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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 16 janvier 2018, n° 16/04377

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Converse Inc. (Sté), All Star CV (Sté), Royer Sport (SAS)

Défendeur :

Montfort Force Unie (SAS), Sport Négoce International (SARL), Dieseel AG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

M. Thomas, Mme Douillet

Avocats :

Mes Olivier, Bloret-Pucci, Roux, Etevenard, Guin

CA Paris n° 16/04377

16 janvier 2018

Considérant que la société Converse Inc est titulaire :

des marques internationales désignant l'Union européenne " Converse All Star " n° 924 653 et " All Star " n° 929 078, respectivement enregistrées le 16 et le 15 mai 2007 pour désigner des articles chaussants,

et de la marque française " Converse All ... ... Taylor " n° 1 356 944, déposée le 30 mai 1986 et renouvelée le 22 mars 2006 pour désigner les chaussures ;

Que la société Royer Sport est distributeur et licencié exclusif des marques Converse en France, et en particulier de la marque française " Converse All ... ... Taylor " n°1 356 944 ;

Que ces deux sociétés, après avoir fait procéder le 15 septembre 2009 à un constat d'achat puis le 27 janvier 2010 à la saisie-contrefaçon de paires de chaussures revêtues de ces marques dans le magasin " SUPER-U " de Monfort-Sur-Meu exploité par la société Monfort Force Unie ont assigné cette dernière le 18 février 2010 en contrefaçon de marque et concurrence déloyale ;

Que le 30 avril 2010, la société Sport Négoce International se présentant comme propriétaire de ces produits, et exerçant une activité de grossiste d'articles de textiles et de chaussures, est intervenue volontairement à la procédure, et a assigné le 7 février 2011 en garantie son fournisseur, la société Dieseel AG laquelle a elle-même expliqué s'approvisionner auprès d'un distributeur des produits de marque Converse implanté dans l'espace économique européen ;

Que les sociétés défenderesses ont invoqué l'épuisement des droits des sociétés Converse et All Star sur les marques susvisées pour les produits en cause ;

Que par jugement avant dire droit du 18 octobre 2011, le tribunal a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur ... aux fins notamment de se faire remettre par les conseils des sociétés demanderesses les éléments nécessaires à la vérification de l'authenticité des chaussures arguées de contrefaçon, les chaussures arguées de contrefaçon, des chaussures reconnues comme authentiques par les sociétés demanderesses et déclarées comme authentiques par les sociétés défenderesses ; examiner contradictoirement lesdits documents et pièces en présence des avocats des parties mais hors la présence des parties elles-mêmes ; déterminer si une ou plusieurs chaussures saisies lors des opérations de saisie-contrefaçon du 27 janvier 2010, sont contrefaisantes ou authentiques notamment au regard de la Charte de fabrication intitulée " emboss and heat-seal " ;

Que la société All Star CV cessionnaire le 22 avril 2013 de la marque française " Converse All ... ... Taylor " n°1 356 944, puis le 25 octobre 2013 des marques internationales " Converse All Star " n° 924 653 et " All Star " n°929 078, est intervenue volontairement à la procédure ;

Que le 5 mai 2014, l'expert a déposé son rapport ;

Que par jugement du Tribunal de commerce de Zurich du 15 décembre 2014, publié le 6 mars 2015, la société Dieseel AG a été placée en liquidation judiciaire ; que le 14 juillet 2016, elle a été radiée définitivement du registre des sociétés suisses ;

Que les sociétés Converse INC, All Star C.V et Royer Sport interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 14 janvier 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

Donné acte à la société All Star C.V. de son intervention volontaire en sa qualité de cessionnaire dûment inscrit de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n°1 356 944 et des marques internationales désignant la communauté européenne Converse All Star n° 924 653 et All Star n° 929 078 ;

Déclaré recevables les demandes de la société Converse Inc et la société All Star CV et de la société International Sport Fashion à l'encontre de la société Dieseel AG faute d'exequatur du jugement de liquidation du Tribunal de commerce de Zürich du 15 décembre 2014, publié le 6 mars 2015 ;

Débouté la société Converse Inc et la société All Star CV de leurs demandes de contrefaçon de leurs marques semi-figurative française " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1 356 944 déposée le 30 mai 1986, renouvelée le 22 mars 2006 et désignant des " chaussures " en classe 25, semi-figurative internationale " All Star " n° 929 078 enregistrée le 15 mai 2007 désignant l'Union Européenne et couvrant notamment des " articles chaussants " en classe 25 et semi-figurative internationale " Converse All Star " n° 924 653 enregistrée le 16 mai 2007, désignant l'Union européenne et couvrant notamment des " articles chaussants " en classe 25 à l'encontre de la société Montfort Force Unie de la société Sport Negoce International et de la société Dieseel AG ;

Débouté la société Royer Sport de ses demandes en concurrence déloyale ;

Condamné solidairement la société Converse Inc la société All Star CV et la société Royer Sport à payer à la société Sport Negoce International la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné solidairement la société Converse Inc la société All Star CV et la société Royer Sport a payer à la société Montfort Force Unie la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté la société Dieseel AG de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné solidairement la société Converse Inc la société All Star CV et la société Royer Sport aux dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Que dans leurs dernières conclusions du 6 novembre 2017, les sociétés Converse INC, All Star C.V et Royer Sport à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par la 1ère section de la 3 ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris le 14 janvier 2016, en ce qu'il a :

Donné acte à la société All Star C.V. de son intervention volontaire en sa qualité de cessionnaire dûment inscrit de la marque française Converse All Star

Chuck Taylor n° 1 356 944 et des marques internationales désignant la communauté européenne Converse All Star n° 924 653 et All Star n°929 078.

