Livv
Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 21 décembre 2017, n° 16-00802

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Bouchages Delage (SAS)

Défendeur :

Etablissements René Salomon (SAS), Amorim France (SAS), Amorim & Irmaos (SA), Amorim Top Séries France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mmes Coudy, Brisset

Avocats :

Mes Leconte, Barbaut, Berrie, Escande, Fribourg, Sonnier Poquillon

TGI Bordeaux, 1re ch., du 15 déc. 2015

15 décembre 2015

Spécialisée dans la création, la fabrication et la commercialisation de bouchons et cachets pour spiritueux, la société Les bouchages Delage (ci-après désignée la société Delage), ayant son siège à Gensac la Pallue, est titulaire des modèles suivants :

- la tête de bouchon Prestige, modèle déposé le 14 octobre 1994 et publié sous le numéro 945694, comprenant la tête de bouchon Prestige grand modèle (dépôt n° 386372),

- la tête de bouchon Prestige standard grand modèle, spéciale, déposé le 13 janvier 1995 et publié sous le n° 950235.

Par actes des 16 et 18 mai 2011, elle a fait constater par huissier l'achat de 500 bouchons au sein de la société Établissements René Salomon, filiale de la société Saint Gobain France, qui, selon elle, reprenaient de façon servile ou quasi servile les caractéristiques de ses modèles déposés.

Après manipulation et démontage, elle a estimé que ces bouchons avaient été fabriqués par la société Amorim, qui exploite un fonds de commerce concurrent du sien, à moins de 3 km de son siège social.

À la suite de la demande d'intervention formée par la société Delage, sur le fondement de l'article 521-14 du Code de la propriété intellectuelle, la direction générale des douanes et des droits indirects a procédé à la retenue de marchandises présumées contrefaisantes dans deux établissements distincts :

- 4513 bouchons au sein de la société René Salomon à Gensac la Pallue,

- 51082 bouchons au sein de l'établissement de la société Amorim à Gensac la Pallue.

Par acte d'huissier en date du 4 août 2011, la société Delage a fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la subdivision des douanes de Poitiers.

Par acte d'huissier en date des 16 et 18 août 2011, elle a ensuite fait assigner les sociétés René Salomon, Amorim et Amorim & Irmaos devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement en date du 15 décembre 2015, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a, pour l'essentiel :

- déclaré irrecevables les demandes de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 et du procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011,

- annulé les modèles n° 945694 et 950235 déposés par la société Delage,

- débouté celle-ci de l'intégralité de ses demandes au titre de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et du parasitisme,

- condamné la société Delage à payer à la société Amorim & Irmaos et à la société Amorim France la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale,

- condamné la société Delage aux dépens.

La société Delage a relevé appel total de ce jugement par déclaration du 8 février 2016.

À la suite d'une autorisation donnée par ordonnance sur requête en date du 11 octobre 2016, la société Delage a fait procéder en cours d'instance d'appel à une nouvelle saisie-contrefaçon en matière de modèles et de droits d'auteur dans les locaux de la subdivision des douanes de Poitiers.

La société Amorim Top séries France est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 26 octobre 2016.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 mai 2017, la société Delage demande à la cour, au visa des articles L. 335- 3, L. 331-1-3 et suivants, L. 513-4 et L. 521-7 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1382 du Code civil (ancien) :

- de confirmer le jugement, en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 et du procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011,

- débouté les sociétés intimées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour concurrence déloyale du fait d'une prétendue volonté monopolistique de l'appelante,

- pour le surplus, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- de dire la société Delage recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- de rejeter les demandes fins et conclusions des sociétés René Salomon, Amorim France, Amorim & Irmaos et Amorim Top Séries France,

A titre principal, de déclarer valable la saisie-contrefaçon opérée au sein des douanes de Poitiers le 18 novembre 2016,

- de déclarer valables et originaux les modèles Prestige de la société Delage enregistrés sous les numéros 94 5694 (dépôt numéro 386372) et numéro 950235,

- de dire que les sociétés René Salomon, Amorim France, Amorim & Irmaos et Amorim Top Séries France ont commis des actes de contrefaçon des modèles Prestige de la société Delage enregistrés sous les numéros 945 694 (dépôt numéro 386372) et numéro 950235,

- de dire que les sociétés René Salomon, Amorim France, Amorim & Irmaos et Amorim Top Séries France ont commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur que détient la société Delage sur le modèle de bouchon Prestige 51 tête plate,

- de dire que les sociétés René Salomon, Amorim France, Amorim & Irmaos et Amorim Top Séries France se sont rendus coupables d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire,

