CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 décembre 2017, n° 16-07239
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Art & Fragrance Services (Sasu) , Marchier (ès qual.)
Défendeur :
Puig France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Ribaut, Ciussi, Texier, Berthault
Faits et procédure
La société Parfums Nina Ricci avait pour activité notamment la fabrication, l'achat et la vente de tous parfums, produits et articles liés à la parfumerie.
Dans le cadre d'un plan de restructuration mis en œuvre en 2005, l'usine de production de parfums de la société Parfums Nina Ricci, située à Ury (77), a été fermée.
Le 19 octobre 2005, la société Parfums Nina Ricci a signé une convention Etat-entreprise aux termes de laquelle elle s'est engagée à réindustrialiser ce site pour y implanter une nouvelle société.
Dans cette perspective, la société Cosmetics Perfumes Services, ci-après la société CPS, a été créée pour reprendre l'activité de conditionnement de produits de parfumerie et de cosmétiques de la société Parfums Nina Ricci.
Les relations commerciales entre les parties ont d'abord été encadrées par un premier contrat du 19 octobre 2005 puis par un autre contrat du 31 janvier 2006, d'une durée de 2 ans, renouvelable par tacite reconduction, par lequel les sociétés Parfums Nina Ricci et Paco Rabanne Parfums ont sous-traité à la société CPS le conditionnement de produits promotionnels ou d'autres articles assimilés, composés d'articles de parfums et de soins.
Le 11 février 2008, un nouveau contrat avec effet au 1er janvier 2008, d'une durée de 1 an, sans clause de tacite reconduction, a été conclu entre les sociétés CPS et Paco Rabanne. Il prévoyait l'organisation d'un rendez-vous au mois de novembre 2008 pour qu'un bilan de l'année 2008 soit réalisé par les parties et pour envisager les termes d'un engagement contractuel pour l'année 2009. Aucun contrat n'a par la suite été signé. La société Paco Rabanne Parfums a toutefois réalisé quelques commandes à la société CPS en 2009, puis a lancé un appel d'offres pour lequel la société CPS n'a pas été retenue.
Par jugement du 1er février 2010, le Tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société CPS.
Le 15 avril 2010, la société CPS a assigné les sociétés Parfums Nina Ricci et Paco Rabanne Parfums devant le Tribunal de commerce de Melun aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles L. 420-2 et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, leur condamnation à lui verser la somme de 3 235 025 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de dépendance économique et rupture brutale des relations commerciales établies.
Le 30 novembre 2010, la société Paco Rabanne a absorbé la société Parfums Nina Ricci et a pris la dénomination de " Puig France ".
Par jugement du 31 janvier 2011, le Tribunal de commerce de Melun s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 30 novembre 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société Puig France, anciennement dénommée Paco Rabanne, à verser à la société Cosmetics Perfumes Services la somme de 1 827 928,31 euros au titre des préjudices subis,
- ordonné l'exécution provisoire sur la moitié de cette somme soit 913 964,16 euros,
- condamné la société Puig France à verser à la société Cosmetics Perfumes Services la somme de 12 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- prononcé la mise hors de cause de Me Ives Caudray, précédemment partie à la procédure en tant que mandataire judiciaire et constaté que Me Michel Marcher, précédemment administrateur judiciaire, est intervenu ce jour à la procédure en qualité de commissaire à l'exécution du plan,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Puig France anciennement dénommée Paco Rabanne Parfums et venant aux droits de la SAS Parfums Nina Ricci aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 152,14 euros TTC dont 24,72 euros de TVA.
Par arrêt du 11 septembre 2014, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 30 novembre 2012 et débouté la société CPS de l'ensemble de ses demandes au titre de l'abus de dépendance économique et de la rupture brutale des relations commerciales établies.
La société CPS et Me Marchier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société CPS, ont formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 8 mars 2016, la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt du 11 septembre 2014 d'une part en rejetant le moyen du pourvoi en ce qu'il critiquait la cour d'appel d'avoir débouté la société CPS de ses demandes sur le fondement de l'abus de dépendance économique, et d'autre part, en cassant l'arrêt du 11 septembre 2014, en ce qu'il a rejeté les demandes de la société CPS au titre de la rupture brutale partielle de la relation commerciale établie, reprochant à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si la société Paco Rabanne avait clairement notifié la rupture partielle de leurs relations commerciales, en lui consentant un préavis suffisant.
Les sociétés Puig France et CPS ainsi que Maître Marchier ont saisi la Cour d'appel de Paris.
La procédure devant la cour a été clôturée le 24 octobre 2017.
