CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 24 janvier 2018, n° 17-10971
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Riviera Mediainvest Limited (sté)
Défendeur :
So Press (SAS), MLP (SAS), Messageries Lyonnaises de Presse (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Roy Zenati
Conseillers :
Mmes Grivel, Quentin de Gromard
Avocats :
Mes Blondieau, Fourlon, Vignes Bousquet, Biette
La société So Press édite plusieurs titres de presse dont les magazines So Film, So Foot, Society, Doolittle et Pédale. La société Riviera Mediainvest Limited a édité au début de l'année 2017 un magazine intitulé " So France ", distribué par la société MLP.
Par acte d'huissier du 24 avril 2017, la société So Press a assigné en référé à heure indiquée les sociétés Riviera Mediainvest Limited et MLP devant le président du Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir l'interdiction de la distribution et de la commercialisation du magazine So France sur le territoire français, ainsi que d'autres mesures accessoires telles que la communication d'informations et de documents relatifs au magazine et à son éditeur.
Par ordonnance en date du 24 mai 2017, le président du Tribunal de commerce de Paris a :
- interdit à la société Riviera Mediainvest Limited et son mandataire la société MLP, venant aux droits de la société Messageries lyonnaises de presse, de distribuer, commercialiser et faire la promotion du magazine So France sur le territoire français, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard et ce pendant une période de 30 jours, a l'issue de laquelle il sera le cas échéant fait droit ;
- ordonné le retrait du marché sur le territoire français aux frais de la société Riviera Mediainvest Limited, de l'ensemble des produits litigieux et de tout document commercial, catalogue, support promotionnel portant une reproduction des produits litigieux ou une référence à ceux-ci en France dans les 8 jours de la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, et ce pendant une période de 30 jours, à l'issue de laquelle il sera le cas échéant fait droit ;
- enjoint à la société Riviera Mediainvest Limited et à son mandataire la société MLP, venant aux droits de la société Messageries lyonnaises de presse, de communiquer à la société So Press tous documents de nature à établir la liste des points de vente en France incriminés et de déterminer le chiffre d'affaires réalisé sur la vente des produits litigieux dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et ce pendant une période de 30 jours à l''issue de laquelle il sera le cas échéant fait droit ;
- s'est réservé la liquidation des astreintes ;
- débouté la société So Press de sa demande concernant la nomination d'un huissier instrumentaire pour se faire communiquer les éléments cités ci-dessus ;
- débouté la société So Press de ces demandes spécifiques envers la société Messageries lyonnaises de presse ;
- débouté la société So Press de sa demande de mise sous séquestre de toutes sommes perçues, retenues ou détenues par la société Messageries lyonnaises de presse ;
- débouté la société So Press de sa demande de publication du dispositif de la présente ordonnance ;
- condamné la société Riviera Mediainvest Limited à payer à la société So Press la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné en outre la Société Riviera Mediainvest Limited aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 65,17 euros TTC dont 10,65 euros de TVA ;
- commis d'office l'un des huissiers audienciers de ce tribunal pour signifier notre décision.
Par déclaration d'appel du 1er juin 2017, la société Riviera Mediainvest Limited a relevé appel de cette ordonnance.
