CA Riom, 3e ch. civ. et com., 20 décembre 2017, n° 17-00289
RIOM
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Phytosynthèse (SAS)
Défendeur :
Substancia Inc. (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Riffaud
Conseillers :
MM. Kheitmi, Talenti
Avocats :
Selarl Lexavoué, Selas Fidal, Mes Lacquit, Adda
Exposé du litige :
La SAS Phytosynthèse, dont le siège se situe à Mozac (63), fabrique et commercialise des produits à base d'extraits végétaux destinés au marché de l'alimentation animale.
Désireuse de développer la commercialisation de sa production au Canada, elle s'est rapprochée, en 2005, de M. Jean Félix Larose, qui y exerce la profession de vétérinaire.
En 2006, des relations d'affaires se sont établies préalablement à la formalisation écrite d'un contrat et courant 2007, un contrat écrit dénommé " Contrat de distribution sélectif ", qui n'a pas été revêtu d'une date, a été établi entre la SAS Phytosynthèse et la société de droit canadien Substancia Inc., représentée par M. Jean Félix Larose, président, et M. Mohamed G., vice-président.
Ce contrat engageait le distributeur, la société Substancia Inc. à ne s'approvisionner qu'auprès de la société Phytosynthèse s'agissant des produits constituant l'objet du contrat tandis que la société Phytosynthèse s'engageait à ne pas délivrer ses produits à toute structure pouvant vendre au Canada autre que sa cocontractante.
L'article second de ce contrat intitulé " Accord de distribution " était rédigé comme suit :
" (a) la " Société " concède au " Distributeur " la distribution exclusive de sa gamme de " Produits " définis dans l'article 1 (b) sur le territoire défini dans l'article 1 (a).
Un premier contrat verbal est actif entre la " Société " et le " Distributeur " depuis 2006, sous une base de durée probatoire se finissant en décembre 2008. Il est lié aux actions et objectifs définis en Annexe 1. Son exécution interviendra à la date d'enregistrement des " Produits " sur le " Territoire ".
Si les objectifs décrits en Annexe 1 sont atteints, le présent contrat sera renouvelé annuellement par tacite reconduction à partir de l'année 2009.
(c) Le " Distributeur " s'engage à mettre tous ces efforts dans le développement de la vente des produits de la " Société " et reconnaît ne pas distribuer de produits concurrents sur le " Territoire ". Le " Distributeur " pourra vérifier ce point auprès des Douanes Canada. "
L'annexe 1, dénommée " Actions et objectifs commerciaux " comportait deux paragraphes :
- le premier, intitulé " Actions au cours de la période probatoire se terminant en décembre 2008 ",
- le second, intitulé " objectifs commerciaux " et rédigé comme suit :
" Conditions de maintien des droits exclusives (sic) pour les produits de Phytosynthèse
- 2007 (10 mois à dater du 1/03/07) : Minimum : 10 000 kg de produits commandés.
- 2007 (12 mois) : Minimum : 80 000 kg de produits commandés. "
Ces stipulations, dactylographiées, étaient suivies de mentions manuscrites :
" 2009 80 000 kg, 2010 80 000 kg, 2011 80 000 kg " elles-mêmes suivies des signatures des trois signataires du contrat.
Cette convention prévoyait, en outre, en son article 9, qu'en cas de rachat de la société Phytosynthèse par une autre structure, le distributeur conserverait le bénéfice de l'exécution du contrat et qu'à défaut de respect de cette obligation, le distributeur serait indemnisé à concurrence d'un montant égal à 36 mois de chiffre d'affaires précédant la résiliation et au paiement, au prix de vente, des produits en stock.
Les laboratoires Lehning ont acquis la SAS Phytosynthèse en octobre 2012.
Le 23 juin 2014, la société Phytosynthèse a notifié à la société Substancia la fin du courant d'affaires à effet au 1er juillet 2015.
