CA Lyon, 8e ch., 16 janvier 2018, n° 17-02566
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Tecnilab SpA (Sté)
Défendeur :
Synergies Pharma (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chauve
Conseillers :
Mmes Defrasne, Zagala
La société Synergies Pharma et la société de droit italien Technilab SpA ont conclu le 1er juillet 2009, un contrat d'agent commercial permettant à la société Synergies Pharma de poursuivre la distribution des produits de la société Technilab SpA qu'elle avait auparavant distribués en tant qu'agent commercial de la société Market Management Limited, elle-même agent commercial de la société Technilab SpA.
Le contrat était prévu à durée déterminée devant s'achever au 31 décembre 2015 avec possibilité de tacite reconduction.
Le 17 juin 2015, la société Technilab SpA a dénoncé à échéance du 31 décembre 2015 le contrat.
Les parties n'ont pu trouver d'accord sur les modalités de sortie de la relation et une instance au fond est pendante devant le Tribunal de commerce de Lyon.
La société Synergies Pharma a parallèlement saisi le juge des référés sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce pour obtenir paiement de l'indemnité de rupture.
Par ordonnance rendue le 15 mars 2017, le président du Tribunal de commerce de Lyon a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation tirée du défaut de traduction de l'assignation en italien, en l'absence de grief,
- retenu sa compétence, en vertu de la clause de compétence contenue au contrat,
- condamné par provision la société Technilab SpA à payer à la société Synergies Pharma la somme de 596 975,25 au titre de la rupture du contrat d'agent commercial,
- rejeté la demande d'aménagement de l'exécution provisoire,
- condamné la société Technilab SpA à payer à la société Synergies Pharma la somme de 4 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Technilab SpA aux dépens.
Par déclaration en date du 6 avril 2017, la société Technilab SpA a interjeté appel de cette ordonnance dont elle sollicite l'infirmation totale.
In limine litis, elle soulève l'incompétence du Tribunal de commerce de Lyon.
A titre principal, elle soulève une contestation sérieuse tenant à l'éventuelle compensation entre la demande indemnitaire qu'elle formule au fond et l'indemnité réclamée par l'intimée et sollicite en conséquence la restitution de la provision versée avec renvoi au juge du fond déjà saisi.
A titre subsidiaire, elle se prévaut d'une contestation sérieuse sur le quantum de l'indemnité réclamée, les sommes réclamées étant sérieusement contestables.
A titre encore plus subsidiaire, elle sollicite la constitution d'une garantie bancaire à première demande, compte-tenu de la situation financière précaire de l'intimée ou subsidiairement une consignation sur un compte séquestre.
En tout état de cause, elle réclame la condamnation de l'intimée aux dépens ainsi qu'au paiement à son profit d'une somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que l'action engagée fondée sur un paiement d'une indemnité de fin de contrat résultant du non-renouvellement du contrat d'agence commerciale ne rentrerait pas dans le champ d'application de la clause attributive de compétence et qui doit être d'interprétation stricte, que dès lors elle ressortirait en application du règlement CE du 12 décembre 2012 du tribunal italien de Cunéo, le lieu de l'exécution de l'obligation au paiement se situant entre les mains du débiteur.
En réponse, la société Synergies Pharma conclut à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation de l'appelante aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 au titre des frais irrépétibles d'appel.
Elle rappelle que l'appelante a abandonné en première instance le moyen tiré de la nullité de l'assignation.
Elle revendique la compétence du tribunal de commerce aux motifs suivants :
- l'article 15 du contrat prévoit la compétence du Tribunal de commerce de Lyon pour " tous différends nés à l'occasion du présent contrat y compris ceux relatifs à sa validité, son interprétation, son exécution ou sa résolution ",
- l'article 25 du règlement CE du 12 décembre 2012 permettant une telle clause,
- l'article 7.1.b du même règlement donne compétence pour les contrats de service comme l'est le contrat d'agent commercial, le lieu où en vertu du contrat les services ont ou auraient dû être exécutés.
Elle relève que l'appelante ne conteste pas que la loi applicable en vertu du contrat (article 16) est la loi française et qu'elle est bien fondée à réclamer l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce en cas de rupture du contrat d'agent commercial.
Elle observe qu'à la notification de la résolution du contrat, l'appelante n'a formulé aucun grief à son encontre. Elle conteste le chiffre d'affaires de 2 millions désormais invoqué par l'appelante, ce chiffre apparaissant pour la première fois en cause d'appel et étant contredit par le contrat mais aussi les conclusions et écrits antérieurs de l'appelante.