A titre subsidiaire, de dire que la fabrication et la diffusion par les sociétés René Salomon, Amorim France, Amorim & Irmaos et Amorim Top Séries France de copies serviles et de copie quasi servile de bouchons diffusés par la société Delage depuis 1995 crée un risque de confusion avec les produits de cette dernière et constituent des actes de concurrence déloyale,

en conséquence,

- de condamner les sociétés René Salomon, Amorim France, Amorim & Irmaos et Amorim Top Séries France sous astreinte définitive de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à cesser toute fabrication, importation, exportation, détention, vente et diffusion des produits du type de ceux appréhendés par Maître Dominique Alexandre dans le cadre du constat d'achat des 16 et 18 mai 2011, de ceux constaté par Maître Emmanuel Mérard dans le cadre du constat réalisé sur le site Internet de la société établissements René Salomon le 14 mai 2011 et ceux appréhendés dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon effectuées le 4 août 2011 ou de tous produits équivalents,

- de dire que la cour se réserve expressément le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution,

- d'ordonner au besoin à titre de dommages intérêts complémentaires la confiscation au profit de la société Delage et la destruction, aux frais des sociétés intimées et intervenante, de tous produits reproduisant les modèles numéros 945 694 (dépôt n° 386 372) et n° 950 235 déposés et les bouchons " Prestige 51 Tête plate " exploités par la société Delage,

- de condamner la société établissements René Salomon à lui verser une indemnité provisionnelle de 30 000 euros au titre du préjudice économique subi, à parfaire au besoin par voie d'expertise,

- de condamner in solidum la société Amorim France, la société Amorim & Irmaos et la société Amorim Top Séries France à lui verser une indemnité provisionnelle de 3 429 232,80 euros au titre du préjudice économique subi, à parfaire au besoin par voie d'expertise, et celle de 9 0000 euros en réparation de son préjudice moral

- de condamner la société établissements René Salomon à lui verser une indemnité de 1 0000 euros au titre du préjudice moral subi,

- de condamner in solidum la société Amorim France, la société Amorim & Irmaos et la société Amorim Top Séries France à lui verser la somme de 18 0000 euros pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire,

- de condamner la société établissements René Salomon à lui verser la somme de 20 000 euros pour les faits de concurrence déloyale et parasitaire,

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, par extrait, dans cinq revues à son choix et aux frais in solidum des sociétés intimées, à concurrence de 5 000 euros hors taxes par insertion,

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil des sites Internet des sociétés Amorim France, la société Amorim & Irmaos et la société Amorim Top Séries France, et ce pendant une durée ininterrompue d'un mois, et ce, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de condamner la société établissements René Salomon à lui verser la somme de 2 0000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner in solidum la société Amorim France, la société Amorim & Irmaos et la société Amorim Top Séries France à lui payer la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner in solidum les société établissements René Salomon, Amorim France, Amorim & Irmaos et Amorim Top Séries France aux entiers dépens de l'instance en ce compris l'intégralité des frais et honoraires liés aux actes d'huissier.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 1er juin 2017, la société Établissements René Salomon demande à la cour, en formant appel incident :

- de réformer le jugement, en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 et du procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011,

- de dire que la demande de nullité du procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011 ne constitue pas une exception de procédure, mais un moyen de défense au fond, pouvant être soulevé à tout moment au cours de la procédure,

- d'annuler et écarter des débats le procès-verbal de constat dressé les 16 et 18 mai 2011 par Maître Dominique Alexandre, huissier de justice à Angoulême, compte tenu des circonstances factuelles dans lesquelles ont été réalisées les constatations, qui s'apparentent à une saisie-contrefaçon non autorisée et au demeurant dépourvue de toute force probante,

- de confirmer le jugement, en ce qu'il a prononcé la nullité des modèles litigieux, pour défaut de nouveauté et d'effort créatif,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Delage de ses demandes, fins et prétentions fondées sur la contrefaçon de modèles,

- à titre subsidiaire, de constater la portée limitée des droits conférés à la société Delage par les modèles n° 94 5694 déposés le 14 octobre 1994 sous les numéros 386372 et 386373 aux seules couleurs rouge et or,

- de constater la portée limitée des droits conférés à la société Delage sur le modèle n° 95 0235 déposé le 13 janvier 1995 au liseré figurant sous la couronne et au bas de la jupe du bouchon,

- de dire que les modèles n° 94 5694 déposés par la société Delage le 14 octobre 1994 sous les numéros 386372 et 386373 et le modèles 95 0235 déposés par la société Delage le 13 janvier 1995 crée aux yeux de l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle émanant des bouchons incriminés et parmi ceux-ci de ceux commandé par la société établissements René Salomon,

- de débouter la société Delage de ses demandes au titre de la contrefaçon de modèles,

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré que les bouchons revendiqués par la société Delage ne bénéficiaient pas de la protection octroyée par le droit d'auteur,

- à titre subsidiaire, de dire que la société Delage ne justifie pas être titulaire des droits d'auteur qu'elle revendique sur son bouchon,

- de dire que la société Delage ne justifie d'aucune création originale à date certaine reflétant la personnalité de son auteur,

- de dire que les bouchons de la gamme Prestige commercialisés par la société Delage sont en tout état de cause dépourvus d'originalité et donc insusceptibles de constituer une œuvre de l'esprit protégeables par le droit d'auteur,

