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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 janvier 2018, n° 15-05719

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Alpes Auto Moto (SA) ; De Carrière (ès qual.) ; Sacchetti

Défendeur :

BMW France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Regnier, Taze Bernard, Lallement

T. com. Lyon, du 14 nov. 2014

14 novembre 2014

FAITS ET PROCÉDURE

La société BMW France est notamment l'importateur en France de véhicules neufs et pièces de rechange et accessoires de la marque BMW qu'elle distribue par le biais d'un réseau de distributeurs et réparateurs indépendants.

La société Alpes Auto Moto était distributeur et réparateur pour les véhicules automobiles des marques BMW. M. Rodrigue Sacchetti était le gérant de la société Alpes Auto Moto.

Le 1er octobre 2003, la société BMW France et la société Alpes Auto Moto ont conclu un contrat de concession à durée déterminée de 5 ans.

Le 31 mai 2007, la société BMW France a informé la société Alpes Auto Moto que le contrat de concession qui les liait se terminait le 30 septembre 2008 et que, dans l'hypothèse où cette dernière serait candidate pour poursuivre les relations contractuelles, la société BMW France se réservait la possibilité d'examiner toute autre candidature.

Par courrier du 27 septembre 2007, la société BMW France a informé la société Alpes Auto Moto qu'elle n'avait pas l'intention de proposer à la société Alpes Auto Moto le renouvellement du contrat de concession à échéance du 30 septembre 2008.

Par jugement du 27 juin 2008, le Tribunal de commerce de Gap a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Alpes Auto Moto.

Compte tenu du redressement judiciaire, le contrat de concession pour les véhicules automobiles BMW qui devait prendre fin le 30 septembre 2008 s'est poursuivi à la demande de la société Alpes Auto Moto à la suite de la prolongation de la période d'observation de cette dernière, afin de lui permettre de formaliser une offre de reprise.

Le 27 mai 2009, le plan de cession de la société Alpes Auto Moto a été adopté puis, par jugement du 12 juin 2009, le Tribunal de commerce de Gap a prononcé la liquidation judiciaire de la société Alpes Auto Moto et désigné Me Vincent de Carrière comme liquidateur.

Par ordonnance du 15 juin 2011, le juge-commissaire chargé de la procédure collective de la société Alpes Auto Moto a admis la créance de la société BMW France au passif de la société Alpes Auto Moto pour un montant de 629 485,41 euros.

Par acte du 21 mai 2012, Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto a assigné la société BMW France devant le Tribunal de commerce de Gap pour inexécution fautive et de mauvaise foi du contrat de concession et pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 15 mars 2013, le Tribunal de commerce de Gap s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Lyon.

Par conclusions du 8 novembre 2013, M. Rodrigue Sacchetti, gérant de la société Alpes Auto Moto, est intervenu volontairement à la procédure.

Par jugement du 14 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Lyon a :

- dit et jugé l'intervention volontaire de Monsieur Rodrigue Sacchetti parfaitement recevable et bien fondée,

- débouté Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto et M. Sacchetti de leurs demandes de condamnation à hauteur de la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice financier, ainsi que la somme de 200 000 euros au titre de la prime d'objectif non versée, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, capitalisation et anatocisme des intérêts échus annuellement,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- condamné Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto à verser à la société BMW Group France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto aux dépens.

Me de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 16 mars 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 14 novembre 2017.

LA COUR

Vu les conclusions du 15 juin 2015 par lesquelles Me Vincent de Carrière ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, appelant, invite la cour, au visa des articles 330 du Code de procédure civile, 1134 et 1135 du Code civil, et L. 442-6, I , 5° du Code de commerce, à :

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 14 novembre 2014 en ce qu'il l'a débouté ainsi M. Rodrigue Sacchetti de leurs demandes de condamnation à hauteur de la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice financier, ainsi que de la somme de 200 000 euros au titre de la prime d'objectif non versée,

- dire au contraire que la société BMW France a agi fautivement dans l'exécution du contrat de concession et en toute mauvaise foi,

- dire également que la société BMW France a rompu brutalement les relations commerciales avec la société Alpes Auto Moto et qu'elle est susceptible de se voir appliquer les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- condamner en conséquence la société BMW France à lui payer la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice financier, ainsi que la somme de 200 000 euros au titre de la prime d'objectif non versée,