Par acte d'huissier de justice en date du 7 juillet 2015, la société Substancia a fait assigner la société Phytosynthèse devant le Tribunal de commerce de Clermont Ferrand, au visa des articles 1134 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce, pour voir :
à titre principal,
- constater que le contrat de distribution exclusive conclu le 31 décembre 2008 s'est valablement poursuivi après le 31 décembre 2008 ;
- constater l'acquisition par le groupe Lehning de la société Phytosynthèse ;
- constater la résiliation du contrat de distribution exclusive par le groupe Lehning Phytosynthèse à compter du 1er juillet 2015 ;
- condamner la société Phytosynthèse à verser à la société Substancia une somme égale au chiffre d'affaires réalisé par la société Substancia du 1er juillet 2012 au 1er juillet 2015 à titre de dommages et intérêts
- ordonner le rachat au prix de vente par la société Phytosynthèse de l'inventaire des produits détenus par la société Substancia au 1er juillet 2015 ;
à titre subsidiaire,
- constater que les relations commerciales des sociétés Substancia et Phytosynthèse ont durée neuf années et étaient établies ;
- constater que la société Substancia était dans un état de dépendance économique par rapport à la société Phytosynthèse ;
- dire et juger qu'un préavis de rupture d'une année était insuffisant ;
- condamner la société Phytosynthèse à verser à la société Substancia une somme de 84 436 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales sans respect d'un préavis tenant compte de la durée desdites relations ;
en tout état de cause,
- condamner la société Phytosynthèse à verser à la société Substancia la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Suivant un jugement du 19 janvier 2017, la société Substancia ayant renoncé à sa demande subsidiaire présentée au titre de la rupture des relations commerciales établies et la société Phytosynthèse à l'exception d'incompétence se rattachant à cette demande, le Tribunal de commerce de Clermont Ferrand a :
- dit la société Substancia Inc. recevable en son action et bien fondée en sa demande indemnitaire ;
- rejeté la demande tendant à voir constater la nullité du contrat de distribution exclusive conclu entre la SAS Phytosynthèse et la société Substancia Inc. ;
- condamné la SAS Phytosynthèse à payer et porter à la société Substancia Inc. la somme de 327 407,52 euros (457 552,02 $CAN) au titre du préjudice subi suite à la résiliation du contrat par défaut d'activité pendant une période de 3 ans ;
- débouté la société Substancia Inc. de sa demande de rachat au prix de vente par la société Phytosynthèse de l'inventaire des produits détenus par la société Substancia au 1er juillet 2015 ;
- condamné la société Substancia à payer et porter à la SAS Phytosynthèse au titre des deux factures n° 150400091 et n° 150700070, les sommes de :
- 19 760 euros ;
- 15 486 euros ;
- toutes deux augmentées des intérêts à compter de leurs dates d'échéance (respectivement au 15 juin 2015 pour la première et au 7 septembre 2015 pour la seconde) au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points ;
- condamné la SAS Phytosynthèse à payer à la société Substancia Inc. la somme de 2 500 euros au titre de ses frais de procès outre les dépens.
Suivant une déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 8 février 2017, la société Phytosynthèse a interjeté appel de ce jugement précisant limiter l'objet de son recours au rejet de la demande de nullité du contrat de distribution exclusive, à sa condamnation au paiement de la somme de 327 407,52 euros au titre du préjudice subi par la société Substancia et à celle de somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et au rejet de la demande au titre du défaut d'intérêt à agir de Substancia.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées et déposées au greffe le 29 septembre 2017 au moyen de la communication électronique, elle demande à la cour, au visa des articles 1134 du Code civil, L. 441-6 du Code de commerce et 32 du Code de procédure civile, de :
confirmer le jugement mais uniquement en ce qu'il a condamné la société Substancia à lui payer les montants de 19 760 euros et 15 486 euros, au titre des factures impayées n° 150400091 en date du 22 avril 2015 et n° 150700070 en date du 16 juillet 2015, outre intérêts au taux de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de dix points de pourcentage et indemnité forfaitaire de 40 euros ;
l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau,
* à titre principal,
- dire que la société Substancia est irrecevable en ses demandes, en raison d'un défaut d'intérêt à agir ;
* subsidiairement, sur les demandes principales de la société Substancia,
- dire que le contrat de distribution exclusif non daté, conclu en 2007 n'était plus en vigueur lors de la cessation, en 2015, du courant d'affaires existant entre les parties ;
- dire, en tant que de besoin, que l'application du contrat de distribution exclusif non daté, conclu en 2007, ne permet de fonder aucune des demandes de la société Substancia ;
- débouter, en conséquence, la société Substancia de l'ensemble de ses demandes ;
* en tout état de cause,
- condamner la société Substancia à lui verser la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et à supporter les dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué.
