CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 12 janvier 2018, n° 16-14654
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Afnor
Défendeur :
Pavillon Bain (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Renard, Lehmann
L'Association Française de Normalisation (ci-après " Afnor ") est une association reconnue d'utilité publique, fondée en 1926, qui a pour principale activité l'élaboration, l'homologation et la promotion des normes en France.
Elle est titulaire de la marque collective NF n° 1 588 821 déposée le 16 janvier 1990 dans les classes 1 à 45, régulièrement renouvelée depuis cette date, qui désigne notamment les constructions d'édifices, constructions et réparations, machines et machines outils, outils et instruments à mains, enclumes, matériaux à bâtir laminés et fondus, autres produits en métal non compris dans d'autres classes, traitement de matériaux.
Les règles générales de la marque NF précisent en leur article 4 que l'usage de la marque n'est autorisé que dans les conditions prévues par les règles générales et les référentiels de certification.
Les règles de certification prévoient quant à elles les conditions dans lesquelles les produits et services peuvent bénéficier de la marque NF, qui garantit la conformité.
La société Pavillon Bain est une société inscrite au registre du commerce de Nevers et avait pour activité la construction de maisons individuelles.
Elle avait obtenu la certification nécessaire à l'usage de la marque NF.
En juillet 2013, la société Pavillon Bain a avisé son organisme certificateur, la Cequami, qu'elle souhaitait renoncer au droit d'usage de la marque NF.
Le 24 juillet 2013, la Cequami a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à la société Pavillon Bain prenant acte de sa décision et l'avertissant de l'interdiction qui lui était faite désormais d'utiliser la marque ou de faire référence à la certification.
Par exploit signifié le 28 novembre 2013, l'Afnor a assigné la société Pavillon Bain devant le Tribunal de grande instance de Paris au motif qu'elle aurait commis des actes de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale.
La société Pavillon Bain a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du Tribunal de commerce de Nevers du 1er octobre 2014. L'Afnor a régularisé la procédure à l'égard de Maître X, liquidateur, par acte du 4 mai 2015.
L'Afnor a déclaré sa créance le 13 avril 2015 à hauteur de la somme de 91 000 euros auprès du liquidateur qui a rejeté la production.
Par une ordonnance du 7 juillet 2015, le juge-commissaire a fait droit à la demande de relevé de forclusion présentée par l'Afnor.
Par jugement contradictoire, non assorti de l'exécution provisoire, en date du 24 juin 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté l'Afnor de ses prétentions au titre de la contrefaçon de marque collective et de la concurrence déloyale
- condamné l'Afnor à payer à la société Pavillon Bain, prise en la personne de Me X, son liquidateur judiciaire, la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC
- condamné l'Afnor aux dépens
- autorisé Maître Y, avocat, à recouvrer directement contre l'Afnor, ceux des dépens, dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
L'Afnor a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe le 5 juillet 2016.
Elle a conclu le 7 septembre 2016 et demande à la cour d'infirmer le jugement en toute ses dispositions et statuant à nouveau de :
- constater que l'Afnor a déclaré sa créance pour un montant total de 91 000 euros à Maître X, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire représentant des créanciers de la société Pavillon Bain,
- constater l'existence de cette créance,
- la fixer en conséquence à la somme de 91 000 euros, dans les termes des présentes conclusions,
- dire et juger que la créance du montant de 91 000 euros sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Pavillon Bain,
En conséquence,
- dire et juger qu'en utilisant la marque NF, notamment au mois de septembre 2013, alors qu'elle n'était pas certifiée, la société Pavillon Bain s'est livrée au préjudice de l'Afnor à des actes de contrefaçon en application de l'article L. 713-2 du CPI ou à tout le moins, de contrefaçon par imitation de marque en application de l'article L. 713-3 dudit code,
- dire et juger qu'en prétendant à plusieurs reprises au mois d'octobre 2013 sur son site internet qu'elle serait certifiée NF, ce qui n'est pas le cas, la société Pavillon Bain, s'est livrée au préjudice de l'Afnor à des pratiques commerciales trompeuses et des actes de tromperie en application des dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la consommation ou à tout le moins de l'article L. 121-4 du même code et de l'article 1382 du Code civil,
- faire interdiction à la société Pavillon Bain d'utiliser la marque NF sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, et ce sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société Pavillon Bain, représentée par Maître X, ès qualité de liquidateur judiciaire, à verser à l'Afnor la somme de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon de la marque NF,
- condamner la société Pavillon Bain, représentée par Maître X, ès qualité de liquidateur judiciaire, à verser à l'Afnor la somme de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de l'Afnor et aux frais avancé de la société Pavillon Bain, sans que le coût de chaque publication ne soit supérieur à la somme de 5 000 euros HT,
- ordonner qu'à compter du 8 ème jour suivant la signification de l'arrêt, le texte suivant soit affiché sur le site internet www.pavillon-bain.net en accès direct et en partie haute de la page d'accueil, pendant une durée d'un mois, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard :
" par arrêt du ........, la Cour d'appel de Paris a condamné la société Pavillon Bain qui exploite le site internet www.pavillon-bain.net pour avoir commis des actes de contrefaçon de la marque NF n° 1 588 821 appartenant à l'Afnor, ainsi que des actes de concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse. La cour l'a condamné à verser à l'Afnor la somme globale de ....... euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, ainsi qu'aux présentes mesures de publication. ",
- condamner la société Pavillon Bain, représentée par Maître X, ès qualité de liquidateur judiciaire, au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce compris notamment les frais d'huissiers relatifs au procès-verbal de constat précité,
- condamner la société Pavillon Bain aux entiers dépens, dont distraction au profite de Maître Z, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par une ordonnance du 21 septembre 2017 le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de Maître X et de la société Pavillon Bain ont en date du 4 janvier 2017, soit au-delà du délai de 2 mois prévu à l'article 909 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2017.
