CA Nancy, 5e ch. com., 10 janvier 2018, n° 16-02550
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BDK (SA), Desin'car (SARL)
Défendeur :
Association 112 Academy
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Diepenbroek
Conseillers :
MM. Soin, Brisquet
Avocats :
Mes Gerard, Jean
Vu l'appel déclaré le 23 septembre 2016 par la SA BDK, la SARL Desin'car et M. Laurent M., contre le jugement prononcé le 12 septembre 2016 par le Tribunal de grande instance de Nancy, dans l'affaire qui l'oppose à l'Association 112 Academy ;
Vu le jugement entrepris ;
Vu les conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 23 décembre 2016 par la SA BDK, la SARL Desin'car et M. Laurent M., appelants,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 03 mai 2017 ;
Vu l'ensemble des éléments du dossier.
Exposé du litige :
L'association " 112 Academy ", dont l'objet social est de rendre le plus efficace possible le numéro d'appel d'urgence 112, a été créée en avril 2010 par M. Jean Michel C., son président.
M. Laurent M. est pour sa part créateur et dirigeant de la société JCD Développement, agence de communication et de développements informatiques et internet sise à Metz (57).
Le 27 août 2012, la marque " Rescue code " a été enregistrée à l'office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), devenu l'office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) depuis le 23 mars 2016, à la demande de la société BDK, société de droit luxembourgeois dont les porteurs de parts sont MM. M. et C..
Le 24 septembre 2012, la société Desin'car, intervenant dans le secteur d'activité de la vente par automates et autres commerces de détail hors magasin, éventaires ou marchés n. c.a., a été créée par M. M..
Par acte d'huissier du 13 octobre 2014, la société BDK, la société Desin'car et M. Laurent M. ont fait assigner l'association 112 Academy devant le Tribunal de grande instance de Nancy, aux fins notamment de voir :
- constater que l'association 112 Academy a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale communautaire " Rescue code ",
- constater que l'association 112 Academy a commis des actes de contrefaçon du logiciel applicatif et des éléments graphiques dont le logotype du projet " Rescue code ",
- constater que l'association 112 Academy a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant les signes distinctifs de la marque " Rescue code " en particulier sur son site internet et en s'appropriant le projet des demandeurs,
- interdire sous astreinte à l'association 112 Academy de reproduire et d'utiliser l'appellation " Rescue cod ", ainsi que le nom de domaine " 112rescuecode. webs. Com ",
- condamner l'association 112 Academy à payer divers montants à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 12 septembre 2016, le Tribunal de grande instance de Nancy a :
- prononcé la nullité du dépôt de marque " Rescue code " enregistré sous le numéro 011178472 le 27 août 2012 par la société BDK,
- débouté M. Laurent M., la société Desin'car et la société BDK de leur demande de contrefaçon de marque,
- débouté M. Laurent M., la société Desin'car et la société BDK de leur demande de contrefaçon de logiciel,
- débouté M. Laurent M., la société Desin'car et la société BDK de leur demande de contrefaçon de droits d'auteur,
- condamné l'association 112 Academy à payer à la société Desin'car la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme,
- ordonné la publication d'un communiqué relatif au dispositif du jugement, à paraître dans deux revues du choix de la société Desin'car pour un montant total maximum de 6 000 euros,
- débouté l'association 112 Academy de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné l'association 112 Academy à payer aux sociétés BDK et Desin'car la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné l'association 112 Academy aux entiers dépens,
- débouté l'association 112 Academy de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
M. Laurent M., la société Desin'car et la société BDK ont interjeté appel du jugement.
Ils demandent à la cour, vu les articles L. 111-1 et suivants, L. I22-4, L. 331-1-3, L. 713-2, L. 713-3, L. 716-1, L. 716-5, L. 716-9, L. 716-14 et L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle, vu les articles 1382 et 1383 du Code civil, vu le procès-verbal de constat d'huissier ACTA daté du 16 août 2014, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du dépôt de marque " Rescue code " enregistrée sous le n°011178472 le 27 août 2012 par la société BDK,
- débouté les demandeurs de leur demande en contrefaçon de marque, de logiciel et de droits d'auteur,
- limité la condamnation de l'association 112 Academy au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire.