Au soutien de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Substancia Inc. en vertu du contrat dont elle se prévaut, elle fait valoir qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de s'assurer que le contrat de distribution sur lequel les demandes sont fondées a été effectivement conclu par la société Substancia partie à l'instance.
Elle prétend que les recherches effectuées au Canada auprès des différents registres d'immatriculation montre que la société Substancia Inc. a été immatriculée pour la première fois le 4 décembre 2009 et, qu'ainsi, cette société n'existait pas en vertu de la loi canadienne sur les sociétés par actions à l'époque de la signature du contrat de distribution exclusive, intervenue en 2007. Elle précise que les autres sociétés portant le nom de Substancia n'ont pas de lien juridique avec la société intimée et que cette dernière ne s'explique pas sur cette situation.
Subsidiairement, elle considère que les demandes de la société Substancia sont dépourvues de fondement dans la mesure où elles sont assises sur un contrat de distribution exclusif conclu en 2007 et qui n'est plus en vigueur depuis la fin de l'année 2011 au plus tard, faute d'avoir été reconduit par les parties que ce soit de manière expresse ou tacite.
A cet égard, elle soutient que lorsque les parties définissent elles-mêmes les conditions de la reconduction d'un contrat, ces conditions sont de rigueur et ne peuvent être écartées, le silence des parties ne pouvant permettre d'établir que le contrat a été poursuivi ou renouvelé sauf si la preuve d'un accord contraire est rapportée.
Elle expose que le contrat n'a pas été reconduit au-delà de l'année 2011 puisque l'article 2, qui en prévoyait la tacite reconduction annuelle, la subordonnait à la réalisation d'objectifs décrits en Annexe 1 et que ces objectifs n'ont jamais été atteints par la société Substancia, qui le reconnaît.
Elle considère, contrairement à la société adverse, que les objectifs ne conditionnaient pas le renouvellement de la période probatoire mais bien la reconduction tacite du contrat de sorte que toute tacite reconduction est exclue et ce au plus tard à la fin de l'année 2011, époque à laquelle les parties ont définitivement cessé de prévoir un quelconque objectif annuel. Et elle prétend que les parties ne se sont pas davantage accordées sur une reconduction expresse.
Elle estime, ainsi, que la poursuite d'un courant d'affaires jusqu'en 2015 ne laisse aucunement présumer la reconduction tacite du contrat initial et de ses engagements spécifiques et qu'elle n'avait aucune raison, dans sa correspondance du 23 juin 2014 mettant un terme à la relation d'affaires, d'évoquer la résiliation d'un contrat de distribution qui était devenu caduc depuis plusieurs années. Ainsi, les prétentions de la société Substancia, tendant à obtenir l'indemnisation de la résiliation d'un contrat qui avait simplement cessé d'être reconduit, ne sont pas fondées.
Plus subsidiairement, si la cour considérait que le contrat initial demeurait applicable au moment de la cessation du courant d'affaires, la société Phytosynthèse fait valoir que les conditions pour lui réclamer une quelconque indemnité ne sont pas réunies en raison de l'absence d'atteinte des objectifs d'achat qui conduit à écarter tout versement d'une indemnité au profit de la société adverse.
