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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 17 janvier 2018, n° 17-06120

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Casino Guichard-Perrachon (SA), EMC Distribution (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Teytaud, Reymond, Juvigny, Simic

CA Paris n° 17-06120

17 janvier 2018

Le 3 mars 2017, la société Casino, Guichard-Perrachon dont le siège social est sis 1, cours Antoine Guichard 42000 Saint-Etienne, a formé un recours afin de contester les opérations de visite et de saisies autorisées dans les locaux sis 148, rue de l'Université 75007 Paris, les 20 et 21 février 2017 et dans les locaux situés 123, quai Jules Guesde - 94400 Vitry-sur-Seine, occupés par les filiales (dont EMC Distribution, société visitée) directement ou indirectement détenus par Casino, Guichard-Perrachon, visite domiciliaire effectuée du 20 au 24 février 2017.

L'affaire a été plaidée au 18 octobre 2017 et mise en délibéré pour être rendue le 17 janvier 2018. Par conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 13 octobre 2017, les requérantes à savoir les sociétés Casino, Guichard-Perrachon et EMC Distribution font valoir :

1 - L'irrégularité liée au défaut de notification des ordonnances du JLD et la compétence de votre juridiction pour juger les inspections irrégulières et déclarer les pièces saisies inopposables à Casino en vertu de l'article L. 450-4 du Code de commerce

En l'espèce, la Commission a été assistée par l'Autorité de la concurrence auquel le règlement n° 1/2003 impose de veiller au respect des règles nationales.

A cet égard, il ressort de l'article L. 450-4 du Code de commerce, qui s'applique notamment " dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne ", que les inspections inopinées doivent être autorisées par une ordonnance du JLD qui doit être notifiée aux entreprises concernées. Casino ne s'est pourtant vue notifier aucune ordonnance.

Les requérantes reconnaissent ne pas avoir commis, en l'espèce, d'obstruction mais arguent que l'arrêt Bureau Veritas cité par la Commission dans ses écritures ne peut justifier l'incompétence alléguée du juge national et ce, pour deux raisons: d'une part, la Cour de cassation n'ayant pas visé l'absence d'obstruction, mais l'absence d'opposition, sa décision sus-mentionnée ne rend pas irrecevable le recours d'entreprises qui, comme les requérantes, ont manifesté par écrit leur opposition avant que les inspecteurs n'emportent la copie des pièces litigieuses (cf. pièce n° 4). D'autre part, la CEDH a, par deux arrêts Canal Plus et Primagaz du 21 décembre 2010, condamné la France pour ne pas avoir permis un contrôle juridictionnel effectif de l'ordonnance autorisant les visites et saisies et précisé les implications du droit à un recours juridictionnel effectif, dont le principe fondamental avait été clairement rappelé dans son arrêt Ravon du 21 février 2008.

Il est soutenu que si le Premier président ne se reconnaissait pas compétent pour statuer sur les irrégularités entachant les présentes visites et saisies, Casino serait précisément privée d'un contrôle juridictionnel effectif du déroulement des inspections.

Il est à cet égard rappelé que le Tribunal de l'Union européenne juge, conformément à la jurisprudence constante de l'Union européenne, que le déroulement des inspections n'est pas susceptible d'un recours autonome devant lui. L'arrêt Nexans (TUE, 14 novembre 2010, T-135/09) est cité à l'appui de cette argumentation.

Enfin, il serait contraire aux principes fondamentaux de l'Union européenne de considérer, comme semble faire la Commission, que le bénéfice de la notification des ordonnances et l'octroi des garanties dont elles sont assorties, notamment en termes de présence d'officiers de police judiciaire, d'accès au JLD, de recours contre le déroulement des visites et de limite temporelle, serait réservé aux entreprises qui font obstruction aux enquêtes.

Les requérantes apportent ensuite des observations aux écritures de l'ADLC et du Ministère public:

A - le recours direct devant le Tribunal à l'encontre de la décision de la Commission autorisant une inspection est un recours distinct de celui visant à contester le déroulement des opérations de visite et saisie

Si au cas présent, les requérantes ont saisi le Tribunal pour contester la légalité de la décision de la Commission autorisant les inspections, l'Autorité sait parfaitement que l'objet de cet examen n'est pas d'apprécier les éventuelles irrégularités liées au déroulement des inspections.

Il est argué que la légalité de telles mesures ne pourrait être examinée que dans le cadre soit d'un recours en annulation formé contre la décision de la Commission d'imposer une sanction en vertu de l'article 23 du règlement n° 1/2003 (cas d'obstruction), soit d'un recours en annulation contre la décision finale au fond adoptée par la Commission.

Il est donc inexact d'affirmer que les requérantes disposeraient d'une voie de recours directe "devant le TUE leur autorisant la contestation des décisions de la commission et des PV de notification de celles-ci", ce recours étant inefficace pour contester le déroulement des inspections.

B - si l'absence d'obstruction à l'enquête est indéniable, les requérantes ayant veillé à se conformer à leurs obligations pour ne pas s'exposer à des amendes, il n'en demeure pas moins qu'elles ont manifesté leur opposition sur le déroulement de l'enquête sans recevoir aucune réponse Il est soutenu que les requérantes ont dénoncé l'absence de notification des ordonnances des JLD, l'absence d'accès auxdits JLD et le refus de restitution de pièces hors champ de l'enquête dans une lettre dont la Commission a accusé réception le 24 février à 18 h (pièce n° 4).