Par conclusions transmises le 17 novembre 2017, elle demande à la cour, sur le fondement des articles 1240 et 1241, de :
In limine litis,
- donner acte de ce que la concluante précise son siège social et la personne de son représentant légal : Carlyle House, Lower Ground Floor 235 - 237 Vauxhall Bridge Road London SW1V 1EJ (Royaume Uni), représentée par Monsieur Sylvain D. ;
- rejeter la demande de nullité de la déclaration d'appel du 1er juin 2017 ;
- rejeter la demande de nullité subséquente des conclusions du 3 août 2017 ;
- constater la validité desdits actes ;
A titre principal,
- infirmer l'ordonnance entreprise du 28 avril 2017 ;
- dire n'y avoir lieu à référé ;
statuant à nouveau,
- condamner la société So Press à lui verser la somme de 20 000 euros au titre du manque à gagner ;
- condamner la société So Press à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Elle fait valoir :
In limine litis,
- que la société So Press n'a subi aucun grief de l'erreur portée sur la déclaration d'appel relative au siège social de la société appelante ; que la déclaration d'appel et les conclusions subséquentes ne sont pas entachées de nullité ;
à titre principal,
- que s'agissant des titres de magazine, aucune confusion ou reprise fautive n'est possible ;
- que les titres " So France " et " Society " utilisent des termes distincts et n'ont pas la même identité visuelle et que le terme " Society " n'est pas un signe distinctif ; que par conséquent ni actes de concurrence déloyale ni actes de parasitisme ne sont caractérisés ;
- que, concernant les titres " so France " et So Foot " ou " So Film ", le vocable anglais " so " est constamment utilisé et que de nombreux autres magazines reprennent cette expression ;
- que, s'agissant du format du magazine, de nombreux magazines possèdent un format identique et que s'agissant du prix, cette proximité s'explique dans la mesure où le public pour ce type de produits est prêt à débourser une somme assez précise comprise entre 3 et 4 euros ;
- que les mesures de retrait des magazines " So France ", exécutée par l'appelante, lui ont causé un manque à gagner évalué à la somme de 20 000 euros.
Par conclusions transmises le 14 novembre 2017, la société So Press demande à la cour, sur le fondement notamment des articles 58, 114,121, 122, 901, 960, 961, 538, 550, 643 et 872, 873 et 145 du Code de procédure civile et de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme :
In limine litis,
- constater que la déclaration d'appel de la société Riviera Mediainvest Limited ne comporte pas la mention de son siège social, l'indication de sa forme, ni celle de son représentant légal ;
- constater l'absence de justification du siège social de la société Riviera Mediainvest Limited appelante à titre principal, de sa forme et de l'identité de son représentant légal ;
- constater que la société Riviera Mediainvest Limited n'a pas exécuté la décision dont appel ;
- constater l'absence de notification aux parties à la procédure d'appel de l'adresse du siège social de la société Riviera Mediainvest Limited, de sa forme, et de l'identité de son représentant légal, dans les délais visés par les articles 538 et 643 du Code de procédure civile ;
- constater que les conclusions d'appel de la société Riviera Mediainvest Limited ne comportent que la mention de sa dénomination ;
- prononcer la nullité de la déclaration d'appel de la société Riviera Mediainvest Limited pour défaut d'indication du siège social de l'appelante, défaut d'indication de sa forme et défaut de mention de son représentant légal, ce qui cause un grief à la concluante ;
- dire et juger l'appel de la société Riviera Mediainvest Limited nul, en l'absence de notification aux parties à la procédure d'appel de l'adresse du siège social de la société Riviera Mediainvest Limited, de sa forme et de l'identité de son représentant légal, dans les délais visés par les articles 538 et 643 du Code de procédure civile ;
- prononcer l'irrecevabilité des conclusions d'appel de la société société Riviera Mediainvest Limited à défaut pour ces conclusions de se conformer aux dispositions des articles 961 et 960 alinéa 2 du Code de procédure civile, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief ;
- dire et juger que des conclusions irrecevables sont assimilées à une absence de conclusions ;
- constater qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 538 et de l'article 643 du Code de procédure civile la société Riviera Mediainvest Limited ne peut se prévaloir d'avoir interjeté appel dans les délais prévus, sa déclaration d'appel étant nulle et ses conclusions irrecevables ;