Elle soutient, par ailleurs, qu'une lecture stricte de l'article 9 (b) du contrat ne conduit pas au versement d'une indemnité en ce sens que la notion de rachat visée par la clause est particulièrement vague et que, si la société Lehning est entrée à son capital, elle ne s'est pas substituée dans ses droits, cette arrivée au sein de son capital ne constituant pas un rachat tel que visé par la convention.
Elle reproche encore à la société Substancia ses manquements à leur exclusivité réciproque non respectée par Substancia et les retards mis au règlement des factures.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées et déposées au greffe le 18 octobre 2017 au moyen de la communication électronique, la société Substancia Inc., intimée formant appel incident, demande à la cour, au visa des article 1134 et 1162 anciens du Code civil, de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal et de la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a dite recevable et bien fondée en son action indemnitaire, en ce qu'il a dit que l'article 9 du contrat de distribution exclusive était applicable au litige et en ce qu'il a condamné sur le principe la société Phytosynthèse à lui payer une somme au titre du préjudice subi suite à la résiliation du contrat ;
- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau de :
- débouter la société Phytosynthèse de toutes ses demandes ;
- condamner la société Phytosynthèse, en application de l'article 9 (b) du contrat, à lui verser une somme égale au chiffre d'affaires réalisé par la société Substancia Inc. du 1er juillet 2012 au 1er juillet 2015, au titre de dommages et intérêts, soit la somme de 1 247 940,08 euros nets ;
- subsidiairement, la condamner sur le même fondement, à lui verser une somme égale au chiffre d'affaires réalisé par la société Substancia Inc. pendant 24 mois ;
- condamner la société Phytosynthèse aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Lacquit, et à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de ses frais de procès.
Elle soutient que la partie désignée au contrat de distribution est bien la même que l'auteur de l'assignation soit la société dénommée Substancia Inc., enregistrée sous le numéro 7280926 au registre Corporation Canada, présidée par M. Jean Félix Larose et ayant pour vice-président M. Mohamed G. et elle reproche à la société appelante de faire preuve d'incohérence en relevant le défaut d'intérêt à agir tout en reconnaissant dans le même temps l'existence de relations commerciales avec Substancia Inc. sur la base du contrat litigieux au moins jusqu'en 2011. Elle considère qu'il est ainsi porté atteinte au principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et elle reproche à la société adverse de soulever ce moyen faute de pouvoir, en raison de la prescription, soulever la nullité du contrat, invoquée en première instance.
Quant à la poursuite du contrat de distribution, elle soutient que cette convention s'est bien poursuivie de manière tacite même après 2012 et elle fait valoir qu'il ressort du contrat que seul le premier contrat verbal actif depuis 2006 et se terminant en décembre 2008 était soumis aux objectifs définis en annexe 1 et que le fait que les parties aient inscrit à la main en annexe 1 des quantités d'achats pour les années 2009, 2010 et 2011 ne permet pas d'en déduire qu'elles ont entendu conditionner le renouvellement annuel de leur convention à l'atteinte de ces objectifs. Elle précise que les objectifs n'ont jamais été at teints mais que cela n'a pas empêché la société Phytosynthèse de consentir une exclusivité de distribution ni empêché les parties de reconduire le contrat.
Elle fait également valoir qu'à la lecture de l'article 1162 du Code civil ancien, les conventions doivent s'interpréter contre celui qui a stipulé en faveur de celui qui a contracté l'obligation et, ainsi, en faveur de la société Substancia. Et elle ajoute qu'il est faux de considérer que si aucun objectif n'a été inscrit en 2012 c'est parce que les parties n'entendaient plus se prévaloir du contrat mais soutient, qu'en réalité cette décision faisait suite au durcissement du contexte réglementaire empêchant la réalisation d'objectifs.
