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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 22 décembre 2017, n° 14-19086

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Wine 4 Trade (SARL)

Défendeur :

Business France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Renard, Lehmann

Avocats :

Mes Vignes, Kremer, Boccon-Gibod, Pellegrin

T. com. Paris, 1re ch. A, du 9 sept. 201…

9 septembre 2014

FAITS ET PROCEDURE

La société Wine 4 Trade a pour activité d'accompagner à l'export des viticulteurs français en leur proposant notamment un service de prospection de contacts, de mise en relations avec des clients potentiels et la participation à des salons professionnels organisés par ses soins.

Ubifrance devenue Business France est un établissement public industriel et commercial, créé en 2003, placé sous la tutelle du ministre de l'Economie, qui a pour fonction de favoriser le commerce extérieur français, notamment dans le domaine de l'agroalimentaire, en gérant une procédure de labellisation, en accompagnant les entreprises dans leur stratégie d'exportation et en fournissant une aide au financement des projets d'exportation grâce à une dotation budgétaire de l'Etat.

La société Wine Trade et Ubifrance sont entrés en relations en 2006 à l'occasion de quatre salons organisés à Londres, Copenhague, Bruxelles et Amsterdam qui faisaient l'objet de contrats de labellisation.

De 2006 à 2010, dans le cadre de son programme baptisé " cap export ", Ubifrance versait des financements à la société Wine 4 Trade qui accordait une remise sur le prix global d'exposition aux entreprises participantes ; à compter de 2010 Ubifrance a mis en place un nouveau programme baptisé " Programme France 2010 " modifiant le mode de financement des salons organisés par la société Wine 4 Trade.

Sur la période 2010-2012, la société Wine 4 Trade a organisé 16 rencontres à l'étranger entre des viticulteurs français et des acheteurs potentiels.

En 2012 Ubifrance a invité la société Wine 4 Trade à négocier et signer un contrat de partenariat. Ubifrance ne souhaitant pas reconduire une collaboration pour le salon de Londres en 2013, étant déjà engagée dans un partenariat avec les Vignerons Indépendants de France pour la même ville ; la société Wine 4 Trade a refusé cette proposition.

Elle a finalement signé le 14 novembre 2012, un contrat limité à deux manifestations qui ne se sont pas tenues.

Les relations entre les deux parties ont alors cessé et la société Wine 4 Trade a estimé être victime d'une rupture brutale des relations commerciales.

Par acte en date du 13 décembre 2013, la société Wine 4 Trade a assigné à bref délai Ubifrance.

Par jugement contradictoire en date du 9 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SARL Wine 4 Trade de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SARL Wine 4 Trade à verser à la Société Ubifrance la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société Wine 4 Trade a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe le 18 septembre 2014.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2016, la société Wine 4 Trade demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 9 septembre 2014, en toutes ses dispositions ;

et en conséquence,

- constater que les pièces n° 34 et 74 communiquées par elle ne constituent pas une violation du principe de loyauté dans l'administration de la preuve,

- constater que les demandes formulées par elle dans le cadre de son action " de in rem verso " ne revêtent pas un caractère nouveau,

- dire et juger qu'Ubifrance s'est rendu coupable d'agissements constitutifs d'une rupture brutale des relations commerciales établies sans respecter aucun préavis,

- constater le défaut des conditions de forme et de fond requises pour la validité de toute cession de fonds de commerce, et en conséquence, constater qu'aucune cession de fonds de commerce n'a été consentie par Wine 4 Trade à Ubifrance, l'appropriation par Ubifrance de la clientèle et du fichier clientèle appartenant à Wine 4 trade constituant de facto un enrichissement sans cause justifiant la présente action de in rem verso,

A titre subsidiaire,

- constater que les agissements commis par Ubifrances analysent en un détournement de clientèle et en des actes de parasitisme économiques constitutifs de concurrence déloyale, engageant la responsabilité de leur auteur : Ubifrance,

- constater la pleine et entière propriété de Wine 4 Trade sur ses 6 salons organisés à Londres, Bruxelles, Copenhague, Amsterdam, Cologne, Varsovie et Berlin,

- Faire injonction à la société Ubifrance de lui restituer l'ensemble de ses fichiers clients et de cesser de solliciter la clientèle appartenant à Wine 4 trade pour l'organisation de l'ensemble de ses salons, à compter du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte définitive 1 000 euros par jour de retard ;

En conséquence,

- rejeter la demande formulée par Ubifrance tendant à voir écartées des débats les pièces n° 34 et 74 produites par elle,