- en tirer toute conséquence de droit,

- condamner la société BMW France au paiement de la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Regnier Bequet Moisan, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 16 septembre 2015 par lesquelles M. Rodrigue Sacchetti, demande à la cour, au visa des articles 330 du Code de procédure civile, 1134 et 1135 du Code civil, et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 14 novembre 2014 en ce qu'il l'a déclaré recevable et bien fondé à intervenir volontairement à l'instance,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 14 novembre 2014 en ce qu'il l'a débouté ainsi que Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, de leurs demandes de condamnation à hauteur de la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice financier, ainsi que la somme de 200 000 euros au titre de la prime d'objectif non versée, statuant à nouveau,

- dire au contraire que la société BMW France a agi fautivement dans l'exécution du contrat de concession et en toute mauvaise foi,

- dire qu'elle a rompu brutalement les relations commerciales avec la société Alpes Auto Moto et qu'elle est susceptible de se voir appliquer les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- débouter la société BMW France de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- en tirer toute conséquence,

- condamner la société BMW France aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Ils font valoir notamment que :

- la société BMW France a commis une faute au cours de l'exécution du contrat de concession et s'est conduite de manière déloyale en refusant de livrer des véhicules neufs au mois de décembre 2017 et en les livrant avec retard en 2008, privant ainsi la société Alpes Auto Moto de la prime d'objectif de 200 000 euros correspondante et la contraignant à recourir à des encours bancaires plus importants,

- cette attitude s'inscrivait en réalité dans une logique plus globale d'éviction de tous les distributeurs n'appartenant pas à de grands groupes,

- la société BMW France a rompu brutalement les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Alpes Auto Moto et soutient que le courrier du 27 novembre 2017 ne peut en aucun cas être considéré comme le point de départ du délai de préavis dans la mesure où ce courrier n'exclut aucunement la poursuite des relations commerciales entre les parties ;

Vu les conclusions du 6 novembre 2017 par lesquelles la société BMW France, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles L. 641-9 et L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de :

1) à titre principal au fond,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 14 novembre 2014 en ce qu'il a :

* débouté Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto et M. Rodrigue Sacchetti de leurs demandes de condamnation à hauteur de la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice financier, ainsi que de la somme de 200 000 euros au titre de la prime d'objectif non versée, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, capitalisation et anatocisme des intérêts échus annuellement,

* condamné Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, à verser à la société BMW Group France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamné Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, aux dépens.

- dire que la société BMW France n'a commis aucune faute à l'égard de la société Alpes Auto Moto,

- dire que la demande de paiement de la somme de 200 000 euros n'est pas recevable en raison de l'autorité de chose jugée conférée par l'ordonnance de M. le juge-commissaire près le Tribunal de commerce de Gap du 15 juin 2011 qui a admis la créance de la société BMW France à hauteur de 649 485,41 euros,

- débouter Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, et M. Rodrigue Sacchetti de l'ensemble de leurs demandes,

2) à titre subsidiaire,

- dire que M. de Carrière, ès qualités, et M. Rodrigue Sacchetti ne justifient pas du préjudice qu'ils allèguent,

- cependant, dans l'hypothèse où le tribunal entrerait en voie de condamnation à l'encontre de la société BMW France, ordonner la compensation entre la somme à laquelle elle serait condamnée par la cour et sa créance à hauteur de 629 485,41 euros admise au passif de la société Alpes Auto Moto,

3) en tout état de cause,

- débouter Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, et M. Rodrigue Sacchetti de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner solidairement Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, et M. Rodrigue Sacchetti à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement Me Vincent de Carrière, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alpes Auto Moto, et M. Rodrigue Sacchetti en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl BDL Avocats conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

Elle explique notamment que :

- aucun élément versé aux débats ne démontre l'existence d'un refus de livraison ou de vente et si des véhicules étaient livrables en décembre 2007, cela n'excluait aucunement que ces derniers ne soient pas livrés en cas de dépassement de l'encours fournisseur,

- la société Alpes Auto Moto n'établit pas le montant de la prime correspondant aux véhicules qui n'auraient pas été livrés,

- elle a simplement évalué le montant de la prime en cas de réalisation des objectifs prévus, qui n'ont finalement pas été réalisés,

- l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission de sa créance au passif de la société Alpes Auto Moto exclut toute possibilité pour la société Alpes Auto Moto de se prétendre a posteriori créancière d'une somme à son égard,