LA COUR
Vu les conclusions du 29 septembre 2017 par lesquelles la société Puig France invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1382 du Code civil, à :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,
- dire la société Puig France recevable et bien fondée en ses demandes, en conséquence, à titre principal,
- dire que la relation entre la société Puig France et la société Cosmetics Perfumes Services ne constitue pas une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
à titre subsidiaire,
- dire que la société Puig France n'a pas rompu brutalement et sans préavis sa relation commerciale avec la société Cosmetics Perfumes Services,
en tout état de cause,
- dire que la société Puig France n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité,
- dire, au demeurant, que la société Cosmetics Perfums Services et Me Michel Marchier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, ne rapportent pas la preuve du préjudice invoqué,
- débouter la société Cosmetics Perfumes Services et Me Michel Marchier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Cosmetics Perfumes Services et Me Michel Marchier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, à verser à la société Puig France la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Cosmetics Perfumes Services et Me Michel Marchier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, s'agissant des dépens d'appel, au profit de Me Lucie Texier, avocate au barreau de Paris, en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Elle fait valoir que :
- l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce n'est pas applicable en l'espèce, la relation entre les parties ne pouvant être qualifiée de " relation commerciale établie " dans la mesure où, dès le début de leur relation, les parties savaient que celle-ci n'avait pas vocation à durer, le contrat cadre de sous-traitance d'une durée de deux ans ayant simplement pour objet de formaliser les obligations souscrites par la société Nina Ricci dans le cadre de la convention Etat-entreprise et la société Puig France ayant pris soin de prévenir à l'avance la société CPS que ce contrat ne serait pas renouvelé,
- la société CPS ne pouvait pas croire à la pérennité et à la stabilité de la relation, dès lors qu'elle a signé, en 2008, un contrat d'une durée d'un an, excluant toute tacite reconduction et prévoyant la tenue d'une réunion pour envisager la suite et qu'à l'issue de cette réunion, les parties ont convenu de poursuivre leur relation de façon précaire sur la base d'appels d'offres et sans aucune garantie d'activité,
- la baisse de chiffre d'affaires intervenue en cours d'année 2009 a été notifiée par la société Paco Rabanne Parfums à la société CPS et ce, avec un préavis suffisant, dès lors que la société Paco Rabanne a clairement manifesté à la société CPS, dès le 11 février 2008, son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale dans les conditions antérieures après le 31 décembre 2008, faisant ainsi bénéficier la société CPS d'un préavis de plus de 16 mois,
- si par extraordinaire la cour considérait que le point de départ du préavis ne se situait pas au 11 février 2008 mais au 29 novembre 2008, date de la réunion qui a donné lieu à un compte rendu notifié à la société CPS, cette dernière aurait encore bénéficié d'un préavis suffisant de 7 mois,
- la société CPS n'apporte pas la preuve d'un préjudice et qu'un préavis de deux ans est totalement irréaliste et infondé au regard de la jurisprudence en matière de rupture brutale des relations commerciales établies et estime que la société CPS ne fournit aucune justification quant au montant de la marge brute dont elle fait état ;
Vu les conclusions du 9 janvier 2017 par lesquelles Me Marchier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Art & Fragrance Services et la société Art & Fragrance
Services, nouvelle dénomination de la société CPS, demandent à la cour, au visa des articles 1134 anciens, 1103 et 1104 nouveaux du Code civil, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :
- constater que suite à la fusion-absorption intervenue le 30 novembre 2010, la société Nina Ricci a été absorbée par la société Paco Rabanne Parfums qui est devenue la société Puig France,
- constater que Me Michel Marchier, précédemment administrateur judiciaire, intervient aujourd'hui à cette procédure en qualité de commissaire à l'exécution du plan,
- constater l'absence de notification d'un quelconque préavis,
- dire que les sociétés Nina Ricci et Paco Rabanne, aux droits et obligations desquelles se trouvent la société Puig France, ont rompu brutalement en 2009 les relations commerciales qu'elles entretenaient avec la société Cosmetics Perfumes Services aujourd'hui dénommée Art & Fragrance Services,
- dire que le préjudice indemnisable est constitué par la perte de marge subie sur les deux années 2009 et 2010,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 31 novembre 2012 en ce qu'il a dit et jugé que la société Puig France a rompu brutalement la relation commerciale établie et l'a condamnée à l'indemnisation du préjudice subi pour rupture brutale de la relation commerciale établie ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 12 500 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Puig France venant aux droits de Nina Ricci et Paco Rabanne au paiement d'une indemnité de 1 827 928,31 euros au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, au titre de l'indemnisation des préjudices des exercices 2009 et 2010,