Déclaré recevables les demandes de la société Converse INC et la société All Star C.V. à l'encontre de la société Dieseel AG faute d'exequatur du jugement de liquidation du Tribunal de commerce de Zürich du 15 décembre 2014 publié le 6 mars 2015.

Pour le surplus, au fond,

Écarter des débats la pièce n°53-1 intitulée " Dernières conclusions de la société Dieseel " communiquée par la société SNI en ce qu'elle contient des reproductions non autorisées de courriers électroniques strictement internes et confidentiels à Converse ;

Juger valables les procès-verbaux de constat d'achat et de saisie-contrefaçon ;

Réformer le jugement du 14 janvier 2016 et, statuant à nouveau, de :

à Constater que les sociétés Converse INC., All Star C.V. et Royer Sport un usage non autorisé des marques Converse susvisées par les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG, donc une violation des dispositions des articles 9 du Règlement (CE) du 26 février 2009 et des articles L. 717-1, L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle ;

à Constater que l'atteinte ainsi alléguée constitue un fait juridique dont la preuve peut être administrée par tous moyens et qu'en conséquence cette preuve peut résulter de simples présomptions de fait, même fondées sur des déclarations des appelantes elles-mêmes, dès lors qu'elles sont propres à entraîner l'intime conviction du Juge ;

à Constater que les appelantes présentent au soutien de leurs prétentions un faisceau d'indices dont elles soutiennent qu'il est de nature à établir, à titre de preuve, et dans la mesure de l'appréciation souveraine de la Cour, un tel fait juridique ;

à Dire et juger que les appelantes invoquent, pour établir le défaut d'autorisation de l'usage de leurs marques, plusieurs circonstances de fait, tangibles, sérieuses et concordantes, d'où il résulte qu'à l'évidence ni la consistance des produits, ni les conditions de leur acquisition, n'accréditent la possibilité d'une autorisation donnée par le titulaire de la marque ;

à Dire et juger en conséquence que l'usage illicite de marque est constitué dans tous ses éléments et suffit à justifier une condamnation au titre de la contrefaçon ;

à Constater que si l'action en contrefaçon des sociétés Converse INC. et All Star C.V. s'est vue opposer un épuisement du droit de marque par les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG, sociétés ont manqué à rapporter la preuve qui leur incombait d'une première commercialisation, par le titulaire du droit de marque lui-même ou avec son consentement, dans l'Union européenne ;

à Qu'en effet elles ne peuvent prétendre échapper à la charge de cette preuve au motif qu'elles bénéficieraient de l'aménagement communautaire réservé aux hypothèses de risque réel de cloisonnement du marché du fait du titulaire de la marque, faute de n'en rapporter aucune preuve et alors qu'au contraire les sociétés Converse INC. et All Star C.V. la possibilité de ventes passives au cours de la période considérée, comme d'ailleurs, de manière également significative, au cours de la totalité des dernières années ;

à Qu'il appartenait donc aux sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG justifier utilement d'une acquisition des produits litigieux auprès d'un des membres du réseau de distribution de Converse INC et All Star C.V., seuls autorisés à procéder à une première commercialisation sous les marques, et que, faute de rapporter une telle preuve, elles se sont privées de la possibilité de se prévaloir de l'autorisation tacite généralement déduite du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

à Que, dès lors, les produits qu'elles commercialisent sous les marques Converse se situent nécessairement en dehors du champ des autorisations susceptibles d'être données par le titulaire des marques ;

à Dire et juger en conséquence qu'à défaut d'établir un risque réel de cloisonnement, il appartient aux intimées de démontrer une première commercialisation des produits litigieux dans l'Espace économique européen par Converse INC ou avec son consentement ;

à Constater que les intimées ne prouvent aucunement une telle commercialisation ;

à Dire et juger en conséquence que le moyen de défense tiré de l'épuisement du droit de marque n'est pas fondé et ne permet pas aux intimées d'échapper à la responsabilité encourue du fait des actes d'usage illicite de marque qu'elles ont commis ;

à Dire et juger que la contrefaçon ainsi caractérisée constitue une concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de Royer Sport ;

à Débouter les sociétés SNI et M.F.U l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, et en particulier de leurs demandes de nullité des procès-verbaux de constat d'achat et de saisie-contrefaçon, de leur demande fondée sur l'adage Fraus omnia corrumpit et de leur demande pour procédure abusive ;

Sur les mesures réparatrices :

à Faire interdiction aux sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG poursuivre l'importation, la détention, l'offre à la vente et la vente sur le territoire de l'Union Européenne de tous produits portant atteinte aux marques Converse All Star n° 924 653 et All Star n° 929 078 et, en France, à la marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1356 944, et ce sous astreinte définitive de 500 euros par infraction constatée et passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;

à Condamner solidairement les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG payer à la société All Star C.V. venant aux droit de la société Converse INC , à titre de dommages et intérêts, la somme de 60 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits sur les marques internationales désignant l'Union Européenne Converse All Star n°924 653, All Star n°929 078, et sur la marque française Converse All Star Chuck Taylor n°1 356 944 ;

à Condamner solidairement les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG payer à la société Royer Sport à titre de dommages et intérêts, la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice commercial subi par le licencié et distributeur exclusive des marques Converse ;

à Condamner solidairement les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG rembourser l'ensemble des frais avancés par les appelantes dans le cadre de la mesure d'expertise ordonnée par le jugement du 18 octobre 2011 ;

à Ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais exclusifs et solidaires des sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG, 5 journaux, magazines ou revues au choix de la société All Star C.V. sans que le coût global de ces publications puisse dépasser la somme de 50 000 euros H.T. dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

à Dire et juger que la Cour se réserve le pouvoir de liquider toutes les astreintes ainsi prononcées, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du Code des Procédures civiles d'exécution ;

Condamner solidairement les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG payer à chacune des sociétés Converse INC., All Star C.V. et Royer Sport somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG entiers dépens, en ce compris les frais de constat et de saisie-contrefaçon ;

Condamner solidairement les sociétés Montfort Force Unie, Sport Negoce International et Dieseel AG entiers dépens d'appel.