- elle n'a pas rompu de manière brutale les relations contractuelles et en l'espèce, elle a accordé un préavis de plus de 18 mois qui a débuté à réception du courrier du 31 mai 2007 et qui a pris fin le 12 décembre 2008, dans la mesure où la société BMW France a accepté de poursuivre les relations au-delà du terme fixé à la demande de la société Alpes Auto Moto afin de faciliter sa cession,

- elle conteste le préjudice allégué par Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti, ceux-ci ne précisant pas à quoi correspond la somme de 800 000 euros dont ils sollicitent le paiement,

- en cas de condamnation au versement d'une quelconque somme, celle-ci devrait être compensée avec sa créance admise au passif de la société Alpes Auto Moto ;

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies entre la société BMW France et la société Alpes Auto Moto

Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti reprochent à la société BMW France d'avoir rompu brutalement les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Alpes Auto Moto, en la privant de la prime de 200 000 euros, et en faisant preuve de déloyauté en ne lui livrant pas les véhicules dans les délais l'obligeant à recourir à des encours bancaires. Ils expliquent que le courrier du 27 septembre 2007 est équivoque et ne peut être considéré comme constituant la lettre de rupture.

Ils relèvent que le préavis n'a pas été respecté par la société BMW France. Ils soutiennent que les relations commerciales entre les 2 sociétés ont duré depuis 1976, la société Alpes Auto Moto s'étant substituée à la société Transalp'auto en 1999. Ils allèguent également que la société Alpes Auto Moto était en état de dépendance économique à l'égard de la société BMW France.

La société BMW France conteste avoir commis des fautes à l'égard de la société Alpes Auto Moto, en ce que la preuve de ces refus de livraison allégués ne sont pas explicités et encore moins démontrés, qu'elle n'a pas volontairement refusé de verser la prime de volume, en ce qu'elle n'était pas due, la société Alpes Auto Moto n'ayant pas atteint ses objectifs, la preuve n'étant pas rapportée de ce que des encours bancaires ruineux ont été accordés à la société Alpes Auto Moto. Elle conteste l'état de dépendance économique invoqué par la société Alpes Auto Moto. Elle explique l'absence de renouvellement du contrat de concession de cette dernière par la médiocre qualité de ses services.

Elle excipe qu'elle n'a pas rompu brutalement les relations commerciales avec la société Alpes Auto Moto, le délai de préavis laissé étant suffisant, celui-ci ayant débuté le 31 mai 2007.

Le principe des relations commerciales établies n'est pas contesté par les parties, qui s'opposent sur la nature des lettres des 31 mai et 27 septembre 2007, sur la durée du préavis et sur l'exécution du préavis.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.

Sur la nature des lettres des 31 mai et 27 septembre 2007 envoyées par la société BMW France à la société Alpes Auto Moto :

La lettre du 31 mai 2007 envoyée par la société BMW France à la société Alpes Auto Moto est rédigée notamment comme suit :

" A effet du 1er octobre 2003, nous avons conclu avec votre société un contrat de concession portant sur la distribution des véhicules BMW, pour une durée déterminée de cinq années, qui se terminera le 30 septembre 2008.

Dans ce contexte, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire savoir, au plus tard le 30 juin 2007, si vous entendez faire acte de candidature en vue de la proposition d'un nouveau contrat au 1er octobre 2008.

Toutefois, eu égard aux conditions difficiles d'exécution du contrat de concession qui nous lie actuellement, nous ne vous cachons pas que nous nous réservons d'examiner toute autre candidature qui nous serait présentée en vue de la proposition d'un contrat de concession BMW au 1er octobre 2008 sur la zone de chalandise de " votre contrat " ".

Cette lettre ne peut être considérée comme étant une lettre de rupture, en ce que la société BMW France ne signifie pas la fin des relations commerciales par ce courrier à la société Alpes Auto Moto, elle ne fait que rappeler à cette dernière la fin du contrat à durée déterminée et que son renouvellement n'est pas garanti.

Au contraire, par courrier du 27 septembre 2007, la société BMW France indique clairement à la société Alpes Auto Moto que " d'ores et déjà, conformément à l'article 11.1 du contrat de concession automobile BMW, nous vous informons que nous n'avons pas l'intention de vous proposer le renouvellement de ce contrat à son terme ". Même si la société BMW France évoque l'examen d'une potentielle candidature, celle-ci ne s'inscrit que dans le projet de cession du fond engagé par la société Alpes Auto Moto, en raison de ses difficultés financières. Ainsi, le courrier n'est pas équivoque, en ce que la société BMW France fait savoir à la société Alpes Auto Moto que le contrat de concession ne sera pas reconduit avec elle.