- condamner la société Puig France au paiement d'une indemnité de 25 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Me Ribaut ;
Elles expliquent que :
- il existe une relation commerciale suivie entre elle et la société Puig qui ressort de la logique même de la création de la société CPS répondant à une sollicitation du groupe Puig,
- les sociétés Parfums Nina Ricci et Paco Rabanne Parfums ont, à partir de 2009 et sans notifier de préavis de rupture, même partiel, imposé à la société CPS une quasi rupture de fait de la relation commerciale, caractérisée par un effondrement du chiffre d'affaires qui est passé de 1 409 151 euros en 2008 à 476 092 euros en 2009, provoquant ainsi sa cessation des paiements,
- il est impossible de prétendre que la rupture était prévisible dans la mesure où le contrat conclu pour l'année 2008 était à durée déterminée, sans clause de reconduction tacite compte tenu du contexte particulier des relations des parties,
- en tout état de cause, le caractère prévisible de la rupture ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis,
- en l'espèce, la société Puig France n'a notifié aucun préavis,
- la référence à un prochain appel d'offres limité à une seule campagne ne permet pas de déduire sans équivoque la fin des relations commerciales entre les parties,
- elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de deux ans compte tenu de la particularité de sa relation commerciale avec la société Puig France ;
Sur ce
LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société Puig France soutient que la relation commerciale entre les sociétés Nina Ricci et Paco Rabanne, aux droits desquelles elle vient, et la société CPS n'est pas établie, en ce que cette dernière ne pouvait pas raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir, les contrats signés étant tous à durée déterminée, le dernier contrat ayant été conclu après que la société CPS a répondu à un appel d'offre et ne prévoyant pas de clause de reconduction tacite. Elle explique ensuite que la baisse du chiffre d'affaires intervenue en cours d'année 2009 a été notifiée et qu'a été alloué un délai de préavis suffisant.
Me Marchier, ès qualités, et la société Art & Fragrance Services relèvent que les relations commerciales étaient établies avec les sociétés Nina Ricci et Paco Rabanne, devenues Puig France, au regard des circonstances atypiques de la création de la société CPS, ayant été accompagnée dans son développement par elles. Elle allègue que la rupture était imprévisible, au motif que les différents échanges ne laissaient pas présager un arrêt des commandes. Elle souligne qu'aucun préavis ne lui a été notifié.
Les parties s'opposent sur le caractère établi de leur relation commerciale, sur la brutalité de la rupture et sur la durée du préavis.
Aux termes de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Il est de principe qu'afin de combiner le respect de la liberté contractuelle et les prescriptions de cet article, son domaine d'application est limité aux cas où la relation commerciale entre les parties revêtait, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel, dans la mesure où la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Dès lors, cette anticipation raisonnable peut être démontrée en s'appuyant sur l'existence d'un contrat dont l'échéance est postérieure à la date de la rupture ou sur une pratique passée dont la partie victime de la rupture pouvait inférer que sa relation commerciale s'instaurait dans la durée. A l'inverse la pratique passée peut établir que la partie victime de l'interruption ne pouvait pas raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que :
- La convention Etat-entreprise du 19 octobre 2005 signée entre le Préfet du département de Seine et Marne et la société Parfums Nina Ricci impose à cette dernière de réindustrialiser le site de production d'Ury et de soutenir la mise en œuvre d'une plate-forme de revitalisation et de développement sous la forme d'un GIP. Elle prévoit également que " la durée de mise en œuvre de la convention est fixée à douze mois à compter de la date de signature. Elle pourra être renouvelée une fois par avenant. La mission s'achèvera dès que les objectifs auront été atteints ou au plus tard à l'expiration de la présente convention ou de son éventuel avenant ".
- La convention de sous-traitance a été signée entre les sociétés Parfums Nina Ricci et Paco Rabanne Parfums le 19 octobre 2005 " pour une durée déterminée de 2 années ", renouvelable par tacite reconduction. Le donneur d'ordre s'engageait à proposer une activité qui ne serait pas inférieure à 50 000 heures de travail par an.
- Le contrat-cadre de sous-traitance du 31 janvier 2006, qui a remplacé celui du 19 octobre 2005, a été signé entre les sociétés Parfums Nina Ricci et Paco Rabanne Parfums " pour une durée déterminée de 2 années ", soit jusqu'au 31 décembre 2007, renouvelable par tacite reconduction. Le donneur d'ordre s'engageait à proposer une activité qui ne serait pas inférieure à 50 000 heures de travail par an.
- Par courrier du 17 juillet 2007, la société Puig France a notifié à la société CPS sa " décision de ne pas reconduire après le 31 décembre 2007 le contrat de sous-traitance " et précisait qu'elle lui proposait de signer un nouveau contrat pour entrer dans le panel de fournisseurs permanents et pour pouvoir répondre aux appels d'offres plus élargis en terme d'activité. Il est également précisé que les campagnes du 1er semestre 2008 seront attribuées courant octobre 2007, l'objectif étant d'ajuster les prix de la prestation à chacune d'elles.