Elle ajoute qu'il est constant que même après 2012 les parties ont poursuivi leurs relations dans les conditions du contrat de distribution. A cet égard, elle précise qu'elle commandait ses produits auprès de la société Phytosynthèse et les distribuait au Canada de manière exclusive et sans interruption jusqu'à la résiliation expresse du 23 juin 2014.
S'agissant de l'applicabilité des dispositions de l'article 9 du contrat, elle indique qu'après l'acquisition de la société Phytosynthèse par les laboratoires Lehning en octobre 2012, les re la t ions entre les parties se sont considérablement détériorées et que le g roupe Lehning Phytosynthèse a refusé de reconnaître l'existence d'un contrat et a tenté de lui imposer une nouvelle convention avec des objectifs à atteindre alors même que, précédemment, en fonction du contexte réglementaire canadien et des conséquences de l'intervention de l'ACIA sur les arguments de vente des produits, les deux sociétés étaient convenues de ne plus fixer d'objectifs tant ce que ce contexte perdurerait, les précédents objectifs étant eux-mêmes simplement indicatifs.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir
Au soutien de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Substancia en vertu du contrat dont elle se prévaut, la société Phytosynthèse fait valoir qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de s'assurer que le contrat de distribution sur lequel ses prétentions sont fondées a été effectivement conclu par la société demanderesse. Et elle fait valoir que la société Substancia Inc. n'avait pas d'existence juridique lors de la conclusion du contrat de distribution en 2007.
Néanmoins, c'est à bon escient que les premiers juges, qui ont relevé le caractère identique des dénominations sociales, de l'identité des dirigeants (MM. Larose et G.) et de l'activité exercée, ont retenu que la société Substancia Inc. est fondée à revendiquer le bénéfice de ce contrat et qu'elle dispose d'un intérêt à agir pour en poursuivre l'exécution.
S'il ressort, en effet, des pièces versées aux débats que la société Substancia n'a été immatriculée au registre des entreprises du Québec que le 2 février 2010 après avoir été constituée le 4 décembre 2009, la convention litigieuse apparaît avoir été conclue par ses fondateurs et, par ailleurs, exécutée entre les deux parties après l'immatriculation de la société Substancia même si les deux parties s'opposent quant à la date à laquelle il a été mis un terme à ce contrat.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré la société Substancia recevable en son action.
Sur la demande indemnitaire présentée à raison de la rupture des relations
Il résulte des dispositions des articles 1156, 1157, 1161 et 1162 du Code civil, dans leur rédaction applicable lors de l'établissement de la convention litigieuse et relatives à l'interprétation des contrats, qu'il appartient au juge de rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens on doit plutôt l'entendre comme dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que toutes les clauses doivent s'interpréter les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier et que, s'il existe un doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé.
En l'espèce, la société Substancia, qui revendique le bénéfice de la poursuite de la convention fonde sa demande indemnitaire sur les dispositions de l'article 9 de ce contrat, rédigé ainsi qu'il suit :
" Article 9 : Vente de la société
(a) Advenant la vente de la " Société " à une autre compagnie, la " Société " s'engage à maintenir le présent contrat et à le faire respecter par la nouvelle entité. Le " Distributeur " conservera donc la distribution exclusive des " Produits " sur le " Territoire " aux mêmes conditions que celles décrites dans le présent contrat.
(b) Advenant la vente de la " Société " à une autre compagnie qui elle, voudra résilier le contrat de distribution du " Distributeur ", la " Société " devra dédommager le " Distributeur " par une compensation monétaire équivalente au chiffre d'affaires du " Distributeur " des derniers 36 mois précédents la résiliation du contrat. De plus la " Société " devra racheter tout l'inventaire de " Produits " du " Distributeur ", et ce au prix de vente. "
Sollicitant la réformation du jugement, elle sollicite paiement d'une indemnité de 1 247 940,08 euros équivalente au chiffre d'affaires pour la période du 1er juillet 2012 au 1er juillet 2015 relevant que le tribunal, qui s'est pourtant fondé sur les dispositions contractuelles sus visées et a considéré que leurs conditions de mise en œuvre étaient remplies, ne lui a alloué qu'une indemnité équivalente à la marge brute pour la même période minorée des charges variables obligatoirement exposées en complément des achats de produits.