- dire et juger recevables l'ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par Wine 4 Trade et notamment les demandes formées dans le cadre de son action " de in rem verso ",

- condamner Ubifrance au paiement de la somme de 670 286 euros décomposée de la façon suivante

- 180 904 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de la rupture des relations commerciales établies, correspondant au montant de la marge brute qui aurait pu être réalisée pour la durée du préavis raisonnable qu'elle fixera à 12 mois compte tenu des circonstances de la rupture,

- 27 121 euros à titre de réparation du préjudice moral et du préjudice de réduction de son effectif salarié découlant également de la rupture brutale impulsée par Ubifrance,

- 462 261 euros à titre de réparation de son appauvrissement subi du fait de l'appropriation abusive par Ubifrance du fonds de commerce lui appartenant , correspondant à l'évaluation de la perte de sa chance portant sur les salons existants crées et organisés par elle, correspondant au montant de la marge brute qu'elle aurait raisonnablement pu espérer réaliser avec l'organisation de ses six salons pendant les éditions 2014, 2015 et 2016 suivant la captation par Ubifrance du fonds de commerce lui appartenant, déduction faite de la marge brute qu'elle a réalisé avec ses quelques exposants historiques non captés par Ubifrance pour les éditions 2014 ses salons, et de la marge brute évaluée pour les éditions 2015 et 2016 de ses salons,

A titre subsidiaire,

- condamner Ubifrance au paiement de la somme de 462 261 euros en réparation de son préjudice du fait de ses agissements commis s'analysant en un détournement de clientèle et en des actes de parasitisme économiques constitutifs de concurrence déloyale,

- condamner Ubifrance au paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2016, Ubifrance demande à la cour de :

Sur la déloyauté dans l'administration de la preuve par Wine 4 Trade

- ordonner le rejet des débats des pièces adverses n° 34 et 74 ;

Sur les demandes nouvelles de Wine 4 trade

- dire et juger irrecevables car nouvelles les demandes formées par Wine 4 Trade dans le cadre de son action " de in rem verso " ;

Sur l'absence de fait générateur de responsabilité susceptible d'être allégué à l'encontre d'Ubifrance

Sur l'absence de toute rupture brutale de " relations commerciales établies "

- dire et juger qu'aucune rupture brutale d'une relation commerciale établie ne saurait lui être imputée

Sur l'absence de tout agissement susceptible de caractériser un acte de concurrence déloyale ou parasitaire

- dire et juger qu'aucun acte de concurrence déloyale ne saurait lui être imputé

- dire et juger qu'aucun acte de parasitisme ne saurait être allégué à l'encontre d'Ubifrance ;

Sur l'absence d'un enrichissement sans cause d'Ubifrance

- dire et juger qu'aucun enrichissement sans cause ne saurait lui être imputé ;

En toute hypothèse, sur l'absence de préjudice indemnisable susceptible d'être invoqué par Wine 4 Trade

- dire et juger que Wine 4 Trade ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable

En conséquence

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- débouter Wine 4 Trade de ses demandes relatives au prétendu enrichissement sans cause d'Ubifrance, au prétendu détournement de clientèle

- débouter Wine 4 Trade de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Wine 4 Trade à lui verser la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2017.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de rejet des débats des pièces adverses n° 34 et 74 de la société Wine 4 Trade :

Ubifrance demande à la cour d'écarter ces deux pièces en ce qu'il s'agit de documents internes et confidentiels et que leur production est contraire au principe de loyauté.

La pièce 74 est composée de quinze pages qui correspondent à des courriers électroniques échangés entre une salariée d'Ubifrance, Madame Stehlin et d'autres salariés.

La société Wine 4 Trade fait valoir que cette pièce lui a été communiquée par Madame Stehlin, celle-ci ayant délibérément ouvert son webmail sur l'ordinateur de sa gérante et produit un constat d'huissier en date du 26 mars 2014 constatant la présence des fichiers correspondant aux captations effectuées depuis son ordinateur.

En conséquence Ubifrance ne démontre pas qu'il s'agit d'un montage frauduleux, ni d'un document détourné et il n'y a pas lieu de l'écarter.

La pièce 34 est un courriel échangé le 12 janvier 2012 entre trois salariés d'Ubifrance dont M. Henrotte en qualité de destinataire.

La société Wine 4 Trade fait valoir que ce courriel lui a été remis par Monsieur Henrotte après son licenciement ; Ubifrance ne rapporte pas la preuve contraire de sorte qu'il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce des débats.