En conséquence, ils demandent à la cour de statuer à nouveau et de :
- dire et juger les demandes de la société BDK, de la société Desin'car et de M. Laurent M. à l'encontre de l'association 112 Academy recevables et bien fondées,
- dire et juger que la marque " Rescue code " enregistrée sous le n° 011178472 le 27 août 2012 est parfaitement valable,
- constater que l'association 112 Academy a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale communautaire " Rescue code ",
- constater que l'association 112 Academy a commis des actes de contrefaçon du logiciel applicatif et des éléments graphiques dont le logotype du projet " Rescue code ",
- constater que l'association 112 Academy a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant ces signes distinctifs en particulier sur son site internet et en s'appropriant le projet des demandeurs,
- interdire en conséquence à l'association 112 Academy de reproduire ou d'utiliser de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, l'appellation " Rescue code " pour désigner un dispositif et une activité similaire à ceux du demandeur, ainsi que l'utilisation du nom de domaine " 112rescuecode. webs. Com ", pour désigner un site internet présentant le dispositif développé par les demandeurs, le tout sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir,
- ordonner le retrait et la destruction immédiate par l'association 112 Academy, et ce sous astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de toute documentation publicitaire, commerciale ou administrative quel qu'en soit le support et en particulier sur internet, faisant apparaître tout ou partie des signes distinctifs appartenant aux demandeurs, ainsi que la radiation de tous noms de domaines composés des termes " Rescue " et " Code ",
- condamner l'association 112 Academy à verser à la société BDK SARL la somme de 25 000,00 euros pour contrefaçon de sa marque verbale,
- condamner l'association 112 Academy à verser à la société Desin'car la somme de 50 000,00 euros pour contrefaçon de marque, de logiciel et de droits d'auteur, et de 30 000,00 euros pour concurrence déloyale et parasitisme,
- condamner l'association 112 Academy à verser à M. Laurent M. la somme de 10 000,00 euros pour contrefaçon et violation de ses droits moraux,
- ordonner la publication d'un communiqué relatif au dispositif du jugement, à paraître dans deux revues au choix de la société Desin'car pour un montant total de 6 000 euros maximum,
- condamner l'association 112 Academy à verser aux sociétés BDK SARL et Desin'car la somme de 12 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner l'association 112 Academy aux entiers frais et dépens engagés par les sociétés BDK et Desin'car en ce y compris les frais de constats d'huissiers et de saisies éventuels,
- débouter l'association 112 Academy de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamner l'association 112 Academy à payer à M. Laurent M., à la société Desin'car et à la société BDK la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre la condamnation de l'intimée aux dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la présente décision (sic).
Bien que destinataire de la déclaration d'appel signifiée par acte d'huissier du 03 novembre 2016, remis selon les modalités de l'article 659 du Code de procédure civile, ainsi que des conclusions d'appel signifiées par acte d'huissier du 16 janvier 2017, remises selon les mêmes modalités, l'association 112 Academy n'a pas constitué avocat.
SUR CE,
Au soutien de leur appel, M. M., la société BDK et la société Desin'car contestent en premier lieu la motivation adoptée par les premiers juges, dans le paragraphe du jugement intitulé " Sur la contrefaçon de marque ".
Ils estiment ainsi qu'il est tout à fait impossible d'appliquer à un projet, l'appellation d'œuvre de collaboration, laquelle est avant tout une œuvre de l'esprit, contrairement au simple projet, assimilé quant à lui à une idée ou à un concept.
Ils soutiennent en conséquence que :
- le dispositif " Rescue code " constitue en réalité une marque de fabrique, de commerce ou de service, au sens de l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle,
- ce dispositif n'est nullement le résultat d'une œuvre de collaboration, au sens de l'article L. 113-2 du même code, entre d'une part M. C., président de l'association 112 Academy, et d'autre part M. M., créateur des sociétés BDK et Desin'car,
- en utilisant néanmoins la marque verbale " Rescue code ", l'association 112 Academy a commis un acte de contrefaçon, par application des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle,
- la publicité mensongère et trompeuse effectuée par l'association 112 Academy sur son site internet, par le biais de la contrefaçon de la marque " Rescue code ", cause un préjudice à la société Desin'car, en sa qualité de licenciée exclusive de cette marque.