Contrairement à ce qui est soutenu par la société Phytosynthèse cette clause, volontairement large et destinée à assurer la protection du distributeur exclusif, n'est pas susceptible de recevoir application dans la seule hypothèse de son rachat par une société tierce qui viendrait à ses droits et déciderait d'elle-même de mettre un terme au contrat, après avoir acquis son fonds de commerce.
Elle est en effet susceptible de viser l'acquisition du capital social de la société Phytosynthèse par une société tierce, notamment dans le cadre de la constitution d'un groupe de sociétés, sans disparition de sa personnalité morale, cette modification de la détention du capital social s'accompagnant d'une volonté de mettre un terme au contrat. Et les pièces versées aux débats montrent, précisément, que c'est après une analyse des relations entre les parties et de leur convention par le service juridique du Groupe Lehning (cf. pièces n° 3 à 6 société Phytosynthèse) que le directeur général de la société Phytosynthèse a notifié à la société Substancia la volonté de sa société de cesser leurs relations d'affaires à effet au 1er juillet 2015.
Ainsi, c'est à bon escient, que les premiers juges ont considéré que l'article 9 du contrat était susceptible de recevoir application à la condition, toutefois, que cette convention fût encore en application à la date de la rupture.
A cet égard, c'est à mauvais escient que la société Substancia vient prétendre que la convention des parties se serait poursuivie dans des conditions qui lui permettraient d'en invoquer la résiliation moyennant le versement d'une indemnité et, qu'en particulier, elle resterait fondée à s'en prévaloir nonobstant le fait que les objectifs de chiffres d'affaires qui avaient été énoncés dans l'annexe n'avaient pas été atteints car les parties auraient néanmoins décidé de poursuivre leur contrat et de n'en plus fixer à partir de 2012.
En premier lieu, il ne peut être considéré que seuls les objectifs énoncés de façon dactylographiée dans l'annexe et s'attachant à la période probatoire "se finissant en décembre 2008 " auraient eu une incidence sur la reconduction tacite du contrat et que les objectifs ensuite portés de façon manuscrite ne l'auraient été qu'à titre indicatif.
Au contraire, en énonçant de façon manuscrite dans cette annexe des objectifs pour les années 2009, 2010 et 2011 alors même que l'article 2 prévoit que " Si les objectifs décrits en Annexe 1 sont atteints, le présent contrat sera renouvelé annuellement par tacite reconduction à partir de l'année 2009 " les parties ont entendu faire de la réalisation d'un certain volume d'affaires une condition substantielle d'un contrat qui conférait une exclusivité au distributeur et ne permettait pas à sa cocontractante d'autrement vendre ses produits sur le territoire canadien.
En second lieu, si l'on retient la thèse d'une reconduction tacite soutenue par la société Substancia, le fait que la société Phytosynthèse n'ait pas immédiatement dénoncé le contrat bien que les objectifs expressément énoncés dans son annexe n'avaient pas été atteints, que des objectifs n'aient pas été énoncés pour l'année 2012 et que des livraisons de produits se soient ensuite poursuivies, ne peut signifier que la convention se serait reconduite tacitement sans aucune fixation d'objectifs mais, au contraire, qu'elle se serait poursuivie aux mêmes conditions et, partant, avec les mêmes objectifs que ceux expressément énoncés au cours des trois précédentes années, à savoir 80 tonnes de produits par an.
Or, précisément, ces objectifs n'étaient pas atteints et la convention ne s'est poursuivie qu'avec la tolérance du fournisseur.