Sur la demande formée en cause d'appel par la société Wine 4 Trade au titre de l'enrichissement sans cause :

Ubifrance soutient que la demande formulée par Wine 4 Trade dans le cadre de son action " de in rem verso " constitue une demande nouvelle.

La société Wine 4 Trade affirme avoir clairement formulé cette prétention fondée sur le détournement de son fichier et de sa clientèle en première instance quand bien même son fondement juridique est différent et que dès lors elle est recevable en cause d'appel.

Les articles 565 et 566 du Code de procédure civile énoncent que :

" Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent. "

" Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. "

La société Wine 4 Trade a dénoncé en première instance la responsabilité civile délictuelle d'Ubifrance sur le fondement, d'une part, de la rupture brutale des relations commerciales, d'autre part, d'actes de concurrence déloyale, de parasitisme et d'abus de position dominante.

En cause d'appel la société Wine 4 Trade invoque une appropriation par Ubifrance de ses fichiers et de sa clientèle en violation des conditions applicables à toute cession de fonds de commerce et le fait que celle-ci a constitué un enrichissement sans cause d'Ubifrance fondant ainsi sa demande sur les règles applicables en cas de cession d'un fonds de commerce.

Or les premiers juges n'ont pas été saisis de la cession du fonds de commerce et du fichier clients de la société Wine 4 Trade mais d'actes de concurrence déloyale constitués par leur détournement.

De plus l'action engagée devant les premiers juges a pour objet la réparation d'un préjudice par des dommages et intérêts alors que l'action " de in rem verso " a pour finalité la restitution d'un profit indu et ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur, l'article 1303-3 du Code civil disposant que " L'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte. ".

Or la société Wine 4 Trade demande à la cour de constater le défaut des conditions de forme et de fond requises pour la validité de toute cession de fonds de commerce, et en conséquence, de constater qu'aucune cession de fonds de commerce n'a été consentie par elle à Ubifrance, qui se serait approprié sa clientèle et son fichier clientèle ce qui constituerait de facto un enrichissement sans cause justifiant la présente action de in rem verso et, seulement, à titre subsidiaire, de constater que les agissements commis par Ubifrance s'analysent en un détournement de clientèle et en des actes de parasitisme économiques constitutifs de concurrence déloyale, engageant la responsabilité de leur auteur alors même que la demande au titre de l'enrichissement sans cause ne peut qu'être un subsidiaire.

En conséquence la société Wine 4 Trade est irrecevable en sa demande principale fondée sur l'enrichissement sans cause de Ubifrance.

Sur la rupture des relations commerciales

La société Wine 4 Trade soutient que les relations entre les parties s'analysent bien en une relation commerciale établie qui a été rompue par la société Ubifrance sans qu'il lui soit accordé un préavis conforme aux usages, ce qui constitue une rupture brutale.

Ubifrance fait valoir que la relation n'était pas une relation établie et que la société Wine 4 Trade ne pouvait légitimement pas s'attendre à une poursuite de celle-ci dans la durée.

La société Wine 4 Trade organise depuis 2006 des salons professionnels à travers le monde, permettant à des vignerons de rencontrer de nouveaux clients et de s'ouvrir à de nouveaux marchés.

De 2007 à 2010, chaque salon faisait l'objet d'un contrat écrit de labellisation entre Ubifrance et la société Wine 4 Trade lequel fixait le montant de l'appui financer alloué par Ubifrance, la société Wine Trade devant atteindre un objectif minimum de participants variable selon les contrats allant de 30 à 70 et, à l'issue de chaque opération, envoyer à Ubifrance copie de chaque facture acquittée adressée à chacune des entreprises françaises participantes faisant apparaitre le prix de la prestation et le montant de la remise consentie au titre de la labellisation sans qu'il soit stipulé un mode de fixation de celle-ci; en conséquence le financement alloué à la société Wine Trade ne constituait pas une subvention destinée aux exploitants exposants mais un financement à disposition de la société Wine 4 Trade dans le cadre de leur partenariat sauf pour celle-ci à accorder une remise aux participants.

