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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 janvier 2018, n° 16-01554

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Raymond (ès qual.), Atlantique Courses Express (EURL)

Défendeur :

Le Roy Logistique (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Havet, Baudimant

T. com. Rennes, du 23 oct. 2014

23 octobre 2014

Faits et procédure

Le 6 novembre 2003, la société Atlantique Courses Express (ACE) transporteur routier de fret de proximité, a conclu avec la société Le Roy Logistique (LRL) un contrat aux termes duquel ACE devait effectuer des tournées pour le compte de LRL, en exécution d'un contrat principal liant LRL à sa cliente, la société BASF ACE a assuré cinq jours par semaine, pendant près de dix ans, des prestations de transport pour les sites de la cliente de la société LRL situés dans les départements de la Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres,Vendée et Gironde. Cette relation contractuelle a été formalisée par une télécopie adressée à ACE par LRL.

Le 4 mars 2013, se prévalant d'une baisse de son activité avec sa cliente, LRL a informé la société ACE que le nombre de tournées hebdomadaires serait désormais de trois. Le 6 mars 2013, LRL a transmis un avenant au contrat de sous-traitance transport applicable rétroactivement signé par la société ACE. Aux termes de cet avenant signé le 6 mars 2013, il était notamment prévu :

- que la société ACE acceptait de réduire son nombre de tournées, n'en faisant plus que trois, (les mardi/mercredi/vendredi) au lieu des cinq habituelles ;

- que le contrat était à durée indéterminée, mais qu'il pouvait être résilié par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de trois mois quand la durée du contrat était supérieure à un an ;

- une surcharge gasoil selon un tableau annexé.

Le 12 avril 2013, la société LRL a adressé à la concluante un courrier recommandé lui notifiant la résiliation du contrat en cours après le respect d'un préavis trimestriel indiqué à l'avenant, soit le 13 juillet 2013.

Par courrier recommandé en date du 5 juin 2013, la société ACE a protesté contre cette rupture. La société LRL n'a pas répondu à ce courrier et à la procédure de médiation tentée par ACE, avec le concours du CMAP.

Le 15 mai 2014, la société ACE a assigné LRL devant le Tribunal de commerce de Rennes aux fins d'obtenir une indemnisation d'une part, au titre des pertes résultant de l'absence de revalorisation des prix, d'autre part, au titre de la rupture brutale de la relation commerciale.

La société ACE a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. La SCP Raymond en qualité de mandataire liquidateur est intervenue à l'instance.

Par jugement du 23 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- débouté la société ACE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouté la société LRL du surplus de ses demandes ;

- condamné la société ACE aux entiers dépens.

La société ACE a interjeté appel de ce jugement appel le 2 décembre 2014.

Prétentions des parties :

La SCP Delphine Raymond mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ACE par ses dernières conclusions signifiées le 8 novembre 2017, demande à la cour, au visa des articles L. 133-6 et L.442-6 du Code de commerce, L. 3221-1, L. 3222-1 et L. 3222-2 du Code des transports, 10, 146 et 263 du Code de procédure civile, de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société ACE ;

- lui donner acte de son intervention ;

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 23 octobre 2014 ;

Statuant à nouveau,

- dire que les parties étaient liées par un contrat de location de véhicule industriel avec chauffeur ;

- dire que la prescription quinquennale s'applique à l'ensemble de l'action d'ACE en raison du type d'action engagé et de la fraude commise par LRL ;

- dire abusive des relations commerciales établies ;

En conséquence,

- condamner la société LRL à payer à la concluante la somme de 50 000 euros pour rupture brutale et abusive des relations commerciales établies ;

- condamner la société LRL à payer à la concluante la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle des pertes subies de la variation de charges de transport ;

- ordonner la désignation d'un expert judiciaire comptable pour préciser le montant de ces pertes et confirmer et/ou conforter le montant versé à titre d'indemnité provisionnelle ;