- prononcer la nullité de l'appel formé par société Riviera Mediainvest Limited et l'irrecevabilité des conclusions d'appel de la société Riviera Mediainvest Limited ;
- dire et juger que les parties resteront en l'état de la décision datée du 28 avril 2017 mais rendue le 24 mai 2017 par le Tribunal de commerce de Paris statuant en référé, cette décision étant définitive entre les parties ;
à titre principal,
- rejeter toutes fins moyens et prétentions de la société Riviera Mediainvest Limited, en ce compris ses demandes de réformation de l'ordonnance, et de condamnations à réparation d'un préjudice et au titre de l'article 700 et des dépens ;
- rejeter toutes fins moyens et prétentions de la société MLP en ce compris ses demandes de réformation de l'ordonnance, et de condamnations à réparation d'un préjudice et au titre de l'article 700 et des dépens ;
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a prononcé les mesures suivantes :
- interdit à la société Riviera Mediainvest Limited et son mandataire la société MLP, venant aux droits de la société Messageries lyonnaises de presse, de distribuer, commercialiser et faire la promotion du magazine So France sur le territoire français, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard et ce pendant une période de 30 jours, a l'issue de laquelle il sera le cas échéant fait droit ;
- ordonné le retrait du marché sur le territoire français aux frais de la société Riviera Mediainvest Limited, de l'ensemble des produits litigieux et de tout document commercial, catalogue, support promotionnel portant une reproduction des produits litigieux ou une référence à ceux-ci en France dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, et ce pendant une période de 30 jours, à l'issue de laquelle il sera le cas échéant fait droit ;
- enjoint à la société Riviera Mediainvest Limited et à son mandataire la société MLP, venant aux droits de la société Messageries lyonnaises de presse, de communiquer à la société So Press tous documents de nature à établir la liste des points de vente en France incriminés et de déterminer le chiffre d'affaires réalisé sur la vente des produits litigieux dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et ce pendant une période de 30 jours à l'issue de laquelle il sera le cas échéant fait droit ;
- condamné la société Riviera Mediainvest Limited à payer à la société So Press la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné en outre la Société Riviera Mediainvest Limited aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 65,17 euros TTC dont 10,65 euros de TVA ;
pour le surplus,
- réformer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté la demande de publication de la décision à intervenir ;
- ordonner à la société Riviera Mediainvest Limited de publier à ses frais avancés, le dispositif de la décision à intervenir sur la page d'accueil de tout site internet exploité par elle et ;
- ordonner la publication d'un extrait de l'arrêt à intervenir dans 5 (cinq) journaux ou revues de son choix aux frais avancés de la société Riviera Mediainvest Limited, sans que le coût global de cette publication n'excède la somme totale de 20 000 euros hors taxes, dans les termes suivants :
" Par arrêt en date du XXXXXX, la Cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2017 à l'encontre de la société Riviera Mediainvest Limited et de la société MLP, en raison du comportement constitutif d'actes de parasitisme commis par la société Riviera Mediainvest Limited du fait de la publication du magazine S. France au préjudice de la société So Press, éditrice des magazines " Society ", " So Foot " et " So Film ", la cour condamnant la société Riviera Mediainvest Limited à la présente publication " ;
y ajoutant,
- condamner la société Riviera Mediainvest Limited à lui payer à la somme de 130 896,12 euros à titre de provision en réparation du préjudice subi du fait du dommage né du trouble commercial généré par la vente et la distribution du magazine " So France " et du dommage né de l'atteinte à l'image de marque du groupe " So Press " ;
En tout état de cause, et y ajoutant,
- condamner la société Riviera Mediainvest Limited et son mandataire la société Les Messageries Lyonnaises de presse à lui payer chacune à une indemnité de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Riviera Mediainvest Limited et son mandataire la société Les Messageries Lyonnaises de presse aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de constat d'huissier à hauteur 23 88,89 euros TTC.
