CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 19 janvier 2018, n° 15-10939
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Wicam France (SARL), Akteis Ingénierie Bourse Logiciel (SARL)
Défendeur :
Wicam Technische Software GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
President :
Mme Lis Schaal
Conseillers :
Mme Bel, M. Picque
Avocats :
Mes Guerre, Berg, Bikard, Bloch
La société Wicam France anciennement Wicam Fabrication, spécialisée dans la distribution de logiciels de tôlerie et la société Wicam Technische Software GmbH éditeur de logiciels, ont conclu un contrat de partenariat pour la distribution des logiciels de la société Wicam Technische Software GmbH (WTSG) le 24/12/2001.
La société Akteis Ingénierie Bourse Logiciel (ci-après AIBL) est une société qui a été créée en 2007 et qui dispense des formations sur l'utilisation des logiciels distribués par la société Wicam France.
Le partenariat s'est continué jusqu'en 2013, année à partir de laquelle Wicam Technische Software GmbH n'a plus souhaité continuer cette collaboration avec Wicam France.
C'est ainsi que par courrier du 19/12/2013, la société WTSG l'a informée qu'elle arrêtait tous liens de vente commerciale de logiciels au 31/12/2013.
Les sociétés Wicam France et AIBL ne parvenant pas à trouver un accord avec la société WTSG elles ont assigné le 29/01/2014 la société WTSG devant le Tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement du 12 mai 2015, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- Dit que les demandes de Wicam France sont recevables et bien-fondées ;
- Condamné la société WTSG à lui payer la somme de 48 717 euros pour rupture des relations commerciales avec les intérêts légaux à partir de l'assignation avec capitalisation des intérêts ;
- Rejeté les demandes d'indemnisation de la société AIBL ;
- Rejeté la demande de la société WTSG pour le règlement de la somme de 76 206,37 euros ;
- Ordonné à la société Wicam France de supprimer les liens de son site Internet avec la société WTSG ainsi que sa représentation de la société WTSG à partir du prononcé du jugement ;
- Rejeté la demande d'exécution de la décision par provision ;
- Rejeté les plus amples demandes ;
- Condamné la société Wicam Technische Software GmbH aux entiers dépens.
Le tribunal a estimé que la société Wicam France avait droit à la réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales et aurait du bénéficier d'un préavis de 18 mois. Il a accordé un montant de 48 717 euros en se fondant sur un montant de 129 913 euros de chiffre d'affaire pour les années 2012 et 2013 correspondant à un montant de 5413 euros mensuels auquel s'applique une marge brute de 50%.
Il a débouté la société Akteis de sa demande au motif qu'il n'y avait pas de contrat entre elle et WTSG, que les factures produites n'apportaient pas la preuve que les formations dispensées par Akteis se faisaient sur des fournitures de WSTG et que Akteis n'établissait pas un préjudice.
Il a également débouté la société WTSG de sa demande en paiement de factures estimant qu'elle n'apportait aucune preuve de l'existence de cette dette.
Il n'a pas enjoint la société Wicam France de mettre hors ligne le site Internet actuel sous astreinte mais lui a ordonné de supprimer les liens de son site Internet avec WTSG ainsi que sa représentation de la société WTSG à partir du prononcé du jugement.
La société Wicam France et la société Akteis Ingénierie Bourse Logiciel ont interjeté appel de cette décision le 27 mai 2015.
Par conclusions signifiées par RPVA le 27 avril 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Wicam France et la société Akteis Ingénierie Bourse Logiciel concluent :
Au visa des articles 1382,1383, 1134 et 1147 anciens du Code civil, 1103, 1217, 1240 et 1241 (nouveaux) du Code civil, L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'intimée à l'égard de la société Wicam France
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Wicam France à la somme de 48 717 euros,
Constater la responsabilité de l'intimée pour avoir rompu dans des conditions fautives la relation avec Wicam France
Constater la responsabilité de l'intimée pour avoir capté la clientèle de cette dernière par des agissements fautifs, notamment de concurrence déloyale,
Condamner l'intimée à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 1 966 135 euros augmentée des intérêts légaux à partir de l'assignation avec capitalisation des intérêts,
Condamner l'intimée à la publication de la décision dans la presse spécialisée de la tôlerie à savoir Usine nouvelle, Tôlerie Magazine ou Métal Industrie.