- condamner la société LRL à verser à la concluante la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société LRL aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Selarl Lexavoue Paris Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur l'indemnisation des pertes résultant de l'absence de revalorisation des prix, la société Ancel prise en sa qualité de liquidateur de la société ACE fait valoir que la prescription résulte d'une faute du cocontractant. En effet, le 4 mars 2013, un des responsables logistiques de la société LRL a contacté la société ACE par téléphone pour l'informer de la réduction sans préavis de son nombre de tournées hebdomadaires, celui-ci passant immédiatement de cinq à trois (- 40 %). Deux jours plus tard, " suite aux différents échanges téléphoniques " un avenant a été transmis à ACE, à effet rétroactif au 4 mars 2013. La société LRL prétexte une baisse d'activité, sans le justifier, en laissant deux options à ACE, signer et se contenter de trois tournées, ou trouver un autre cocontractant. Il est impossible que la société LRL ait établi de bonne foi un tel avenant et qu'en un mois la situation ait changé à un tel point qu'il faille rompre la relation commerciale. En réalité, la société LRL use et abuse au fil des années de sa position dominante au détriment de la société ACE afin de lui imposer une réduction drastique sans justification valable. ACE a accepté la révision du prix des transports afin de maintenir son activité dans un environnement particulièrement concurrentiel. Sachant que la société LRL a délibérément modulé les factures en fonction des charges afin de percevoir des sommes acquittées par le client et par ACE. Ces sommes colossales en remboursement ont été dissimulées à la société ACE Ainsi, en droit français, une partie ayant abusé de la dépendance d'un cocontractant à son égard ne peut s'exonérer de sa responsabilité en reprochant au dit cocontractant de ne pas avoir minimisé par lui-même la dépendance dont il est victime. Bien que déséquilibrée, cette relation commerciale était pérenne et assurait à la société ACE une très grande partie de son chiffre d'affaire, de sorte qu'une diversification des relations commerciales n'était pas nécessaire. En conséquence, elle n'a pas l'obligation, ni besoin de diversifier ses relations commerciales et la société LRL ne peut le lui reprocher car c'est cette dépendance économique " et non l'avenant et la lettre de rupture en eux-mêmes " dont la société LRL s'est allègrement prévalue, qui a empêché ACE de solliciter la revalorisation de ses prix. La société LRL s'est rendue responsable d'un comportement déloyal.

Par ailleurs, la société Raymond estime que le caractère établi des dommages résulte de l'absence de revalorisation. Dans ce domaine, il est en effet courant de voir les commissionnaires exiger de leurs prestataires le prix le plus bas possible et de maintenir ce prix, au détriment des cocontractants, et au mépris des textes. En 10 ans, une seule augmentation de 4% est survenue, en mars 2008 ; la rémunération forfaitaire journalière d'ACE est alors passée de 183 euros HT à 191 euros HT. La société LRL prétend, sans le prouver avoir " toujours appliqué la revalorisation sollicitée par ses sous-traitants " en oubliant que dans le même temps, elle a sciemment omis d'appliquer la revalorisation qu'elle a, de son côté, facturée au client. Ces augmentations de charges ont engendré au fil des années des pertes colossales de chiffre d'affaire pour la société ACE Ainsi, une analyse conjointe des factures ACE/LRL, à la lumière des différents taux d'indexation fixés par le Comité national routier, permet d'établir que le prix forfaitaire du transport s'élevait à 191 euros HT par jour et que les variations de charges ont entraîné des pertes de chiffre d'affaires s'élevant, de 2009 à février 2013, à la somme de 38 578,75 euros décomposée en 23 492,07 euros HT de surcharge gazole, 11 937,99 euros HT de surcharge en frais matériels, 3 148,67 euros HT de frais de chauffeur.

Enfin, la société Raymond considère qu'il est nécessaire de recourir à une expertise judiciaire comptable dès lors que les constatations ne suffisent pas à éclairer le juge de manière suffisamment précise et qu'une partie allègue un fait sans pouvoir disposer d'éléments suffisants pour le prouver ; il convient donc d'infirmer le jugement entrepris sur ce point, et de désigner un expert judiciaire avec pour mission d'établir précisément le montant de modulation des prix en fonction de la variation des charges, que la concluante n'a jamais pu réclamer à la société LRL