Que dans ses dernières conclusions du 13 novembre 2017, la société Monfort Force Unie demande à la cour de :

Prononcer la nullité du procès-verbal de constat d'achat dressé par Me Bertrand ... le 15 septembre 2009 et en conséquence écarter cette pièce des débats,

Prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 27 janvier 2010 et en conséquence écarter cette pièce des débats, subsidiairement écarter des débats les annexes n°2 à 8 du procès-verbal,

Dire les sociétés Converse INC., Royer Sport et All Star C.V. fondées en leur appel du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 14 janvier 2016,

Débouter les sociétés Converse INC., Royer Sport et All Star C.V. l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées,

Dire la société Montfort Force Unie recevable et bien fondée en sa demande de confirmation du jugement et son appel incident,

En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a :

Débouté la société Converse INC et la société All Star CV de leurs demandes de contrefaçon de leurs marques,

Débouté la société Royer Sport de ses demandes en concurrence déloyale,

Condamné solidairement les sociétés Converse INC., Royer Sport et All Star C.V. payer à la société Montfort Force Unie la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné solidairement les sociétés Converse INC., Royer Sport et All Star C.V. dépens en ce compris les frais d'expertise,

Réformer le jugement et statuant à nouveau :

Dire et juger que les sociétés Converse INC., All Star C.V. et Royer Sport commis une faute engageant leur responsabilité en déclarant que les chaussures revendues par la société Montfort Force Unie constituaient des contrefaçons,

à En conséquence, évaluer le préjudice subi par la société Montfort Force Unie à ce titre à la somme de 20 000 euros et condamner solidairement les sociétés Converse INC. All Star C.V. et Royer Sport indemniser la société Montfort Force Unie de ce préjudice,

Dire et juger que les sociétés Converse INC. All Star C.V. et Royer Sport commis une faute engageant leur responsabilité en assignant à la légère la société Montfort Force Unie et en la maintenant dans la procédure d'appel, ce qui caractérise une procédure abusive et un appel abusif,

à En conséquence, évaluer le préjudice subi par la société Montfort Force Unie à ce titre à la somme de 80 000 euros et condamner solidairement les sociétés Converse INC. All Star C.V. et Royer Sport indemniser la société Montfort Force Unie de ce préjudice,

En tout état de cause :

Condamner la société Sport Negoce International à relever et garantir la société Montfort Force Unie de toutes les condamnations qui seraient mises à sa charge dans le cadre du présent litige et l'indemniser du stock restant (137 paires),

Condamner solidairement les sociétés Converse INC. All Star C.V. et Royer Sport payer à la société Montfort Force Unie la somme complémentaire en appel, de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et subsidiairement la société Sport Negoce International à payer à la société Montfort Force Unie en appel la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner solidairement les sociétés Converse INC., All Star C.V. et Royer Sport entiers dépens d'instance, en ce compris les frais de l'expertise ordonnée selon jugement avant-dire droit du 18 octobre 2011, dont distraction au profit de l'AARPI TESLA agissant par Maître Olivier ..., en application des dispositions des articles 696 et 699 du Code de procédure Civile ;

Que dans ses dernières conclusions du 13 novembre 2017, la société Sport Negoce International demande à la cour de :

Déclarer irrecevables et mal fondées les sociétés Converse Inc All Star CV et Royer Sport en toutes leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter purement et simplement ;

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la 1ère section de la 3ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris le 14 janvier 2016 ;

A titre principal :

1°) Sur la charge de la preuve de l'épuisement des droits,

à dire que la société SNI a rapporté de l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés au sens de l'arrêt Van Doren de La Cour de Justice de l'Union Européenne du 8 mars 2003 (Affaire C244/00),

à dire que les pièces versées aux débats par les sociétés Converse et All Star rapportent pas la preuve contraire,

2°) Sur la preuve des conditions de la mise sur le marché de l'EEE des produits en cause

à Constater que les sociétés Converse et All Star rapportent aucune preuve de la non-authenticité alléguée des produits en cause,

à Dire et Juger que compte tenu de l'application de l'aménagement de la charge de la preuve de l'épuisement des droits, posée par la CJUE dans l'affaire C244/00, du 8 avril 2003 et de la carence des demanderesses dans la preuve leur incombant, elles seront déboutées de l'ensemble de leurs demandes,

A Titre Subsidiaire

Constater que les pièces versées aux débats établissent l'épuisement des droits sur les marques invoquées,

si la cour considérait que les pièces versées aux débats n'établissent pas l'épuisement des droits, vu l'adage " fraus Omnia corrumpit ", Dire Et Juger que les appelantes ne sont pas fondées à se prévaloir de l'absence de preuve de l'épuisement des droits de la part des intimées,

Dire que les sociétés Converse et All Star Royer Sport ne rapportent pas la preuve du préjudice allégué et les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts, ainsi que de l'ensemble de leurs demandes et notamment de leur demande de publication,

Reconventionnellement :

Condamner solidairement les sociétés Converse, All Star et Royer Sport régler à la société Sport Negoce International la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice causé par l'exercice d'une procédure abusive,

Condamner solidairement les sociétés Converse, All Star et Royer Sport régler à la société Sport Negoce International la somme de 50 000 euros au titre de l'atteinte à son image,

En toute hypothèse :

Débouter les sociétés Converse, All Star et Royer Sport l'ensemble de leurs demandes et dire et juger dès lors l'appel en garantie de la Société Montfort Force Unie sans objet, et les rejeter.