En conséquence, le courrier du 27 septembre 2007 constitue le courrier de rupture et fait courir le délai de préavis.

Sur la durée du préavis et la brutalité de la rupture :

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.

L'appelant soutient en vain que les relations commerciales avec la société BMW France sont établies depuis 1976, à défaut d'établir toute autre relation commerciale établie et continue avant la signature du contrat de concession dont il est question, entré en vigueur le 1er octobre 2003. En effet, la seule production de l'acte d'achat du fonds de commerce par la société Alpes Auto Moto le 30 septembre 1999, notamment d'un garage BMW, n'établit pas la continuité des relations commerciales antérieures à cette date avec la société BMW France. Ainsi, il y a lieu de fixer la durée des relations commerciales établies entre les parties à 8 années, de la signature du premier contrat de concession à la date de signification de la rupture.

La société Alpes Auto Moto invoque un état de dépendance économique à l'égard de la société BMW France, sans toutefois apporter la preuve d'aucun élément précis sur ce point. Elle n'invoque aucune circonstance caractérisant l'état de dépendance économique allégué. Il convient d'ailleurs de relever qu'elle n'était pas un distributeur exclusif de la société BMW France.

En outre, elle n'explique pas dans quelle mesure le délai de préavis d'une année dont elle a bénéficié n'a pas été suffisant afin de se réorganiser, au regard du secteur économique dont il est question. Au regard de ces éléments, il apparaît que le délai de 12 mois de préavis donné par la société BMW France à la société Alpes Auto Moto est suffisant.

La société Alpes Auto Moto reproche à la société BMW France de ne pas avoir livré les véhicules commandés avant le 31 décembre 2007, ce que conteste cette dernière.

Toutefois, la société Alpes Auto Moto ne démontre pas qu'elle a réalisé les quotas de vente de l'année donnant droit à la prime commerciale invoquée, ni que les livraisons des véhicules ont été effectivement réalisées avec retard par la société BMW France.

En effet, le seul courriel du 11 décembre 2007 (pièce n° 5 appelant) ne peut établir ces faits, la réponse de la société BMW France se contentant de confirmer les montants de primes annoncés, ce d'autant que la société Alpes Auto Moto précise que ces primes sont conditionnées au déblocage de l'encours par la société BMW France avant le 31 décembre 2007, sans que celui-ci ne soit certain.

Par ailleurs, dans son rapport, M. Combe, qui a été désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, indique que le refus de livraison n'est pas justifié de manière précise. Dès lors, à défaut d'éléments complémentaires, la société Alpes Auto Moto ne démontre pas que la société BMW France n'a pas livré volontairement les véhicules et qu'elle n'a pas respecté le préavis.

Il n'est donc pas établi que la rupture des relations commerciales entre les parties a été brutale.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes de Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti au titre de la réparation du préjudice pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les fautes commises par la société BMW France

La société Alpes Auto Moto reproche à la société BMW France de ne pas lui avoir livré les véhicules dans les délais et de ne pas lui avoir versé la prime de fin d'année, ce que conteste l'intimée, qui invoque l'irrecevabilité de la demande, au motif que sa créance au passif de la société Alpes Auto Moto a été fixée par le juge commissaire.

La fixation de la créance de la société BMW France au passif de la société Alpes Auto Moto n'interdit pas à cette dernière de formuler une demande à titre de dommages et intérêts à l'encontre de la première. Dans ces conditions, la demande de Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti est donc recevable.

Il a déjà été relevé ci-dessus que Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti ne démontrent pas les fautes alléguées à l'encontre de la société BMW France.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti, parties perdantes, doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société BMW France la somme supplémentaire de 7 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant dans les limites de l'appel, Confirme le jugement, Y ajoutant, Déclare recevable la demande à titre de dommages et intérêts en paiement de la somme de 200 000 euros de Me de Carrière ès qualités à l'encontre de la société BMW France, Condamne in solidum Me de Carrière ès qualités et M. Rodrigue Sacchetti aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société BMW France la somme supplémentaire de 7 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. Rejette toute autre demande.