En second lieu, les appelants exposent que si M. M. justifie de la paternité du dispositif " Rescue code ", il démontre également sa qualité d'auteur du logiciel développé sous cette marque, protégé par le dépôt enregistré sous son nom auprès de l'agence pour la protection des programmes du logiciel, dont la dernière version est commercialisée par la société Desin'car.
Ils reprochent en conséquence aux premiers juges d'avoir fondé leur motivation de rejet de leurs demandes de dommages et intérêts pour contrefaçon de logiciel, sur les seules dispositions de l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle, d'avoir ainsi ignoré la protection prévue par les articles L. 111-1 et suivants du même code, au bénéfice de l'auteur d'une œuvre de l'esprit, et d'avoir également méconnu les droits de la société Desin'car, seule titulaire de l'exploitation, de la distribution et de la promotion du logiciel " Rescue code ", ainsi que de l'application mobile associée.
S'agissant par ailleurs de la contrefaçon des droits d'auteur concernant le logotype et la charte graphique, les appelants font grief aux premiers juges d'avoir méconnu les dispositions des articles L. 111-1 et L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle, s'étant ainsi bornés à renouveler leur argumentaire relatif à l'existence d'une œuvre de collaboration, alors qu'en réalité le logotype et la charte graphique sont des créations originales datées de mai 2011, réalisées par M. M., qui dispose donc de tous droits moraux sur ces éléments esthétiques, la société Desin'Car disposant quant à elle des droits patrimoniaux.
Faisant enfin état de la totale méprise de la part du public, à la fois concernant le dispositif 'Rescue code', que les prestataires à l'origine dudit dispositif, les appelants soulignent les agissements parasitaires de l'association 112 Academy, ils relèvent la persistance, aujourd'hui encore et malgré le jugement de première instance, de la volonté de l'intimée de créer une confusion avec les appelants, et sollicitent en conséquence une majoration des dommages et intérêts alloués par les premiers juges.
Sur la contrefaçon de marque
La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'un personne physique ou morale, le a) de l'alinéa 2 de l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle précisant en outre que peuvent notamment constituer un signe les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de mots, (...).
En l'espèce, il est établi que :
- le 27 août 2012, la marque verbale " Rescue code " a été enregistrée au nom de la société BDK par l'organisme dénommé alors OHMI, sous le n° 011178472, la liste des produits et services attachés à cette marque étant notamment de classe 9 (logiciels de stockage automatique et de gestion de bases de données ; logiciels informatiques de création, d'application et d'intégration de bases de données ; lecteurs de codes à barre ; cartes magnétiques ; etc...), de classe 35 (gestion de fichiers informatiques ; gestion et assistance commerciale ; etc...), de classe 38 (fourniture d'accès à des bases de données ; fourniture de connexions de télécommunications à un réseau informatique mondial ou à des bases de données ; etc...), de classe 39 (informations en matière de transport, services de sauvetage et opérations de secours [transport]), de classe 42 (services d'informations, de conseils et d'assistance dans le domaine des logiciels ; etc...) et de classe 45 (concession de licences de logiciels ; etc...),
- par contrat de licence d'utilisation signé le 17 septembre 2014, la société BDK a concédé à la société Desin'car, entité créée le 24 septembre 2014 pour permettre la commercialisation du dispositif dénommé " Rescue code " et la valorisation des droits de propriété y afférents, la licence non exclusive d'utilisation et d'exploitation de la marque contractuelle " Rescue code ", cette licence étant ainsi concédée aux fins de reproduction, de fabrication, de diffusion, d'utilisation et de commercialisation des produits contractuels couverts par la marque contractuelle, à savoir l'ensemble des produits intégrant le dispositif d'identification des modèles de véhicules permettant de connaître la technique de désincarcération qui leur est applicable et utilisant l'application et le logiciel associés développés par M. Laurent M., l'article 6 du contrat de licence d'utilisation intitulé " étendue de la licence ", précisant en outre que le Concedant concède au Licencie le droit d'usage de la Marque contractuelle pour les classes de produits et services désignés dans la demande d'enregistrement y afférant, ainsi que les graphismes, symboles et signes distinctifs correspondants, la société BDK fournissant, dans cette dernière perspective, les modèles et chartes graphiques de la marque " Rescue code " à utiliser pour les enseignes et les documents publicitaires et contractuels.
