CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 décembre 2017, n° 15-04648
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Airbus (SAS)
Défendeur :
Quore Design SL (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Valentie, Barbier, Hardouin, Steva-Touzery
Faits et procédure
La société Quore Design SL (ci-après Quore Design) est un prestataire de design de cabines d'aéronef établi en Espagne depuis 2004, qui comprenait deux salariés, Messieurs Celedoni et Flores, lesquels étaient également ses dirigeants. Cette société a travaillé comme sous-traitante de la société Airbus, jusqu'en mars 2009, période au cours de laquelle la société Airbus a mis fin à leurs relations.
Estimant que les relations contractuelles relevaient d'un contrat de salariat et non de sous-traitance, Messieurs Flores et Celedoni ont saisi le Conseil des prud'hommes de Toulouse en requalification de ces relations. Déboutés, ils ont interjeté appel, mais par arrêt du 13 décembre 2013, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement.
Par exploit du 31 décembre 2013, la société Quore Design SL a assigné la société Airbus SAS devant le Tribunal de commerce de Bordeaux en rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement du 6 février 2015, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :
- condamné la société Airbus SAS à payer à la société Quore Design SL la somme de 90 801,60 euros (quatre-vingt-dix mille huit cent un euros et soixante centimes) au titre des factures impayées,
- condamné la société Airbus SAS à payer à la société Quore Design SL la somme de 74 628 euros (soixante-quatorze mille six cent vingt-huit euros) à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie,
- débouté la société Airbus SAS de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- ordonné l'exécution provisoire partielle du jugement à hauteur de 90 801,60 euros (quatre-vingt-dix mille huit cent un euros et soixante centimes), montant de la condamnation au titre des factures impayées,
- condamné la société Airbus SAS à payer à la société Quore Design SL la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Airbus SAS aux dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,74 euros de TVA,
LA COUR
Vu l'appel interjeté par la société Airbus et ses dernières conclusions déposées et signifiées le 24 septembre 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de : vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,
à titre principal :
- recevoir l'appel interjeté par la société Airbus à l'encontre du jugement rendu le 6 février 2015 par le Tribunal de commerce de Bordeaux,
- le dire juste en la forme, et bien fondé,
- constater que la société Airbus démontre les manquements graves qui justifient le terme immédiat mis aux relations avec la société Quore Design,
- constater que les factures dont Quore Design a sollicité le règlement n'ont pas été valablement validées par Airbus, comportent des libellés incohérents et imprécis et ne correspondent à aucune prestation commandée par Airbus et non déjà réglée, en conséquence,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- débouter la société Quore Design de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Quore Design à payer à la société Airbus la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Quore Design aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Christian Valentie, Avocat au barreau de Paris, et ce dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 octobre 2017 par la société Quore Design SL, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
vu les dispositions des articles 1134 du Code civil, L. 442-6 du Code de commerce et 9 du Code de procédure civile,
- rejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes et en tous cas mal-fondées,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les factures émises en janvier et février 2009 étaient dues,
- le confirmer en ce qu'il a jugé brutale la rupture des relations commerciales entre Airbus et Quore Design,
y ajoutant,
- condamner la SAS Airbus au paiement de la somme de 135 987 euros au titre de factures impayées du premier trimestre 2009,
- condamner la SAS Airbus au paiement de la somme de 298 514 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la brusque rupture des relations établies entre les parties,
- condamner la SAS Airbus au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SAS Airbus aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ces derniers, au profit de la Selarl 2H Avocats en la personne de Maître Patricia Hardouin, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE
Sur la demande de rejet de conclusions et de pièces de la société Airbus
La société Airbus a signifié le 9 novembre 2017 des conclusions tendant à obtenir le rejet des débats des conclusions signifiées par la société Quore Design le 25 octobre 2017 et de trois nouvelles pièces communiquées par cette dernière, la clôture ayant été prononcée le 31 octobre 2017.
Par conclusions du 16 novembre 2017, la société Quore Design réplique qu'elle accepte de retirer les pièces litigieuses (43 à 45), mais qu'en revanche, la société Airbus n'exposant pas les moyens nouveaux sur lesquels elle n'aurait pu répondre, sa demande de rejet des conclusions devra être rejetée.
La cour donne acte à la société Quore Design du retrait des pièces 43 à 45.
La société Airbus n'exposant pas en quoi les conclusions du 25 octobre 2017 contiendraient des arguments auxquels elle n'aurait pas eu le temps de répondre, ce qui aurait porté atteinte à ses droits de la défense, sa demande de retrait sera rejetée.
Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie
La société Airbus expose que la relation avec la société Quore Design était ponctuelle et instable, constituée de quatre commandes indépendantes en l'absence de contrat-cadre et que l'intimée n'avait donc aucune garantie sur la conclusion prochaine d'une commande supplémentaire. Se fondant sur le rapport de son compliance officer, de son expert-comptable et sur les jugements prud'hommaux rendus contre trois de ses salariés, elle rappelle que la rupture sans préavis de relations commerciales n'est pas fautive dès lors qu'est constaté un manquement grave du partenaire économique. À ce titre, l'appelante estime que la société intimée a :
- entretenu une opacité quant aux prestations, réalisées ou livrées, approuvées ou non, aucune trace des livrables n'ayant été retrouvée, et les factures ne comportant aucune preuve de conformité des travaux ni d'approbation pour paiement,
- participé à un système de fraude mis en place par des salariés d'Airbus, licenciés depuis lors, consistant à surfacturer des prestations en partie fictives et à rétrocéder des commissions occultes auxdits salariés,
- contrefait les marques, logos et designs d'Airbus, en les affichant sans autorisation sur son site internet,
- commis des actes de parasitisme en profitant de la renommée d'Airbus sur son site internet, non seulement par la contrefaçon de ses marques, mais également en y affichant une clientèle fournie et notoire qui était celle de la société Airbus,
- démarché une société du groupe Airbus sous une fausse identité,
- s'est immiscé dans le processus de commande d'Airbus.
Elle soutient que les manœuvres frauduleuses des salariés du service TBCUD3 auxquelles a pris part la société intimée, ont été sciemment dissimulées à l'appelante durant plusieurs années, ce qui explique qu'elle n'ait jamais adressé de mise en demeure à la société Quore Design.
La société Quore Design conteste point par point ces allégations. Elle soutient d'une part que la permanence de la relation existant entre les deux sociétés est établie puisqu'elle a démarré dès le milieu de l'année 2005 pour prendre fin au mois de mars 2009; d'autre part, elle estime qu'aucune faute ne peut lui être imputée dans l'accomplissement de ses missions, les documents produits par la société appelante n'ayant aucune force probante, et qu'enfin, le caractère brutal de la rupture des relations n'est pas contesté.
Si, aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ", la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer. Par ailleurs, " les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Il est justifié par les pièces du dossier que la société Quore Design a été sous-traitante de la société Airbus de septembre 2005 à mars 2009, les relations commerciales s'étant renouvelées d'année en année et s'inscrivant dans une volonté de continuité caractérisée par la persistance d'un flux régulier d'affaires et réitérée en dernier lieu par un message électronique de la société Airbus du 19 décembre 2018, annonçant la poursuite de cette relation en 2009.
Il n'est pas contesté que ces relations ont pris fin sans préavis le 6 avril 2009, lorsque la société Quore Design a été destinataire d'un mail collectif d'Airbus, annonçant à l'ensemble de ses collaborateurs que la société Quore Design ne faisait plus partie de ses sous-traitants.
Si la société Airbus impute des agissements fautifs à la société Quore Design, constitués, notamment, de surfacturations commises avec le concours de deux de ses salariés, licenciés depuis, accompagnées de rétro-commissions occultes, pratiques qui constitueraient des fautes d'une gravité suffisante, de nature à priver la rupture de sa brutalité, elle n'en rapporte pas la preuve, qui lui incombe.
La société Quore Design souligne en effet à raison que les rapports du compliance officer et du commissaire aux comptes de la société Airbus, documents internes destinés à fonder les griefs contre les deux salariés en cause, Messieurs Bock et Feldkirchner, émanent de personnes ayant un lien de subordination ou de commerce avec la société appelante, ont été unilatéralement établis à demande de cette dernière sans qu'aucune procédure contradictoire ne soit assurée. Au surplus, ces documents ne contiennent que des constatations vagues, insuffisamment circonstanciées pour établir l'implication de la société Quore Design dans les manquements reprochés aux deux salariés, auxquels il a été fait grief, par les juridictions prud'hommales, de s'être affranchis des procédures internes instaurées par la société Airbus relatives au choix, à la mise en concurrence et au contrôle des sous-traitants. L'évocation de " doutes " sur la réalité des travaux effectués par la société Quore Design figurant dans l'enquête interne, dont le rapport du commissaire aux comptes conclut que seule une expertise permettrait de l'établir, ne saurait ainsi caractériser une faute d'une gravité suffisante. L'attestation de M. Donovan, responsable du service Ethics & Compliance d'Airbus n'est pas plus précise, se contentant de stigmatiser les réponses " non satisfaisantes " de la société Quore Design à ses questions. Aucune pièce extrinsèque ne justifie de l'existence d'une surfacturation ou d'un montant excessif du tarif pratiqué par la société Quore Design en collusion avec les deux salariés incriminés.