A compter de 2010, Ubifrance a modifié son programme intitulé " Cap Export " remplacé par le " programme France 2010 " ; celui-ci il comportait 50 opérations dont 6 salons créés et organisés par la société Wine 4 Trade dont ceux de Londre et de Cologne ; " aucun nouveau contrat écrit n'a été conclu pour autant il n'est pas contesté que 16 salons ont été organisés et que seules les modalités de paiement ont été modifiées en ce que Ubifrance a facturé directement les exposants, clients de la société Wine 4 Trade, déduction faite des financements alloués, a pris en charge le paiement des fournisseurs qu'elle réglait directement à la société Wine 4 Trade qui par ailleurs lui facturait des prestations sous forme d'honoraires fixés forfaitairement en fonction du nombre d'exposants soit 350 euros par exposant " .

En conséquence, depuis 2007, que ce soit dans le cadre du programme " Cap Export " ou " Programme Export France ", Ubifrance a, comme le prévoyait son objet qui était de mettre en place un programme élargi d'actions collectives de promotion de l'offre française, apporté un financement qui profitait, d'une part, à la société Wine 4 Trade, d'autre part aux exploitants participants.

Le partenariat formé dès 2006 s'est ainsi maintenu portant chaque année sur les mêmes villes, Londres, Copenhague, Bruxelles, Amsterdam, Cologne, Varsovie, démontrant une stabilité et une pérennité dans les opérations réalisées et dans le financement apporté par Ubifrance.

Lors de la réunion organisée le 7 février 2012 au siège d'Ubifrance qui avait pour objet l'organisation du planning des salons 2013, Ubifrance s'est déclaré satisfait de son partenariat mis en place pour le salon de Londres mais encore a confirmé son soutien à cette opération et a proposé des " pistes pour faire évoluer ce partenariat " sans le remettre en cause.

En conséquence, il résulte de ces éléments que le partenariat commercial ayant pour objet la réalisation de salons qui avait débuté en 2006 sur la base de contrats de labellisation s'est déroulé de façon stable jusqu'en juin 2012 sans que la société Wine 4 Trade n'ait reçu d'observations sur la qualité de ses prestations, Ubifrance ne rapportant dès lors nullement la preuve de la dégradation des relations commerciales qu'elle allègue.

Or par courrier du 19 juin 2012 Ubifrance a notifié à la société Wine 4 Trade la fin de leur partenariat pour le salon de Londres de 2013 lui écrivant " nous ne reconduirons pas une coopération avec Wine 4 Trade en 2013 " ; par ce même courrier elle annonçait une modification des relations commerciales pour l'organisation du salon de Cologne indiquant qu'elle prendrait " désormais en charge l'essentiel de l'organisation opérationnelle du salon de Cologne: logistique et recrutement des visiteurs ".

Dès lors, en annonçant par courriel du 19 juin 2012 la rupture de leurs relations commerciales établies pour le salon de Londres alors même que la société Wine 4 Trade avait déjà loué la salle, Ubifrance a rompu brutalement la relation commerciale établie existant entre les parties depuis 2006.

Au surplus, la société Wine 4 Trade produit un courriel interne à Ubifrance en date du 12 janvier 2012 mentionnant expressément " la fin de la participation de Wine 4 Trade pour cette action sur Londres ".

Par courrier du 16 juillet 2012, la société Wine 4 Trade a rappelé qu'elle avait créé et organisé des salons depuis 10 ans et que le partenariat avec Ubifrance, écrivant " ma société enregistre et subit une facturation anormalement en baisse et consécutive à ma perte de contrôle manifestement délibérée d'Ubifrance sur le nombre d'exposants et les budgets ".

Il résulte de ces éléments que Ubifrance a entretenu la société Wine 4 Trade dans l'assurance de la continuation du partenariat pour le salon de Londres jusqu'en juin 2012 alors qu'elle avait décidé de l'en évincer pour réaliser elle-même ce salon à la même date ; dès lors, il importe peu que Ubifrance en tant qu'établissement public ait un budget amendé par des fonds publics, cette circonstance n'étant pas de nature à précariser sa relation puisque celle-ci reposait sur des opérations qu'elle entendait pérenniser.

Au surplus, si Ubifrance a proposé à son partenaire un nouveau contrat, celui-ci comportait une modification substantielle des conditions antérieures en ce qu'il stipulait que " Le présent contrat prend effet à compter du jour de sa signature pour l'ensemble des 7 événements inscrits au programme France export 2013. Il s'achèvera sans qu'aucune formalité ne soit nécessaire à la fin dudit programme. Les parties se concerteront au plus tard le 31 juin (sic) pour acter sa reconduction. Dans ce cas, un nouveau contrat sera établi ".

Cette clause signifiait une possible remise en cause du partenariat le 30 juin de chaque année décidée unilatéralement par Ubifrance.