Certes il est également établi, ainsi que relevé à juste titre par les premiers juges, que préalablement à la finalisation du projet " Rescue code " et à l'enregistrement de la marque éponyme par l'OHMI, de premiers échanges sont intervenus à partir de janvier 2011 entre M. M. et M. C., à la suite desquels ce dernier, président de l'association 112 Academy, a présenté à son interlocuteur un projet de carte papier " 112 maladies rares ", destinée à contenir les informations de santé importantes de son détenteur en cas d'accident, les protagonistes de ce simple projet ayant ensuite imaginé développer une application de reconnaissance par QR codes (type de code-barres en deux dimensions constitué de modules noirs disposés dans un carré à fond blanc) placés sur des bracelets dénommés " 112 premiers secours " et intégrant lesdites informations.
Les appelants rapportent cependant la preuve :
- qu'ils ont très vite renoncé à développer ce projet originaire, qui au demeurant ne présente qu'une relation très éloignée avec le dispositif " Rescue code " en litige, dont l'objet est en effet une identification des modèles de véhicules permettant aux personnels des secours de connaître facilement, rapidement et en toutes circonstances, la technique de désincarcération applicable, au moyen d'un QR code également, assorti d'une application et d'un logiciel associés,
- que les autorités requises n'ont pas donné leur agrément à ce dispositif originaire, insuffisamment fiable s'agissant notamment de l'impossibilité de garantir le lien existant entre le porteur du bracelet et les données accessibles via le QR code.
Par ailleurs, s'il n'est pas douteux que l'association 112 Academy a apporté un soutien, à tout le moins moral, au projet de développement du dispositif " Rescue code ", la promotion de ce dispositif et la mise en relation avec les institutions concernées ayant ainsi été assurée par cette association, cette dernière ne verse cependant aucun élément aux débats, de nature à démontrer qu'elle est à l'origine de la dénomination " Rescue code ", enregistrée par l'OHMI en tant que marque nominale pour désigner le dispositif de désincarcération décrit précédemment, la cour relevant en outre que l'association 112 Academy n'établit pas davantage que cette dénomination spécifique ait pu être utilisée par elle, avec date certaine, pour son projet de bracelet équipé d'un QR code.
Il résulte en conséquence de l'ensemble de ces constatations que la société BDK, en sa qualité de seule titulaire de la marque " Rescue code ", était bien fondée à procéder au dépôt de cette marque verbale communautaire auprès de l'OHMI, et cela nonobstant le fait que M. C. ait pu souscrire 3 750 parts sociales sur les 12 500 parts correspondant au total du capital social de la ladite société.
Dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du dépôt de la marque " Rescue code " enregistrée le 27 août 2012 par la société BDK.
S'agissant de la contrefaçon de marque, prohibée par les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, les appelants rapportent la preuve, par la production notamment du constat d'huissier établi par le cabinet ACTA le 16 août 2004, que l'association 112 Academy :
- fait usage de la marque " Rescue code " sur son site internet, dont le nom de domaine est " www.112rescue code.webs.com ", ainsi que sur sa page Facebook, intitulée www.facebook.com/112academy,
- utilise également l'appellation " Rescue code " pour distribuer son propre produit, à savoir le bracelet muni d'un QR code contenant les informations sur l'état de santé de son porteur.
La confusion entretenue par l'utilisation fautive, par l'association 112 Academy, de la marque " Rescue code ", cause nécessairement préjudice tant à M. M., en sa qualité de créateur de cette marque, qu'à la société BDK, en sa qualité de titulaire, qu'à la société Desin'car, en sa qualité de licenciée exclusive.
Il ressort cependant des dispositions de l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissement intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirés de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Il suit de cela que le préjudice des appelants doit être réparé dans son intégralité, sans perte, mais aussi sans profit pour aucune des parties.
En l'espèce, il convient de constater que pour chiffrer leurs demandes de dommages et intérêts, les appelants n'ont pas estimé devoir mettre en œuvre, de manière spécifique, les dispositions du dernier alinéa de l'article précité, la cour observant au surplus que le contrat de licence signé le 17 septembre 2014 entre la société BDK et la société Desin'car, sociétés créées par M. M. pour commercialiser le dispositif " Rescue code ", respectivement dans toute l'Union européenne, ainsi qu'en France, ne permet en aucune manière de préjuger des redevances qui, le cas échéant, auraient été dues par l'association 112 Academy, si d'aventure celle-ci avait demandé à la société BDK, titulaire de la marque, l'autorisation d'utiliser l'appellation " Rescue code ".