Condamner les sociétés Converse et All Star, au paiement à la société SNI d'une indemnité de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique ... Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Que la société Dieseel AG a été assignée en la personne de son liquidateur le 1er avril 2016 et les conclusions des appelantes lui ont été signifiées le 24 mai 2016 ; qu'elle n'a pas constitué avocat et il sera statué par arrêt réputé contradictoire ;

Que l'ordonnance de clôture est du 21 novembre 2017 ;

SUR CE

I - Sur la procédure

A - Sur la nullité du procès-verbal de constat d'achat du 15 septembre 2009

Considérant que le 15 septembre 2009, la société Royer Sport a fait procéder par un huissier à un constat d'achat de paires de chaussures revêtues des marques protégées dans le magasin " SUPER-U " de Monfort-Sur-Meu exploité par la société Montfort Force Unie ;

Que la Sas Montfort Force Unie demande que la nullité en soit prononcée dès lors qu'aucune indication n'est fournie sur la personne " tiers acheteur ", dont elle est convaincue qu'elle serait liée par un lien de subordination avec la société Royer Sport du fait de sa situation géographique ;

Mais considérant qu'il ressort de ce constat que l'huissier, accompagné de Mademoiselle Marine ..., tierce personne non à la charge de l'étude... constate que mademoiselle ... entre sans cabas dans le Super U muni d'un simple sac à main contenant uniquement des affaires personnelles et ressort du magasin après avoir acheté deux paires de chaussures de marque Converse Chuck Taylor All Star dont facture est annexée à cet acte ;

Qu'à juste titre les sociétés appelantes observent que la simple proximité géographique de la société Royer Sport ne permet pas d'en déduire que Mademoiselle Marine ... serait sa salariée ;

Que ce moyen de nullité sera écarté ;

B - Sur la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 27 janvier 2010

Considérant qu'autorisée par ordonnance sur requête du 21 janvier 2010, la société Converse a, le 27 janvier 2010, fait procéder par un huissier à une saisie contrefaçon de chaussures et de documents dans le magasin " Super-U " de Monfort-Sur-Meu exploité par la société Montfort Force Unie ;

Que la Sas Montfort Force Unie en demande la nullité aux motifs, de première part, d'une absence d'identification de la personne du saisi dans la requête et dans l'ordonnance, de seconde part, d'irrégularités résultant des pièces saisies à raison d'incohérences entre les mentions du procès-verbal et les pièces saisies ;

Considérant que les sociétés appelantes s'opposent pour les motifs repris ci-après ;

Considérant, en premier lieu, que l'ordonnance du 21 janvier 2010, reprenant les termes de la requête, autorise les actes de saisie-contrefaçon à l'adresse suivante : Breteil ; que s'il est vrai que la personne du saisi, à savoir la société Montfort Force Unie n'y est pas expressément désignée, c'est à juste titre que les sociétés appelantes observent qu'une telle mention n'est pas exigée par l'article 716-7 du Code de la propriété intellectuelle et qu'au demeurant aucun grief n'est allégué ; que ce moyen sera rejeté ;

Qu'en second lieu, si certaines pages des documents mentionnés saisis par l'huissier sont manquantes dans les annexes de son constat, la Sas Montfort Force Unie n'allègue pas qu'il s'agisse d'autre chose que d'erreurs purement matérielles, étant précisé qu'elle a ensuite elle-même communiqué aux débats tous les documents correspondants dont la réalité et le contenu ne sont en définitive pas contestés ; que le moyen sera aussi écarté ;

C - Sur la pièce 53-1 produite par la Sas Montfort Force Unie

Considérant que la Sas Montfort Force Unie a produit en pièce 53-1 d'anciennes conclusions prises par la société Dieseel AG dans le cadre d'une procédure distincte suivie par la chambre 5-2 de cette cour sous le numéro RG 14/12483 ;

Que les sociétés appelantes demandent qu'elles soient écartées des débats au motif qu'elles contiendraient des reproductions non autorisées de courriels électroniques strictement internes et confidentiels à Converse ;

Que cependant, alors que dans ses dernières conclusions la Sas Montfort Force Unie indique sans être démentie avoir biffé tous ces extraits de correspondances dans ces conclusions, cette demande de rejet de pièce sera écartée ;

II - Au fond

Considérant que la société Converse soutient qu'il a été porté atteinte à ses droits de marque, et que les sociétés intimées se sont dès lors rendues coupables d'actes de contrefaçon civile au sens de l'article 716-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l'article 9 du Règlement (CE) n°40/94 du 20 décembre 1993, dès lors, d'une part, que les chaussures revêtues de ses marques commercialisées par la société Dieseel AG la société Sport Negoce International et la Sas Montfort Force Unie ne seraient pas authentiques, d'autre part et en tout état de cause, qu'en infraction à l'article 713-4 du même code, ces produits n'auraient pas été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen avec son consentement ; que s'agissant d'atteintes distinctes, même s'il est évident que le titulaire des droits n'aurait pas consenti à l'introduction dans l'espace économique européen de produits non authentiques reproduisant les siens, elles seront examinées dans cet ordre successivement, ainsi que l'a fait le tribunal ;

