les conclusions du 28 octobre 2015 par lesquelles la société Pont l'Abbé Distribution appelante, invite la cour, au visa des articles 1382 du Code civil, 700 du Code de procédure civile, à :

- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- constater que la société Radiante a volontairement refusé d'examiner sa candidature sous l'angle des critères qualitatifs de sélection auxquels elle satisfaisait,

- constater que le critère de sélection quantitatif géographique défini par la société Radiante est dénué de pertinence et qu'il créée un effet anticoncurrentiel sur le marché en écartant d'office une forme déterminée de commercialisation des produits de ladite marque,

- constater, en tout état que cause, l'application discriminatoire faite par la société Radiante dudit critère quantitatif géographique de sélection au préjudice de la société Pont l'Abbé Distribution

- dire et juger que le comportement de la société Radiante à son égard est constitutif d'un refus de vente fautif,

- condamner en conséquence la société Radiante à lui payer sur le fondement de l'article 1382 du Code civil une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner, sur le même fondement, la société Radiante à lui payer une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image que cette situation lui a créé vis à vis de sa clientèle,

- condamner la société Radiante à lui payer une somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Radiante aux entiers dépens de première instance et d'appel dont, pour ces derniers, distraction au profit de Me en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Elle fait valoir que :

- le débat ne porte pas sur les caractéristiques qualitatives de ses points de vente, qui ne sont pas remises en cause par l'intimée,

- elle soutient que la société Radiante n'a pas mis en œuvre un numerus clausus conforme et non discriminatoire, défini dans ses conditions générales de vente,

- le principe adopté par la société Radiante est de n'agréer de nouveaux revendeurs que si elle ne dispose pas déjà d'un nombre suffisant de revendeurs agréés,

- or, la notion de " nombre suffisant " est imprécise et il convient d'examiner successivement ces critères,

- le revendeur déjà agréé a son siège social en centre-ville ; ce site présente une forte attractivité, dont la zone de chalandise primaire est celle pour laquelle le temps de trajet peut être estimé à 10 minutes maximum, ce qui correspond à la ville de Quimper,

- dans son étude de marché, la société Radiante dit ne retenir que 85 % de la population comptabilisée dans cette zone, alors que ce mode de calcul ne correspond aucunement à ses conditions générales de vente qui font état simplement du nombre d'habitants,

- il importe de vérifier les contours de la zone intégrant 100 000 habitants autour du point de vente déjà agréé et pour ce faire, il convient de vérifier la population des communes concernées,

- il y a donc lieu de retenir la ville de Quimper ainsi que les communes limitrophes et celles jouxtant ces dernières et à ces communes limitrophes, il convient d'ajouter celles de la rive gauche de l'Odet, zone de 106 195 habitants, donc plus de 100 000 habitants sans même qu'il ne soit besoin d'y comptabiliser d'autres communes un peu plus éloignées, comme la commune de Pont l'Abbé,

- il ne saurait être sérieusement discuté que l'espace autour de la commune de Pont l'Abbé est essentiellement rural puisqu'il existe une discontinuité du bâti de plus de 200 mètres entre la plupart des constructions et elle peut donc légitimement solliciter la qualité de revendeur agréé de la société Radiante pour la zone rurale de 50 000 habitants dans laquelle elle se trouve,

- le premier " nombre suffisant " au sens des conditions générales de vente de la société Radiante est celui d'un magasin d'orthopédie situé en centre-ville pour 100 000 habitants, alors que ce critère ne précise pas s'il s'applique par tranche de 100 000 habitants ou si, dès lors que le seuil de 100 000 habitants est dépassé dans une zone, un deuxième revendeur peut être agréé, ni si la zone comportant 100 000 habitants correspond à une aire concentrique autour du point de vente déjà agréé, ou s'il convient de tenir compte de spécificités géographiques pouvant affecter les déplacements des populations,

- ce premier critère n'est pas suffisamment précis,

- le second critère, celui d'un magasin d'orthopédie situé en zone rurale pour 50 000 habitants, manque de précision puisque la zone rurale n'est pas définie, ceci étant essentiel pour vérifier la précision du critère,

- la société Radiante ne précise aucunement dans ses conditions générales de vente comment la zone de 50 000 habitants doit être déterminée quant à son étendue alors qu'en zone rurale, en fonction de la densité de la population, cette zone est plus ou moins importante et peut donc générer des temps de trajet plus longs,

- il n'est pas non plus indiqué, dans les conditions générales de vente, comment sont appréciées les spécificités géographiques telles que la présence de cours d'eau et l'existence de zones côtières,