Par ailleurs, les appelants ne justifient d'aucun préjudice économique tangible (manque à gagner, voire perte) résultant de l'usage fautif, par l'association 112 Academy, de la marque " Rescue code ".
Enfin, ils ne démontrent ni même n'allèguent que l'usage fautif de la marque en litige aurait permis un quelconque enrichissement de l'association 112 Academy, la cour observant même sur ce point qu'il résulte de leurs propres conclusions que l'intimée a connu en réalité de sévères déconvenues commerciales, liées au défaut d'homologation des bracelets équipés d'un QR code.
Dès lors, le seul préjudice indemnisable est le préjudice moral résultant de l'utilisation, par l'association 112 Academy, de la marque " Rescue code ".
Ce préjudice étant caractérisé par le fait que le public peut imaginer, à tort, que les produits commercialisés sous une appellation identique, respectivement par les sociétés BDK et Desin'car, et par l'association 112 Academy, sont distribués par des établissements de la même société, l'interdiction, sous astreinte et dans les conditions précisées dans le dispositif de l'arrêt, d'utiliser l'appellation " Rescue code " est donc suffisante pour assurer auprès du titulaire de la marque (BDK) et du licencié (Desin'car), la réparation intégrale de leur préjudice, la cour relevant à cet égard que l'association 112 Academy, non comparante, n'établit nullement qu'elle a renoncé, en cause d'appel, à utiliser l'appellation " Rescue code ".
En outre, en considération de cette dilution de la marque verbale communautaire " Rescue code ", dont se plaignent légitimement les appelants, et de la confusion subséquente induite par l'association 112 Academy dans l'esprit des consommateurs, entre le produit qu'elle commercialise et le propre produit développé par la société Desin'car, il y a lieu d'ordonner la publication d'un communiqué relatif au dispositif de l'arrêt, à paraître dans deux revues au choix de la société Desin'car, pour un montant total maximum de 6 000 euros.
Le jugement sera en conséquence confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté les sociétés BDK et Desin'car de leurs demandes de dommages et intérêts, au titre de la contrefaçon de la marque 'Rescue code' et infirmé en ce qu'il a ordonné la publication du dispositif du jugement, à laquelle sera substituée le dispositif de l'arrêt.
S'agissant en revanche de M. M., créateur du concept " Rescue code ", ainsi que de la marque éponyme, la faute commise par l'association 112 Academy justifie de lui allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral.
Le jugement sera en conséquence infirmé, en ce qu'il a débouté M. M. de sa demande de dommages et intérêts pour contrefaçon de la marque " Rescue code ".
Sur la contrefaçon de logiciel
Il résulte des dispositions de l'article L. 111-1 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, l'article L. 112-2 13° du même code disposant pour sa part que sont notamment considérées comme œuvres de l'esprit les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire.
En l'espèce, si M. M. justifie de sa qualité de concepteur du dispositif " Rescue code ", ainsi que vu dans les développements qui précèdent, il établit au surplus :
- avoir déposé le 12 septembre 2012, auprès de l'agence pour la protection des programmes, le logiciel enregistré sous le numéro IDDN FR 370033.000.S. P.2012.000.30000, lequel porte bien sur la dernière version du logiciel développé par lui-même et commercialisé par la société Desin'car,
- avoir échangé des courriels entre le 21 juin 2012 et le 28 novembre 2013 avec M. Antoine C., responsable de la société Squarefrog et développeur de l'application dont s'agit,
- que la société Desin'car a payé des travaux de maquettage et d'intégrations graphiques, facturés par la société Squarefrog le 03 septembre 2012 pour un montant de 7 320 euros, ainsi que des travaux de création d'un site internet facturés par la société Jibeo le 17 octobre 2012 pour un montant de 460 euros,
- que l'application " Rescue code " a bien été créée par M. M., l'attestation émanant de Mme Claire P. Boulanger, chef de projets " sécurité routière " au sein de la société Renault et partant, témoin privilégié de la génèse de l'application " Rescue code ", certifiant ainsi que : il était évident que c'était lui (M. M.) l'inventeur de l'application et son maître d'œuvre et que : la société Renault a mis à disposition des tablettes au SDIS 44 (service départemental d'incendie et de secours) pour qu'il puisse tester l'application en cours d'amélioration. En aucun cas, Monsieur C. (sic) n'a participé à tout ce travail de recherche et de développement qui a abouti à la mise à disposition par Mr M. de l'application Rescue code pour les pompiers.
