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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 12 janvier 2018, n° 15-22694

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MV Production (SARL)

Défendeur :

Eurodif (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes Olivier, Avakian, Grappotte-Benetreau, Canari

TGI Paris, du 9 oct. 2015

9 octobre 2015

Faits et procédure

Les sociétés MVP - MV Production (ci-après MVP) et la société Eurodif ont entretenu des relations commerciales dans le cadre desquelles la société MVP a produit plusieurs photographies pour illustrer les catalogues de la société Eurodif.

Ces relations commerciales ont cessé en 2012. La société MVP conteste les conditions de cette rupture et reproche à la société Eurodif d'avoir publié plusieurs de ses photographies sans son autorisation et sans avoir obtenu les droits afférents.

Par assignation délivrée le 14 novembre 2013 à la société Eurodif la société MVP a saisi le Tribunal de grande instance de Paris d'une demande visant à condamner la société Eurodif à lui payer les sommes de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir utilisé ses photographies sans autorisation et sans aucun droit 150 000 euros à titre d'indemnité pour avoir rompu brutalement les relations commerciales établies sans respecter de préavis.

Par jugement rendu le 9 octobre 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevable la société MVP à agir au titre du droit d'auteur sur les photographies issues tant du constat d'huissier du 5 novembre 2012 de Me X que pour le surplus de photographies ;

- condamné la société Eurodif à payer à la société MVP la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;

- condamné la société Eurodif à payer à la société MVP la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les sociétés MVP et Eurodif le surplus ;

- condamné la société Eurodif aux dépens.

Sur les droits d'auteur de la société MVP

Concernant les photographies issues du constat d'huissier, le Tribunal de grande instance de Paris a décidé que la société MVP n'était pas recevable à agir contre la société Eurodif pour demander la condamnation de cette dernière pour l'exploitation de photographies qui ont été capturées sur un site qui ne lui appartient pas et dont elle n'est pas responsable.

Concernant les autres photographies, les premiers juges ont constaté qu'elles ne portaient nullement l'empreinte de la personnalité du photographe permettant de caractériser leur originalité. Ils ont en effet estimé que le choix du cadrage, l'expression des physionomies et l'agencement des accessoires relevaient essentiellement d'une bonne maîtrise technique et d'un savoir-faire.

Sur la rupture brutale des relations commerciales,

Le Tribunal de grande instance de Paris a rappelé que pour apprécier l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés MVP et Eurodif, convenait de ne prendre en compte que les prestations conclues entre ces deux sociétés, sans tenir compte des relations que la société MVP avait pu entretenir avec d'autres sociétés appartenant au même groupe que la société Eurodif.

Les premiers juges ont décidé, au vu des pièces produites, que les sociétés MVP et Eurodif entretenu des relations commerciales régulières depuis 2003.

Ils ont ensuite constaté que la société Eurodif n'indiquait pas clairement, dans son courrier d'avril 2012, qu'elle souhaitait mettre un terme à la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société MVP puisqu'elle n'évoquait qu'une évolution des modalités de collaboration.

Ils ont en revanche remarqué qu'en juin 2012, la société Eurodif informait explicitement la société MVP qu'elle annulait immédiatement leur collaboration, faute d'avoir des garanties sur les délais d'exécution.

Le Tribunal de grande instance de Paris a alors décidé que la dégradation des relations entre les parties au cours de l'année 2012 n'exonérait pas la société Eurodif d'adresser préalablement un préavis à la société MVP avant de rompre leurs relations commerciales. Les premiers juges ont également décidé que le simple refus, par la société MVP d'une proposition qui lui avait été faite ne justifie pas que la société Eurodif mettre un terme à leurs relations commerciales sans respecter de préavis.

La société MVP a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 novembre 2015.