- le critère quantitatif manque de précision,

- la société Radiante n'a jamais justifié qu'elle appliquerait ses propres critères quantitatifs de manière objective et non discriminatoire, elle ne prouve donc pas que le réseau de distribution mis en place serait licite,

- le troisième critère quantitatif, qui est celui du magasin d'orthopédie situé en zone commerciale ou en zone péri-urbaine pour 150 000 habitants, ne donne aucune définition du centre commercial,

- un centre commercial est un ensemble comportant au moins 20 magasins sur une superficie de 5 000 m2,

- la règle fixée par la société Radiante apparaît discriminatoire à l'égard d'un mode de distribution puisqu'elle tend à exclure de son réseau tous les centres commerciaux situés dans une zone comportant moins de 150 000 habitants, et ce même s'ils se trouvent en zone rurale de 50 000 habitants, créant ainsi une discrimination entre les magasins exploités dans un centre commercial et ceux qui ne le seraient pas,

- la clause complémentaire stipulant que " ce quota est atteint dès lors que Radiante a agréé un magasin d'orthopédie situé dans la zone de chalandise du centre commercial ou de la zone péri-urbaine telle que définie ci-avant, quand bien même ce magasin serait situé en centre-ville ", est-elle aussi discriminatoire, compte tenu des usages d'implantation des centres commerciaux,

- la détermination des zones de chalandises de la société Radiante a un effet restrictif de concurrence, en ce qu'elle conduit à réserver quasi-systématiquement, la distribution des produits Radiante à des magasins d'orthopédie indépendants situés en centre-ville, au détriment de ceux, tels que l'Espace Santé de la société Pont l'Abbé Distribution situés dans un centre commercial et rattachés à une enseigne de la grande distribution,

- l'espace de vente spécifiquement dédié au matériel médical et situé au lieudit Kermaria, ouvert en 2012 par elle, est exploité dans un bâtiment ne comportant aucun autre commerce et ne peut être qualifié de centre commercial,

- il ne saurait être soutenu que ce magasin se trouve en zone péri-urbaine alors même qu'entre lui et l'agglomération quimpéroise, il existe plus de 20 kilomètres de distance de zones rurales ne présentant pas de continuité du bâti,

- le magasin exploité par la société Delbenn ne se trouve pas dans sa zone de chalandise,

- le critère quantitatif énoncé comme pertinent et sans effet anticoncurrentiel sur le marché, est appliqué de façon discriminatoire par la société Radiante,

- la société Radiante a dû nécessairement écarter le numerus clausus pour disposer de deux magasins d'orthopédie agréés sur la commune de Quimper ;

Vu les conclusions du 29 septembre 2017 par lesquelles la société BSN-Radiante intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1382 du Code civil, L. 420-1 du Code de commerce, de :

- confirmer en tous points le jugement du Tribunal de commerce de Rennes,

par conséquent,

- débouter la société Pont l'Abbé Distribution de toutes ses conclusions, fins et prétentions à ce titre,

- condamner la société Pont l'Abbé Distribution à lui payer une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Pont l'Abbé Distribution aux entiers dépens ;

Elle explique que :

- le règlement communautaire 330/2010 du 20 avril 2010 prévoit que la mise en place d'un réseau de distribution sélective doit être justifiée eu égard à la nature des produits et que les critères de sélection, qualitatifs comme quantitatifs doivent être définis avec précision pour permettre leur application objective et non discriminatoire,

- elle a mis en place des critères de sélection qualitatifs afin de préserver le caractère médical, la haute technicité et l'image des produits, et de garantir la sécurité des patients,

- les bas de contention sont des dispositifs médicaux prescrits par les praticiens qui requièrent d'être vendus par des professionnels avisés,

- les critères retenus par elle portent sur l'environnement et l'aménagement du lieu de vente dans lequel sont commercialisés les produits, les services de conseil et de démonstration, et l'assortiment des produits,

- ces critères sont conformes à la réglementation en vigueur et à la jurisprudence en la matière,

- elle limite le nombre de revendeurs en se référant spécifiquement à une zone de chalandise qu'elle définit librement et estime que le fait que cette zone ne corresponde pas à une zone de chalandise telle que définie dans d'autres secteurs économiques ou par d'autres opérateurs ne présente aucune pertinence,

- la tête de réseau n'a pas à justifier de l'opportunité du choix des critères quantitatifs retenus, elle doit seulement justifier que les critères existent et que leur contenu peut être vérifié,

- la tête de réseau peut opposer un critère quantitatif sans avoir à le justifier d'un point de vue économique,