Sur l'appel de la société Akteis Ingénierie Bourse Logiciel ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la responsabilité de l'intimée à son égard
Juger l'intimée responsable à son égard
La condamner à l'indemniser pour son dommage à hauteur de 266 277 euros avec les intérêts légaux à partir de l'assignation avec capitalisation annuelle des intérêts ;
Subsidiairement,
La condamner à l'indemniser à hauteur de 200 000 euros pour la perte d'une chance de réaliser un bénéfice, augmentée des intérêts légaux à partir de l'assignation, avec capitalisation annuelle des intérêts
En toute hypothèse,
Condamner l'intimée à leur verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
La condamner aux entiers dépens.
La société Wicam soutient que la société Wicam GmbH a commis des fautes et des agissements constituant des violations du contrat du 24 décembre 2001 engageant sa responsabilité sur le fondement de sa responsabilité contractuelle en application des articles 1134 et 1147 du Code civil et en toute hypothèse quelque soit le préavis contractuellement fixé, elle s'est rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
Elle estime également que la société Wicam GmbH s'est rendue responsable sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil de concurrence déloyale par captation de clientèle donnant lieu à un préjudice distinct et réparable.
La société AIBL soutient quant à elle, qu'elle a subi un préjudice en raison de la rupture fautive, contractuelle, même si elle était tiers au contrat et en toute hypothèse elle estime que Wicam GmbH est responsable d'une faute au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ainsi que d'une faute délictuelle qui lui a causé un préjudice sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil.
Par conclusions en réplique signifiées le 18 avril 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Wicam Technische Software GmbH conclut :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable et bien-fondé les demandes de la société Wicam France
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société Wicam France au bénéfice de la société Wicam GmbH au titre des factures impayées,
Constater que la société WTSG n'a commis aucune faute en mettant un terme à effet immédiat du contrat de partenariat conclu tant à l'égard de la société Wicam France qu'à l'égard de la société AIBL ;
A titre subsidiaire ;
Constater l'absence de préjudice
Limiter le montant du préjudice à la période allant du 19 décembre 2013 au 19 juin 2014 ;
A titre reconventionnel ;
Condamner la société Wicam France au paiement de la somme de 76 206,37 euros avec les intérêts à compter des conclusions et à défaut à compter de la décision à intervenir,
Enjoindre à la société Wicam France de mettre hors ligne le site Internet actuel sous astreinte de 300 euros par infraction constatée,
Débouter les société Wicam France et AIBL de l'ensemble de leur demande,
Les condamner aux entiers dépens ainsi qu'à une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient qu'elle a résilié le contrat à juste titre en raison des fautes graves commises par Wicam France
Elle estime qu'il ne pourrait être retenu, dans l'hypothèse où le contrat ne pouvait être rompu avec effet immédiat, qu'un préavis de 6 mois.
Elle soutient en outre que la demande de la société Akteis avec laquelle elle n'a pas contracté, est irrecevable en application du principe de l'effet relatif des contrats.
A titre reconventionnel, elle réclame le montant de 76 206,37 euros au titre des factures depuis le 27 février 2013 jusqu'au au 29 novembre 2013 restées impayées.
Par arrêt en date du 2 juin 2017, la cour de céans a révoqué l'ordonnance de clôture du 04 mai 2017 et a invité les parties à conclure sur le cumul de responsabilité qui résulte des conclusions de la société Wicam France avant le 05 juillet 2017.