Prétentions des parties

Par ses conclusions signifiées par RPVA le 29 juillet 2016, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société MVP sollicite de la cour de :

déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société MVP à l'encontre du jugement prononcé le 9 octobre 2015 par le Tribunal de grande instance de Paris,

infirmer cette décision,

Vu les articles 1134, 1382 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,

dire et juger qu'en interrompant brutalement un partenaire de 20 ans, la société Eurodif n'a pas agi de bonne foi, qu'elle a eu un comportement fautif qui a préjudicié à la société MVP

juger que compte tenu de l'anciennement, une période de prévenance de deux ans aurait dû être respectée,

que dans ces conditions, la société Eurodif doit être condamnée au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Vu l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle,

déclarer recevable et bien fondée l'action engagée par la société MVP à l'encontre de la société Eurodif sur les droits d'auteur des photographies, lesquelles ont été effectuées par la société MVP pour la société Eurodif laquelle a pris l'initiative de les remettre sans aucun accord de la société MVP à la société Omnium de Participations,

juger que la société MVP est titulaire des droits d'auteur sur les photographies prises dans l'intérêt de la société Eurodif,

juger qu'en les remettant à la société Omnium de Participations la société Eurodif s'est appropriée ces photographies,

juger que les photographies conçues par la société MVP représentée par M. Y, directeur artistique, présentent un caractère original qui les distingue des autres photographies utilisées par d'autres magazines,

juger qu'aucune cession de droits n'est jamais intervenu entre la société MVP et Eurodif mais que seule une autorisation ponctuelle est intervenue entre la société MVP et Eurodif,

condamner à ce titre la société Eurodif au paiement d'une somme provisionnelle de 50 000 euros au profit de la société MVP,

désigner un tel expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de déterminer les droits d'auteur revenant à la société MVP,

subsidiairement,

si la cour estimait que la désignation d'un expert n'est pas nécessaire, la société Eurodif sera d'ores et déjà condamnée au paiement de 110 000 euros à ce titre,

condamner la société Eurodif au paiement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

débouter la société Eurodif de l'ensemble de ses demandes et notamment de celle formée pour procédure abusive et au titre des frais irrépétibles,

condamner la société Eurodif en tous les dépens,

ordonné l'exécution provisoire.

Sur la rupture brutale des relations commerciales,

La société MVP soutient qu'en l'informant, le 13 avril 2012, qu'elle sélectionnerait dorénavant ses cocontractants par appels d'offres, la société Eurodif a mis un terme à leur relation commerciale sans lui accorder un préavis en accord avec la durée particulièrement longue de leur collaboration, plus de 20 ans.

Elle estime que la société Eurodif aurait dû respecter un préavis de 2 ans durant lequel elle aurait dû poursuivre la relation commerciale. Or elle rappelle qu'en mai 2012 la société Eurodif s'est contentée de lui demander un devis pour un complément photos auquel elle n'a finalement pas donné suite, préférant confier les travaux à un autre prestataire.

Elle prétend qu'elle a refusé la proposition formulée par la société Eurodif le 16 novembre 2012 car celle-ci était irréalisable compte tenu des délais imposés. Elle explique que la société Eurodif a formulé ladite proposition en sachant qu'elle ne pourrait être que refusée. Elle affirme que la société Eurodif a ainsi tenté de la manipuler afin que sa décision de rompre leurs relations commerciales n'apparaisse pas abusive.

La société MVP soutient que l'indemnité accordée par le Tribunal de grande instance de Paris est trop faible et ne tient compte ni de l'ancienneté de sa collaboration avec la société Eurodif ni des chiffres d'affaires réalisés grâce à cette collaboration.

Sur l'indemnisation des droits patrimoniaux de la société MVP

La société MVP rappelle que la société Eurodif fait partie du groupe Omnium de Participations et que le site www.groupe-omnium.fr sur lequel ont été publiées les photos litigieuses concerne toutes les entités du groupe.

Elle assure que seule la société Eurodif peut être à l'origine de la diffusion des photos sur le site www.groupe-omnium.fr et qu'il revient à cette dernière d'appeler dans la cause la société Omnium de Participations pour lui demander sa garantie.

Elle explique qu'elle n'a pas cédé les droits d'auteur afférents aux photographies publiées dans le catalogue bien qu'elle ait été rémunérée par la société Eurodif pour réaliser lesdites photographies. Elle rappelle que la cession des droits d'auteurs doit en effet être expresse.

Concernant l'originalité des clichés, elle soutient qu'il ne s'agit pas de simples photographies mais d'une mise en scène qu'elle a elle-même organisée, rendant ainsi le catalogue unique. Elle souligne le talent artistique reconnu de M. Y, son directeur artistique.

En tout état de cause elle affirme produire l'acte de cession des droits, à son profit, des photos du catalogue Eurodif 2011.