Elle explique demander une provision bien inférieure à ce qu'elle demande au fond se bornant à solliciter en référé une somme provisionnelle correspondant à deux années de commissions brutes sur la base de la moyenne des trois dernières années, compte-tenu de la durée des relations contractuelles, des investissements réalisés dans le cadre de ce contrat (création d'un show-room, constitution et formation d'une équipe d'agents commerciaux), de la clause de non-concurrence qui lui est imposée. Elle note que ce montant a d'ailleurs été admis par l'appelante dans un courrier.
Elle considère que cette demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que les exceptions de compensation pour décrochage prématuré apparaissent fantaisistes et formées pour les besoins de la cause en appel.
Elle s'oppose à la demande de constitution d'une garantie bancaire ou d'une consignation dans la mesure où l'appelante a reconnu devoir une indemntié au titre de la fin du contrat d'agent commercial, et que la situation financière dans laquelle elle se trouve résulte de cette rupture.
Il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1/ Sur la compétence
L'article 15 du contrat signé entre les parties prévoit la compétence du Tribunal de commerce de Lyon pour " tous différends nés à l'occasion du présent contrat y compris ceux relatifs à sa validité, son interprétation, son exécution ou sa résolution ".
L'appelante soutient que cette clause attributive de compétence n'aurait pas vocation à s'appliquer à la présente action fondée sur l'obligation au paiement d'une indemnité de fin de contrat qui serait une obligation autonome devant s'exécuter au domicile du débiteur, donc du mandant à savoir les juridictions italiennes et invoque l'application de l'article 5.1 du règlement CE précité.
S'agissant d'un contrat d'agence commerciale, la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt Wood Floor du 11 mars 2010 a dit pour droit que le tribunal compétent pour connaître de toutes les demandes fondées sur le contrat est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de la fourniture principale des services, tel qu'il découle du contrat ainsi que de l'exécution effective de ce contrat et en cas d'impossibilité de le déterminer sur cette base, celui où l'agent est domicilié.
En l'espèce, le contrat d'agent commercial a été conclu avec un agent domicilié en France et plus particulièrement à Saint-Priest, et exécuté par ce dernier en France et plus précisément à Saint-Priest.
La demande de paiement d'indemnité de rupture découle du contrat et ressort en conséquence comme pour toutes les autres demandes relatives au contrat du tribunal du lieu d'exécution du contrat soit le Tribunal de commerce de Lyon.
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu sa compétence qui ressort tant de la clause attributive que de l'application du règlement CE précité.
2/ Sur la demande de provision
Le contrat conclu entre les parties l'était pour une durée déterminée avec une fin prévue au 31 décembre 2015 avec possibilité de tacite reconduction.
Il a été dénoncé par courrier du 17 juin 2015 par la société Technilab, ce courrier rappelle l'article 3 du contrat permettant à la partie qui ne souhaiterait pas renouveler ses engagements, de le notifier par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de six mois avant le 31 décembre 2015.
Ce courrier rappelle les clauses de non-concurrence, de confidentialité et de restitution mais ne fait état d'aucun grief, ni de motif de résiliation.
L'article L. 134-12 du Code de commerce prévoit qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
En l'absence d'accord entre les parties, la société Synergies Pharma a saisi le juge du fond pour obtenir paiement de cette indemnité compensatrice.
L'appelante reproche au premier juge d'avoir fait droit à la demande de provision présentée sur ce même fondement par la société Synergies Pharma.
Elle soutient qu'il existe des contestations sérieuses s'opposant à l'octroi d'une telle provision et invoque l'éventuelle compensation avec des demandes indemnitaires qu'elle présente de façon reconventionnelle devant le juge du fond.
Il convient de relever que le principe de l'existence de la créance de Synergies Pharma n'est contesté. Il découle des dispositions précitées du Code de commerce et a été reconnu d'ailleurs dans un courrier de l'appelante du 29 juillet 2016 dans lequel elle indique " nous ne contestons pas votre droit à indemnités. En revanche, nous contestons fermement le montant de 922 276,17 dont le calcul se fonde sur une méthode de calcul erronée et totalement abusive et injustifiée... nous vous rappelons que l'indemnité de rupture de deux années de commissions calculée sur les trois dernières années est considérée comme juste pour indemniser l'agent commercial... en conséquence, nous considérons que le calcul de votre indemnité de fin de contrat doit être calculée comme suit, deux années de commissions sur la base de la moyenne des trois dernières années de commissions ".