Par leurs conclusions signifiées par RPVA le 1er septembre 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, les sociétés Wicam France et Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel sont positionnées sur le cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles et sollicitent de la cour de :
Vu les articles L. 442-6-I,5° du Code de commerce, 1382, 1383 du Code civil, 1240 et 1241 (nouveaux) du Code civil,
déclarer les appels recevables et bien fondés, S'agissant de la société Wicam France
confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'intimée à l'égard de la société Wicam France
infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Wicam France à la somme de 48 717 euros,
constater la responsabilité de l'intimée pour avoir rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Wicam France au sens de l'article L. 442-6,I,5° du Code de commerce,
constater la responsabilité de l'intimée pour avoir capté la clientèle de la société Wicam France par des agissements de concurrence déloyale,
condamner l'intimée à payer à la société Wicam France des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 1.966.135 euros, augmentés des intérêts légaux à partir de l'assignation avec capitalisation des intérêts,
condamner l'intimée à la publication de la décision dans la presse spécialisée de la tôlerie, à savoir Usine Nouvelle, Tolerie Magazine ou Metal Industrie,
S'agissant de la société Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel
infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la responsabilité de l'intimée à l'égard de la société Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel
juger l'intimée responsable à l'égard de la société Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel en application des articles 1382 et 1383 du Code civil,
condamner l'intimée à indemniser la société Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel pour son dommage à hauteur de la somme de 266 277 euros, augmentée des intérêts légaux à courir à partir de l'assignation, avec capitalisation des intérêts,
subsidiairement, condamner l'intimée à indemniser la société Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel à hauteur de 200 000 euros pour la perte d'une chance de réaliser un bénéfice, augmentée des intérêts légaux à courir à partir de l'assignation, avec capitalisation annuelle des intérêts,
En toute hypothèse,
condamner l'intimée à verser aux appelants la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens ;
La société Wicam France affirme qu'elle abandonne le fondement contractuel de son action. Elle fonde donc celle-ci sur l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies et sur l'existence d'une faute délictuelle de la société Wicam Technische Software qui aurait capter illicitement sa clientèle.
Concernant la rupture brutale, la société Wicam France rappelle que les parties ont été liées pendant plus de 13 ans et que cette durée n'est pas contestée. Elle explique qu'elle était dans un rapport de dépendance totale à l'égard de la société Wicam Technische Software puisqu'elle réalisait 88,27 % de sa marge brute grâce à leur collaboration. Elle prétend ainsi qu'après la cessation de la relation commerciale, son chiffre d'affaires s'est effondré. Elle ajoute que la rupture s'est accompagnée de manœuvres de la société Wicam Technische Software destinées à s'approprier intégralement sa clientèle. Pour l'ensemble de ces raisons, elle soutient donc que la société Wicam Technische Software aurait dû respecter un préavis de 24 mois.
La société Wicam France soutient que l'intégralité de son activité, soit 88,27 % de sa marge brute, dépend de la distribution des logiciels PN4000 Wicam fournis par la société Wicam Technische Software. Elle évalue donc le préjudice qu'elle a subit consécutivement à la rupture sans préavis de la relation commerciale à la somme médiane mensuelle de 44 595 euros.
Elle reprend pour le reste ses écritures précédentes.
Par ses conclusions signifiées par RPVA le 9 octobre 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société Wicam Technische Software GmbH s'est positionnée sur le cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles et sollicite de la cour de :
infirmer le jugement intervenu en ce qu'il a déclaré recevable et bien-fondé les demandes de la société Wicam France
infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société Wicam France au bénéfice de la société Wicam Technische Software GmbH au titre des factures impayées,
constater que la société Wicam Technische Software GmbH n'a commis aucune faute en mettant un terme à effet immédiat du contrat de partenariat tant à l'égard de la société Wicam France qu'à l'égard de la société Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel
A titre subsidiaire,
constater l'absence de préjudice,
limiter le montant du préjudice à la période allant du 19 décembre 2013 au 19 juin 2014,
A titre reconventionnel,
condamner la société Wicam France au paiement de la somme de 76 206,37 euros avec intérêts à compter des présentes conclusions et à défaut à compter du jugement à intervenir
enjoindre à la société Wicam France de mettre hors ligne le site internet actuel sous astreinte de 300 euros par infraction constatée,
débouter les sociétés Wicam France et Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel l'ensemble de leur demande,
les condamner aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
La société Wicam Technische Software GmbH s'étonne que les sociétés Wicam France et Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel renoncé à des chefs de demandes tout en maintenant les montants réclamés au titre de l'indemnité de leurs préjudices.
Elle rappelle que sur le fondement de l'article L. 442-6, I,5° du Code de commerce, seules sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même. Or, en ne modifiant pas les montants requis, elle explique que les sociétés Wicam France et Akteis Ingénieurie Bourse Logiciel n'ont pas tenu compte de ce texte qui fonde désormais exclusivement leurs demandes.
Elle reprend pour le reste ses écritures précédentes.
A l'audience de plaidoirie du 7 décembre 2017, l'affaire a été clôturée.
SUR CE ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies ;
Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :
(...)