Sur la rupture abusive des relations commerciales établies, la société Raymond soutient qu'il y a une nullité de l'avenant pour vice du consentement et fausse cause : en effet, désirant conserver un cocontractant de longue date représentant une part essentielle de son chiffre d'affaires, ACE s'est vu contrainte de signer cet avenant. Elle n'y avait pourtant aucun intérêt. Seule sa vulnérabilité économique vis-à-vis de la société LRL l'a conduite à le faire car elle espérait une pérennité de la relation contractuelle subsistante. De plus, le document dans lequel le client souhaite mettre un terme à la relation commerciale avec la société LRL est manifestement un faux car il est établi sur papier libre sans en-tête de la société cliente. De plus, la relation entre la société LRL et cette cliente n'a jamais cessé car il n'y a jamais eu de rupture de relation d'affaire. En réalité, il s'agit de pouvoir requalifier le contrat en contrat de transport ou de sous-traitance de transport. Un contrat de location de véhicule industriel avec chauffeur ne constitue pas un contrat d'entreprise car il s'agit d'un contrat de louage. Dans cette hypothèse, seul le locataire ou le sous locataire a le statut de transporteur. Ainsi, Le véritable but de l'avenant, pour la société LRL n'était donc pas de remodeler et fixer de façon pérenne les relations contractuelles, mais bien au contraire d'instaurer des conditions de rupture de contrat favorables afin de s'en prévaloir presque immédiatement, et de changer facilement de cocontractant pour les tournées avec sa cliente qui ne l'a pas quittée. L'avenant a été signé pour une fausse cause et sa nullité ne peut qu'être prononcée. Les actes de la société LRL constituent une violence économique et une réticence dolosive qui n'ont pu que vicier le consentement de la société ACE

Par ailleurs, la société Ancel prise en sa qualité de liquidateur de la société ACE soutient que malgré l'avenant, la rupture apparaît comme brutale. En effet, en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, cette rupture apparaît comme brutale et abusive car la société ACE déjà affaiblie par une réduction brutale de ses tournées, n'a eu ensuite que trois mois pour réorganiser son activité qui était restée inchangée pendant près de dix ans, sans explication de la part de la société LRL Cette absence de justification découle purement et simplement du fait que le seul et unique objectif de la société LRL était justement la rupture des relations commerciales à moindre coût, pour changer rapidement de prestataire, et opter notamment pour des services low-cost de type " messagerie ".

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive, la société Ancel prise en sa qualité de liquidateur de la société ACE soutient l'ancienneté de la relation, de la désorganisation issue de l'avenant du 6 mars 2013, et du degré de dépendance de la société ACE vis-à-vis de la société LRL. Un préavis d'au moins un an aurait dû être appliqué pour permettre à la société ACE de se réorganiser. Cette dernière a donc subi une carence de 9 mois de préavis ce qui, en tenant compte des montants facturés le long de la relation contractuelle, équivaut à une perte de gains de 50 000 euros.

La société LRL par dernières conclusions signifiées le 27 octobre 2017, demande à la cour, au visa des articles L. 133-6, L. 442-6 I 5° et suivants du Code de commerce, 1103 et 1104 du Code civil, des anciens articles 1131, 1132, 1111, 1116 du Code civil, des nouveaux articles 1162, 1142, 1137 du Code civil, de la loi n° 82-1153 en date du 30 décembre 1989 et du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, de :

- confirmer le jugement déféré ;

- débouter la société ACE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Y additant,

- condamner la société ACE à verser à la société LRL une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la qualification du contrat, la société LRL fait valoir que le contrat signé avec la société ACE est un contrat de sous-traitance de transport, et non un contrat de location de véhicule sans chauffeur.

Sur l'indemnisation au titre du prix du transport, la société LRL soutient que l'action est prescrite, que le délai de prescription court de chaque prestation de transport pour le complément de facturation, que la demande exposée par la société ACE est en conséquence prescrite depuis avril 2014.

Par ailleurs, la société LRL conteste l'existence d'une quelconque fraude. La société ACE est défaillante dans l'administration de la preuve d'une quelconque fraude. Ainsi, aucune dépendance économique ni aucun abus de dépendance ne peut être retenu à l'encontre de la société LRL pas plus qu'un quelconque abus de position dominante, ces deux notions étant d'ailleurs distinctes l'un de l'autre. ACE ne peut reprocher à la société LRL sa stratégie commerciale consistant à ne pas diversifier ses cocontractants et ne peut lui reprocher une quelconque dépendance financière. La société LRL n'est pas responsable des choix économiques et de l'état financier de la société ACE

Enfin sur la désignation d'un expert judiciaire, la société LRL soutient que la société ACE n'a pas d'intérêt légitime à demander une expertise.