- Par courriel du 14 novembre 2007, la société Puig France a fait notamment savoir à la société CPS que " nous vous avons attribué une partie de la campagne, acceptant votre offre de prix en l'état, de fait nous engageant sur 2008 avec vous, alors même que jusqu'alors, rien ne nous lie à CPS pour 2008 de façon contractuelle ", et que " depuis 2005, nous compensons cette situation [demande d'amélioration du contrôle qualité en cours de production et de la gestion des stocks] en bon partenaire que nous sommes, en accompagnant sur place et à distance, c'est le travail à plein temps pour Puig de deux personnes. Je n'envisage pas de maintenir cette situation au-delà de 2008 si rien ne s'est amélioré dans le domaine ".
- Par courriel du 6 décembre 2007, la société Puig France a indiqué notamment à la société CPS que les commandes du 1er trimestre 2008 porteront sur la production de coffrets suite à l'appel d'offres, mais aussi sur le remplissage et la production d'échantillons.
- Le contrat-cadre de sous-traitance du 11 février 2008, à effet au 1er janvier 2008, a été signé entre la société Paco Rabanne Parfums " pour une durée déterminée de 1 an " sans clause de reconduction tacite. Il prévoit que les deux parties conviennent d'un rendez-vous au mois de novembre 2008 pour " faire un bilan de l'année 2008 et envisager les termes d'un engagement contractuel pour l'année 2009 ". Le donneur d'ordre s'engageait à proposer une activité qui ne serait pas inférieure à 1 million d'euros.
- Le procès-verbal de la réunion du 29 novembre 2008, qui s'est tenue entre la société Puig et la société CPS, indique, dans le paragraphe intitulé " activité à venir proposée par Puig ", que " le portefeuille de commandes pour le premier trimestre est présenté. En moyenne, 100 K d'activité mensuelle sont proposés. La campagne coffrets Noël 2009 sera présentée à CPS comme aux autres sous-traitants courant janvier 2009 dans le cadre d'appels d'offres ".
L'ensemble de ces éléments chronologiques démontrent que la société CPS n'a jamais pu espérer que sa relation avec la société Puig s'instaure dans la durée, le premier contrat du 31 janvier 2005, qui a immédiatement remplacé celui du 19 octobre 2006, étant explicitement d'une durée déterminée, ce contrat ayant par ailleurs fait l'objet d'une dénonciation de non-renouvellement, et le suivant étant explicitement d'une durée déterminée d'un an non renouvelable.
En outre, les différents échanges démontrent que la société Puig a fait savoir dès 2007 à la société CPS qu'elle ne se sentait pas liée contractuellement avec elle dans la durée et que donc leurs relations étaient précaires. Il est également établi que la société Puig n'était pas totalement satisfaite de la société CPS, lui reprochant des tarifs trop élevés au regard de ses concurrents, un contrôle qualité défaillant et une mauvaise gestion des stocks.
De même, la société Puig l'a mise en concurrence avec d'autres sous-traitants dans le cadre d'appels d'offres, à l'issue du contrat initial de 2 ans, par lequel elle était engagée en vertu de la convention Etat-entreprise, pour cette seule durée.
Aussi, au cours de la réunion du 29 novembre 2008, les perspectives de commandes pour la société CPS sont limitées, seuls une commande certaine pour le 1er trimestre et un appel d'offres pour les coffrets de Noël 2009 étant mentionnés. Enfin, la signature d'un nouveau contrat de sous-traitance n'était pas évoquée pour la perspective de l'année 2009.
En conséquence, ces constatations font ressortir que la société CPS ne pouvait pas raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir avec la société Puig.
Dès lors, les relations commerciales entre la société CPS, devenue la société Art & Fragrance Services, ne peuvent être considérées comme étant établies au sens de l'article précité.
A défaut de remplir cette condition préalable posée par ledit article, il y a lieu de rejeter les demandes formulées par Me Marchier, ès qualités, et la société Art & Fragrance Services à l'encontre de la société Puig France.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement s'agissant des demandes formulées par la société CPS sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Me Marchier, ès qualité, et la société Art & Fragrance Services, parties perdantes, doivent être condamnées aux dépens d'appel après cassation, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Puig France la somme supplémentaire de 10 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par Me Marchier, ès qualité, et la société Art & Fragrance Services.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant dans les limites de la saisine de la cour, suite à l'arrêt de cassation partielle rendu le 8 mars 2016 par la Cour de cassation, Infirme le jugement, Statuant à nouveau, Déboute Me Marchier, ès qualités, et la société Art & Fragrance Services de ses demandes formées à l'encontre de la société Puig France sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies, Y ajoutant, Condamne Me Marchier, ès qualités, et la société Art & Fragrance Services aux dépens d'appel après cassation, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Puig France la somme supplémentaire de 10 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Rejette toute autre demande.