A - Sur la contrefaçon pour absence d'authenticité des produits

Considérant que pour débouter les sociétés Converse et All Star de leurs demandes de contrefaçon et la société Royer Sport de sa demande en concurrence déloyale de ce chef, le tribunal a notamment considéré que la société Converse n'a pas remis à l'expert les documents attendus, à savoir la charte de fabrication " emboss and heat-seal " et les 12 points de contrôle ; que les constatations faites par les seuls techniciens des sociétés demanderesses, qui pourtant s'étaient vu offrir la possibilité d'administrer la preuve en data room des erreurs de fabrication des chaussures, n'ont aucune valeur probante ; que les investigations et essais chimiques, physiques ou colorimétriques, effectués pour réaliser la mission d'expertise n'ont pas mis en évidence de différences entre les chaussures arguées de contrefaçon et les chaussures reconnues authentiques ; qu'il ressort des essais et tests réalisés auprès d'un laboratoire indépendant que les chaussures sont fabriquées avec les mêmes matériaux que ceux utilisés par les usines des sociétés demanderesses, dans les mêmes proportions ; que les couleurs des toiles des chaussures sont exactement les mêmes ; que les étiquettes apposées sur les chaussures litigieuses sont extrêmement semblables à celles apposées sur les chaussures reconnues authentiques ; qu'il ne peut être tenu compte de faibles différences d'écritures qui peuvent se retrouver sur des chaussures vendues comme authentiques ; que les tests techniques opérés par l'expert apparaissent convaincants de sorte que les chaussures saisies et par voie de conséquence les chaussures retenues sont considérées comme authentiques ;

Considérant que les sociétés intimées demandent la confirmation du jugement pour les motifs qu'il comporte et ceux repris ci-après ;

Considérant que les sociétés appelantes, qui en demandent l'infirmation, au moins dans les motifs de leurs conclusions, font valoir que les chaussures saisies présentent, apposée à l'intérieur de leur languette, une étiquette thermocollée dont le positionnement est significativement différent de celui des étiquettes thermocollées apposées sur les authentiques paires de chaussures Converse All Star Chuck Taylor de chaque référence concernée, ce qui a été constaté par huissier et ce qui serait établi par le document confidentiel Emboss and Heat Seal ; qu'elles démentent catégoriquement ne pas avoir présenté le document intitulé " Emboss and heat seal ", ni " les 12 points de contrôle " à l'expert ; que celui-ci ne s'est pas prononcé sur le positionnement des étiquettes ; qu'il n'a pas traité l'analyse de la typographie et de la qualité d'impression des étiquettes apposées sur la languette des chaussures ; que les différences de matériaux peuvent être constatées à l'œil nu ; qu'elles demandent à la cour de forger sa propre conviction au regard des éléments tangibles, sérieux et concordants fournis par Converse et établissant que celle-ci n'a pu consentir à l'usage de ses marques pour les chaussures en cause ;

Mais considérant qu'alors que cette argumentation n'est pas différente de celle présentée en première instance, c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal a débouté les sociétés appelantes de leurs demandes ;

Qu'il sera ajouté, de première part, qu'il ressort du rapport déposé par l'expert que celui-ci a reçu les parties à neuf reprises entre le 30 novembre 2011 et le 11 avril 2013, les huit dernières en data room ; qu'il s'est fait remettre par la société Converse les chaussures arguées de contrefaçon et des chaussures reconnues comme authentiques ; qu'il les a examinées contradictoirement en présence des avocats des parties mais hors la présence des parties elles-mêmes ; que nonobstant les affirmations contraires mais non étayées des sociétés appelantes, celles-ci, malgré ses demandes écrites et réitérées, ne lui ont pas communiqué la charte de fabrication Emboss and Heat Seal ; qu'en l'absence de ce référentiel, l'expert a travaillé par comparaison des différents éléments composant la chaussure : étiquettes, toile, semelles, nature des matières de fabrication à base de caoutchouc ; qu'il a annexé à son rapport les dix dires que lui ont adressés les avocats des parties auxquels il a communiqué son rapport de synthèse avant de déposer son rapport ; que l'expert conclut que les investigations et les essais tant chimiques que physiques effectués n'ont pas mis en évidence de différences (aux incertitudes près, tant de production que de mesures), entre les chaussures arguées de contrefaçon et les chaussures reconnues authentiques ;

De deuxième part, qu'alors que les sociétés appelantes ont fait le choix de ne communiquer ni au tribunal, ni à l'expert, ni à la cour le document confidentiel Emboss and Heat Seal, cependant que la possibilité leur avait été donnée de le faire en data room au cours de l'expertise, leurs prétentions fondées essentiellement sur la position des étiquettes sont particulièrement inopérantes ;

De troisième part, que la simple affirmation selon laquelle les différences de matériaux seraient " visibles à l'oeil nu " sont démenties par les conclusions contraires de l'expert ;

Qu'en définitive, les sociétés appelantes, auxquelles en leur qualité de demanderesses à l'action il incombe de rapporter la preuve du défaut d'authenticité des produits argués de contrefaçon, succombent en ce premier chef de demande ;

B - Sur la mise dans le marché de l'Espace économique européen sans le consentement du titulaire des droits