Les appelants rapportent par ailleurs la preuve, au moyen notamment de l'attestation de M. B. (pièce n° 35) et du procès-verbal de constat dressé par le cabinet ACTA (pièce n° 36) que d'une part l'association 112 Academy a usurpé la qualité d'auteur du logiciel enregistré auprès de l'agence pour la protection des programmes, que d'autre part celle-ci a utilisé à des fins publicitaires l'image et la description de l'application " Rescue code ".
Si l'association 112 Academy a en conséquence bien commis des actes de contrefaçon du logiciel applicatif " Rescue code ", force est de constater cependant que la société Desin'car, en sa qualité de cessionnaire de ce logiciel, ne verse aux débats aucun élément concret de nature à démontrer l'effectivité d'un préjudice, se trouvant en lien direct avec les fautes commises par l'intimée.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Desin'car de sa demande de dommages et intérêts.
S'agissant en revanche de M. M., sa qualité de créateur de logiciel, dûment enregistré auprès de l'agence pour la protection des programmes, justifie de lui allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, la simple revendication par l'association 112 Academy de la paternité de ce logiciel lui causant en effet nécessairement préjudice.
Sur la contrefaçon des droits d'auteur concernant le logotype et la charte graphique
En versant aux débats le procès-verbal d'huissier dressé par le cabinet ACTA le 04 août 2015, les appelants rapportent la preuve de l'existence dans les fichiers informatiques de la société Desin'car, dès le 20 mai 2011, d'une représentation du logotype " Rescue code ".
En considération de l'originalité et du particularisme de cette représentation graphique, il n'est pas douteux que tant le logotype " Rescue code " que la charte graphique correspondante sont des œuvres de l'esprit au sens de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, la cour observant sur ce point d'une part que l'association 112 Academy n'établit nullement avoir joué une quelconque rôle dans l'élaboration de ces éléments graphiques, d'autre part que M. M. produit les esquisses et schémas réalisés par lui, en relation avec ce logotype " Rescue code ".
Les appelants établissent par ailleurs la reprise par l'association 112 Academy, tant sur sa page " facebook " que sur son site internet, du logotype " Rescue code ", et ce à fin de présentation de ses propres produits.
La cour ne peut donc que constater la commission par l'association 112 Academy d'actes de contrefaçon du logotype dont s'agit, ainsi que de la charte graphique correspondante.
Si l'utilisation fautive par l'intimée de cette œuvre de l'esprit cause incontestablement préjudice à M. M., en sa qualité d'auteur de ces éléments, la société Desin'car, en sa qualité de cessionnaire, ne produit pour sa part aucun élément destiné à démontrer la réalité de son propre préjudice.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. M. de sa demande en contrefaçon de droits d'auteur, de condamner l'association 112 Academy à payer à celui-ci la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral résultant de cette contrefaçon et de confirmer le jugement, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la société Desin'car de sa demande de dommages et intérêts, au titre de la contrefaçon des éléments graphiques du projet " Rescue code ".
Sur la concurrence déloyale
Il convient en premier lieu d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont estimés qu'en distribuant, par l'intermédiaire de son site internet, des bracelets munis d'un QR code sous la dénomination " 112 Rescue code " et en se présentant parallèlement sur ce même site, de manière mensongère, comme étant à l'initiative de l'application et du logiciel de désincarcération élaborés par M. M., sous la dénomination " Rescue code ", l'association 112 Academy a sciemment entretenu une confusion dans l'esprit du public et s'est ainsi rendue coupable de parasitisme.
L'immixtion de l'association 112 Academy dans le sillage de la société Desin'car, afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, a donc nécessairement causé un préjudice à la sus nommée, étant observé plus précisément que les différents problèmes rencontrés par l'association 112 Academy dans la commercialisation de ses bracelets, liés au défaut d'agrément délivré par les autorités requises, ont au surplus porté atteinte à la réputation et à l'image du dispositif " Rescue code ", commercialisé par la société Desin'car.