Les jugements prud'hommaux ne démontrent pas que les salariés ont été licenciés pour manœuvres frauduleuses, fraude, corruption ou surfacturation. La société Quore Design souligne à juste titre que la motivation du jugement concernant Madame Bock repose sur des faits erronés, celle-ci n'ayant pu indiquer qu'elle seule décidait du choix des sous-traitants alors qu'elle n'a pris la direction du service qu'en mars 2008 et que diverses pièces versées au dossier par Quore Design démontrent que ce choix était assuré par le service des achats et non par le département TBCUD3 dont relevaient les deux salariés. Ainsi, ces jugements ne sont pas de nature à rapporter la preuve des griefs formulés à l'encontre de la société Quore Design.
S'agissant de l'usage de la marque Airbus dans des documents publicitaires ou sur son site internet qui est reproché à la société Quore Design, celle-ci produit une autorisation d'utilisation de la marque signée par Monsieur Feldkirchner, salarié du département TBCUD3, dont le licenciement pour faute grave, validé par le Conseil de prud'hommes de Toulouse, ne peut suffire à priver ce document de toute valeur probante, d'autant que la société Airbus avait par ailleurs donné des autorisations spécifiques et qu'aucun grief n'a jamais été formulé de ce chef à l'encontre de la société Quore Design.
Si la société Airbus soutient que la société Quore Design a démarché la société Eurocopter en se faisant accompagner de Monsieur Hallermeier, en réalité ingénieur d'Airbus présenté à Eurocopter sous une fausse qualité de directeur commercial de la société Quore Design, elle ne démontre pas que cette pratique lui aurait été reprochée par elle, ni qu'elle constitue une faute, à son égard, d'une gravité suffisante justifiant la rupture sans préavis.
La société appelante soutient que la société Quore Design s'est immiscée dans le processus de commande, le nom de son dirigeant Rafael Flores apparaissant comme donneur d'ordres sur des commandes passées auprès de prestataires d'Airbus. À ce titre, l'appelante précise l'avoir invitée à s'expliquer sur ces manquements dans le cadre de l'enquête interne, lors d'une réunion le 19 février 2009, sans que les circonstances de cette immixtion soient suffisamment circonstanciées pour démontrer la faute.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé brutale la rupture, intervenue en l'absence de faute d'une gravité suffisante pour justifier l'absence de préavis.
Sur le préavis
La société Airbus estime que la société Quore Design n'est pas recevable à se prévaloir d'un état de dépendance économique, dès lors qu'elle a fait le choix de n'avoir pour seul client qu'Airbus, précisément en raison de sa connivence avec le service design et de la fraude organisée lui permettant de surfacturer ses prestations. Au surplus, la société Airbus affirme qu'aucune des quatre commandes ne stipulait de clause d'exclusivité. Elle expose que, compte tenu de la durée de la relation, inférieure à quatre ans, soit de juillet 2005 à mars 2009, la société Quore Design ne peut légitimement prétendre à un préavis d'un an, alors que la jurisprudence prévoit un préavis de 3 à 6 mois maximum pour une relation de 4 à 5 ans.
La société Quore Design soutient qu'elle avait la société Airbus pour seul client et que l'intégralité de son chiffre d'affaires provenait de ses prestations pour cette dernière. Elle précise que cette exclusivité n'est pas le résultat d'un choix délibéré puisqu'elle avait depuis longtemps entrepris des démarches pour diversifier sa clientèle mais que sa marche de manœuvre était limitée, en raison des prestations réalisées pour le compte de la société Airbus qui exigeaient toute sa disponibilité, et s'avéraient incompatibles avec la réalisation d'autres marchés. Elle estime fondé un préavis d'un an.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause. Le délai de préavis suffisant s'apprécie au moment de la notification de la rupture.
La société Quore Design s'est comportée en prestataire exclusif de la société Airbus, malgré un avertissement de celle-ci, et malgré quelques tentatives pour trouver d'autres partenaires. Elle réalisait ainsi la quasi-totalité de son chiffre d'affaires avec Airbus, sans que cette société ait exigé une quelconque exclusivité de sa part.