5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) ",
que l'application de ces dispositions suppose l'existence d'une relation commerciale, qui s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux,
qu'en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit soit avec un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent ;
qu'en l'espèce, la société Wicam France et la société Wicam Technische Software GmbH ont conclu le 24 décembre 2001 un contrat de partenariat ayant pour objet de confier la distribution des logiciels de tôlerie édités par Wicam GmbH à la société Wicam France rédigé de la manière suivante : " reprise par la société Wicam Fabrication des activités commerciales en France de la société Wicam Technische Software GmbH pour vendre des produits développés par la société Wicam Teschnische Software GmbH ",
que le contrat de partenariat prévoyait dans les conditions financières que Wicam France s'engageait à reverser 50 % du prix de la maintenance et du prix des logiciels à la société WTSG,
que ce contrat était selon l'article 4, renouvelable tous les deux ans avec tacite reconduction, le contrat pouvant être rompu par le cocontractant pour cause réelle et sérieuse par lettre avec un préavis de six mois,
qu'il s'est poursuivi au-delà du 1er janvier 2004 et s'est interrompu le 19/12/2013 par le courrier de la société Wicam GmbH (après WTSG) qui a informé la société Wicam France qu'elle arrêtait tous liens de vente commerciale de logiciels au 31/12/2013 faisant état de certains griefs tels que des doutes sur la facturation de la société Akteis (ci-après AIBL) et l'inexactitude des comptes de Wicam France notamment concernant l'investissement par Wicam France dans l'immobilier sans en avertir WTSG, faisant référence au contrôle du fisc allemand sur cet élément,
que la société Wicam France soutient qu'en raison de l'ancienneté de leur relation commerciale (12 ans) la durée du préavis aurait du être de 24 mois du fait de sa situation de dépendance économique (88,27 % de sa marge brute) envers la société WTSG,
Considérant qu'il ne peut être contesté que les relations commerciales entre les deux sociétés ont débuté le 24 décembre 2001 et se sont interrompues le 19 décembre 2013 sans aucun préavis par le courrier mettant fin à cette relation,
que leurs relations commerciales revêtaient un caractère suivi, stable et habituel,
que si une rupture sans préavis peut être justifiée en cas de manquements par une des parties à ses obligations contractuelles en application de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce qui dispose : " Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ", encore faut-il que ces manquements soient d'une gravité suffisante pour justifier d'une rupture sans préavis (Cass. com. 9 juillet 2013) ce qui n'est pas établi par la société WTSG,
qu'au vu de l'ancienneté des relations, de la dépendance économique qui consistait presque exclusivement pour Wicam France à la commercialisation du logiciel PN 4000 développé par WTSG (démontrée par les pièces comptables produites par Wicam France) qui n'est pas une condition nécessaire à l'application de l'article L. 442-6 I, 5° mais qui est un élément qui doit être pris en compte dans la détermination de la durée du préavis et qui se définit comme l'impossibilité pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise, la cour dispose d'éléments suffisants pour confirmer le jugement entrepris qui a accordé un délai de préavis de 18 mois;
Considérant que le préjudice indemnisable résultant d'une rupture brutale résulte de la brutalité de la rupture et non de la rupture en elle-même,
qu'il est constitué de la perte de marge brute comprenant le chiffre d'affaire que la société victime de la rupture aurait perçu si le préavis avait été respecté,
que la société Wicam France réclame un montant de 767 938 euros correspondant à deux années de marge brute soit 338 969 euros,
que les montants communiqués par la société WTSG pour critiquer les sommes réclamées par Wicam France ne tiennent pas compte du prix de vente des logiciels par Wicam France de la maintenance, du service après-vente et de la mise à jour des logiciels, éléments qui rentrent dans le chiffre d'affaire de Wicam France dans le cadre d'une relation commerciale, notion plus large que le contrat de partenariat qui n'évoque que la vente des produits développés par la société WTSG
que néanmoins, cette notion était déjà évoquée par la société WTSG qui écrivait à Wicam France " Nous confions à Wicam Fabrication pour la France, la vente, l'installation, la formation, le SAV et l'assistance pour les logiciels développés par notre société Wicam GmbH ",