- en conséquence, de rejeter les demandes de la société Delage au titre de l'atteinte à ses droits d'auteur, aucune contrefaçon de droits d'auteur ne pouvant être valablement invoquée à l'encontre de la société établissements René Salomon,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formées par la société Delage sur le terrain de la concurrence déloyale et parasitaire,

- à titre subsidiaire, de dire qu'il existe aucun risque de confusion entre les modèles n° 945694 déposés par la société Delage le 14 octobre 1994 sous les numéros 386372 et 386373 et le modèle 950235 déposé par la société Delage le 13 janvier 1995 avec les bouchons commandés par la société établissements René Salomon,

- de rejeter les demandes de la société Delage au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- à titre infiniment subsidiaire, de dire que la société établissements René Salomon n'a vendu que 1 000 bouchons litigieux sur les 6 000 qu'elle a commandés,

- de dire en conséquence que le préjudice dont se prévaut la société Delage ne saurait être supérieur, toutes causes confondues, à 750 euros,

- de condamner la société Delage à lui payer la somme de 2 0000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 31 mai 2017, la société Amorim & Irmaos, la société Amorim France et la société Amorim Top Séries, intervenante volontaire (ci-après désignées sociétés Amorim), demandent à la cour, en formant ainsi appel incident, et au visa des articles 495 du Code de procédure civile, 329 et 554 du Code de procédure civile, L. 511-3 anciens du Code de la propriété intellectuelle, L. 335-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 1382 (devenu 1240) et suivants du Code civil, l'article 6 de la CEDH, l'article 9 du Code de procédure civile, l'article L. 521-14 du Code de la propriété intellectuelle, article 32-1 du Code de procédure civile et les articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation :

- de prononcer in limine litis l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 8 novembre 2016, faute pour la société Delage de leur avoir notifié la requête et l'ordonnance aux fins de saisie, faute également d'avoir signifié à ces dernières le procès-verbal à l'issue des opérations de saisie est faute en fin d'utilité de la mesure,

- de prendre acte de l'intervention volontaire de la société Amorim Séries France et de la déclarer recevable,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation des dépôts de modèles français de la société Delage numéro 94 5694 et numéro 95 0235, débouté la société Delage de l'intégralité de ses demandes et condamné celle-ci pour concurrence déloyale par publicité trompeuse,

- l'infirmer pour le surplus et en particulier sur la recevabilité des demandes d'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et de constat ainsi que sur le rejet des autres demandes reconventionnelles de la société Amorim,

Statuant à nouveau,

à titre principal,

- de prononcer la nullité des modèles français numéros 94 5694 et n° 95 0235 déposés par la société Delage, comme étant dépourvus de nouveauté, fonctionnels et relevant de la protection d'un genre,

- de débouter en conséquence la société Delage de ses demandes en contrefaçon de modèle,

- de dire que la forme de bouchon objet des dépôts n° 94 5694 et n° 95 0235 n'est pas davantage protégea le sur le terrain de la propriété littéraire et artistique, faute d'originalité,

- de débouter en conséquence la société Delage de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur,

- de dire qu'aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire ne peut leur être reproché,

- de débouter en conséquence la société Delage de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire,

- de manière générale de débouter la société Delage de toutes ses demandes,

À titre subsidiaire,

- de prononcer l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011, faute d'avoir été signifié par l'huissier instrumentaire aux sociétés Amorim & Irmaos et Amorim France à l'issue des opérations,

- de prononcer l'annulation du procès-verbal de constat de Maître Alexandre des 16 et 18 mai 2011, comme constituant une saisie-contrefaçon déguisée et, à tout le moins, de dire que ce constat est dépourvu de toute valeur probante,

- de constater que la troisième mesure de retenue douanière réalisée dans les locaux de la société Amorim à Gensac la Pallue le 6 octobre 2011 n'a pas donné lieu à une poursuite dans les délais de sorte que son contenu ne peut être pris en compte et doit être écarté,

- de dire en tout état de cause que les sociétés Amorim & Irmaos et Amorim France n'ont pas commis d'actes de contrefaçon de modèles et de droits d'auteur, ni davantage d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire,

- de débouter en conséquence la société Delage de l'ensemble de ses demandes,

À titre encore plus subsidiaire, de ramener les demandes indemnitaires de la société Delage a de plus justes proportions, et précisément à l'euro symbolique,

À titre reconventionnel,

- de dire que la société Delage s'est rendue coupable d'abus de procédure en agissant en contrefaçon d'un modèle manifestement nul et en choisissant pour cela les voies procédurales les plus dommageables pour les défenderesses,

- de condamner en conséquence la société Delage à verser aux sociétés Amorim & Irmaos et Amorim Top séries France, venant aux droits de la société Amorim France la somme de 35 000 euros de dommages et intérêts à ce titre, à charge pour ces dernières de se répartir cette somme entre elles,

- de dire que la société Delage a commis des actes de concurrence déloyale en cherchant à se constituer artificiellement un monopole sur le marché des bouchons à tête en procédant de manière anarchique à d'innombrable dépôt, y compris sur des formes tout à fait communes et en prétendant faussement être titulaire de certains modèles déposés alors que ce n'était pas le cas,