- en l'espèce, afin de déterminer le nombre de revendeurs adéquat qu'elle a défini en fonction de ses capacités de production et des perspectives de vente des revendeurs, elle s'est appuyée sur une étude de marché spécifique à l'activité de vente de matériels et de produits d'orthopédie,

- elle a tenu compte de l'hyperspécialisation de l'activité d'un magasin d'orthopédie et la nature des produits qui y sont offerts à la vente, de l'environnement géographique du magasin, les infrastructures routières et l'accessibilité du magasin, de la nécessaire proximité du magasin avec les praticiens spécialisés, des caractéristiques de la clientèle, de ce que les clients finaux s'approvisionnement prioritairement et majoritairement auprès des pharmacies et des caractéristiques du magasin agréé et son attractivité,

- l'ensemble de ces éléments l'a conduit à limiter le nombre de revendeurs en fonction de la zone à considérer et du nombre d'habitants dans chaque zone,

- ces critères sont explicités dans ses conditions générales de vente, ils existent et leur contenu peut être vérifié,

- la détermination du nombre de revendeurs par zone considérée est en ligne avec la réglementation en vigueur et est basée des éléments précis et pertinents,

- elle n'a aucune obligation de se référer aux souhaits de la société appelante pour déterminer le nombre de revendeurs qu'il conviendrait d'agréer dans la zone considérée,

- les calculs qu'établit la société appelante visant à englober dans son calcul un certain nombre de communes sont arbitraires et n'ont pour objectif que d'essayer de gonfler artificiellement le nombre d'habitants à prendre en compte et à le porter au-delà du seuil de 100 000 habitants pour justifier de l'agrément d'un second magasin,

- la commune de Pont l'Abbé compte 8 374 habitants et dans ces conditions, il ne pourrait pas être envisagé d'agréer un magasin d'orthopédie, même en y ajoutant les communes les plus proches,

- si des spécificités s'appliquaient, il en aurait été fait mention par cette dernière dans ses conditions générales de ventes,

- le magasin d'orthopédie Delbenn déjà agréé préalablement à la demande d'agrément présentée par la société appelante est situé à Quimper, en centre-ville,

- la zone rurale est classiquement définie comme la zone ou commune qui ne répond pas aux critères d'appartenance à une unité urbaine et la zone urbaine se définit comme une commune ou un ensemble de communes entières et jointives sur lesquelles s'étend une zone bâtie peuplée d'au moins 2000 habitants, aucune construction n'étant distante de plus de 200 mètres,

- la commune de Pont l'Abbé n'est pas située en zone rurale,

- le centre commercial se définit comme un immeuble ou bâtiment regroupant un ensemble de magasins de détail, qu'il soit ou non nécessaire d'obtenir préalablement une autorisation d'exploitation commerciale au titre de la réglementation sur l'urbanisme commercial, contestant ainsi la définition de l'appelante,

- la mise en place de ce critère n'a pas pour effet d'exclure une forme déterminée de commerce de commerce ou de distribution, les critères établis prenant spécifiquement en compte tous les types de magasins au regard de la diversité des zones dans lesquelles ils peuvent être situés : centres commerciaux, zones péri-urbaines, centre-ville, zones rurales,

- ses conditions générales de vente ne comportent aucune exclusion a priori d'une forme déterminée de commercialisation puisqu'elles n'exigent pas une forme déterminée de distribution mais qu'elles ont vocation à s'appliquer à la distribution des produits dans des points de vente situés dans des zones très diversifiées : centre commerciaux, zones péri-urbaines, centre-ville et zones rurales.

- en l'espèce, ce n'est que par l'application du numerus clausus que le magasin situé dans un centre commercial est écarté, et ses conditions générales de vente permettent d'agréer un magasin d'orthopédie situé indifféremment à l'intérieur ou à l'extérieur d'un centre commercial, dans des zones géographiques dans lesquelles elle n'a agréé aucun magasin d'orthopédie,

- la zone du magasin d'orthopédie situé en centre-ville de Quimper, agréé préalablement à la demande de la société Pont l'Abbé Distribution est de 100 000 habitants et la zone de la société Pont l'Abbé Distribution comprend 150 000 habitants et se chevauche nécessairement avec celle du magasin d'orthopédie Delbenn déjà agréé,

- le magasin de Quimper se situe dans la zone du centre commercial de Pont l'Abbé et du magasin de Pont l'Abbé Distribution le quota défini par l'intimée se trouvant ainsi atteint,

- elle ne pouvait pas agréer l'appelante, au risque de désavantager les autres revendeurs agréés, et en particulier le magasin Delbenn, et de se trouver en contradiction avec les critères de sélection qu'elle a elle-même mis en place,