Compte tenu de la durée de la relation commerciale, de trois années et demi, de la difficulté à trouver des partenaires de la taille équivalente à celle d'Airbus, du pourcentage de chiffre d'affaires réalisé avec cette société et de la spécificité du marché en cause, il y a lieu de lui accorder un préavis de six mois. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
Sur le préjudice allégué par la société Quore Design
La société Airbus soutient que l'indemnisation d'une rupture brutale des relations commerciales établies consiste en la marge brute qu'aurait pu espérer percevoir la partie lésée pour l'exécution de ses prestations durant un préavis raisonnable. Elle relève à cet égard que la société Quore Design fonde le calcul de son préjudice sur des bilans non publiés au registre du commerce de Barcelone, dont il est impossible de vérifier la sincérité et produits sans traduction française.
La société Quore Design estime que la rupture de la relation contractuelle lui a causé un préjudice, s'étant retrouvée privée de chiffre d'affaires et n'ayant pu assurer la pérennité de son activité. De plus, la société intimée soutient que les conditions de la rupture ont laissé les dirigeants et associés de la société dans l'impossibilité de retrouver de nouvelles missions en matière de design industriel dans l'industrie aéronautique.
La société Quore Design justifie, pour l'année 2008, un montant d'honoraires perçus de 462 062 euros et pour l'exercice précédent de 432 382 euros. Par ailleurs, elle avait sur ces deux exercices, 142 436 euros et 154 978 euros de charges d'exploitation, le reste étant constitutif du résultat et de la rémunération de ses associés gérants.
La cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer à 298 514 euros la marge annuelle réalisée avec Airbus.
Il y a donc lieu de condamner la société Airbus à lui payer la somme de 149 257 euros, à titre de réparation pour le préavis dont elle a été privée.
Sur les factures impayées
La société Airbus soutient que les prestations facturées n'ont pas été commandées, acceptées, ni réceptionnées. En effet, l'appelante estime qu'aucun " Purchase Order " n'a été émis au titre de la commande dont se prévaut l'intimée, alors même qu'il existe un formalisme particulier dans la passation des commandes dans les relations entre Airbus et ses fournisseurs. La société Airbus soutient qu'il s'agit de documents de complaisance affectés d'irrégularités et d'imprécisions puisque :
- la facture n° 97 est identique à une facture n° 96 émise le 30 décembre 2008 en exécution de la commande n° 6500078311,
-les factures n° 97 et 98, sont datées du 30 janvier 2009 pour la première et du 27 février 2009 pour la seconde, mais ont toutes deux été reçues le 9 mars 2009 par la comptabilité d'Airbus,
- la facture n° 98 mentionne des prestations mal identifiées, toutes affichées sous la même référence incomplète " item 00xx " bien qu'ayant des descriptifs différents,
- les factures n° 100 et n° 101 ont quant à elles été émises le 31 mars 2009, soit plusieurs semaines après la fin des relations, et réceptionnées le 23 avril 2009 par Airbus,
- la facture n° 101 est absolument identique à la facture n° 98, à l'exception de la date, et mentionne les mêmes prestations fictives sous référence " item 00xx ".
La société Airbus soutient par ailleurs que les prestations listées dans ces factures ont un libellé ne permettant pas d'identifier clairement les travaux mentionnés et précise à ce titre que la prestation "Trim and Finish " correspond au Purchase Order du 2 septembre 2005'; les prestations de " follow-up " désignent un suivi de travaux antérieurs ; les prestations de " follow-up 2008 " désignent le suivi de travaux exécutés en 2008 alors que les prestations dont le paiement est réclamé ont été réalisées en 2009 et les frais de déplacement ne sont pas justifiés, et leur montant élevé au regard de la durée des déplacements. Enfin, la société Airbus soutient que les prestations dont le paiement était réclamé correspondent à l'exécution de la précédente commande et ont déjà été réglées. En effet, les échanges e-mails et présentations powerpoint produites par l'intimée ne permettraient pas de comprendre quelles sont les prestations qui auraient effectivement été livrées par cette dernière ni quelle serait leur valeur. De plus, l'appelante estime que ces documents ne démontrent pas que les prestations, à les supposer réalisées, aient été effectuées en exécution de la commande " Purchase Order n° 6500082791 ". Au contraire, l'appelante soutient que les prestations que l'intimée prétendait avoir réalisées en exécution de cette commande ont, en réalité, été commandées et effectuées en exécution de la commande n° 6500078311 pour laquelle la société Quore Design a été entièrement réglée.
Par conséquent, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement en ce point et en toutes ses dispositions.