- de condamner en conséquence la société Delage à payer aux sociétés Amorim & Irmaos et Amorim Top séries France, venant aux droits de la société Amorim France la somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts à ce titre, à charge pour ces dernières de se répartir cette somme entre elles,

- d'ordonner la publication par extrait du jugement aux frais de la société Delage dans deux revues au choix des sociétés Amorim & Irmaos et Amorim Top séries France, venant aux droits de la société Amorim France, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 1500 euros hors taxes,

- en toute hypothèse, de condamner la société Delage à verser aux sociétés Amorim & Irmaos et Amorim Top séries France, venant aux droits de la société Amorim France la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à charge pour ces dernières de se répartir cette somme entre elles, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux dernières conclusions précitées, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2017.

Lors de l'audience du 19 juin 2017, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 2 octobre 2017 pour changement de composition de la cour.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Selon les dispositions de l'article 554 du Code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

La société Amorim Top Séries, filiale de la société Amorim France, dispose d'un intérêt à agir en sa qualité de cessionnaire de la branche d'activité de fabrication de bouchons.

Son intervention volontaire devant la cour sera déclarée recevable.

2- Sur les nullités:

Concernant la recevabilité du moyen :

Les sociétés Amorim ont sollicité devant le tribunal, à titre subsidiaire, l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 au motif qu'il ne leur avait pas été signifié.

La nullité du procès-verbal de constat dressé par huissier les 16 et 18 mai 2011 a été également demandé devant le tribunal puis devant la cour par ces mêmes sociétés ainsi que par la société Établissements René Salomon au motif qu'il s'agissait d'une saisie-contrefaçon déguisée.

Retenant l'argumentation de la société Delage, le tribunal a considéré qu'il s'agissait là d'une exception de procédure irrecevable sur le fondement des articles 649 et 112 du Code de procédure civile, au motif que ce moyen n'avait pas été soulevé avant toute défense au fond.

Mais la saisie-contrefaçon est un acte à visée probatoire, antérieur à l'engagement de la procédure de contrefaçon par voie d'assignation, de sorte que le moyen tiré de sa nullité ne constitue par une exception de procédure au sens de l'article 73 du Code de procédure civile mais une défense au fond qui peut à ce titre être présentée à tout moment de la procédure, en application de l'article 72 du Code de procédure civile.

Il en est de même pour le procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011, qui tendait à établir l'existence d'actes matériels de contrefaçon et qui n'a pas la nature d'un acte de procédure.

Il ne peut donc être fait application des dispositions de l'article 112 du Code de procédure civile.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement sur ce point et de déclarer recevables les demandes en nullité de ces actes.

Concernant le bien fondé des moyens de nullité:

Sur la validité des saisies contrefaçons :

Lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 4 août 2011, la société Delage a respecté les dispositions des articles R. 615-2-1 et R. 521-3 du Code de la propriété intellectuelle, en notifiant à la subdivision des Douanes de Poitiers, en qualité de tiers détenteurs des objets présumés contrefaisants, l'ordonnance d'autorisation délivrée le 2 août 2011 par le président du Tribunal de grande instance de Bordeaux.

Elle n'avait pas à délivrer en outre copie de l'ordonnance et de la requête aux sociétés Amorim et Établissements René Salomon, conformément à l'article 495 du Code de procédure civile, dès lors que ces dispositions sont applicables uniquement à la personne qui supporte l'exécution de la mesure, qu'elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé.

Or, en l'espèce, seuls les services des Douanes supportaient l'exécution de la mesure de saisie-contrefaçon en leur qualité de détenteurs des bouchons qui avaient donné lieu précédemment de leur part à une mesure de retenue.

Surabondamment, il n'est nullement justifié du grief occasionné aux sociétés Amorim par un retard dans la notification de la mesure de saisie-contrefaçon alors qu'à la date de l'assignation devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux par actes des 16 et 18 août 2011, elles avaient encore la possibilité de solliciter la rétractation de l'ordonnance autorisant cette saisie, qui n'est enfermée dans aucun délai.

Il convient dès lors de rejeter la demande de nullité de la saisie-contrefaçon du 4 août 2011.

Il y a lieu de rejeter pour les mêmes motifs la demande de nullité de la saisie-contrefaçon du 8 novembre 2016 en cours de procédure d'appel.

Sur la validité du procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011:

Les sociétés Établissements René Salomon et les sociétés Amorim concluent à la nullité du procès-verbal de constat dressé les 16 et 18 mai 2011 par Maître Dominique Alexandre, huissier de Justice à Angoulême, au motif qu'il constituerait une saisie-contrefaçon déguisée.

Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, les huissiers de justice peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter.