Par ses conclusions signifiées par RPVA le 30 août 2016, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Eurodif sollicite de la cour de :

Vu l'article 122 du Code de procédure civile,

Vu les articles L. 121-1, L. 122-4, L. 113-1 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Sur la publication de photographies sur le site internet de la société Omnium de Participations

à titre liminaire, juger la société MVP irrecevable à agir, au titre de l'article 122 du Code de procédure civile, à l'encontre de la société Eurodif concernant la publication de photographies sur le site internet de la société Omnium de Participations,

en conséquence, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable à agir la société MVP à l'encontre de la société Eurodif concernant la publication de photographies sur le site internet de la société Omnium de Participations.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la société MVP serait déclarée recevable à agir à l'encontre de la société Eurodif concernant la publication de photographies sur le site internet de la société Omnium de Participations,

juger la société MVP irrecevable et infondée en ses demandes portant sur les photographies publiées sur le site internet de la société Omnium de Participations en l'absence d'originalité des photographies revendiquées,

juger la société MVP irrecevable et infondée en ses demandes portant sur les photographies publiées sur le site internet de la société Omnium de Participations en l'absence de démonstration de la titularité des droits revendiqués,

en conséquence, débouter la société MVP de toutes ses demandes formées au titre du droit d'auteur, s'agissant des photographies publiées sur le site internet de la société Omnium de Participations.

Sur la publication de photographies sur les catalogues Eurodif,

juger la société MVP irrecevable et infondée en ses demandes portant sur les photographies publiées sur les catalogue Eurodif en l'absence d'originalité des photographies revendiquées,

en conséquence, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société MVP au titre du droit d'auteur sur les photographies des catalogues Eurodif en l'absence d'originalité desdites photographies,

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société MVP de toutes ses demandes à ce titre,

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société MVP de sa demande de provision au titre des droits d'auteurs,

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société MVP de sa demande de nomination d'un expert,

débouter la société MVP de sa demande subsidiaire de condamnation de la société Eurodif à lui verser la somme de 110 000 euros au titre des droits d'auteur,

A titre subsidiaire et incident,

juger que la société MVP est irrecevable à agir s'agissant de la publication de photographies dans les catalogues Eurodif, en l'absence de démonstration de la titularité des droits qu'elle revendiquer, photographies au demeurant non datés, non identifiées et non répertoriées

juger que la société MVP est irrecevable à agir sur le fondement du droit moral d'auteur, cette dernière ne pouvant disposer des prérogatives d'ordre moral en lieu et place des auteurs, personnes physiques,

en conséquence, débouter la société MVP de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, au titre des droits d'auteur pour être irrecevable à agir sur ce fondement,

A titre plus subsidiaire et incident :

Sur la cession de droits intervenues,

juger qu'une cession de droits sur les photographies publiées dans les catalogues Eurodif est bien intervenue entre les sociétés MVP et Eurodif, des relations commerciales et des factures intervenues entre ces deux sociétés, et des affirmations du dirigeant de la société MVP donc de l'intention commune des parties,

en conséquence, débouter la société MVP de toutes ses demandes relatives à la prétendue absence de cession de droits sur les photographies des catalogues Eurodif,

Sur la prétendue rupture des relations commerciales,

juger qu'aucune rupture des relations commerciales n'est imputable à la société Eurodif

en conséquence, infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a estimé que la rupture des relations commerciales était imputable à la société Eurodif,

infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Eurodif à verser à la société MVP la somme de 10 000 euros pour rupture des relations commerciales,

débouter la société MVP de toutes ses demandes au titre d'une prétendue rupture des relations commerciales, laquelle n'est aucunement imputable à la société Eurodif,

débouter la société MVP de sa demande de dommages et intérêts,

ordonner la restitution par la société MVP de la somme de 10 000 euros versée par l'intimée en exécution du jugement dont appel,

Subsidiairement,

juger que le caractère établi de la relation commerciale n'est aucunement démontré,

juger que le caractère brutal de la rupture des relations commerciales n'est aucunement établi,

juger que la société MVP n'était liée par aucune clause d'exclusivité à la société Eurodif et qu'aucune situation de dépendance économique ne lui a été imposée,

juger que la société MVP a failli à ses obligations contractuelles et fait preuve de la plus entière mauvaise foi,

juger que la société MVP ne justifie aucunement de la nature et de l'étendue de son préjudice résultant de la prétendue rupture brutale des relations commerciales prétendument imputée à la société Eurodif,

en conséquence, infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Eurodif à verser à la société de 10 000 euros pour rupture brutale des relations commerciales établies,

ordonner la restitution par la société MVP de la somme de 10 000 euros versée par l'intimée en exécution du jugement dont appel,

débouter la société MVP de toutes ses demandes formées en appel et notamment de toute prétention indemnitaire, au titre d'une rupture brutale de relations commerciales établies,