- la zone péri-urbaine à prendre en compte comprend la commune de Pont l'Abbé, située à 20 kilomètres de Quimper,

- la zone péri-urbaine de Quimper ne dépasse pas 150 000 habitants et compte tenu de l'existence d'un magasin d'orthopédie déjà agréé dans cette zone, le refus d'agrément opposé à l'appelante étant pleinement justifié,

- le caractère anticoncurrentiel ne peut pas être établi, en raison de sa part de marché sur le marché des produits de compression qui s'établit à moins de 14 %,

- le refus est couvert par le règlement d'exemption par catégorie et même par les règles de minimis ;

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la licéité des critères de sélection du réseau de distribution sélective mis en place par la société BSN-Radiante

La société Pont l'Abbé Distribution conteste la licéité du réseau de distribution sélective mis en place par la société Radiante au motif que les critères posés par cette dernière sont imprécis et qu'elle ne prouve pas cette licéité.

La société Radiante soutient qu'elle est libre de mettre en place un réseau de distribution sélective de ses produits, détenant une part du marché des produits de compression inférieure à 30 %, bénéficiant ainsi de l'exemption définie par le Règlement communautaire 330/2010 du 20 avril 2010 qui prévoit que les critères de sélection quantitatifs sont présumés valides. Elle relève qu'elle n'a pas à justifier ses choix légitimes. Elle allègue sélectionner ses distributeurs, notamment avec des critères quantitatifs précis et vérifiables, sans discriminer a priori la distribution dans des centres commerciaux.

Le règlement n° 330/2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010 prévoit une exemption d'application de l'alinéa 1 de l'article 101 TFUE, et donc une exonération automatique au titre de l'alinéa 3 du même article, aux accords de distribution, dits "accords verticaux", conclus entre des distributeurs et un fournisseur, lorsque notamment, " la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il vend les biens ou services contractuels et la part de marché détenue par l'acheteur ne dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il achète les biens ou services contractuels ", ce, sous réserve que ces accords ne comportent pas de restrictions caractérisées, énumérées à l'article 4 ou à l'article 5.

L'article 1er e) du règlement précité définit un " système de distribution sélective " comme étant un système de distribution dans lequel le fournisseur s'engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu'à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce système ".

Ces textes créent une présomption de légalité pour les accords verticaux ne comportant pas de restriction caractérisée de la concurrence lorsque les parts de marché du fournisseur et de l'acheteur sont chacune inférieures ou égales à 30 %. Le règlement d'exemption par catégorie s'applique également à la sélection quantitative des distributeurs.

La société Radiante a mis en place un réseau de distribution sélective pour la commercialisation de ses produits de contention, fondé sur des critères qualitatifs et quantitatifs.

Les critères qualitatifs ne sont pas discutés dans le cadre de cette instance.

La société Radiante explique que sa part de marché sur les produits de compression est inférieure à 14 %, justifiant ces chiffres par sa pièce n° 18. Il convient de relever que la valeur probante de cette pièce n'est pas contestée. Ainsi, cet extrait des données IMSHealth, représentant les parts de marché des différents acteurs du marché de la compression au mois de juin 2017, démontre que la part de marché de la société Radiante était alors de 13,52 %, les sociétés Sigvaris, Thuasme et Innothéra ayant respectivement 38,19 %, 19,74 % et 16,86 % des parts de ce même marché.

En outre, il n'est pas contesté que le réseau dont il est question ne relève pas de restrictions caractérisées, énumérées à l'article 4 ou à l'article 5 dudit Règlement.

Au regard de ces seuls éléments, il apparaît que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Radiante est licite, bénéficiant de l'exemption légale pré-définie. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la licéité des clauses définies par le fournisseur dans son réseau de distribution sélective, au regard des contestations soulevées par l'appelant, concernant leur précision et leur caractère discriminatoire induit.

Sur l'application des critères de sélection par la société Radiante

La société Pont l'Abbé Distribution reproche à la société Radiante d'appliquer les critères de distribution sélective qu'elle a définis de manière discriminatoire à son égard.

La société Radiante conteste avoir appliqué de manière discriminatoire les critères de sélection qu'elle a définis. Elle explique que le refus d'agrément de la société Pont l'Abbé Distribution n'est pas fautif, au motif qu'un revendeur est déjà agréé sur la zone considérée.

Il est de principe, que lorsque le réseau de distribution sélective est licite, l'application des critères de distribution sélective par la tête de réseau ne doit pas être discriminatoire.