C - votre juridiction constatera que les jurisprudences Bureau Veritas et Nexans invoquées par l'Autorité ont été spontanément citées par les requérantes à l'appui de leur recours pour montrer qu'au regard de la jurisprudence de la CEDH, elles se trouvent privées d'une voie de recours effective au sens des articles 6 et 13 de la CESDH

Les requérantes ont dénoncé l'ineffectivité de la voie de droit qui leur était ouverte à l'encontre du déroulement des inspections telle que prévue dans l'arrêt Nexans. Cette jurisprudence prévoit que le déroulement de l'inspection ne peut faire l'objet d'une contestation qu'" en même temps que la contestation des décisions finales adoptées par la Commission ".

Autrement dit, ce recours devant de juge de l'Union européenne est à la fois incertain et différé dans le temps car Casino ne sait pas si et quand la Commission rendra une décision au fond.

Notamment si la Commission décide de classer l'affaire sans suite, les irrégularités constatées lors des inspections pourraient ne jamais être sanctionnées.

Or, comme rappelé supra, dans ses deux arrêts Canal Plus et Primagaz, la CEDH a jugé qu'un recours incertain et différé dans le temps était contraire au principe du droit à un recours effectif tel que prévu par l'article 6 de la CESDH.

Ainsi, il est donc vain pour l'Autorité d'invoquer l'arrêt Bureau Veritas en oubliant la jurisprudence ultérieure de la CEDH. Dans ses dernières écritures, elle soutient pourtant que ces deux arrêts de la CEDH seraient inopérants, ce qui est gravement contestable pour plusieurs motifs.

Premièrement, l'ADLC ne peut sérieusement soutenir que l'inspection menée par la Commission reposerait sur un " droit de communication fondé sur la coopération de l'entreprise (et non sur un pouvoir d'exécution forcée comme celui de l'article L. 450-4 du Code de commerce) ". En effet, il ressort explicitement de la décision que l'inspection contestée a été ordonnée par voie de décision sur le fondement de l'article 20(4) du règlement n° 1/2003, en vertu duquel la Commission détient incontestablement un pouvoir coercitif d'exécution forcée et de perquisition, similaire à celui prévu à l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Deuxièmement, les pouvoirs d'enquête de la Commission qui ont été exercés en l'espèce, et détaillés à l'article 20(2) du règlement n° /2003 ne sont pas comparables à ceux prévus à l'article L. 450-3 du Code de commerce pour les enquêtes simples, comme le prétend l'Autorité, mais sont en réalité similaires à ceux dont l'Autorité dispose en cas d'enquête lourde régie par l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Troisièmement, la décision n° 2016-552 du 8 juillet 2016 par laquelle le Conseil constitutionnel a tranché une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 450-3 du Code de commerce dans sa rédaction résultant de la loi du 17 mars 2014, n'est en rien transposable à une enquête menée sur le fondement du règlement n° 1/2003, d'autant moins sur son article 20(4).

Au vu de tout ce qui précède, les pratiques mises en œuvre par les inspecteurs entre le 20 et 24 février 2017 dans les locaux des requérantes confirment, sans contestation possible, que l'inspection ordonnée par voie de décision fondée sur l'article 20(4) du règlement n° 1/2003 ne diffère en rien d'une opération de visite et saisie fondée sur l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Dans ces conditions, l'absence d'autorisation judiciaire et de garanties procédurales fondamentales y attachées n'est pas justifiée et a, en l'espèce, gravement préjudicié aux requérantes.

D - l'affaire Akzo Nobel n'est pas plus utile à l'argumentation de l'Autorité car elle concerne un différend sans rapport avec le cas d'espèce

Dans l'affaire Akzo Nobel, les entreprises visitées n'ont pas contesté les mesures prises au cours du déroulement de l'inspection mais uniquement la décision de refus de la Commission, adoptée a posteriori, de restituer certains documents couverts par le secret avocat-client.

E - il est vain et paradoxal de reprocher aux requérantes de ne pas avoir versé aux débats les ordonnances rendues par les JLD de Créteil et Paris

Il est argué que les requérantes reprochent précisément à l'Autorité de ne pas leur avoir notifié les ordonnances rendues par les JLD compétents, pourtant obtenues à titre préventif, ce qui leur aurait conféré des garanties procédurales essentielles dont elles ont été manifestement privées.

F - sur le caractère prétendument abusif du présent recours

Il est argué que Casino ne dispose d'aucune voie de recours effective pour contester le déroulement des inspections, au sens des articles 6 et 13 de la CESDH, 47 de la Charte et de la jurisprudence de CEDH.

2 - sur les violations de la CESDH

Il résulte de la CESDH et de la jurisprudence de la CEDH que la conduite d'une inspection est soumise au respect de garanties procédurales fondamentales dont Casino a manifestement été privée en l'espèce.

A - une inspection ne peut intervenir sans limite temporelle

Conformément au principe de proportionnalité prôné par les articles 8 de la CESDH et 7 de la Charte, les ordonnances du JLD autorisant des opérations de visites et saisies prévoient expressément la date limite à laquelle lesdites opérations sont autorisées.