En l'espèce, le procès verbal litigieux contient :

- une première partie datée du 16 mai 2011, dans laquelle Maître Alexandre constate que M. R.F., préposé de la société Delage, entre à 11 h 20 dans les locaux de la société Établissements René Salomon 4 route de Bourg Charente à Gensac la Pallue, ayant seulement dans les mains une carafe de cognac, un chéquier et une pièce d'identité, et en ressort à 11 h 30 portant un sac imposant de 500 bouchons et une facture. Revenu dans les locaux de la société Delage, l'huissier procède le même jour en présence de M. Christian D. à l'ouverture du sac, en retire 8 bouchons pris au hasard, décrit l'aspect général d'un bouchon (il s'agit d'un bouchon doré, le haut est plat en son centre) et procède à une mesure comparée, à l'aide d'un pied à coulisse, d'un bouchon issu du sac et d'un bouchon remis par M. D. fabriqué par son entreprise (modèle déposé). Il effectue une description comparée du liège des bouchons (liège aggloméré pour le bouchon des établissements René Salomon et en liège naturel pour le bouchon D.).

- dans la seconde partie, datée du 18 mai 2011, l'huissier indique s'être rendu au siège de la société Delage, avoir rencontré plusieurs salariés (notamment M. B. technicien de la maintenance et outillage) et avoir assisté sur un tour au démontage de trois des bouchons issu du sac acheté la veille.

Il décrit ensuite de manière détaillée ce qui est présent sur le fond du plastique sous la capsule des bouchons; "le fond du plastique sous la capsule est composé d'un cercle dans lequel se trouvent huit alvéoles en losange incurvé puis, au centre, quatre alvéoles d'un quart de cercle.

A l'intérieur de l'un des losanges de chaque bouchon se trouve un chiffre, le chiffre 5 sur le premier bouchon, le chiffre 1 sur le second bouchon, le chiffre 8 sur le troisième bouchon.

Dans la case opposée à ce chiffre, il y a une forme composée de formes courbes entrelacées parfaitement visibles à l'oeil nu mais difficilement photographiables avec mon appareil photographique. Je demande à M. B. de bien vouloir percer la capsule des trois bouchons que je lui ai remis afin que je puisse y apposer un scellé. J'ai scellé ces trois prélèvements. J'emporte ces trois bouchons chez Graf et Cie, graphiste 32 place Beaulieu à Cognac afin que grâce à un appareil photo perfectionné en macrophotographie, il puisse être pris des clichés."

Enfin, en dernière page de son constat, l'huissier a juxtaposé l'une des photographies obtenues chez Graf montrant les formes courbes entrelacées et une publicité extraite de la revue Planet, vins et spiritueux, sur laquelle figure la marque Amorim en dessous d'un logo stylisé comportant les mêmes courbes entrelacées.

Il apparaît ainsi que l'huissier de Justice ne s'est pas borné à des constatations mais a procédé les 16 et 18 mai 2011 à une véritable description des bouchons, avant et après démontage, en permettant leur manipulation par des tiers et en faisant état de diligences en matière de photographies qui excèdent largement celles d'un simple constatant.

Il a ainsi procédé à une une saisie descriptive telle que prévue par l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle sans que les règles édictées par cet article aient été respectées et en particulier sans que la société Delage ait obtenu l'autorisation préalable du juge.

Il y a donc lieu de constater la nullité de ce procès-verbal.

3- Sur la validité des modèles de la société Delage:

Il convient d'écarter, comme inopérant, l'argument invoqué par la société Delage, concernant la reconnaissance de la validité de ses modèles de bouchons Prestige par l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux en date du 23 février 2010 dès lors que cette procédure opposait la société Delage à la société François de Fonbelle, qu'il n'y a pas autorité de chose jugée en l'absence d'identité de parties et qu'au surplus, l'absence d'antériorité destructrice de nouveauté n'a pas été examinée au regard des mêmes pièces.

Les modèles déposés par la société Delage sont antérieurs à l'ordonnance du 25 juillet 2001, transposant la directive du 13 octobre 1998 et la validité des modèles doit donc être appréciée au regard de l'article L. 511-3 (ancien) du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juillet 1909, qui disposait: "Les dispositions du présent livre sont applicables à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle."

La société Delage soutient que les modèles Prestige en litige présentent des caractéristiques propres dont la combinaison produit une impression d'ensemble inédite, ce qui témoignerait de l'empreinte de la personnalité de l'auteur de ces modèles et leur conférerait une originalité :

- forme cylindrique,

- chapeau légèrement bombé, dont le sommet est aplati et forme un cercle d'un diamètre équivalent à la moitié de celui du chapeau,

- le tout relié par une couronne cylindrique stylisée,

- prolongée vers le bas par une jupe concave au centre de laquelle est inséré le liège,

- les éléments précités étant considérés dans les proportions respectives qu'ils présentent les uns par rapport aux autres.

Le tribunal a retenu comme antériorité opposable à la société Delage le bouchon de bouteille de cognac de la marque Hardy, communiqué en photographie en pièces 57 et 77 par les sociétés Amorim France et Amorim & Irmaos, dans le cadre des débats en première instance.

La société Hardy a déposé le 4 juin 1993 à l'INPI un modèle portant le numéro 93 2976 (carafe en verre sur socle en plastique pour cognac).