Elle fait valoir :
In limine litis,
- que, selon les articles 58 et 901 du Code de procédure civile, la mention du siège social et du représentant légal de l'appelante faisant défaut dans la déclaration d'appel, cette dernière est nulle ;
- que cette nullité n'a fait l'objet d'aucune régularisation dans le délai dont disposait la société Riviera Mediainvest Limited pour former appel, qui a expiré le 31 août 2017 conformément aux articles 538 et 643 du Code de procédure civile ;
- que les conclusions signifiées le 3 août 2017 ne peuvent couvrir le délai de forclusion, puisqu'elles ne répondent pas aux formes requises par les articles 960 et 961, alinéa 2 du Code de procédure civile et sont irrecevables, sans qu'il ne soit nécessaire de justifier d'un grief ; que celles signifiées le 7 novembre 2017 sont hors délais ;
- qu'en tout état de cause ce défaut de mention a causé un grief à la société So Press ;
sur les actes de concurrence parasitaire constituant un trouble manifestement illicite,
- que la société " So Press " décline plusieurs magazines à partir du vocable " S. ", ce qui constitue la signature du groupe ; qu'en reprenant la quasi-totalité des codes et éléments caractéristiques desdits magazines, la société Riviera Mediainvest Limited, éditrice du magazine " So France " et, la société MLP se sont affranchies des règles de la concurrence loyale et que ces actes sont constitutifs d'un trouble manifestement illicite ;
- que le magazine " So France " reprend et imite le magazine " Society ", ce qui transparaît dans les polices similaires utilisées, la même déclinaison bicolore des termes, le même format, etc. ... ; que les codes essentiels de la communication des magazines ont été repris ;
- que cette stratégie délibérée, déjà utilisée par la société Riviera Mediainvest Limited, a opéré une confusion dans l'esprit du lectorat des magazines de la société So Press ;
- que la société So Press justifie des investissements considérables mis en œuvre dans le lancement des magazines concernés ;
- que constitue un acte parasitaire le fait, en se plaçant dans le sillage d'autrui, de s'inspirer sensiblement ou copier une valeur économique de celui-ci et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;
- qu'ainsi, la démarche de l'appelante de se placer dans le sillage de la société So Press et de profiter de son savoir-faire, de sa notoriété et de ses investissements constitue des actes parasitaires, sanctionnés sur le terrain des articles 1240 et 1241 du Code civil ;
- que la société Riviera Mediainvest Limited tente de souligner les différences existant entre chaque élément évoqué ; que cependant, le comportement parasitaire doit s'apprécier au regard des similitudes des produits, de leur ressemblance d'ensemble et du risque de confusion créé dans l'esprit du consommateur de moyenne attention ; qu'en l'espèce, cela est établi ;
sur l'absence de contestations sérieuses,
- que les comparaisons entre le magazine indien Society et le magazine litigieux ne sont pas pertinentes ;
- qu'il est démontré, point par point, que les éléments de différenciation invoqués par la société Riviera Mediainvest Limited ne résistent pas à l'examen ; que l'ensemble des éléments similaires caractérise une impression visuelle d'ensemble établissant la volonté de l'appelante de placer son magazine dans le sillage des publications du groupe So Press ;
- que le fondement de l'action de la société So Press n'est pas le droit des marques, mais bien des actes parasitaires ; que l'appelante conteste le caractère distinctif des marques de S. Press quand pourtant l'INPI a relevé le caractère distinctif de l'utilisation du vocable " So " dans le monde de la presse ;
sur les demandes formées à l'encontre de la société Messageries Lyonnaises de presse, mandataire de la société Riviera Mediainvest Limited,
- que juge des référés a le pouvoir de faire cesser le trouble manifestement illicite né du comportement parasitaire d'un agent économique ;
- que, la société MLP invoque le secret des affaires pour s'opposer à l'injonction de communiquer toute information concernant la distribution et le chiffre d'affaire du magazine So France ; que pour autant, la société So Press n'est pas un concurrent de la société MLP ;
- que la société Riviera Mediainvest Limited et son mandataire la société MLP n'ont pas respecté la mesure de retrait ordonnée par le premier juge, les produits litigieux faisant toujours l'objet d'une diffusion par support numérique et ont communiqué partiellement les documents sollicités ;
sur les demandes de condamnation à titre de provision,
- que le trouble commercial constitue un préjudice actuel et certain permettant de solliciter l'octroi de dommages et intérêts à titre provisionnel ; que la société So Press établit un différentiel de ventes ainsi qu'une atteinte à l'image de sa marque ;
sur la demande de publication de la décision à intervenir,