En l'espèce, la décision ne prévoit aucune date de fin des inspections (uniquement une date de commencement).

Il résulte de cette irrégularité que le contrôle que doit exercer le Premier président sur le déroulement des inspections est d'autant plus primordial que ces dernières ont été menées après notification d'une décision irrégulièrement dénuée de la moindre limite temporelle et sans notification des ordonnances qui, elles, comportaient une telle limite, conformément à la CESDH.

B - l'absence d'officiers de police judiciaire et le défaut de notification des ordonnances des JLD ont privé Casino de la possibilité de bénéficier d'un contrôle effectif et indépendant en temps réel, contrairement aux exigences de la CESDH

En l'espèce, les inspecteurs ont fait abstraction des ordonnances des JLD compétents qui n'ont jamais été notifiées alors que l'Autorité les avait sollicités et obtenues à la demande de la Commission.

Aucun OPJ n'était présent lors des inspections.

Or, cette protection était d'autant plus nécessaire que Casino a été contrainte d'accepter de faire droit à des demandes manifestement disproportionnées des inspecteurs, sous peine de faire obstruction à l'enquête en application de l'article 23(1) du règlement n° 1/2003.

Il s'agit en particulier des demandes d'information concernant l'usage personnel de messageries électroniques et l'accès à celles-ci, l'usage de téléphones portables personnels et l'accès à ce matériel ou la remise physique de ces matériels à usage personnel depuis le domicile privé des personnes concernées.

Il est argué que si un OPJ avait été présent lors des inspections, Casino aurait pu lui demander de contacter le JLD compétent pour vérifier, par exemple, si de telles demandes étaient fondées et, le cas échéant les garde-fous à suivre pour limiter cette ingérence au strict nécessaire. En conclusion, il est demandé de :

- constater que, dans ses conclusions du 5 octobre 2017, la Commission européenne admet que "si l'entreprise s'oppose à l'inspection ", l'exercice des mesures de contrainte déclenchées est "soumis au droit national du territoire sur lequel ont lieu les inspections (...). Il s'agit en France, de l'article L. 450-4 du Code de commerce " ;

- constater que si les requérantes ont évité toute obstruction qui les aurait exposées aux amendes prévues par l'article 23 du règlement n° 1/2003, elles ont en revanche, par lettre du 24 février 2017, dont la Commission a accusé réception avant d'emporter la copie des pièces litigieuses, fait part de leur opposition expresse et motivée ;

- constater que les inspections auxquelles ont procédé la Commission européenne et l'Autorité de la concurrence entre les 20 et 24 février 2017 dans les locaux des requérantes sont intervenues en violation des articles L.450-4 du Code de commerce, 6, 8 et 13 de la CESDH et des articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En conséquence,

- annuler la saisie des documents papier et électroniques effectuée en application de la décision ;

A titre subsidiaire,

- juger les pièces saisies inopposables aux requérantes et aux sociétés qu'elles contrôlent directement ou indirectement ;

A titre très subsidiaire, et à supposer que, comme le suggère la Commission européenne,

- doive-être posée une question préjudicielle à la CJUE,

- relibeller comme suit la question préjudicielle proposée par la Commission européenne afin qu'elle reflète les faits de l'espèce : " une juridiction nationale est-elle compétente pour statuer, au regard du droit national et de la CESDH ratifié par l'État dont elle dépend, sur le déroulement d'une inspection initiée par la Commission européenne sur le fondement de l'article 20 du règlement n° 1/2003, et à laquelle l'entreprise, sans faire la moindre obstruction physique ou matérielle pour ne pas s'exposer à des amendes, a fait part de son opposition par lettre motivée dont les inspecteurs de la Commission ont accusé réception avant de quitter les lieux en emportant copie des pièces visées par l'opposition " ;

En tout état de cause,

- rejeter la demande de l'Autorité de la concurrence et de la Commission européenne au paiement d'une amende civile de 3000 euros pour appel dilatoire ou abusif sur le fondement de l'article 559 du Code de procédure civile ;

- rejeter la demande de l'Autorité de la concurrence et de la Commission européenne au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la Commission européenne et l'Autorité de la concurrence aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives en date du 6 juin 2017, l'Autorité de la concurrence fait valoir :

1 - sur la compétence du Premier président et la recevabilité des recours des sociétés Casino et INCAA

Il est soutenu que l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie du 15 février 2017, sollicitée à titre préventif et non notifiée sur place aux occupants des lieux, à la différence des décisions d'inspection de la Commission du 9 février 2017 qui mentionnait la possibilité d'un recours non suspensif devant le TUE n'a pas été mise en exécution en raison de l'absence d'opposition aux inspections diligentées. Chacune des deux décisions d'inspection indiquait sans conteste la possibilité d'un recours direct contre elle et son PV de notification.

Par conséquent, les requérantes disposaient bien d'un recours direct devant le TUE leur autorisant la contestation des décisions de la commission et des PV de notification de celles-ci pour autant qu'un simple accusé de réception puisse à lui seul faire l'objet d'un recours.