La photographie en noir et blanc insérée au certificat d'identité est de mauvaise qualité et ne permet pas de voir clairement la forme du bouchon.

Il est toutefois constant que cette carafe, portant l'étiquette Hardy X.C. Fine champagne, a été commercialisée à compter de décembre 1993 puisqu'elle figure sur une photographie en page 75 du numéro hors série de la revue vinicole internationale Marques et Marchés de décembre 1993 (pièce 25 des sociétés Amorim). Cette même carafe était déjà en photographie sur le numéro 5 de la revue Cognac international de l'hiver 1990.

Il ressort de l'attestation délivrée le 2 mai 2016 par M. Jean Marc G., président de la société Hardy Cognac (pièce 63 de la société Delage) que le bouchon de la carafe de 1990 avait été fabriqué par la société Atelier Matériaux de synthèse (AMS).

Il s'agit donc d'une antériorité ayant date certaine.

M. G. a confié à la société Delage un exemplaire de ce bouchon dont les photographie figurent à la fois en couleur en annexes 3- A, 3- B et 3- C de son attestation, et en noir et blanc en page 49 des dernières conclusions de la société appelante.

Ces photographies doivent être comparées à celles des modèles figurant dans les dépôts de la société Delage.

Les éléments caractéristiques des bouchons sont identiques :

- le dessus des chapeaux sont tous deux bombés. Il n'est pas établi que le bouchon D. le soit davantage, contrairement à ce que soutient l'appelante.

- il existe un aplat au sommet. L'aplat du bouchon Hardy 1990 est légèrement creusé et orné d'une gravure, alors que celui du bouchon D. est plat et dépourvu d'inscription, mais cette différence peu significative ne change pas la physionomie d'ensemble et au surplus les modèles Delage offrent également la possibilité d'un décor personnalisé sur cette surface, ainsi que mentionné dans le descriptif du certificat d'identité, ce qui laisse toute latitude aux marchands de spiritueux pour apposer leur propre sceau.

- il existe sur les deux bouchons un bandeau saillant en périphérie. Il n'est pas démontré que celui du bouchon Hardy 1990 soit beaucoup plus étroit, ainsi que soutenu par la société Delage qui ne produit aucune mesure à ce sujet. Il existe sur le bouchon Hardy une frise mais la description du bouchon D. dans le certificat d'identité des deux modèles en litige mentionne expressément que le bandeau saillant peut-être décoré par une frise ; et il ne s'agit donc pas d'une différence significative.

- les rapports de dimension sont quasiment identiques entre le bouchon Hardy de 1990 et les modèles en litige. A cet égard, les sociétés Amorim ont régulièrement communiquée et versé au débat un rapport technique établi par M. Philippe K., conseil en propriété industrielle, en date du 2 juillet 2016, qui a été soumis à la libre discussion des parties.

Il ressort des mesures effectuées au pied à coulisse par M. K. que le rapport entre le diamètre de l'aplat du sommet (D3) et celui du chapeau (D1) est de 1,90 pour les modèles de la société Delage.

Cette mesure est confirmée par l'examen du dessin de la tête de bouchon Prestige, grand modèle, spéciale, déposé à l'INPI le 13 janvier 1995 sous le numéro 95 0235 (pièce 3 de la société Delage), nettement plus précis que la représentation en couleur figurant sur le modèle déposé le 14 octobre 1994 sous le numéro 94 5694. La société Delage qui évoque un rapport du simple au double n'a pas contesté cette mesure.

Par ailleurs, Philippe K. a mesuré un rapport D1/D3 de 1,94 pour le bouchon Hardy de 1990. Aucun élément sérieux ne permet de douter de l'origine du bouchon présenté à l'expert, contrairement à ce que soutient la société Delage. Ce bouchon était présent sur une carafe Hardy X.C. fine champagne scellée d'origine par un film rigide, avec languette déchirable intacte. Cette carafe (dénommée carafe A par l'expert) était strictement identique à celle figurant en annexe 4 de l'attestation de M. G. (pièce 63 de la société Delage), et il y a également identité entre les bouchons en photographie page 3/8 du rapport K. (colonne de gauche) et ceux en photographie en annexe 3A à 3 D de l'attestation de M. G..

C'est donc à tort que la société Delage invoque des rapports de proportions " largement différents" alors au demeurant qu'elle n'a pas produit elle-même d'autres mesures.

- enfin, s'il est exact que la jupe de forme concave est légèrement plus ramassée et plus courte sur le bouchon Hardy 1990 que sur les modèles Delage, il s'agit d'une différence mineure qui ne modifie en rien l'aspect visuel d'ensemble et qui en tout état de cause ne résulte pas d'un effort de création et ne suffit pas à donner un caractère nouveau au modèle.

A cet égard, le tribunal a relevé à juste titre que l'on trouvait des bouchons du même type sur d'anciens récipients d'apothicaire. La société Établissements René Salomon a en pièce 1- 2 (page 59) la photographie d'un flacon de la première moitié du XIX ème siècle (second flacon à partir de la gauche, sur la photo de droite) comportant un bouchon en verre doté, comme les modèles Delage, une combinaison des mêmes éléments caractéristiques, à savoir une forme cylindrique, un aplat au sommet, un bandeau saillant en périphérie et un dessus de chapeau bombé, outre un rapport de dimension de même ordre de grandeur entre sommet et base du chapeau.