- que, conformément à l'article 873 du Code de procédure civile, la publication de la décision de condamnation doit être ordonnée par le juge ;
Par conclusions transmises le 8 novembre 2017, la société MLP demande à la cour, sur le fondement des articles 145 et 873 du Code de procédure civile, de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 28 avril 2017 par le président du Tribunal de commerce de Paris ;
à titre principal,
- dire et juger que la société So Press ne justifie pas du trouble manifestement illicite ;
- rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire,
- constater qu'elle s'est, en exécution de l'ordonnance de référé du 24 mai 2017 déférée à la cour, conformée à la décision d'interdiction de diffusion du magazine et de communication des documents et informations concernant la diffusion du magazine ;
- lui donner acte de ce qu'elle se conformera à une décision d'interdiction de diffusion du magazine So France ;
- lui donner acte qu'elle se conformera à une décision de communication de documents et d'informations concernant la diffusion du magazine So France ;
- dire et juger qu'il n'est pas nécessaire ni justifié de prononcer une quelconque astreinte à son encontre ;
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande de mise sous séquestre des sommes perçues par elle pour le compte de la société Riviera Mediainvest Limited ;
- rejeter les autres demandes formulées par la société So Press ;
en tout état de cause,
- condamner la société Riviera Mediainvest Limited à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation qui serait prononcée contre elle ;
- condamner la société So Press à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société So Press aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marie Catherine Vignes, avocat au Barreau de Paris, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que le défaut des mentions sur la déclaration d'appel invoqué n'a causé aucun grief ;
sur la demande d'interdiction du magazine S. Press,
- qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé ; que n'est pas rapportée la preuve d'actes d'usurpation de notoriété et de savoir faire constitutifs du parasitisme ; que la publication du magazine 'So France' est protégée par la liberté du commerce et de l'industrie ;
- que, par application de l'article 6 de la loi n°47-585 du 2 avril 1947 dite loi Bichet, la société Riviera Mediainvest Limited ayant demandé la diffusion du magazine 'So France' à la société MLP, cette dernière ne pouvait pas refuser de le diffuser et qu'elle ne peut décider unilatéralement de l'arrêt de la diffusion ;
- que la société MLP a respecté l'interdiction prononcée par le président du Tribunal de commerce de Paris ; que le magazine litigieux n'est plus distribué depuis le 13 mai 2017 ;
sur la demande de communication de documents et d'informations,
- que les demandes de communication de documents et d'informations doivent être dirigées contre la société Riviera Mediainvest Limited ; que les documents demandés ont été transmis en exécution de l'ordonnance entreprise ;
- que l'ordonnance de référé a visé la liste de points de vente concernés sans mention des ventes sur sites internet ; qu'il n'y a donc pas lieu de communiquer les documents concernant le chiffre d'affaires qui serait réalisé sur support numérique ; qu'en tout état de cause, la société MLP communique le détail des ventes sur le site journaux.fr ;
sur la garantie de la société Riviera Mediainvest de toute éventuelle condamnation prononcée contre MLP,
- que, conformément aux dispositions du contrat signé entre MLP et ses éditeurs, elle est totalement étrangère à la création de cette publication et ne peut en être tenue responsable ; qu'ainsi, elle est fondée à voir condamner la société Riviera Mediainvest Limited à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation qui serait prononcée contre elle.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'il résulte des articles 901 et 58 du Code de procédure civile que la déclaration d'appel doit contenir, à peine de nullité, l'indication, pour les personnes morales, de leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ; que la société So Press soulève la nullité de la déclaration d'appel de la société Riviera Mediainvest LTD en ce que l'adresse indiquée ne serait plus celle de son siège social modifiée depuis le 12 mai 2017, et que la mention de son représentant légal fait défaut ;
Considérant qu'en effet la déclaration d'appel indique que la société Riviera Mediainvest Limited est domiciliée " Second Floor Commerce House, 6 London Street, W21HR Londres / Royaume Uni " alors que, ainsi que l'appelante le reconnaît, son siège social était à la date où l'appel a été formé " Carlyle House, Lower Ground Floor 235-237 Vauxhall Bridge Road London SW1V 1EJ " ; qu'aucune mention du représentant légal n'est indiquée dans l'acte ;