Outre la cessation des agissements déloyaux et la publication du présent arrêt, mesures tendant déjà à la réparation du préjudice subi par la victime commerciale du parasitisme, il convient également de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné l'association 112 Academy à payer à la société Desin'car la somme forfaitaire de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour concurrence déloyale et parasitisme.
Sur les autres demandes
Les interdictions contenues dans le dispositif de l'arrêt étant suffisantes pour préserver les droits des appelants, ces derniers seront en conséquence déboutés de leur demande visant à voir ordonner le retrait et la destruction immédiate par l'association 112 Academy, et ce sous astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de toute documentation publicitaire, commerciale ou administrative quel qu'en soit le support et en particulier sur internet, faisant apparaître tout ou partie des signes distinctifs appartenant aux demandeurs, ainsi que la radiation de tous noms de domaines composés des termes " Rescue " et " Code ".
Le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, la cour précisant cependant, s'agissant de cette dernière condamnation, que la somme de 5 000 euros à laquelle l'association 112 Academy a été condamnée, doit s'entendre la société BDK et la société Desin'car, ensemble.
Les appelants ayant exposé des frais irrépétibles afin de faire valoir leurs droits, il convient de leur allouer, ensemble, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
L'association 112 Academy, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à supporter le coût des constats d'huissier établis les 16 août 2004 et 04 août 2015.
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt de défaut, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, CONFIRME le jugement prononcé le 12 septembre 2016 par le Tribunal de grande instance de Nancy, en ce qu'il a : - condamné l'association 112 Academy à payer à la société Desin'car la somme de cinq mille euros (5 000 ) à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, - débouté les sociétés Desin'car et BDK de leurs demandes de dommages et intérêts pour contrefaçon de marque verbale, - débouté la société Desin'car de sa demande de dommages et intérêts pour contrefaçon de logiciel, - débouté la société Desin'car de sa demande de dommages et intérêts pour contrefaçon de droits d'auteur, - condamné l'association 112 Academy à payer aux sociétés BDK et Desin'car, ensemble, la somme de cinq mille euros (5 000 ) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné l'association 112 Academy à payer les dépens de première instance, infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, constate que l'association 112 Academy a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale communautaire " Rescue code " valablement enregistrée sous le numéro 011178472 le 27 août 2012 par l'office de l'harmonisation dans le marché intérieur, devenu l'office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, interdit en conséquence à l'association 112 Academy de reproduire ou d'utiliser de quelque manière que ce soit, sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit, l'appellation " Rescue code " pour désigner un dispositif et une activité similaire à ceux des demandeurs, sous astreinte de cinq cents euros (500 ) par jour de retard à compter de la date de signification du présent arrêt et pendant une durée de trois mois, délai au-delà duquel M. Laurent M., la société BDK ou la société Desin'car pourront, le cas échéant, saisir le juge de l'exécution, en cas de persistance de l'infraction, interdit à l'association 112 Academy d'utiliser le nom de domaine " 112rescuecode. webs. Com ", pour désigner un site internet présentant le dispositif développé par les demandeurs, sous astreinte de cinq cents euros (500 ) par jour de retard à compter de la date de signification du présent arrêt et pendant une durée de trois mois, délai au-delà duquel M. Laurent M., la société' BDK ou la société Desin'car devront saisir le juge de l'exécution, en cas de persistance de l'infraction, condamne l'association 112 Academy à payer à M. M. les sommes de : - cinq mille euros (5 000 ) à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de marque, - cinq mille euros (5 000 ) à titre de dommages et intérêts, pour contrefaçon de logiciel, - deux mille cinq cents euros (2 500 ) à titre de dommages et intérêts, pour contrefaçon du logotype et de la charte graphique correspondante, déboute M. M., la société Desin'car et la société BDK de leurs demandes plus amples ou contraires, ordonne la publication d'un communiqué relatif au dispositif du présent arrêt, à paraître dans deux revues au choix de la société Desin'car, aux frais de l'association 112 Academy, pour un montant total maximum de six mille euros (6 000 ), condamne l'association 112 Academy à payer à M. M., la société Desin'car et la société BDK, ensemble, la somme de cinq mille euros (5 000 ) au titre des frais irrépétibles d'appel, condamne l'association 112 Academy aux dépens d'appel, ainsi qu'à supporter le coût des constats d'huissier établis les 16 août 2004 et 04 août 2015.