Cette indemnité n'est pas due en cas de faute grave de l'agent commercial précise l'article L. 134-13 du même code. L'insuffisance de résultats ou la baisse du chiffre d'affaires ne saurait constituer à eux seuls une faute grave privative du droit à indemnité.
L'appelante soutient que l'intimée serait à l'origine de litiges avec les clients et d'une dégradation de son image à l'origine de pertes et manques à gagner à hauteur de 87 900 . Elle reproche également une chute vertigineuse et continue des commandes entre 2009 et 2016 avec des résultats en dessous du seuil contractuel de 2 millions d'euros en 2014 et 2015 n'aurait pas atteint le chiffre d'affaires fixé. Elle estime son préjudice lié à la perte de marge sur les années 2014, 2015 et le premier semestre 2016 à 512 730,99 .
Les pièces régulièrement communiquées par elle ne comprennent pas les conclusions qu'elle aurait déposées à ce titre devant le juge du fond. Elle ne justifie donc toujours pas d'avoir formé une telle demande.
Il n'est pas contesté que les commissions facturées par Technilab SpA sur la base du taux de commissionnement prévu au contrat de 14 % hors taxes, sont les suivantes :
- 343 957,92 pour l'année 2010,
- 338 521,62 pour l'année 2011,
- 303 142,46 pour l'année 2012,
- 400 787,44 pour l'année 2013,
- 254 290,40 pour l'année 2014,
- 240 385,04 pour l'année 2015.
L'appelante a produit une attestation de son expert-comptable du 28 juin 2017 selon laquelle le montant des commandes enregistrées pour le premier semestre 2016 par la société Technilab s'élève à 713 300 contre 1 417 652 au premier semestre 2015.
Si ces chiffres montrent une diminution du chiffre d'affaires annuel plus particulièrement sur les deux dernières années et demie, il convient de relever que le chiffre d'affaires mentionné à l'article 5 du contrat est d'au moins un million annuel et qu'il a donc toujours été atteint par Synergies Pharma. Le chiffre d'affaires de 2 millions d'euros invoqué par l'appelante ne résulte d'aucun document contractuel et n'est corroboré par aucun document.
Les litiges invoqués avec des clients concernent seulement trois pharmacies et résultent pour au moins l'une d'elle de la diffusion d'une documentation erronée sur le produit vendu, documentation émanant de l'appelante. Le montant des pertes alléguées à ce titre soit 87 900 est à rapprocher de celui ci-dessus évoqué des chiffres d'affaire annuels en France qui n'ont jamais été inférieurs et dont le plus faible est celui précité.
La compensation invoquée apparaît donc purement éventuelle et n'est donc pas de nature à établir l'existence d'une contestation sérieuse de nature à faire échec à la demande de provision.
Le quantum de cette indemnité compensatrice ressort de l'appréciation souveraine des juges du fond. Il est cependant habituel d'allouer à l'agent commercial comme l'a d'ailleurs admis l'appelante dans son courrier du 29 juillet 2016, deux ans de commission calculé sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice du contrat, montant qui peut être augmenté si l'agent justifie d'un préjudice effectif supérieur né et en rapport avec la rupture du contrat.
L'intimée justifie par la production de son assignation réclamer trois années de commissions considérant que la rupture n'a été justifiée par aucune faute de sa part outre différentes indemnités de retour sur échantillonnage et application du taux de commissionnement.
En l'espèce, la rupture des relations contractuelles est intervenue au terme de cinq années de contrat qui avaient été précédées de relations en qualité de sous-agent commercial pendant cinq années.
L'intimée justifie qu'elle avait investi pour promouvoir les produits de son mandant en créant un show-room, et en constituant une équipe d'agents commerciaux.
Dès lors, le premier juge a fait une juste appréciation du montant de la provision à allouer.
Il y a lieu de confirmer l'ordonnance.
3/ Sur les demandes de constitution d'une garantie à première demande ou de consignation
L'appelante apparaît mal fondée à invoquer la situation financière difficile de l'intimée dont elle est à l'origine en ne payant pas l'indemnité de résiliation qu'elle reconnaissait pourtant devoir.
C'est à bon droit que le premier juge a rejeté sa demande de garantie à première demande comme d'aménagement.
Pour les mêmes raisons, la demande de consignation sera rejetée.
4/ Sur les autres demandes
La société Technilab SpA qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer à la société Synergies Pharma la somme de 4 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Confirme l'ordonnance rendue le 15 mars 2017, Y ajoutant, Déboute l'appelante de sa demande de consignation. Condamne la société Technilab aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, La condamne à payer à la société Synergies Pharma la somme de 4 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.