MOTIFS
Sur la contrefaçon alléguée
L'Afnor reproche à la société Pavillon Bain d'avoir commis des actes de contrefaçon de sa marque collective NF n° 1 588 821 en la faisant figurer sur une plaquette qui aurait été distribuée postérieurement au mois de juillet 2013 et notamment sur le salon " Habitat Meuble et Déco" qui s'est tenu à Orléans entre le 20 et le 23 septembre 2013.
Pour autant, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, le tribunal a jugé que quand bien même il est établi que la société Pavillon Bain a participé au dit salon du 20 au 23 septembre 2013, il ne ressort d'aucune autre pièce que la brochure commerciale précitée y a été distribuée, à une date où la société Pavillon Bain ne pouvait plus se prévaloir de la marque collective.
L'Afnor par ailleurs ne se prévaut d'aucun autre acte de contrefaçon.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la matérialité des actes de contrefaçon alléguée n'est pas établie et rejeté les prétentions de l'Afnor à ce titre.
Sur la concurrence déloyale alléguée
L'Afnor reproche à la société Pavillon Bain d'avoir commis des actes de publicités trompeuses constitutifs de concurrence déloyale au sens de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil d'une part en diffusant la brochure commerciale publicitaire susvisée au-delà du mois de juillet 2013 et d'autre part en revendiquant la norme NF sur son site internet " www.pavillon-bain.net " tel que constaté par procès-verbal de constat établi par Maître A, huissier de justice, le 30 octobre 2013.
L'Afnor reproche notamment au jugement entrepris d'avoir totalement omis de prendre en compte ce procès-verbal de constat du 30 octobre 2013.
S'agissant de la brochure commerciale litigieuse, la cour rappelle qu'il n'est pas justifié qu'elle ait été distribuée postérieurement au mois de juillet 2013 et ne peut dès lors démontrer une pratique commerciale trompeuse.
En revanche, la cour relève que le constat établi le 30 octobre 2013 par Maître A sur le site internet de la société Pavillon Bain démontre qu'à cette date la société se prévalait toujours d'une certification NF obtenue par la Céquami qualifiée d'organisme indépendant. Elle affirmait s'être depuis 2003 engagée dans une démarche de certification de qualité garantissant une construction dans les meilleures conditions...
Ces informations diffusées sur internet postérieurement au 24 juillet 2013 sont constitutives d'une publicité trompeuse au sens de l'article L. 121-4 du Code de la consommation qui dispose que
" sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet : ... 2° D'afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire ... ".
Ces agissements constituent à l'égard de l'Afnor, habilitée à certifier la conformité des produits ou services aux normes françaises, un acte de concurrence déloyale au sens de l'article 1382 devenu 1240 du Code civil.
La cour fixe à la somme de 2 000 euros l'indemnisation due à l'association Afnor à ce titre qui devra être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Pavillon Bain.
L'Afnor sera en revanche déboutée, au vu des faits de l'espèce et de la liquidation judiciaire de la société Pavillon Bain, de ses demandes d'interdiction et de publicité.
Sur les autres demandes
La société Pavillon Bain, représentée par Maître X, ès qualités de liquidateur judiciaire, qui succombe au titre de la concurrence déloyale sera condamnée aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
De plus, l'Afnor a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs, Infirme le jugement du tribunal du 24 juin 2016 sauf en ce qu'il a débouté l'association Française de Normalisation de sa demande de contrefaçon de sa marque NF, Dit que la société a commis des actes de concurrence déloyale et fixe à la somme de 2 000 euros l'indemnisation due à l'association Française de Normalisation à ce titre qui devra être inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Pavillon Bain, Déboute l'association Française de Normalisation de ses demandes d'interdiction et de publicité, Condamne la société Pavillon Bain, représentée par Maître X ès qualités de liquidateur judiciaire, au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce compris les frais d'huissiers relatifs au procès-verbal de constat sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Pavillon Bain, représentée par Maître X, ès qualités de liquidateur judiciaire, aux dépens de la procédure de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Z.