Sur la résiliation du contrat, la société LRL conteste toute nullité de l'avenant sur la cause du contrat, comme le précise l'article I de l'avenant au contrat de transport, consistant pour la société LRL de sous-traiter le transport à la société ACE Dit autrement, la cause résulte pour la société LRL de payer la Société ACE en contre partie de la prise en charge du transport. La nullité de l'avenant n'a donc pas à être prononcée.

La société LRL conteste toute nullité de l'avenant pour violence économique ou dol. En effet, la société ACE apporte aucune preuve de menace illégitime exercée par la société LRL pour la forcer à signer l'avenant. En l'espèce, il n'y a pas de sentiment de crainte qui aurait vicié le consentement de la Société ACE Il en va de même s'agissant du dol. La signature de l'avenant n'a pas été fait dans l'intention de tromper la société ACE En effet, la société ACE n'ignorait pas que le contrat qui la liait à la société LRL était un contrat de transport. Elle ne pouvait donc ignorer que le contrat était régi par des dispositions types, notamment celles relatives au préavis. Ainsi, la société ACE n'a pas subi de réticence dolosive de la part de la société LRL Enfin, il convient de rappeler à la société ACE que l'erreur obstacle ne peut être utilement invoquée au soutien d'une démonstration de dol ou de violence économique.

La société LRL conteste toute rupture brutale des relations commerciales. En effet, la société LRL a scrupuleusement respecté le contrat en envoyant un préavis écrit à son cocontractant respectant les dispositions contractuelles. Pour reprendre les termes de la jurisprudence, la rupture ne peut être qualifiée d'imprévisible, soudaine et violente. En application du contrat et des dispositions spéciales résultant de la LOTI, aucune rupture brutale ne peut être reprochée à la société LRL Aucune rupture partielle ni totale des relations commerciales établies n'est à déplorer. Au contraire, c'est en toute transparence que la société LRL s'est adressée à son cocontractant et n'a pas eu d'autre choix, au regard de la détérioration de sa relation avec son client, que d'appliquer l'article 8 de l'avenant au contrat de transport.

La société LRL n'est pas parvenue à conserver ce contrat qui a été définitivement résilié le 1er novembre 2013. Les conditions de cette résiliation ne sont dès lors pas abusives. En l'absence de contrat principal et dans la mesure où la société ACE intervenait exclusivement en sous-traitance du contrat principal, la société LRL était légitime à résilier le contrat. La société LRL n'a pas eu d'autre choix, au regard de la détérioration de sa relation avec BASF, que d'appliquer l'article 8 de l'avenant au contrat de transport. La société LRL a repris l'antériorité du contrat initial pour appliquer un préavis de 3 mois. A aucun moment, la société LRL n'a eu l'intention de frauder les droits de la société ACE en appliquant un préavis qui découlerait de l'avenant régularisé quelques semaines plus tôt. Ces contrats types prévoient tous deux des durées de préavis brèves, fixées au regard des usages du commerce.

La société LRL a respecté un préavis de trois mois, préavis suffisant au regard des usages du commerce en matière de transport et conforme au contrat-type.

Sur le préjudice découlant de la rupture, la société LRL verse aux débats des attestations de sous-traitant confirmant avoir facturé un complément de prix lié à l'augmentation du carburant et que la société LRL s'en est acquittée sans difficulté, elle indique qu'il appartenait à la société ACE de facturer le complément de prix, qu'il n'est pas concevable de considérer a posteriori qu'entre 2003 et 2013, le prix puisse être augmenté de façon aléatoire en modifiant toute l'économie du contrat, que la société ACE ne justifie pas sa demande d'indemnisation ; elle ajoute que cette demande est d'autant moins justifiée que la société ACE a de façon sporadique facturé une surcharge gazole et que LRL s'est acquittée de ces factures dans leur totalité sans difficulté.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

Motifs

Considérant que la société LRL fait valoir que le contrat la liant à la société ACE doit être qualifié de contrat de sous-traitance de transport ; que la SCP Delphine Raymond ès qualités prétend que LRL et ACE étaient liées par un contrat de location de véhicule industriel avec chauffeur ;