La société Delage ne peut donc prétendre à la protection au titre du droit des dessins et modèles, et c'est à bon droit que le tribunal a annulé les modèles litigieux, pour défaut de nouveauté.

4- Sur la protection par le droit d'auteur:

Pour bénéficier de la protection prévue par le livre I du Code de la propriété intellectuelle, les modèles de la société Delage devaient témoigner de la personnalité de leur auteur et d'une originalité, tout en prenant en compte les contraintes techniques des réalisations.

Mais il ressort de l'antériorité de toutes pièces constituée par la bouchon Hardy de la bouteille 1990 ayant date certaine, comme des antécédents en matière de flacons d'apothicaire datant du XIX ème siècle (pièce 1-2 Société René Salomon) que les modèles litigieux s'inscrivent dans la continuité d'un art ancien où les caractéristiques revendiquées par la société Delage étaient déjà visibles et combinées.

Les modèles n° 94 5694 et 95 0235 ne se distinguent pas de ces antériorité par une expression esthétique manifestant l'empreinte de la personnalité de leur auteur ou un effort de renouvellement du genre.

Le tribunal a estimé à juste titre que la société Delage ne pouvait prétendre au bénéfice de la protection par le droit d'auteur.

5- Sur la contrefaçon:

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Delage au titre de la contrefaçon dès lors que ses modèles sont déclarés nuls et qu'elle ne dispose pas d'œuvres susceptibles de protection au sens des articles L. 112-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

6- Sur la concurrence déloyale et le parasitisme :

La société Delage invoque l'existence de faits distincts de concurrence déloyale et parasitisme commis par les sociétés intimées, et susceptibles de donner lieu à réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ancien, devenu article 1240 du même code.

Il ressort du procès verbal de constat dressé par Maître Alexandre le 13 mai 2011 (pages 7/11 et 8/11) que la société Établissements René Salomon mettait en vente à cette date sur son site www.renesalomon.fr des bouchons tête plastique polystyrène teinte mate ou métallisée, existant en teinte noir mat, ou métallisée (or et argent métallisé).

Aucune conséquence ne peut être tirée du procès-verbal de constat d'huissier des 16 et 18 mai 2011 entièrement annulé, en ce qui concerne la commercialisation de reproduction servile des modèles de la gamme Prestige.

La mesure de retenue en Douanes effectuée par la subdivision de Poitiers dans les locaux de la société René Salomon a porté sur 4513 bouchons dont 1505 bouchons or métallisé, 1002 bouchons noir métallié, 1003 bouchons argent métal et 1003 bouchons noir mat.

Lors de la saisie-contrefaçon réalisée le 4 août 2011, un exemplaire de chaque modèle a été saisie par l'huissier : un bouchon de couleur noir brillant à tête plate, un bouchon de couleur argent à tête plate, un bouchon de couleur or mat à tête plate et un bouchon de couleur or à tête légèrement incurvée.

Certains de ces bouchons ont une tête légèrement incurvée, d'autres ont une tête plate.

Toutefois, tels que figurant en photographies en page 5 et 6 du procès-verbal de saisie-contrefaçon (pièce 18 de la société Delage) ou en page 47 des conclusions de la société René Salomon, les bouchons saisis présentent des différences visibles avec les bouchons de la gamme Delage Prestige tenant en particulier à l'épaisseur plus importante du chapeau, à la couronne cylindrique plus épaisse, à un chapeau concave et non bombé.

Il n'y a donc pas de commercialisation de copies serviles ou quasi serviles et il n'existait pas de risque de confusion pour un observateur averti à savoir un professionnel de la branche, seul public à prendre en considération comme étant celui potentiellement acheteur de lots entiers de bouchons.

La société Delage invoque en outre l'utilisation par les sociétés Amorim des dénominations commerciales Prestige et Élégance.

En page 19 de sa lettre d'informations (janvier février mars 2011), le groupe Amorim mentionne en effet que Corticeira Amorim a présenté au salon international de l'emballage sa collection de bouchons encapsulés Top Series, sous forme de quatre gammes Prestige, Élégance, Premium et Classic Value.

Le procès-verbal de constat effectué par huissier le 23 mai 2012 à la requête de la société Delage met en évidence, en page 13/18, la vente de bouchons dans les séries Prestige ou Élégance, dont des bouchons dorés or.

Pour sa part, dans son catalogue, la société Delage ne justifie que de l'utilisation des gammes Prestige, Excellence et Extra (et non Élégance).

Le seul terme utilisé en commun est donc Prestige, et il ne présente aucun caractère original et en toute hypothèse rien ne démontre qu'il en soit résulté un risque de confusion entre les produits des deux marques auprès des consommateurs, qui sont nécessairement des professionnels avisés.