qu'en conséquence, la cour dispose d'éléments suffisants, en retenant une moyenne annuelle du chiffre d'affaire pour les années 2010 (535 204 euros), 2011 (686 827 euros), 2012 (755 476 euros) et 2013 (807 504 euros, année de la rupture) un montant annuel de 696 252 euros auquel s'applique une marge brute de 50 % soit un montant mensuel de 29 010,53 euros sur un préavis de 18 mois soit un montant final de 522 189,56 euros ;
Considérant que Wicam France soutient que son préjudice est également constitué de la perte de la valeur du fonds de commerce et de la perte de valeur de l'incorporel " contrats de maintenance ", du licenciement économique de deux salariés et de l'atteinte à son image,
mais considérant que ces postes de préjudice relèvent des conséquences de la rupture des relations commerciales et non de sa brutalité,
qu'ils ne seront donc pas retenus, la société Wicam France sera donc déboutée de ces chefs de demande ;
Considérant que la société Wicam France soutient en outre que la société WTSG a capté illégitimement sa clientèle après la rupture en usant de manœuvres et d'agissements de concurrence déloyale,
qu'il ne peut être contesté que la société WTSG a annoncé la reprise de l'ensemble de la clientèle de Wicam France pour la gérer directement et sans proposer à Wicam France une quelconque contrepartie ou un rachat de clientèle,
que ce préjudice a déjà été indemnisé dans le cadre de la rupture des relations commerciales,
qu'en outre, la société Wicam France n'a pas établi les manœuvres ou les agissements déloyaux dont elle aurait été la victime,
qu'en conséquence, elle sera déboutée de ce chef de demande ;
Considérant que la société AIBL créée en 2007, dispense des formations sur l'utilisation des logiciels de tôlerie presque exclusivement distribués par Wicam France et également des de manière résiduelle des logiciels qui ne proviennent pas de WTSG (factures pour le logiciel Solidedge et DNC),
qu'il s'il n'est pas contesté qu'elle n'avait aucune relation commerciale directe avec la société WTSG il n'en demeure pas moins qu'un tiers peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle la rupture d'une relation commerciale dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice (Cass. com. 6 septembre 2011 n° 10-11.975),
que c'est le cas en l'espèce, la société Akteis ayant subi un préjudice direct du fait de la rupture brutale de la relations commerciale établie entre Wicam France et WTSG,
que cette société ayant été créée en 2007, elle ne peut bénéficier d'un préavis de 18 mois mais d'un préavis de 6 mois soit, au vu des pièces produites dont la cour dispose un préjudice d'un montant de 138 598,98 euros (six fois 23 099,83 euros) qui est la moyenne mensuelle du chiffre d'affaire sur les années 2010 (259 030 euros), 2011 (399 913 euros) et 2012 (172 651 euros);
Sur la demande de WTSG ;
Considérant que WTSG sollicite le paiement de la somme de 76 206,37 euros au titre de factures impayées par Wicam du 27 février 2013 au 29 novembre 2013,
qu'en application de l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver,
que cette preuve n'est pas rapportée par la société WTSG la seule production de factures et d'un listing qui n'établissent pas l'existence de prestations, n'étant pas suffisante,
qu'il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef ;
Considérant qu'il n'est pas justifié d'ordonner la publication de la décision dans la presse spécialisée de la tôlerie en raison de l'ancienneté des faits, qu'en revanche il convient de confirmer le jugement entrepris qui a ordonné à Wicam France de supprimer les liens de son site Internet avec WTSG ainsi que sa représentation de la société WTSG à partir du prononcé du jugement ;
Considérant que l'équité impose de condamner la société WTSG à payer à Wicam France et Akteis la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs ; LA COUR, Infirme le jugement entrepris sur le montant du préjudice accordé à la société Wicam France découlant de la rupture brutale des relations commerciales et sur le rejet des demandes d'indemnisation de la société Akteis Ingénierie Bourse Logiciel ; Statuant à nouveau, Condamne la société Wicam Technische Software GmbH à payer au titre de la rupture des relations commerciales à : la société Wicam France la somme de 522 189,56 euros ; la société Akteis Ingénierie Bourse Logiciel la somme de 138 598, 98 euros ; Le Confirme sur le surplus ; Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ; Condamne la société WTSG à payer à la société Wicam France et à la société Akteis Ingénierie Bourse Logiciel la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; La Condamne aux entiers dépens.