Par courrier du 1er octobre 2012 la société Wine 4 Trade a refusé cette proposition qui transformait une relation pérenne en relation précaire.

Il importe peu qu'elle ait ensuite accepté de conclure un contrat portant sur deux nouvelles opérations, le contrat concernant le salon de Londres ayant été rompu par le courriel de Ubifrance du 19 juin 2012 et les contrats portant sur les autres salons pérennisés l'ayant été du fait de la modification substantielle des conditions du partenariat décidé par Ubifrance.

L'article L. 442-6 du Code de commerce exige un préavis écrit pour mettre fin aux relations commerciales établies.

Or, en l'espèce Ubifrance a mis fin à la relation commerciale sans aucun préavis.

Le préavis doit être fixé en tenant compte de la durée de la relation commeciale, et conformément aux usages du commerce afin de remédier à la désorganisation des affaires résultant de la brutalité de la rupture.

En l'espèce les salons sont organisés douze mois à l'avance, aux mêmes lieux et périodes, pour fidéliser les clients.

Doit également être prise en compte la situation de dépendance de la société Wine 4 Trade en ce que Ubifrance a un monopole pour accorder un label et fixer les financements pour chacun des salons de sorte que la société Wine 4 Trade ne pourra plus utiliser ce vecteur pour attirer des vignerons exposants et aura d'autant plus de mal à trouver des exposants que Ubifrance a mis en place sa propre organisation.

En conséquence au regard de la spécificité de l'activité exercée et des délais utiles à la mise en place d'un salon, la cour fixera à 12 mois la durée du préavis qui aurait dû être accordé à la société Wine 4 Trade.

Sur le préjudice

La société Wine 4 Trade fait valoir que son préjudice doit s'apprécier au regard de la marge brute avant imposition qu'elle aurait réalisée durant le préavis s'il avait été respecté ce qui représente 180 904 euros ; elle ajoute avoir subi un préjudice moral.

Ubifrance conteste ce chiffre, soutenant que l'évaluation faite en première instance différait de ce chiffre.

La société Wine 4 Trade produit un tableau réalisé par son expert-comptable dont il résulte que l'évaluation qui avait été faite en mars 2014 a été corrigée par l'évaluation en décembre 2014. elle verse également ses documents fiscaux.

Par ailleurs, les comptes de la société Wine 4 Trade font ressortir une perte de 59 994 euros pour l'exercice 2012 et de 113 140 euros pour l'exercice 2013 et non un bénéfice comme le prétend Ubifrance ; au demeurant, ces éléments sont inopérants puisqu'il s'agit de réparer la brutalité de la rupture et non les conséquences de la rupture.

La société Wine Trade indique avoir dû licencier une de ses salariés en janvier 2014 sans caractériser un lien avec la brutalité de la rupture d'autant que ce licenciement est intervenu plus d'un an après.

En conséquence, la cour fixera son préjudice à la somme de 180 904 euros.

Elle relate que son préjudice moral repose sur le refus de Ubifrance de labelliser son salon de Dublin en 2008 et sur l'utilisation de la dénomination " French Wine Discoveries " pour ce salon en violation de ses droits en ce qu'elle a procédé au dépôt de cette marque le 23 octobre 2009 ; ces faits étant antérieurs à la rupture ils ne sauraient caractériser un préjudice du fait de la brutalité de celle-ci ;

Elle ajoute qu'au cours de l'été 2012 Ubifrance lui a annoncée la mise en place de 6 nouveaux salons qu'elle n'a pas pu réaliser. Or ces salons n'entraient pas dans le périmètre de la relation commerciale établie de sorte que la société Wine 4 Trade ne saurait invoquer un préjudice fondé sur la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

La société Wine 4 Trade ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré. Et statuant à nouveau, Dit la société Wine 4 Trade irrecevable en sa demande sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Dit que l'établissement Ubifrance s'est rendu coupable d'agissements constitutifs d'une rupture brutale des relations commerciales établies sans respecter son obligation de préavis. Dit que le préavis raisonnable dont devait bénéficier la société Wine 4 Trade est d'un an. Condamne l'établissement Business France venant aux droits de la société Ubifrance à payer à la société Wine 4 Trade la somme de 180 904 euros correspondant à la marge qu'elle aurait réalisée au cours de celui-ci. Condamne l'établissement Business France venant aux droits de la société Ubifrance à payer à la société Wine 4 Trade la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne l'établissement Business France venant aux droits de la société Ubifrance aux entiers dépens.