Considérant que l'article 114 du Code de procédure civile prévoit que la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ;
Considérant que l'identification de la partie appelante par la société So Press, malgré les irrégularités de l'acte relevées, ne présente pas de difficulté ; que le grief tiré de l'impossibilité d'exécuter la décision de première instance n'est pas démontré, alors que la société intimée a pu assigner son adversaire à sa nouvelle adresse pour obtenir la liquidation de l'astreinte prononcée par le premier juge ;
Que le moyen de nullité de la déclaration d'appel sera donc écarté ;
Considérant qu'il résulte des articles 954 et 961 du Code de procédure civile que les conclusions doivent indiquer, si la partie est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ; que l'article 961 précise que les conclusions ne sont pas recevables tant que ces indications n'ont pas été fournies et que cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats ;
Considérant que par conclusions transmises le 17 novembre 2017 et donc avant l'ordonnance de clôture rendue le 20 novembre 2017 et l'ouverture des débats à l'audience du même jour, la société Riviera Mediainvest LTD a régularisé ses conclusions en indiquant l'adresse nouvelle de son siège social et l'organe qui la représente légalement de sorte que la fin de non-recevoir soulevée doit être écartée ;
Considérant que l'article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent s'entend du " dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer " et le trouble manifestement illicite résulte de " toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit " ;
Qu'en application des dispositions de l'article 873 alinéa 2 du dit code, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire ;
Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits privatifs puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce ; qu'à ce titre, une pratique commerciale trompeuse à l'égard d'un consommateur constitue un acte de concurrence déloyale entre concurrents ; que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée ;
Considérant que le parasitisme, qui est un cas de concurrence déloyale , est un ensemble de comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; que les éléments doivent être appréciés dans leur globalité ; que la faute, qui consiste à détourner la notoriété ou l'investissement d'autrui nécessite que soit établie la volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui, et que soit préalablement établie l'existence d'une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers importants, ou d'un nom commercial jouissant d'une réputation ou d'une notoriété particulière, résultant notamment d'une publicité très onéreuse et quasi permanente et représentant une valeur économique importante en soi ; que le parasitisme est caractérisé indépendamment de tout risque de confusion ;
Considérant qu'il ressort des éléments produits aux débats que la société So Press, créée en 2003, édite plusieurs titres de presse dont les magazines So Foot, dont elle a déposé la marque le 7 février 2008, So Film, dont elle a déposé la marque le 21 mai 2012 et Society dont elle a déposé la marque le 15 janvier 2015, magazine bimensuel consacré à l'actualité ;
Que la société Riviera a édité le 6 avril 2017 un magazine So France s'inscrivant dans le même secteur concurrentiel ;
Considérant que la société So Press fonde ses demandes non pas sur la protection de ses droits privatifs mais sur la concurrence parasitaire que constituerait pour elle la commercialisation et la distribution du magazine So France qui reprendrait la quasi-totalité des codes et éléments caractéristiques des magazines qu'elle édite depuis plusieurs années, et plus précisément encore du magazine Society ;
Considérant qu'il ressort des pièces produites aux débats que la société So Press a, pour le lancement de son premier numéro de Society en mars 2015, engagé de lourds investissements de création et de promotion à hauteur de 1 million d'euros ; que ce magazine a reçu en 2015 les Grand Prix des Médias, et en 2016 le prix du magazine de l'année, le prix de la meilleure couverture et le prix de la meilleure Une de presse ; que son président a reçu le 23 novembre 2016 le Trophée de l'entrepreneur de Presse de la décennie remis à l'Unesco par l'association des professionnels des médias dénommée La Presse du Futur ; que le lancement de Society a été annoncé par les revues de presse des radios et télévision et le journal télévisé de France Télévisions ;