Considérant que pour débouter les sociétés Converse et All Star de leurs demandes de contrefaçon et la société Royer Sport de sa demande en concurrence déloyale de ce chef, le tribunal a notamment considéré que la société Converse et la société All Star ont mis en place un réseau de distribution sélective (sic), ce qui en soi ne suffit pas à démontrer un risque réel de cloisonnement du marché ; que cependant les sociétés défenderesses versent au débat des mails concordants datés de 2009 montrant qu'au cours de l'été 2009, un certain nombre d'acheteurs ont tenté d'acquérir auprès des distributeurs exclusifs de la société Converse Inc des chaussures et donc de réaliser des ventes passives et qu'il leur a été systématiquement répondu qu'ils n'étaient pas autorisés à vendre hors réseau ; qu'en conséquence, elles établissent suffisamment que les distributeurs exclusifs ont l'interdiction de vendre en dehors de leur territoire national ou du territoire qui leur a été confié ; que de plus, les sociétés demanderesses sont dans l'incapacité et refusent de verser au débat un seul contrat de distribution exclusive conclu avant 2009 entre la société Converse Inc et un distributeur agréé et qui établirait sans contestation possible qu'elle n'interdisait pas la vente en dehors du réseau de distribution exclusive ; que les attestations de distributeurs exclusifs qui indiquent vendre à d'autres distributeurs exclusifs sur d'autres territoires que les leurs, rédigées pour les besoins de l'instance, apparaissent comme de faible force probante ; que les factures produites pour établir l'existence de ventes passives au sein du réseau de distributeurs exclusifs, postérieures à la période litigieuse, constituées soit pour les besoins de l'instance soit parce que la société Converse Inc a revu le fonctionnement de son réseau depuis les faits, sont sans aucune pertinence dans le litige ; que sur la période pertinente du litige, seule une vente datant de mars 2009 de chaussures Chuck Taylor pour un montant de 2838 euros entre distributeurs exclusifs est établie, et aucune à des sociétés extérieures au réseau de distribution ; que s'agissant du matériel publicitaire, les quelques factures et quelques éléments épars mis au débat sont totalement insuffisants à démontrer que des ventes passives sont possibles à l'intérieur de l'Espace Économique Européen ; qu'en conséquence, le risque réel de cloisonnement du marché est établi tant au niveau quantitatif qu'au niveau qualitatif et il appartient alors aux sociétés demanderesses d'établir que les chaussures retenues et qui sont considérées comme authentiques, ont été mises sur le marché sans son autorisation, ce qu'elles ne font pas ;

Considérant que les sociétés intimées demandent la confirmation du jugement pour les motifs qu'il comporte et ceux repris ci-après ;

Considérant que les sociétés appelantes, qui en demandent l'infirmation, soutiennent que la seule existence d'un réseau de distribution exclusive n'est pas susceptible de caractériser en soi un risque réel de cloisonnement des marchés ; que les huit mails de 2009, tronqués et vigoureusement contestés, ont une valeur probante insuffisante pour rapporter une telle preuve ; que les factures de ventes passives versées aux débats démontrent que des voies d'importations parallèles sont ouvertes et que l'étanchéité du territoire contractuel, véritable indice du risque réel de cloisonnement des marchés, n'est pas une réalité ; que depuis mai 2007 et jusqu'à mars 2015, les ventes considérées se chiffrent par milliers d'unités et parfois par dizaines de milliers d'unités, se répètent d'année en année et mettent en présence des territoires variés, parfois inattendus, ce qui démontre la souplesse de la faculté ainsi ouverte, qui ne connaît donc aucune autre limite que celle d'une opportunité économique toute relative ; qu'elles rapportent la preuve de l'existence de publicités ou actions de promotion atteignant des clients établis sur plusieurs territoires exclusifs ;

Mais considérant que la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 8 avril 2003, a dit pour droit :

Une règle de preuve en vertu de laquelle l'épuisement du droit de marque constitue un moyen de défense pour le tiers poursuivi par le titulaire de la marque, de sorte que les conditions de cet épuisement doivent, en principe, être prouvées par le tiers qui l'invoque, est compatible avec le droit communautaire (...). Cependant, les exigences découlant de la protection de la libre circulation des marchandises, consacrée, notamment, aux articles 28 CE et 30 CE, peuvent nécessiter que cette règle de preuve subisse des aménagements. Ainsi, dans l'hypothèse où le tiers parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux si lui-même supporte la charge de cette preuve, en particulier lorsque le titulaire de la marque commercialise ses produits dans l'Espace économique européen au moyen d'un système de distribution exclusive, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen. Si cette preuve est apportée, il incombe alors au tiers d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'Espace économique européen.

Qu'alors que les sociétés appelantes ne font pas valoir de nouveaux moyens en cause d'appel, que c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal a débouté les sociétés Converse de ses prétentions formulées de ce chef ;

Considérant qu'il sera précisé, de première part, que la société SNI soutient rapporter la preuve de la segmentation territoriale du marché de l'Espace Économique Européen par Converse en ce qu'il n'existerait qu'un seul distributeur exclusif des produits Converse, désigné par Converse, par Etat membre de l'Espace Économique Européen ou par secteur comprenant plusieurs états membres de l'EEE ; qu'à cette fin, elle produit une seule pièce, à savoir 19 fiches de résultats de recherches effectuées le 30 juin 2009 sur le site internet converse.com faisant ressortir pour chacun des pays de l'EEE un seul distributeur ; que l'on observe que ce distributeur est parfois commun à plusieurs pays, ainsi pour l'Allemagne et l'Autriche, pour la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, pour Chypre, la Grèce et la Roumanie, pour le Danemark, la Finlande, le Suède, la Norvège et l'Islande, pour l'Espagne et le Portugal, pour l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie, pour l'Italie et Malte, et pour la Pologne et la République Tchèque ;