Considérant que le contrat de sous-traitance de transport se distingue du contrat de location de véhicule avec conducteur en ce que le transporteur sous-traitant a la libre utilisation de ses moyens sans que l'opérateur de transport ne puisse s'y opposer d'une façon quelconque, à la différence du loueur de véhicule avec conducteur qui n'assume pas la maîtrise des opérations de transport ;

Considérant que l'avenant du 6 mars 2013 prévoit que " ce contrat a pour objet la sous-traitance de l'activité de transport sur les tournées de BASF des départements 16-17-33 au départ de BASF Coatings à Ambarès " ; que cet acte stipule que :

- " le transporteur a la responsabilité du choix de ses fournisseurs de biens et services ". (Article III) ;

- " le personnel d'exploitation et de conduite est exclusivement le préposé du transporteur pour l'exécution des opérations de conduite et de transport dont ce dernier assume la maîtrise et la responsabilité sans aucune exception. " (article IV) ;

- " le transporteur prend en charge les marchandises et s'oblige à accomplir personnellement ses obligations. " (article V) ;

Qu'il s'en déduit que le transporteur ACE assumait la maîtrise des opérations de transport ; que, par suite, la relation existant entre LRL et ACE est une relation de sous-traitance de transport ;

- Sur l'indemnisation des pertes résultant de l'absence de revalorisation des prix

Considérant que la SCP Delphine Raymond ès-qualités sollicite un complément de prix sur facture au titre de la période de novembre 2003 à avril 2013 ; que LRL oppose l'acquisition de la prescription annale ;

Considérant que l'article L. 133-6 du Code de commerce dispose que " les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité. Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du Code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an (...) " ;

Considérant que, la relation entre LRL et ACE étant une relation de sous-traitance de transport, elle relève de la prescription annale de l'article L. 133-6 ; que sont soumises à la prescription de l'article L. 133-6, sauf au cas de fraude ou d'infidélité, toutes les autres actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu ; que relèvent de cette prescription les actions relatives à l'indemnisation des pertes dues à une valorisation insuffisante des charges de transport ;

Considérant que la société ACE invoque la fraude en soutenant que LRL a imposé, sans justification valable, un avenant réduisant drastiquement son nombre de tournées et instaurant des conditions de rupture défavorables et que LRL a ainsi abusé de sa position dominante au détriment d'ACE ;

Considérant qu'en application de l'article L. 442-6 I 2° b du Code de commerce, l'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle avait nouées avec une autre entreprise ; qu'aucune situation de dépendance au sens de l'article L. 442-6 I 2° b n'est dès lors caractérisée ; que la société ACE ne rapporte la preuve ni d'un quelconque abus de dépendance, ni d'une quelconque fraude lors de la signature de l'avenant du 6 mars 2013 ; qu'elle n'est donc pas fondée à exciper d'une fraude de la part de LRL permettant de faire échec à la prescription annale ;

Considérant qu'ACE ayant fait assigner LRL devant le Tribunal de commerce de Rennes le 15 mai 2014, la precription est acquise pour les prestations exécutées avant le 15 mai 2013 ; qu'il n'est fait état d'aucune tournée ni d'aucune facture postérieure au 15 mai 2013 ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté ACE de sa demande au titre des pertes résultant de l'absence de revalorisation des prix ;

- Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

Considérant que la société ACE fonde sa demande de ce chef sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce qui dispose qu'" engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure " ;

Considérant que LRL a notifié à ACE la rupture du contrat le 12 avril 2013, à effet du 13 juillet 2013, soit un préavis de rupture de trois mois ;

Considérant que, la relation existant entre LRL et ACE étant une relation de sous-traitance, les rapports de l'opérateur de transport et de son sous-traitant ne relèvent pas de l'article L. 442-6 I 5°, mais des dispositions prévues par les articles 8 II, alinéa 3, de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI) et 12-2 du contrat-type applicable aux transporteurs publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants qui figure en annexe I au décret n° 2003-1285 du 26 décembre 2003 ; que le préavis de trois mois notifié le 12 avril 2013 est conforme au contrat-type ; que la demande de la société ACE au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie doit dès lors être rejetée ; que la cour confirmera sur ce point, par substitution de motifs, le jugement entrepris ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SCP Delphine Raymond ès qualités à payer à LRL la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris ; condamne la SCP Delphine Raymond ès-qualités à payer à la SA Le Roy Logistique la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; condamne la SCP Delphine Raymond ès qualités aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.