A titre incident et en tout état de cause,

infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Eurodif de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

en conséquence condamner la société MVP à verser à la société Eurodif la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Eurodif à verser à la société MVP la somme de 2 500 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

en conséquence, condamner la société MVP à verser à la société Eurodif la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles engagées en première instance et 5 000 euros pour les frais engagés en appel,

débouter la société MVP de toute demande à ce titre,

infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Eurodif aux dépens,

condamner la société MVP aux entiers dépens tant de première instance que d'appel,

Sur l'irrecevabilité de la société MVP concernant les photographies publiées sur le site internet de la société Omnium de Participations

La société Eurodif soutient que seule la société Omnium de Participations a publié les photographies litigieuses sur le site internet www.groupe-omnium.fr. Elle rappelle que cette dernière est une entité juridique totalement distincte qui exploite seule ledit site.

Elle explique que la société MVP ne prouve pas qu'elle ait été à l'origine de la diffusion des photographies. Elle rappelle que le catalogue Eurodif est destiné au public et que la société Omnium de Participations a pu ainsi avoir accès librement aux photographies.

Sur l'absence de contrefaçon,

Sur la titularité des droits d'auteur,

La société Eurodif rappelle qu'une personne morale ne peut avoir d'activité artistique et ne peut se voir reconnaître la qualité d'auteur.

Elle prétend également que la société MVP ne rapporte pas la preuve des droits patrimoniaux qu'elle prétend détenir sur les photographies litigieuses. Elle explique que la société MVP se borne à produire une série de catalogue des années 2005, 2009, 2010, 2011 et 2012, sans qu'il soit possible d'identifier le détenteur des droits afférents aux photographies illustratives. Elle rappelle que l'acte de cession dont se prévaut la société MVP concerne un catalogue qu'elle ne verse même pas aux débats.

Concernant les catalogues de 2005, elle prétend que la société MVP ne prouve pas que M. Y, photographe lui a effectivement cédé les droits afférents aux photographies publiées.

De même concernant les catalogues de 2009 à 2012, elle explique que les documents intitulés " cession de droits sur photographies ", produits par la société MVP pour justifier de la cession des droits d'auteurs par le photographe, M. Y, ne contiennent aucune précision sur les photographies concernées.

Sur l'originalité des photographies

La société Eurodif soutient que la société MVP ne démontre pas l'originalité des photographies dont il prétend être détenir les droits. Elle explique que cette dernière se contente d'invoquer une originalité globale desdites photographies sans expliquer, pour chaque cliché, les choix pris par l'auteur. Elle assure que les photographies litigieuses ne peuvent être distinguées d'autres clichés qu'aurait pu prendre un photographe dans des conditions analogues. Elle affirme que les photographies figurant dans le catalogue sont d'une grande banalité et ne révèlent pas l'empreinte de la personnalité de leur auteur.

Sur la cession des droits des photographies à la société Eurodif

La société Eurodif soutient que la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société MVP implique nécessairement qu'elle ait acquis la titularité des droits afférents aux photographies litigieuses. Elle soutient que la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société MVP n'a jamais été formalisée par un contrat et qu'il était donc parfaitement normal que la cession des droits d'auteur ne soit pas intervenue sous la forme d'un écrit. Elle prétend donc que les factures émises par la société MVP concernant les photographies litigieuses emportent forcément cession des droits d'auteurs afférents, peu important que ne figure pas la mention " cession de droit ".

Sur l'absence de rupture brutale des relations commerciales établies,

Sur l'absence de rupture imputable à la société Eurodif

La société Eurodif soutient qu'en décidant de procéder désormais par appels d'offres, elle n'entendait pas mettre un terme à sa relation avec la société MVP mais souhaitait simplement mettre en place un mode de fonctionnement différent, tout en accordant un préavis de 5 mois à cette dernière pour se réorganiser.