Par ailleurs, aucun agent mandataire de la Commission n'a constaté l'existence d'une opposition de la part des sociétés visées nécessitant la mise en œuvre des pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce ni sollicité le concours de la force publique à la France. Les décisions de la Commission notifiées aux sociétés visées rappelaient d'ailleurs la procédure à suivre en cas d'opposition.

En l'espèce, et conformément à l'article 20(6)(7) du règlement n° 1/2003, seule la notification sur place de l'ordonnance du JLD du TGI de Créteil aux occupants des lieux, nécessaire afin d'obtenir ce concours de l'ADLC pour vaincre l'opposition des sociétés donnerait compétence au Premier président pour connaître du déroulement des opérations de visites et saisies prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce, ce qui ne s'est pas réalisé du fait de la coopération des sociétés visées au long des inspections. A l'appui de cette argumentation, l'Autorité cite une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. crim. 2 juin 2010, n° 08-87326, Bureau Veritas).

De surcroît, les requérantes disposent de voies de recours contre l'exécution des décisions de la Commission, notamment l'inventaire établi par les agents de la Commission des documents sélectionnés et emportés en copie, devant le TUE puis la CJUE.

En effet, elles pourront contester les conditions dans lesquelles une inspection a été conduite en même temps que la contestation des décisions finales adoptées par la Commission devant le TUE et également, si elles ne souhaitent pas attendre les décisions au fond, provoquer une décision de la Commission sur l'exécution des inspections, notamment en ce qui concerne les documents sélectionnés, inventoriés et emportés par les agents de la Commission, et soumettre cette décision si celle-ci leur est défavorable à l'appréciation du TUE (cf. affaire Akzo Nobel Chemicals, TUE 17 septembre 2007).

L'Autorité apporte ensuite quelques observations concernant les conclusions en réplique de Casino.

Tout d'abord, il est argué qu'il n'appartient pas à l'Autorité de répondre aux éléments d'un courrier adressé à la Commission européenne (courrier du 24 février 2017), seule celle-ci étant en mesure d'apporter une réponse, le cas échéant, à la demande de Casino. En revanche, ce courrier de la requérante montre bien que son interlocuteur pour cette affaire d'inspection dans ses locaux est sans conteste la Commission européenne et les juridictions européennes chargées ultérieurement du contrôle de telles inspections et non l'ADLC et les autorités nationales.

Ensuite, concernant l'argument selon laquelle l'Autorité " ne vise que l'ordonnance d'autorisation du JLD de Créteil et omet celle rendue par le JLD de Paris ", il est fait observer que seule l'inspection dans les locaux de Casino à Vitry-sur-Seine était contestée.

Par conséquent, l'inspection dans les locaux parisiens n'était pas visée par la déclaration de recours de Casino, ce qui justifie que l'Autorité de la concurrence n'y fasse pas référence dans ses développements.

En tout état de cause, si une telle déclaration de recours existe pour les locaux parisiens dont l'Autorité n'aurait pas eu connaissance, le même raisonnement concernant l'incompétence de la Cour d'appel de Paris et l'irrecevabilité du recours s'appliquerait de la même façon.

Enfin, s'agissant des deux arrêts de la CEDH cités par la requérante, Canal Plus et Primagaz, il est soutenu qu'ils sont totalement inopérants au cas présent.

En effet, il s'agissait d'autorisations judiciaires de visite et saisie prises sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, notifiées aux entreprises visitées et mises en œuvre par l'exercice du pouvoir de saisir de manière coercitive au niveau des enquêtes nationales. Or, Casino n'a pas fait l'objet d'une opération nationale de visite et saisie sur la base de l'article L. 450-4 du Code de commerce mais d'une inspection de la Commission européenne fondée sur la coopération de la requérante et le droit de communication prévu par l'article 20(2) du règlement n° 1/2003, ce qui d'ailleurs n'est pas contesté par Casino.

En d'autres termes, que ce soit au niveau national (article L. 450-3 du Code de commerce) ou au niveau européen (article 20(2) du règlement n° 1/2003), le droit de communication de documents fondé sur la coopération de l'entreprise n'ouvre pas droit à une voie de recours immédiate et autonome mais peut être contesté par voie d'exception, lors de la contestation de la décision.

En définitive, nul n'est censé ignorer la loi et le règlement européen.

De surcroît, un abus de procédure est caractérisé au cas présent par l'absence au dossier de recours des requérantes de l'ordonnance d'autorisation du JLD du TGI de Créteil et son PV de notification ainsi que du PV de visite et saisie prévu par l'article L. 450-4 du Code de commerce, documents précis et déterminants dont l'absence manifeste au dossier présenté par les requérantes à l'appui de leur recours montre, à tout le moins, le caractère infondé, téméraire ou malveillant de la procédure engagée.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est demandé au Premier président de se déclarer incompétent pour connaître du présent litige et déclarer irrecevable par voie de conséquence ce double recours fondé sur l'article L. 450-4 du Code de commerce dont les pouvoirs d'enquête n'ont pas été mis en œuvre.