Par ailleurs, il n'y a pas en l'espèce d'effet de gamme puisque les bouchons commercialisés par Amorim présentent des différences notables avec ceux de la société Delage, y compris pour ceux argués de reproduction servile ou quasi servile, et que l'emploi des coloris doré, noir et argenté sont banals sur le marché des bouchons.

Aucun lien ne peut être fait entre l'embauche en 2007, par la société Amorim, du responsable des achats de la société Delage et la baisse alléguée des ventes du bouchon Prestige à compter de 2008, puisque la commercialisation des bouchons Amorim argués de contrefaçon et reproduction servile n'a été constatée que le 13 mai 2011 sur le site de la société René Salomon et n'ont été mis à disposition que début janvier 2011 ainsi que cela ressort de l'annexe 2 page 4 du constat d'huissier du 13 mai 2011.

Enfin, la société Delage ne peut soutenir que les sociétés Amorim se seraient placées dans son sillage en profitant indûment des investissements qu'elle a réalisés pour développer et faire connaître sa gamme de produits Prestige, alors qu'elle ne produit à cet égard aucun justificatif comptable.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de la société Delage fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme ; le jugement devra être confirmé de ce chef.

5- Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Amorim :

Le tribunal a fait une exacte application des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile en rejetant la demande de dommages intérêts formée par les sociétés Amorim pour procédure abusive dès lors que la société Delage a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits compte tenu de la décision rendue le 23 février 2010 par la cour d'appel de Bordeaux dans une procédure l'ayant opposé à une autre société. Les sociétés Amorim ne justifient pas du préjudice qui leur aurait été occasionné par la seconde saisie-contrefaçon réalisée en cours de procédure d'appel le 8 novembre 2016.

C'est également à bon droit que le tribunal a considéré que la société Delage ne pouvait se voir reprocher une volonté monopolistique au seul motif qu'elle avait déposé de nombreux modèles, dès lors que ceux-ci n'ont pas été utilement contestés ni annulés (en dehors ce ceux ayant donné lieu au litige).

Le tribunal a toutefois retenu l'existence d'une publicité trompeuse, au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation, au motif que la société Delage présentait sur son site Internet certains de ses bouchons comme des modèles déposés alors que tel n'était pas le cas.

Il ressort toutefois des justificatifs produits en cause d'appel que le modèle Ethnic (bouchon lisse) a bien donné lieu à un dépôt INPI par la société Delage sous le numéro 002828.

Seuls les modèles Tipi et tête pomme figurent au catalogue D. (pièce 55 des sociétés Amorim) avec la mention marginale " Modèle déposé" alors que la société Delage ne peut justifier de la réalité de ce dépôt.

Toutefois, cette erreur ne pouvait être qualifiée de pratique commerciale trompeuse au sens de l'article précité que si la décision d'achat du produit par les consommateurs auxquels s'adresse la publicité litigieuse était susceptible d'être altérée.

Or, ainsi que le fait valoir à juste titre la société Delage, les professionnels concernés sont beaucoup plus attentifs au caractère esthétique des bouchons offerts à la vente que par leur éventuelle protection par des droits de propriété intellectuelle.

Il est donc impossible de retenir l'existence d'une pratique commerciale trompeuse.

Au surplus, les sociétés Amorim, concurrentes de la société Delage et non consommateurs, ne justifient pas avoir subi un préjudice individuel à raison de la faute alléguée de l'appelante.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement sur ce point et de rejeter les demandes formées par les sociétés Amorim au titre de la concurrence déloyale.

6- Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer les condamnations prononcées par le tribunal à l'encontre de la société Delage sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens.

Dès lors que la société Delage succombe pour l'essentiel de ses prétentions devant la cour, il convient de mettre à sa charge les dépens d'appel (outre ses propres frais irrépétibles) et de la condamner à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

- la somme globale de 10 000 euros aux sociétés Amorim et Irmaos et Amorim Top Séries,

- la somme de 5 000 euros à la société établissements René Salomon.

Par ces motifs: LA COUR, Donne acte à la société Amorim Top Séries de son intervention volontaire à l'instance, Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a : - déclaré déclaré irrecevables les demandes de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 et du procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011, - condamné la société Delage à payer à la société Amorim & Irmaos et à la société Amorim France la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour concurrence déloyale, Statuant à nouveau, et y ajoutant, Déclare recevables les demandes de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 et du procès-verbal de constat des 16 et 18 mai 2011, Annule le procès-verbal de constat dressé les 16 et 18 mai 2011 par Maître Alexandre, huissier de Justice, Rejette la demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 août 2011 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 8 novembre 2016, Déboute les sociétés Amorim & Irmaos et Amorim Top Series France venant aux droits de la société Amorim France de leur demande de dommages intérêts pour concurrence déloyale, Condamne la société Delage à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile : - la somme globale de 10 000 euros aux sociétés Amorim et Irmaos et Amorim Top Séries, - la somme de 5 000 euros à la société établissements René Salomon, Rejette le surplus des demandes, Condamne la société Delage aux dépens d'appel.