Qu'alors qu'en réalité ces résultats de recherche, en langue anglaise, mal imprimés, peu lisibles, ne sont pas explicites sur le contenu des relations entre ces distributeurs et la société Converse cette dernière ne conteste pourtant pas dans ses conclusions avoir mis en œuvre dans l'EEE un système de distribution exclusive, écrivant par exemple en page 39 : " les autres factures, plus récentes, qui sont versées aux débats illustrent l'esprit d'ouverture dans lequel Converse a organisé son réseau de distribution exclusive... " ;

Qu'ainsi il est acquis que la société Converse a organisé dans l'Espace économique européen un réseau de distribution exclusive (et non sélective comme l'a indiqué par erreur le tribunal), caractérisé par un seul distributeur par Etat ou par secteur comprenant plusieurs États membres ;

Considérant qu'il sera ajouté, de deuxième part, que la cour est dans l'ignorance totale des stipulations contractuelles régissant le réseau de distribution exclusive mis en place par la société Converse ; que celle-ci, nonobstant les termes sévères du jugement selon lesquels " les sociétés demanderesses sont dans l'incapacité et refusent de verser au débat un seul contrat de distribution exclusive conclu avant 2009 entre la société Converse Inc et un distributeur agréé et qui établirait sans contestation possible qu'elle n'interdisait pas la vente en dehors du réseau de distribution exclusive " ne les produisent pas plus en cause d'appel ni n'explicitent les raisons qui la conduisent à ne pas le faire ; qu'elles se contentent d'écrire que " dans la présente affaire, le Tribunal " s'étonne " à l'inverse de ce que Converse n'ait pas produit un seul contrat de distribution exclusive conclu avant 2009 " alors qu'il est acquis que la réalité d'un risque de cloisonnement ne se mesure pas tant à l'aune des dispositions contractuelles que dans la pratique ; que la cour en déduit que, du fait de la carence de la société Converse elle restera dans l'ignorance d'éventuelles clauses contractuelles autorisant, limitant ou interdisant les ventes en dehors ou même à l'intérieur du réseau de distribution exclusive ;

Considérant, de troisième part, que sans être démentie la société SNI observe que l'analyse des factures produites par la société Converse fait ressortir des pratiques très différentes selon les distributeurs pour le prix de vente de chaussures Chuck Taylor en toile, allant en 2009 de 15,90 euros à 36,10 $, en 2010 de 9,42 $ à 28,30 euros, en 2011 de 9,66 euros à 39,30 euros et en 2012 de 17 euros à 31,50 euros ; qu'à l'évidence, de telles distorsions de prix, dont le maintien pourrait être favorisé par l'interdiction de ventes passives, engendrent un risque de cloisonnement ;

Considérant, de quatrième part, que la société SNI communique des courriels de distributeurs exclusifs de Converse, initialement produits dans une autre procédure par la société Dieseel ; qu'ils peuvent être récapitulés dans le tableau suivant :

demande

réponse du distributeur exclusif Converse

date

expéditeur

texte (traduction)

date

distributeur

texte (traduction)

5/2/2007

Alessandro Zenusso

... je voulais vous demander si c'était possible que vous livrez des Converse pour mon magasin près de Rome...

6/2/2007

Allemagne

... nous n'avons pas le droit à livrer et vendre des produits dans des autres pays...

31/7/2009

E. ...

J'aimerais acheter des chaussures Converse chez vous... nous sommes une jeune entreprise localisée près de Budapest...

18/8/2009

Italie

... nous pouvons vendre qu'à des clients italiens et pour le territoire de l'Italie

5/8/2009

C. ...

J'aimerais acheter des chaussures Converse chez vous... nous sommes une jeune entreprise

5/8/2009

Scandinavia

Je suis désolé de vous informer que nous n'avons pas l'autorisation de distribuer des produits Converse en localisée près de Madrid

dehors de la Scandinavie

12/8/2009

Mark Pethoe

... pourrions-nous acheter des chaussures Converse chez vous Nous sommes une jeune entreprise près de Budapest...

23/8/2009

Proged

Chaque distributeur a une licence pour vendre dans son pays (ou dans les pays proches). Nous n'avons pas l'autorisation de vendre des chaussures en Hongrie

31/7/2009

Felix Busto Ortiz

Est-ce que vous pourriez livrer dans un autre pays en Europe

5/8/2009

Hongrie

Non, nous pouvons seulement vendre à des entreprises en Hongrie

7/8/2009

Guillo Masetti

Est-ce que vous pourriez me vendre des chaussures Converse pour mon magasin situé au nord de l'Italie et celui du sud de de l'Autriche

7/8/2009

France

Nous pouvons distribuer des produits Converse exclusivement en France. Nous ne sommes pas autorisés de vendre en dehors de la France

18/8/2009

C. ...

J'aimerais acheter des chaussures Converse chez vous, est-ce possible Nous sommes une jeune entreprise près de Madrid

18/8/2009

Amersport

Nous sommes actuellement qu'en mesure de servir notre marché local et n'avons pas de stock ou de moyens à servir de clients dans d'autres pays

Considérant que la société Converse observe que ces courriels ont été échangés dans le cadre d'une habile offensive menée par des tiers aux identités incertaines ; que certains, incomplets quant à l'identité de l'expéditeur, de son destinataire, de la date et de l'objet, ne sont pas intègres et ont fait l'objet de manipulations ; qu'ils procèdent clairement d'une action orchestrée, destinée à la collecte de preuves et non d'achats réels ; que la cour observe cependant que, quelle que soit la pertinence de ces arguments, à aucun moment dans ses conclusions ou dans les attestations des distributeurs exclusifs qui sont produites, il n'est prétendu que ceux-ci n'auraient pas apporté les réponses reprises ci-dessus caractérisant des refus de ventes passives et qu'il s'agirait de faux ;