En conclusion, il est demandé de :

- constater l'absence de mise en œuvre de l'autorisation de visite et saisie délivrée par le JLD du TGI de Créteil le 15 février 2017 ;

- se déclarer incompétent pour connaître les contestations des sociétés Casino et INCAA en ce qui concerne la mise en œuvre des pouvoirs confiés aux agents de la Commission eu aux rapporteurs leur prêtant l'assistance prévue par l'article 20(2)(5) du règlement n° 1/2003 et l'article L. 470-6 du Code de commerce (devenu l'article L. 490-9 du Code de commerce depuis l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017) ;

- déclarer en conséquence irrecevable les recours déposés par les sociétés Casino et INCAA sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

- condamner chacune des sociétés Casino et INCAA à une amende civile de 3000 euros pour appel dilatoire ou abusif sur le fondement de l'article 599 du Code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Casino et INCAA respectivement au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 5 octobre 2017, la Commission européenne fait valoir :

À titre liminaire

La Commission tient à attirer l'attention sur le fait que, par le présent recours, les requérantes tentent de se fonder artificiellement sur les dispositions du Code de commerce français et de la CESDH pour demander au Premier président de se prononcer sur la validité de la décision litigieuse, acte de la Commission européenne dont le contrôle de légalité est du ressort de la compétence exclusive des juridictions européennes. Autrement dit, la requérante cherche à inverser la hiérarchie des normes en tentant de soumettre des actes de la Commission européenne au droit national.

La Commission souscrit entièrement tant aux observations de l'Autorité de la concurrence en date du 10 avril 2017 qu'à l'avis du Ministère public du 26 mai 2017 et soutient que le présent recours est manifestement irrecevable.

1 - sur l'irrecevabilité du présent recours en raison de l'incompétence des juridictions françaises

a - le cadre juridique applicable aux inspections mises en œuvre sur le fondement de l'article 20 du règlement n° 1/2003

Il est rappelé que l'article 20(1) du règlement n° 1/2003 confère à la Commission européenne la compétence d'inspecter des entreprises suspectées d'avoir commis ou de commettre des infractions aux règles de concurrence, tandis que l'article 20(2) dudit règlement énumère les pouvoirs dont est investie la Commission lorsqu'elle met en œuvre des décisions d'inspection. La CJUE a eu l'occasion de préciser que de tels pouvoirs ne s'apparentent pas à des mesures de contrainte (affaires jointes 46/87 et 227/88, 21 septembre 1989, Hoechst AG c. Commission des Communautés européennes ; affaire Y-289/11, 6 septembre 2013, Deutsche Bahn AG et autres c. Commission européenne).

L'article 20(4) du règlement précise quant à lui que la Commission ne peut adopter une décision d'inspection qu'" après avoir entendu l'autorité de concurrence de l'État membre sur le territoire duquel l'inspection doit être effectuée ". En l'espèce, la Commission s'est dûment acquittée de cette obligation puisqu'elle a informé l'ADLC dès le 16 janvier 2017 de son intention d'inspecter INCA Achats.

Lors d'une inspection, deux cas de figure peuvent se produire : d'une part, les entreprises inspectées peuvent accepter les inspections en leur principe et décider de coopérer durant lesdites inspections et l'article 20(5) du règlement n° 1/2003 est alors applicable, dans cette hypothèse, le droit de l'Union européenne régit exclusivement le déroulement des inspections ; d'autre part, les entreprises inspectées peuvent rejeter les inspections en leur principe en refusant de coopérer durant lesdites inspections, l'article 20(6)(7) du règlement n° 1/2003 est alors applicable.

En d'autres termes, le droit de l'Union européenne régit exclusivement le déroulement des inspections fondées sur l'article 20 du règlement n° 1/2003, à l'exception des mesures de contrainte qui peuvent éventuellement, si l'entreprise s'oppose à l'inspection et après présentation par les agents de l'autorité nationale de la concurrence de l'autorisation de l'autorité judiciaire compétente (si, en vertu du droit national, cette autorisation doit être sollicitée, ce qui est le cas en France), être mises en œuvre par les agents de l'autorité nationale de concurrence. Seul l'exercice de ces mesures de contrainte est soumis au droit national du territoire sur lequel ont lieu les inspections, tel que prévu par l'article 20(2) du règlement n° 1/2003. Il s'agit en France de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Il est argué que le fait qu'une autorisation judiciaire ait été établie à titre préventif à la demande de l'autorité nationale de concurrence concernée (article 20(7) du règlement n° 1/2003) ne change rien au fait que, tant qu'il n'y a pas d'opposition à l'inspection et de présentation de l'autorisation de l'autorité judiciaire compétente (si, en vertu du droit national, cette autorisation doit être sollicitée, ce qui est le cas en France) le droit de l'Union européenne régit exclusivement le déroulement des inspections effectuées sur le fondement de l'article 20 du règlement n° 1/2003.

En l'espèce, c'est bien la Commission, et non les agents de l'ADLC française, qui a procédé aux inspections litigieuses. Il y a donc eu uniquement application de l'article 20 du règlement n° 1/2003, à l'exclusion de l'article 22(2) dudit règlement.

b - en l'espèce, les inspections litigieuses ont été mises en œuvre sur le fondement exclusif du droit de l'Union européenne

Il est soutenu que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'a en aucun cas pu être violé, puisqu'il n'a pas été mis en œuvre lors du déroulement des inspections litigieuses.