La société Eurodif soutient qu'elle a ainsi souhaité collaborer à plusieurs reprises avec la société MVP durant l'année 2012 mais que les propositions de shooting photos n'ont jamais pu aboutir en raison des agissements de cette dernière.

Elle explique qu'elle a notamment fait, en mai, une proposition de shooting à la société MVP mais que cette dernière n'a pas tenu ses engagements, la contraignant à renoncer au projet. Elle précise que la société MVP n'a pas été en mesure de fournir des dates exactes pour le déroulé des shooting alors même que les photographies prises devaient être insérées dans un catalogue devant être livré à une date fixe et non modifiable. Elle rappelle qu'elle a été contrainte de se référer en urgence à un autre prestataire.

Elle assure avoir également formulé une proposition à l'automne 2012, que la société MVP a immédiatement refusé en raison de l'intervention d'une agence de communication intermédiaire. Or elle rappelle que de telles agences avaient déjà chapeauté les travaux menés conjointement avec la société MVP sans que cette dernière ne s'y oppose.

Elle affirme donc que la rupture de leurs relations commerciales est entièrement imputable à la société MVP.

Sur la non-réunion des conditions de réparation de la rupture brutale

Sur la relation commerciale établie

La société Eurodif soutient que la collaboration qu'elle a menée avec la société MVP n'a vraiment été significative que durant 3 ans, de fin 2009 à courant 2012. Elle explique qu'entre 2004 et 2009, la société MVP n'est intervenue que très ponctuellement, notamment pour fournir du matériel aux techniciens qu'elle employait. Elle assure qu'avant 2009, la société MVP ne réalisait pas elle-même de photos pour les catalogues Eurodif. Avant 2004, elle prétend que la société MVP a seulement travaillé avec des sociétés du groupe Omnium de Participations qui sont juridiquement distinctes d'elle-même.

Elle affirme donc que la société MVP échoue à démontrer à l'existence d'une relation commerciale établie d'une durée de 10 à 20 ans. Elle soutient donc qu'un préavis d'une durée de 5 mois était en parfaite adéquation la relation commerciale établie de 3 ans qui a existé entre elle et la société MVP

- Sur l'absence de dépendance économique

La société Eurodif rappelle qu'aucune clause d'exclusivité ou de non-concurrence ne la liait à la société MVP Elle estime donc que cette dernière ne peut invoquer l'existence d'une dépendance économique.

- Sur l'absence de préjudice

La société Eurodif soutient que la société MVP donne une importance tronquée au chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé lors de leur collaboration. Elle explique en effet qu'elle inclut indifféremment dans son estimation tous les résultats réalisés avec l'ensemble des sociétés du groupe Omnium de Participations. Elle ajoute que la société MVP fait également reposer son estimation sur des documents auto-produits et non certifiés. Elle prétend en outre que les calculs de taux de marge de la société MVP sont erronés et surévalués. Elle explique que les factures de frais produites par la société MVP gonflent artificiellement son préjudice puisque cette dernière ne démontre pas qu'elle a réalisé les investissements en cause dans le cadre de leur collaboration.

Elle soutient de surcroît qu'un préavis de 5 mois a été largement suffisant pour la société MVP comme le révèle d'ailleurs la nette augmentation du chiffre d'affaires réalisé par cette dernière l'année suivant la cessation de leurs relations commerciales.

Sur l'exonération de responsabilité de la société Eurodif

La société Eurodif soutient qu'une rupture brutale des relations commerciales peut être justifiée par les inexécution du cocontractant. Or elle rappelle que la société MVP n'a pas respecté le cahier des charges lors de la proposition de shooting du mois de mai 2012, la contraignant à trouver un autre prestataire dans l'urgence.

Sur la demande pour procédure abusive,

La société Eurodif soutient que la société MVP a engagé une véritable procédure spéculative et opportuniste compte tenu du caractère non identifié et non original des photographies litigieuses. Elle ajoute que la société MVP a volontairement crée la confusion entre les différentes entités du groupe Omnium de Participations afin de trouver des fondements à son action.