La société Quore Design soutient justifier de :
- l'ordre de commande provisoire d'Airbus, émanant du service achat, dont elle dispose sur la période postérieure au 1er janvier 2009,
- relances multiples auxquelles la société Airbus n'a jamais apporté de contestations,
- nombreux justificatifs du travail et des missions accomplis (le libellé des factures n'étant pas moins détaillé ou imprécis que les factures des années antérieures et correspondant à la poursuite de missions constantes dans le domaine du " trim and finish " et de personnalisation des cabines pour de multiples clients). La société intimée ajoute que dans la factures n° 97 de janvier, il a été repris les mêmes intitulés que celle de décembre 2008, car les prestations étaient de nature identique mais sur des unités d'avion différentes. De plus, l'intimée soutient que dans la facture n° 98 de février 2009, les intitulés des définitions de la commande 2008 sont également repris, l'intimée ayant fait le choix dans ses deux factures de ne pas mentionner de numéros d'items car elle ne disposait pas du " Purchase Order " formalisé,
- la validation par la société Airbus des factures de janvier et février 2009 et de la demande de cette dernière de procéder à des déplacements, notamment en mars 2009 dont le montant doit lui être remboursé. La société intimée estime que la société Airbus ne produit aucun élément au titre de vérifications qu'elle n'aurait pas manqué de faire sur les justificatifs des missions accomplies produits par l'intimée, et dont elle faisait état s'ils étaient de nature à constituer un début de preuve, de l'inexistence ou de l'insuffisance des prestations de la société intimée.
Par conséquent, la société Quore Design sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les deux premières factures adressées par la société intimée devaient être payées, mais sollicite que l'autre soit réglée, ce qui porte sa demande de condamnation de la société Airbus au paiement d'une somme totale de 135 987 euros à ce titre.
La société Quore Designe sollicite le paiement de quatre factures :
- la facture n° 098 du 27 février 2009 d'un montant total de 42'951 ,
- la facture n° 097 du 30 janvier 2009 d'un montant total de 44'597,50 ,
- la facture n° 0101 du 31 mars 2009 d'un montant de 5 488,48 euros,
- la facture n° 0100 du 31 mars 2009 d'un montant de 42'951 euros.
Les quatre factures comportent un numéro d'" ordre de service " (" purchase order ") commun, n° 6500082791.
Trois factures (098, 097 et 0100) correspondent à un projet " A380 THA Customization and Airline Customization ", la facture 0101 correspondant à des frais de déplacement.
Les quatre factures ont été réceptionnées par la société Airbus, le 27 avril 2009 (pièce n° 9 de la société Quore Design).
Il résulte d'un message électronique de Madame Cros, de la société Airbus, à Monsieur Flores, de la société Quore Design, du 19 décembre 2008 (pièce 10 de Quore Design) qu'était annexé à ce mail le bon de commande n° 6500082791 : "'bonjour nous souhaitons vous informer que vous travaillerez en janvier 2009 sur l'activité décrite dans le document joint, conformément au bon d'achat n° 6500082791. " CDC Quore Design 2008 v.1.00.doc ". Vous recevrez sous peu la convention mentionnée pour une activité à partir de janvier 2009 jusqu'à mars 2009 et nous vous contacterons en début d'année pour discuter des dossiers. N'hésitez pas à me contacter pour de plus amples informations. Meilleures salutations ".
Par ailleurs, les factures n° 097 et 098 ont fait l'objet d'une acceptation formelle par Madame Bock, de la société Airbus, respectivement les 9 février et 10 mars 2009 (pièces 38 et 39 de Quore Design).
Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Airbus au paiement des factures n° 097 et 098.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer la facture de frais du 31 mars 2009 relative au remboursement des débours relatifs à un déplacement à Bangkok de M. Celedoni, dont un courriel adressé le 11 mars 2009 par la société Airbus à la société Quore Design démontre que c'est à la demande d'Airbus que Monsieur Celedoni s'est rendu à Bangkok du 23 au 27 mars 2009 (pièce 20 de Quore Design).
Il y a lieu également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Quore Design de sa demande de remboursement de la facture n° 0100, la démonstration de la réalité des prestations n'étant pas faite. En effet, celle-ci n'a pas été validée par la société Airbus et est relative au mois de mars 2009, mois au cours duquel la société Quore Design reconnaît s'être vue imposer des restrictions d'accès aux locaux d'Airbus.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Succombant au principal, la société Airbus sera condamné aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à payer à la société Quore Design la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, donne acte à la société Quore Design du retrait de ses pièces 43 à 45, rejette la demande de la société Airbus tendant à voir écarter des débats les conclusions du 25 octobre 2017 de la société Quore Design, confirme le jugement entrepris, sauf sur la durée du préavis et le quantum des dommages-intérêts alloués à la société Quore Design pour rupture brutale des relations commerciales établies, l'infirme sur ce point, et statuant à nouveau, condamne la société Airbus à payer à la société Quore Design la somme de 149 257 euros en réparation de son préjudice né de la rupture brutale des relations commerciales établies, la condamne aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Quore Design la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.