En effet, les requérantes reconnaissent, de leur propre aveu, qu'elles ont collaboré et qu'elles n'ont, en tout état de cause, pas commis d'obstruction durant lesdites inspections. Elles n'ont ainsi pas fait opposition à l'inspection. Aucune mesure de contrainte n'a été exercé, ce qui n'est à aucun moment infirmé par les requérantes.

Par conséquent, c'est l'article 20 du règlement n° 1/2003 qui a exclusivement régi le déroulement des inspections litigieuses. Il est donc exclu qu'une juridiction nationale puisse contrôler ce dernier au regard du droit national. Il est cité l'arrêt Bureau Veritas (Cass. crim., 2 juin 2010, n° 08-87.326), où la Cour de cassation a confirmé la déclaration d'incompétence d'un juge des libertés et de la détention dans le cadre d'une affaire en tous points similaires au présent recours.

c - l'absence de violation au droit à un recours effectif

Il est argué que les affirmations de la requérante selon lesquelles lorsqu'est en cause une inspection menée sur le fondement de l'article 20 du règlement n° 1/2003, seul l'ordre juridique français garantirait le droit à un recours effectif, à l'exclusion de l'ordre juridique de l'Union européenne, ne reflètent absolument pas l'état du droit de l'Union européenne.

En effet, les juridictions européennes ont ouvert, de façon prétorienne, des recours contre le déroulement des inspections, d'une part, au stade de la contestation de la décision finale de la Commission et d'autre part, dans le cadre de voies de recours autonomes (affaire T-289/11, 6 septembre 2013, Deutsche Bahn AG et autres c. Commission européenne).

Par ailleurs, la CJUE garantit de longue date, dans l'ordre juridique européen, le respect des droits de la défense et le droit au respect du domicile en s'inspirant de la jurisprudence de la CEDH. De surcroît, ces droits sont consacrés dans la Charte.

Enfin, l'affirmation des requérantes selon laquelle elles seraient contraintes de faire obstruction à une inspection pour pouvoir se placer sous le joug du droit national est dénoué de tout fondement juridique.

Le Tribunal de l'Union européenne a énoncé, à cet égard, que " la Commission ne dispose pas de moyens excessifs de coercition rendant caduque la possibilité, dans les faits, de s'opposer à l'inspection au titre de l'article 20, paragraphe 6 du règlement n° 1/2003 " (affaire T-289/11, 6 septembre 2013, Deutsche Bahn AG et autres c. Commission européenne).

Dans ces conditions, le fait que les ordonnances du JLD de Paris et de Créteil, obtenues à titre préventif, n'aient pas été notifiées, ne viole ni l'article L. 450-4 du Code de commerce ni le droit des requérantes à un recours effectif. Il s'en déduit que le présent recours est manifestement irrecevable.

2 - sur les prétendues violations de la CESDH

a - sur l'article 8 de la CESDH

S'agissant de l'argument selon lequel la décision de la Commission violerait l'article 8 de la CESDH car elle ne prévoirait aucune date de fin des inspections, il est rappelé qu'aux termes de l'article 20(8) du règlement n° 1/2003, " le contrôle de la légalité de la décision de la Commission est réservé à la Cour de justice ". Il est donc exclu que les juridictions nationales puissent statuer sur la validité d'une décision d'inspection.

b - sur la prétendue privation des requérantes de la possibilité de bénéficier d'un contrôle effectif et indépendant en temps réel, contrairement aux exigences de la CESDH

S'agissant du moyen relatif à l'absence d'officiers de police judiciaire et au défaut de notification des ordonnances, à titre liminaire, il est souligné que les requérantes citent à l'appui de leur argumentation, certains précédents de la CEDH (v. affaire Modestou c. Grèce) qui n'ont aucun rapport avec la présente affaire.

Pour le surplus, il est renvoyé aux arguments développés supra.

Enfin, la Commission tient à rappeler qu'accepter d'examiner le présent recours sur le fond constituerait une violation manifeste de deux principes fondamentaux du droit de l'Union européenne : le principe de primauté du droit de l'Union européenne sur les droits nationaux d'une part et le principe d'application uniforme du droit de l'Union européenne d'autre part.

Néanmoins, si le Premier président devait examiner le présent recours au fond, la Commission l'invite à tout le moins à surseoir à statuer et à poser à la CJUE , sur le fondement de l'article 267 TFUE, la question préjudicielle suivante : " une juridiction nationale est-elle compétente pour statuer sur le déroulement d'une inspection fondée sur l'article 20 du règlement n° 1/2003 à laquelle l'entreprise ne s'est pas opposée et qui n'a donnée lieu à aucune mesure de contrainte de la part des agents de l'autorité nationale concernée qui assistaient la Commission "

En conclusion, il est demandé de :

- constater l'absence de mise en œuvre de l'autorisation de visite et saisie délivrée par le JLD de Paris et de Créteil le 15 février 2017 ;

- se déclarer incompétent pour connaître du recours introduit par les sociétés Casino et EMC en ce qui concerne de la validité de la décision et du déroulement de l'inspection litigieuse, et notamment la mise en œuvre des pouvoirs confiés aux agents de la Commission et aux rapporteurs leur prêtant l'assistance prévue par les articles 20(2) et 20(5) du règlement n° 1/2003 et l'article L. 470-6 du Code de commerce (devenu l'article L. 490-9 du Code de commerce) ;