Considérant, de cinquième part, que la société Converse verse des factures de ses distributeurs exclusifs justifiant selon elle de l'existence de voies d'importations ouvertes dans son réseau de distribution ; qu'il s'agit plus précisément :

- de factures d'Amersport (distributeur polonais)

du 12 mai 2009 pour 2 209 paires,

du 6 septembre 2010 pour 1 044 paires,

du 9 septembre 2010 pour 4 548 paires,

du 30 septembre 2010 pour 6 840 paires,

du 28 octobre 2010 pour 6 066 paires,

du 14 décembre 2010 pour 6 300 paires,

- de trois factures de Sportland (distributeur estonien) à un détaillant espagnol Pelham du 8 avril 2011 pour un total de 13 771 paires de " ... Taylor " ;

- d'une autre facture de ce distributeur estonien à ce client espagnol du 19 mars 2012 pour 6 205 autres paires ;

- de factures et aux quanti tés de produits Converse vendus en 2012 par Converse Italia à Zalando GmbH en Allemagne ;

- de ventes d'All Star DACH (distributeur pour l'Allemagne et l'Autriche) à destination de détaillants situés au Luxembourg et en République Tchèque ;

- de ventes de 62 000 produits ou même 99 740 produits de Converse Benelux vers l'Allemagne ;

Mais considérant qu'il ressort du procès-verbal de saisie contrefaçon du 27 janvier 2010 que les factures délivrées par SNI à MFU vont du 28 juillet 2009 au 18 septembre 2009, concernant 450 paires de chaussures Converse ; que toutes les factures invoquées par la société Converse à l'exception de celle d'Amersport du 12 mai 2009, qui sont postérieures à la période litigieuse, sont inopérantes ; que celle du 12 mai 2009, unique et délivrée entre distributeurs exclusifs et non au bénéfice de sociétés extérieures au réseau de distribution, n'est pas significative ;

Considérant, de sixième part, que si la société Converse justifie de l'existence de publicités ou d'actions de promotion atteignant des clients établis sur plusieurs territoires exclusifs, il n'en résulte nullement que celles-ci établiraient ou favoriseraient des ventes passives entre des distributeurs exclusifs et des clients situés en dehors de leur territoire ;

Considérant, en définitive, que les sociétés intimées démontrent suffisamment que la société Converse a organisé dans l'Espace économique européen un réseau de distribution exclusive caractérisé par un seul distributeur par Etat ou par secteur comprenant plusieurs États membres ; que du fait de sa carence à verser aux débats les contrats conclus avant 2009 avec ses distributeurs exclusifs, dont seule elle dispose, elle ne permet pas d'établir l'existence d'éventuelles clauses contractuelles autorisant les ventes passives entre distributeurs du réseau et au profit de clients situés en dehors du territoire attribué à chaque distributeur ou au contraire l'absence d'éventuelles clauses limitant ou interdisant les ventes en dehors ou même à l'intérieur du réseau de distribution exclusive ; qu'il en ressort pour l'année 2009 la preuve d'un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, aggravé par la circonstance de pratiques très différentes selon les distributeurs pour les prix de vente de chaussures ; que, sous les réserves examinées ci-dessus, la réalisation d'un risque de refus de ventes passives par les distributeurs exclusifs est confortée par la production de courriels échangés avec eux au cours de cette même année 2009 ; qu'enfin les pièces versées par les parties appelantes pour justifier de ventes passives et de publicités ou d'actions de promotions ne sont pas suffisamment opérantes ou significatives pour la période considérée ;

Qu'en conséquence, le risque réel de cloisonnement du marché étant caractérisé, il appartient aux sociétés demanderesses d'établir que les chaussures retenues et qui sont considérées comme authentiques ont été mises sur le marché sans son autorisation, ce qu'elles ne font pas ;

Que sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens invoqués par les sociétés intimées pour rapporter la preuve concrète d'une première commercialisation communautaire réalisée avec le consentement de Converse, laquelle ne leur incombe pas, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Converse et la société All Star de leurs demandes en contrefaçon et la société Royer Sport de sa demande en concurrence déloyale ;

III - Sur les demandes reconventionnelles en procédure abusive

Considérant, alors que de multiples procédures opposent la société Converse aux sociétés intimées, avec des sorts souvent différents, qu'il n'est pas justifié que les actions et appels exercés aient ici dégénéré en abus ; que les demandes reconventionnelles de ces chefs seront rejetées ;

IV - Sur les frais et dépens

Considérant que les appelantes succombant, le jugement sera confirmé en ces dispositions ;

Qu'ajoutant, la cour les condamnera aux dépens et ainsi qu'il est dit au dispositif en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, Rejette les exceptions, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute les parties intimées de leurs demandes reconventionnelles, Ajoutant, au titre des frais et dépens d'appel, Condamne solidairement les sociétés Converse INC. et All Star C.V. payer à la société Montfort Force Unie et à la société Sport Negoce International chacune, la somme complémentaire en appel, de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne solidairement les sociétés Converse INC., All Star C.V. et Royer Sport entiers dépens d'appel, dont distraction, chacune pour ce qui la concerne, au profit de l'AARPI TESLA agissant par Maître Olivier ... et de Maître Frédérique ... en application des dispositions des articles 696 et 699 du Code de procédure Civile.