Considérant que Society est un magazine d'information d'un format qui se distingue de celui adopté habituellement par les magazine concurrents tels que par exemple l'Express ou le Point ; que son titre, situé en haut de la page de couverture, est généralement bicolore ou bichromatique, une couleur destinée à la partie " So " et la seconde à la partie " ciety ", et utilise une police dite " ultra " de la famille des " mécanes " ; que cette déclinaison s'inscrit dans la ligne des autres titres édités par la société So Press, " So Foot " ou " So Film ", qui utilisent le terme " So " comme accroche à consonance laudative destinée à retenir l'attention du consommateur ; qu'ainsi, indépendamment du caractère original ou distinctif - ou non - du titre du magazine éligible ou non à la protection de la propriété intellectuelle, qui n'est pas le fondement de l'action, il est indéniable que les magazines de la société So Press utilisent ce code de communication - la déclinaison du terme " So " - pour se faire reconnaître des lecteurs ; qu'il est inefficient de rappeler l'utilisation du vocable " So " pour des services ou produits qui n'appartiennent pas au secteur de la presse ; que s'agissant des magazines qui l'utilisent, la société So Press indique qu'aucun titre de presse commercialisé sur le territoire ne reprend aujourd'hui la déclinaison du terme " So " associé à un autre terme et que les magazines cités par l'appelante n'existent plus ou font l'objet d'une action en justice de sa part ;
Considérant que le magazine " So France " utilise le même terme d'accroche " So " ; que son titre est positionné au même endroit que le titre " Society " et utilise une déclinaison bicolore ou bichromatique des deux termes qui le composent " So " et " France " ainsi qu'une police très ressemblante à celle utilisée par le magazine Society ; que le format est quasiment identique ; qu'il est manifeste que le rapprochement des deux couvertures donnent dans leur ensemble une impression de ressemblances visuelles et auditives ; que la société Riviera Mediainvest LTD ne pouvait méconnaître la notoriété et le succès de son concurrent dans le secteur concurrentiel dans lequel elle s'est inscrite en avril 2017 ; qu'en utilisant les mêmes codes de la communication des magazines édités par la société So Press elle a nécessairement créé une association entre les titres laissant croire aux lecteurs qu'elle pouvait être rattachée à la même entreprise ; qu'elle a ainsi bénéficié des efforts tant intellectuels que financiers importants de la société So Press et joui d'une réputation ou d'une notoriété particulière, représentant une valeur économique importante en soi, sans justifier de ses propres investissements ; que l'ordonnance sera confirmée sur les mesures destinées à faire cesser les actes de concurrence déloyale parasitaire constitutifs d'un trouble manifestement illicite prises à l'égard tant de la société Riviera Mediainvest Ltd que de la société MLP ;
Considérant que la société So Press ne sollicite à titre incident l'infirmation de l'appel qu'en ce qu'elle a rejeté sa demande de publication de la décision ; qu'elle ne critique donc pas la décision qui a rejeté ses demandes à l'égard de la société MLP, sa demande de mise sous séquestre de toutes sommes perçues, retenues ou détenues par la société MLP et de nomination d'un huissier instrumentaire, dispositions qui seront dès lors confirmées ;
Considérant que la publication de la décision confirmative n'est pas opportune ;
Considérant que le comportement manifestement fautif de la société appelante a causé un trouble commercial et moral à la société So Press ; qu'il résulte des pièces communiquées en exécution de l'ordonnance que le chiffre d'affaires généré est de 21804,10 euros , que 5709 euros ont été vendus outre 2 sur des sites internet ; qu'au vu des éléments produits par les parties et de l'atteinte à la notoriété de cette société, il lui sera alloué la provision de 35000 euros en réparation de ses préjudices ;
Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;
Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder à la société intimée, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;
Que partie perdante, la société Riviera Mediainvest Ltd ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts pour manque à gagner ni à une indemnité de procédure et supportera les dépens d'appel ; que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la société MLP ;
PAR CES MOTIFS, Rejette les moyens de nullité de la déclaration d'appel et d'irrecevabilité des conclusions de l'appelante ; Confirme l'ordonnance entreprise ; Y ajoutant Condamne la société Riviera Mediainvest Limited à payer à la société So Press la somme de 35 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices économique et moral ; Condamne la société Riviera Mediainvest Limited à payer à la société So Press la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette les demandes indemnitaires de la société Riviera Mediainvest Limited ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la société MLP ; Condamne la société Riviera Mediainvest Limited aux dépens, incluant les frais de constat d'huissier.