Par ailleurs, la société Substancia ne peut tirer utilement argument de la rédaction de la lettre de rupture du 23 juin 2014 pour venir prétendre que le contrat se serait poursuivi aux conditions initiales jusqu'en 2014 et, en particulier du paragraphe " Par courrier électronique du 9 septembre 2013, nous vous expliquions les raisons pour lesquelles il ne nous paraissait pas possible de maintenir, à partir de 2014, les conditions contractuelles initialement convenues, souhaitant ainsi expressément convenir avec vous de conditions contractuelles différentes ".
Cette correspondance doit, en effet, être analysée au regard des échanges qui ont précédé entre les parties et auxquels cette lettre renvoie dans son premier paragraphe.
Or dès le 12 juillet 2013, il était indiqué par la partie adverse à la société Substancia (pièce n° 3) " Vous indiquez qu'un partenariat entre Phytosynthèse et Substancia est incontestable et fondé sur des preuves d'achat et diverses actions. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Toutefois ce partenariat, au regard des termes du contrat [la convention litigieuse que la rédactrice du courriel adressait à son correspondant en lui signalant d'ailleurs des différences entre les contrats détenus par chacune des parties] ne peut être fondé sur celui-ci et, en tout état de cause, n'emporte plus d'exclusivité pour Substancia, les objectifs prévus n'ayant pas été atteints. Vous ne pouvez être suivi dans votre analyse selon laquelle les objectifs seraient hypothétiques. D'une part, parce que le contrat indique clairement le contraire... "
Et les échanges se sont vainement poursuivis entre les parties pour élaborer une nouvelle convention aboutissant à la lettre de rupture du 23 juin 2014 énonçant un préavis d'une année pour la cessation du courant d'affaires entre les deux sociétés.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments et de l'économie générale de la convention de distribution sélective qu'elles avaient conclue qu'il ne peut être valablement considéré que les parties auraient tacitement renoncé en raison de difficultés consécutives à la commercialisation des produits sur le marché canadien à l'existence de tout objectif dans leur convention et que le contrat se serait poursuivi sans exigence d'un volume d'activité permettant à la société Substancia de prétendre, sans contrepartie, à toutes les autres clauses de la convention et, en particulier, au bénéfice d'une indemnité de résiliation qui constituait la garantie de sa qualité de distributeur exclusif.
En conséquence, la décision du tribunal de commerce - qui, en se fondant sur l'article 9b du contrat, lui a alloué une indemnité qui n'a pourtant pas été déterminée conformément à cette clause contractuelle, qualifiée de dédit par la société Substancia et détachée de toute notion indemnitaire pour se fonder sur un chiffre d'affaires et non sur la rémunération véritable ou le préjudice du cocontractant - sera infirmée.
Et, en fonction de ce qui précède, une demande d'indemnité ne pouvant pas davantage prospérer au regard des dispositions de l'article 8 du contrat prévoyant les modalités de sa résiliation décidée au détriment du distributeur exclusif nonobstant le respect de ses obligations contractuelles et qui prévoit une indemnité déterminée selon les mêmes modalités que dans l'article qui suit, la société Substancia sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité.
L'appel principal ne porte que sur le versement d'une indemnité au titre de la rupture de la convention et l'appel incident ne vise que la détermination de cette indemnité sans que les écritures de la société Substancia ne critiquent sa condamnation prononcée par les premiers juges au titre d'un arriéré de factures. Il n'y a donc pas lieu pour la cour de statuer sur ces dispositions non critiquées du jugement.
La société Substancia, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à la société Phytosynthèse une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Statuant dans les limites de l'appel partiel formé par la SAS Phytosynthèse et de l'appel incident formé par la société Substancia Inc., Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Phytosynthèse à payer à la société Substancia Inc. une indemnité de 327 407,52 euros et une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Substancia Inc. de sa demande en paiement d'indemnités dirigée contre la SAS Phytosynthèse ; Condamne la société Substancia Inc. aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SAS Phytosynthèse une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Accorde à la Selarl Lexavoué, avocat, le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.