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Décisions

Cass. com., 17 janvier 2018, n° 17-10.360

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sebso (SARL)

Défendeur :

Distribution Casino France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Odent, Poulet, Me Le Prado, SCP Richard

T. com. Grenoble, du 19 juill. 2016

19 juillet 2016

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 novembre 2016), rendu en matière de référé, que le 20 novembre 2001, la société Sebso a conclu avec la société Distribution Casino France (la société Casino) un contrat de franchise, qu'elle a dénoncé pour le 19 novembre 2015 ; que se prévalant de pratiques méconnaissant l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, produisant également des effets anticoncurrentiels au sens des dispositions de l'article L. 420-1 du même Code, cette société a saisi, par requête, le président du Tribunal de commerce de Grenoble, qui l'a autorisée, par ordonnance du 4 mars 2016, à pratiquer diverses mesures d'investigation au siège d'un membre du même réseau, la société IF Investissements, afin de recueillir des pièces en lien avec les relations nouées entre ce franchisé et la société Casino, et a désigné à cette fin un huissier de justice, M. X ; que le président de ce tribunal, saisi d'un recours en rétractation par les sociétés Casino et IF Investissements et d'une demande de libération de séquestre par une assignation délivrée par la société Sebso, a, par deux ordonnances rendues le 19 juillet 2016, rejeté le recours en rétractation et fait droit à la demande de la société Sebso ; que la société Casino a interjeté appel de ces ordonnances auprès de la Cour d'appel de Grenoble, laquelle a joint les instances ;

Attendu que la société Sebso fait grief à l'arrêt d'infirmer les ordonnances du 19 juillet 2016, de rétracter l'ordonnance sur requête du 4 mars 2016 et d'ordonner la restitution des originaux des documents saisis et des copies ayant pu être récupérées alors, selon le moyen : 1°) que seule la Cour d'appel de Paris peut, en tant que juridiction spécialisée, se prononcer, en appel, sur la compétence d'une juridiction inférieure saisie d'un litige fondé sur l'article L. 442-6 I du Code de commerce ; qu'en ayant accepté de connaître de l'appel formé par la société DCF contre les deux ordonnances rendues, le 19 juillet 2016, par le juge des référés du Tribunal de commerce de Grenoble, sans relever d'office son incompétence, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6 III et D. 442-3 du Code de commerce ; 2°) que le juge des mesures d'instruction in futurum est compétent pour ordonner une mesure de saisie de documents destinée à être exécutée dans son ressort, même s'il peut éventuellement en résulter un litige en partie fondé sur l'article L. 442-6 I du Code de commerce ; qu'en jugeant le contraire, quand le référé mesure d'instruction in futurum est autonome et qu'il est intenté sans que l'on sache si un procès au fond sera plus tard intenté et ni sur quel fondement précis il le sera, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6 III, D. 442-3 du Code de commerce, 42 et 46 du Code de procédure civile ; 3°) que le juge des mesures d'instruction in futurum est compétent pour ordonner une mesure qui doit être exécutée dans son ressort, même s'il peut en résulter un litige fondé en partie sur l'article L. 442-6 I du Code commerce, dès lors que toutes les demandes ne seront manifestement pas fondées sur ce texte ; qu'en ayant jugé le contraire, sans rechercher si une partie au moins des demandes de la société Sebso n'était pas appuyée sur un ou des fondements distincts de celui de l'article L. 442-6 I du Code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6 III, D. 442-3 du Code de commerce, 42 et 46 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que les recours formés contre les décisions rendues par des juridictions non spécialement désignées par l'article D. 442-3 du Code de commerce, quand bien même elles auraient statué dans un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du même Code, sont, conformément à l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, portés devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle elles sont situées, tandis que seuls les recours formés contre les décisions rendues par des juridictions spécialisées sont portés devant la Cour d'appel de Paris ; que le moyen, qui postule en sa première branche un pouvoir juridictionnel général et exclusif au bénéfice de la Cour d'appel de Paris, manque en droit ;

Attendu, en second lieu, que seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par les articles D. 442-3 et R. 420-3 du Code de commerce sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 ou dans lesquels les dispositions de l'article L. 420-1 du même Code sont invoquées ; qu'après avoir énoncé que, si la partie qui demande une mesure sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile dispose du choix de saisir soit le président du tribunal appelé à connaître du litige soit celui du tribunal du lieu de l'exécution de la mesure d'instruction, le président saisi ne peut toutefois ordonner une telle mesure que dans les limites du pouvoir juridictionnel de ce tribunal, c'est à bon droit qu'ayant constaté que la société Sebso se prévalait dans sa requête de pratiques méconnaissant l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce et relevé que le Tribunal de commerce de Grenoble, dans le ressort duquel la mesure d'investigation devait être exécutée, n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur un tel litige, la cour d'appel a infirmé les ordonnances déférées et rétracté l'ordonnance sur requête ayant ordonné la mesure, peu important que la requête ait pu invoquer, en outre, un fondement de droit commun ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.