- déclarer en conséquence irrecevable le présent recours ;

- condamner les requérantes à une amende civile de 3 000 euros pour appel dilatoire et abusif sur le fondement de l'article 559 du Code de procédure civile ;

- condamner la requérante au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis déposé au greffe de la Cour d'appel de Paris le 31 mai 2017, le Ministère Public fait valoir :

- les recours sont manifestement sans objet

Il est argué que le JLD a pris à titre préventif, le 15 février 2017 une ordonnance d'autorisation de visite et saisie, qui n'a pas eu besoin d'être notifiée aux occupants des lieux, aucune opposition des sociétés Casino et INCAA aux inspections de la Commission européenne n'ayant été notifiée.

En revanche, leur ont été notifiées les décisions d'inspection de la Commission du 9 février 2017, qui mentionnaient, chacune, la possibilité d'un recours direct non suspensif devant le TUE, suivant les indications portées sur le PV de notification de ces décisions aux sociétés Casino et INCAA.

Ainsi ces sociétés étaient informées qu'elles pouvaient exercer un recours direct devant le TUE pour contester les décisions de la Commission européenne, voire les PV de notification de ces décisions.

Il est mis en exergue qu'aucune opposition des sociétés Casino et INCAA nécessitant la mise en œuvre de l'autorisation de visites et saisies délivrée par le JLD de Créteil n'a été constatée par les agents mandatés par la Commission européenne.

Au cas présent, les autorisations du JLD de Créteil ont été délivrées à seul titre préventif pour faire face à une éventuelle opposition des sociétés visées par l'inspection menée par la Commission européenne.

En l'absence d'une telle opposition, les ordonnances d'autorisation de visites et saisies rendues par le JLD n'ont pas été utilisées.

- la procédure suivie répond aux exigences posées par le droit communautaire

Il est argué que l'article 20(6)(7) du règlement n° 1/2003 indique que c'est la notification sur place aux occupants des lieux de l'ordonnance du JLD national qui ouvre un recours devant la juridiction national compétente.

Or, en l'espèce, cette notification n'a pas eu lieu, les sociétés requérantes ayant parfaitement coopéré avec les autorités européennes.

Par ailleurs, les requérantes disposent de voies de recours spécifiques contre la mise en œuvre des décisions de la Commission, devant le TUE puis la CJUE, qui leur permettent de contester le déroulement d'une inspection, lors du contentieux engagé pour contester la décision finale prise par la Commission, et de saisir la Commission européenne, avant que soit rendue la décision au fond, de toute difficulté concernant l'exécution des inspections (documents sélectionnés, inventoriés et emportés par les agents de la Commission).

En conclusion, le Ministère public demande de déclarer les recours irrecevables, faute d'objet et de prononcer à l'encontre des requérantes l'amende civile posée par l'article 559 du Code de procédure civile pour appel, en l'espèce manifestement dilatoire et abusif.

SUR CE

- Sur la jonction des procédures

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, il convient en application de l'article 367 du Code de procédure civile, et eu égard aux liens de connexité entre certaines affaires de joindre les instances enregistrées sous les numéros RG N° 17/06120 et 17/11209 lesquelles seront regroupées.

- Sur la recevabilité des présents recours

Il ressort des éléments du dossier transmis à l'appréciation de notre juridiction que les visites et saisies contestées ont été autorisées en application de la décision de la Commission du 9 février 2017 ordonnant à Casino ainsi qu'à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l'article 20(1) et (4) du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (AT.40466 - Tutte 1).

L'article premier de la décision précitée était rédigé ainsi qu'il suit : " Casino Guichard-Parrachon (ci-après " Casino ", visée à l'article 3, ainsi que toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle, sont tenues de se soumettre à une inspection concernant leur éventuelle participation à des pratiques concertées contraires à l'article 101 du traité dans les marchés de l'approvisionnement en biens de consommation courantes, dans le marché de vente de services aux fabricants de produits de marque et dans les marchés de vente aux consommateurs de biens de consommation courante. Ces pratiques concertées consistent en (...).

Cette inspection peut avoir lieu dans n'importe quel local de l'entreprise (et en particulier dans les locaux sis 148, rue de l'Université, 75007 Paris, France et dans les locaux sis 123, quai Jules Guesde, 94400 Vitry-sur-Seine, France).

Casino autorise les fonctionnaires et autres personnes mandatées par la Commission pour procéder à une inspection et les fonctionnaires et autres personnes mandatées par l'autorité de la concurrence de l'Etat membre concerné pour les aider ou nommées par ce dernier à cet effet, à accéder à tous ses locaux et moyens de transport pendant les heures de bureau. Elle soumet à inspection les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu'en soit le support, si les fonctionnaires et autres personnes mandatées en font la demande et leur permet de les examiner sur place ou de prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents. Elle autorise l'apposition de scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l'inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci. Elle donne immédiatement sur place des explications orales sur l'objet et le but de l'inspection si ces fonctionnaires ou personnes en font la demande et autorise tout représentant ou membre du personnel à donner de telles explications. Elle autorise l'enregistrement de ces explications sous quelque forme que ce soit.