Les conditions générales de vente de la société Radiante à ses distributeurs, qui définissent les critères quantitatifs applicables au réseau de distribution, sont rédigées comme suit :

" Le point de vente ne pourra en toute hypothèse être agréé que dans la mesure où Radiante ne dispose pas déjà d'un nombre suffisant de revendeurs agréés en application des présentes conditions générales de vente. Il est ici précisé que le nombre maximum de revendeurs agréés est de :

- 1 magasin d'orthopédie situé en centre-ville pour 100 000 habitants ;

- 1 magasin d'orthopédie situé en zone rurale pour 50 000 habitants ;

- 1 magasin d'orthopédie situé dans un centre commercial ou en zone périurbaine pour 150 000 habitants. Ce quota est atteint dès lors que Radiante a agréé un magasin d'orthopédie situé dans la zone de chalandise du centre commercial ou de la zone périurbaine telle que définie ci-avant, quand bien même ce magasin serait situé en centre-ville.

Ce critère n'est pas applicable aux grossistes répartiteurs, aux pharmacies hospitalières, ni aux pharmacies soumises à la réglementation en vigueur qui limite leur nombre en fonction du nombre d'habitants. "

La société Radiante refuse d'agréer la société Pont l'Abbé Distribution à son système de distribution sélective au motif qu'un distributeur a déjà été agréé dans la zone géographique déterminée. La société Pont l'Abbé Distribution conteste la manière dont la société Radiante fait application de ses critères quantitatifs.

L'application discriminatoire des critères de sélection est couverte par l'exemption automatique, comme indiqué supra.

Or, en l'espèce, il apparaît en outre que deux magasins du secteur étaient agréés au moment où la société Pont l'Abbé Distribution a formulé sa demande auprès de la société Radiante ce qui justifie le refus d'agrément par la seconde de la première, la commune de Pont l'Abbé étant située à 20 minutes de trajet en voiture de la ville de Quimper.

Au surplus, la pièce 19 de l'appelante, constituant une étude de marché établie pour le compte de la société Pont l'Abbé Distribution porte sur les magasins de la grande distribution et non pas sur le secteur de magasins d'orthopédie. Elle ne peut donc être utilement invoquée par la société Pont l'Abbé Distribution.

Au contraire, les pièces 10 de l'intimée (carte reproduisant les zones de chalandise des deux distributeurs préexistants) et 18 de l'appelante (étude de marché spécifique au marché des magasins orthopédiques), dont le contenu n'est pas utilement contesté et apparaît étayé et justifié, démontrent que la commune de Pont l'Abbé, distante de 20 minutes en voiture de la ville de Quimper, fait partie de la zone secondaire de chalandise, correspondant au périmètre nécessitant un temps de déplacement entre 10 et 30 minutes attirant les clients habituels et potentiels.

Ainsi, la première hypothèse des conditions générales de vente, à savoir l'existence préalable d'un magasin d'orthopédie situé en centre-ville pour 100 000 habitants, ne s'applique pas en l'espèce.

Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment des cartes et des définitions de l'INSEE, que la deuxième hypothèse, à savoir la présence d'un magasin d'orthopédie situé en zone rurale pour 50 000 habitants, ne s'applique pas en l'espèce, la zone considérée n'étant pas une zone rurale, et que la troisième hypothèse vise le cas de l'espèce. Or, il apparaît que la zone, couvrant la ville de Quimper et la commune de Pont l'Abbé, que l'intimée est libre d'utiliser pour faire application de ses clauses, ne dépasse pas 150 000 habitants.

Dès lors, le magasin situé à Pont l'Abbé fait partie de la zone périurbaine de 150 000 habitants couvrant Quimper, en ce que Radiante a déjà agréé un magasin d'orthopédie situé dans la zone de chalandise du centre commercial ou de la zone, et donc le quota est atteint.

Enfin, il n'est pas démontré que la clause litigieuse discrimine nécessairement les magasins situés dans des zones commerciales, la rédaction des clauses n'impliquant pas cette exclusion automatique.

L'application de la clause quantitative par la société Radiante n'est donc pas discriminatoire ni constitutive d'un abus de droit. Le refus d'agrément de la société Pont l'Abbé Distribution par la société Radiante n'est donc pas fautif.

Les demandes en réparation de ses préjudices formulées par la société Pont l'Abbé Distribution doivent donc être rejetées.

Le jugement doit être intégralement confirmé.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Pont l'Abbé Distribution partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Radiante la somme supplémentaire de 15 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Pont l'Abbé Distribution.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Y ajoutant, Condamne la société Pont l'Abbé Distribution aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Radiante la somme supplémentaire de 15 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Rejette toute autre demande.