SUR CE ;

Sur la recevabilité de la demande de la société MVP concernant les 11 photographies publiées sur le site internet de la société Omnium de Participations ;

Considérant que la société MVP soutient que la société Eurodif fait partie du groupe Omnium de Participations et que le site www.groupe-omnium.fr sur lequel ont été publiées les photos litigieuses concerne toutes les entités du groupe,

qu'elle en déduit que seule la société Eurodif peut être à l'origine de la diffusion des photos sur le site www.groupe-omnium.fr et qu'il revient à cette dernière d'appeler dans la cause la société Omnium de Participations pour lui demander sa garantie alors qu'elle n'avait pas cédé les droits d'auteur afférents aux photographies publiées dans le catalogue bien qu'elle ait été rémunérée par la société Eurodif pour réaliser lesdites photographies,

mais considérant que la société Omnium de Participations est une entité juridique totalement distincte qui exploite seule ledit site,

qu'il n'est pas contesté que les photos ont été diffusées sur son site (procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 5 novembre 2012),

que la société MVP n'a pas attrait la société Omnium de Participations en la cause,

qu'il ne suffit pas d'affirmer que seule la société Eurodif peut être à l'origine de la diffusion des photos sans aucun élément pour étayer cette allégation pour établir sa responsabilité,

qu'en conséquence, la société MVP échoue à démontrer que les photos publiées sur le site www.groupe-omnium.fr ont été fournies par Eurodif,

qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré irrecevable la demande de la société MVP dirigée à l'encontre d'Eurodif de condamnation de cette dernière pour l'exploitation des photographies qui ont été publiées sur un site dont elle n'est pas responsable;

Sur la rupture brutale des relations commerciales ;

Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :

(...)

5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) ",

que l'application de ces dispositions suppose l'existence d'une relation commerciale, qui s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux,

qu'en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit soit avec un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les parties entretenaient des relations commerciales depuis des années, relations qui revêtaient le caractère de suivies, stables et habituelles,

que la société MVP soutient que leurs relations ont débuté il y a plus de 20 ans,

que pour évaluer la durée des relations, il faut que ces dernières aient été directes entre les parties, les relations de MVP avec d'autres sociétés du groupe ne pouvant être retenues,

qu'en revanche, les factures libellées au nom d'Eurodif-UOCR établissent que les relations ont débuté en mars 1998, le jugement entrepris sera réformé sur ce point,

qu'en informant la société MVP le 13 avril 2012 par lettre recommandée avec AR qu'elle sélectionnerait dorénavant ses cocontractants par appels d'offres et en l'invitant à y participer à compter du 1er septembre 2012 (" Ainsi nous vous informons qu'à compter du 1er septembre 2012, nous vous proposerons de participer à ces appels d'offres. "), la société Eurodif ne peut légitimement soutenir qu'elle n'a pas mis un terme à leur relation commerciale alors que ce procédé d'appel d'offre n'avait jamais été institué préalablement et ne peut également soutenir qu'elle a poursuivi les relations commerciales alors que les propositions faites après avril 2012 n'étaient pas sérieuses et qu'elle a fait intervenir un tiers, la société Affaire d'Etat,

qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les conditions de la rupture brutale des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce étaient réunies;

Sur le préjudice ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce que seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même,

qu'en cas de rupture d'une relation commerciale établie, le préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances, notamment de l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée au moment de la notification de la rupture et en cas d'insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugée nécessaire,

qu'en l'espèce la durée de 14 années des relations commerciales justifie un préavis de 14 mois,

que seuls sera pris en compte le chiffre d'affaire réalisé par MVP avec Eurodif et non avec les autres sociétés du groupe,

que l'état de dépendance économique dont se prévaut la société MVP se définit comme l'impossibilité pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise,

qu'au vu des pièces communiquées qui établissent que le chiffre d'affaire annuel moyen réalisé directement avec Eurodif de 2009 à 2011 a été de 180 000 euros avec une marge brute de 42 %, la cour dispose d'éléments suffisants pour estimer le préjudice au montant de 88 200 euros, le jugement entrepris devant être infirmé sur le montant du préjudice ;

Considérant que la société Eurodif ayant succombé, sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;

Considérant que l'équité impose de condamner la société Eurodif à payer à la société MVP la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris à l'exception de la durée du préavis et du montant du préjudice découlant de la rupture brutale des relations commerciales établies ; Statuant à nouveau, Dit que le préavis aurait dû être d'une durée de 14 mois ; Condamne la société Eurodif à payer un montant de 88 200 euros au titre du préjudice découlant de la rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties ; Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ; Condamne la société Eurodif à payer à la société MVP la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux entiers dépens.