Il est également indiqué dans l'article 2 : " L'inspection peut débuter le 20 février 2017 ou peu de temps après ", puis en son article 3 : " (...) Cette décision est notifiée, juste avant l'inspection, à l'entreprise qui en est destinataire, en vertu de l'article 297, paragraphe 2, du traité. "

La décision comporte in fine la possibilité pour la Commission, d'infliger une amende ou des astreintes en cas d'obstruction à l'inspection ordonnée et dispose " sans préjudice des dispositions susmentionnées, lorsqu'une entreprise destinataire de la présente décision s'oppose à une inspection ordonnée en vertu de de cette dernière, l'Etat membre prête l'assistance nécessaire aux agents et autres personnes les accompagnant mandatées par la Commission pour leur permettre d'exécuter leur mission d'inspection, conformément à l'article 20, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1/2003. Il ressort également des pièces versées à la procédure que le procès-verbal de notification d'une décision de la Commission a été émargé par M. Haagen, directeur juridique et représentant de l'entreprise/de l'association d'entreprises Casino le 20 février 2017 à 14 heures 07 à Paris, lequel n'a émis aucune réserve ou opposition. De même, un même procès-verbal a été notifié le 20 février 2017 à 14h11 à Vitry-sur-Seine, à Mme Christine Magdelain-Duparc, directrice juridique et représentant de l'entreprise/de l'association d'entreprises Casino laquelle n'a émis, également aucune réserve ou opposition.

Il est constant que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Créteil, obtenue à titre préventif, n'avait pas à être notifiée à l'occupant des lieux visités pour les raisons ci-dessus énoncées. Par ailleurs, il a déjà été jugé que l'assistance des autorités nationales peut être demandée à titre préventif pour surmonter l'opposition éventuelle de l'entreprise, dans l'hypothèse d'une inspection ordonnée par la Commission.

En l'espèce, il convient de constater que c'est sur le fondement de l'article 20(1) du règlement n° 1/2003 donnant compétence à la Commission européenne pour inspecter des entreprises suspectées d'avoir commis ou de commettre des infractions aux règles de concurrence, que la décision d'inspection de la Commission au sein des locaux des sociétés Casino et Guichard-Perrachon, a été prise.

Lors de la notification le 20 février 2017 de cette décision de la Commission en date du 9 février 2017, les occupants des lieux n'ont n'émis aucune réserve, ni manifesté une quelconque opposition à cette décision et ce n'est qu'à la fin de l'inspection, le 24 février 2017, que les sociétés requérantes ont adressé un courrier à la Commission européenne par lequel elles exprimaient " les plus expresses réserves sur la régularité de la procédure ".

Ainsi les agents de la Commission ont pris acte que les sociétés susmentionnées acceptaient leur inspection dans son principe, ne refusaient pas de coopérer et que dès lors, compte tenu de cette absence d'opposition, il n'était pas nécessaire de s'assurer du concours des autorités nationales pour la mise en œuvre d'éventuels pouvoirs de contrainte.

Il y a lieu de relever que les pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce n'ont pas été exercés, que d'une part les ordonnances des JLD de Paris et de Créteil n'ont pas été notifiées et que les visites et saisies ont été effectuées exclusivement par les agents de la Commission et non par ceux de l'Autorité de la concurrence, qu'il existe au dossier aucun procès-verbal établi par l'Autorité. En conséquence, le déroulement des inspections s'étant réalisées sur la base de l'article 20 du règlement n° 1/2003 et non sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le droit national n'a pas vocation à s'appliquer, l'ensemble de ces inspections étant régies par le droit de l'Union européenne.

Dès lors, nous nous déclarons incompétents pour connaître des recours des sociétés Casino et Guichard-Perrachon et les déclarons irrecevables.

En conséquence, il n'y a pas lieu à statuer sur les autres moyens soulevés.

En outre, en formant un recours, les sociétés Casino et Guichard-Perrachon ont abusé de leur droit qui était manifestement voué à l'échec ; que cette circonstance commande que les sociétés requérantes, soient condamnées, en application de l'article 32-1 du Code de procédure civile, à une amende civile de 4 000 euros (quatre mille).

Enfin aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement et en dernier ressort, Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG N° 17/06120 et 17/11209 ; Nous déclarons incompétents pour connaître des recours introduits par les sociétés Casino et Guichard-Perrachon. En ce qui concerne de la validité de la décision de la Commission du 9 février 2017 ordonnant à Casino ainsi qu'à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l'article 20(1) et (4) du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (AT.40466 - Tutte 1). et du déroulement des l'inspections contestées, et notamment la mise en œuvre des pouvoirs confiés aux agents de la Commission et aux rapporteurs leur prêtant l'assistance ; Déclarons en conséquence les recours irrecevables ; Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion ; Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Disons que la charge des dépens sera supportée par les sociétés requérantes ; Disons que les sociétés requérantes devront s'acquitter d'une amende civile de 4 000 (quatre mille) euros en application de l'article 32-1 du Code de procédure civile ; Disons, que sur les soins du greffe, une expédition de la présente ordonnance, sera transmise au directeur départemental des Finances publiques, pour exécution.