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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 23 janvier 2018, n° 16-11154

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Auchan France (SA), Somarvrac (SAS)

Défendeur :

Smatt (SARL), Laure (ès qual.), Converse Inc. (Sté), All Star CV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

Avocats :

Mes Hardouin, Guin, Kalifa, Olivier, Bloret-Pucci

CA Paris n° 16-11154

23 janvier 2018

Exposé du litige

La société de droit américain Converse était titulaire, avant le 22 avril 2013, des marques suivantes :

- la marque internationale " Converse All Star " n° 924 653 désignant l'Union européenne, enregistrée le 16 mai 2007 pour désigner notamment les " articles chaussants " en classe 25,

- la marque internationale " All Star " n° 929 078 désignant l'Union européenne, enregistrée le 15 mai 2007 pour désigner notamment les " articles chaussants " en classe 25,

- la marque française semi-figurative " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1356 944 déposée le 30 mai 1986 et renouvelée en dernier lieu le 22 mars 2006 pour désigner les " chaussures " en classe 25.

La société de droit néerlandais All Star est devenue bénéficiaire :

· de la marque française n° 1356944 par acte de cession enregistré le 22 avril 2013 et régulièrement inscrit au registre national des marques,

· des marques internationales n° 929078 et n° 135694 désignant l'Union européenne par acte de cession enregistré auprès de l'OMPI le 25 octobre 2013.

La société Converse indique qu'à partir du mois de décembre 2009, elle a confié à la société Avery Dennison, afin de lutter contre la contrefaçon de ses marques et produits, la mise en place sur toutes les chaussures Converse All Star Chuck Taylor fabriquées à compter de cette date, d'une technologie consistant à attribuer à chaque chaussure authentique un numéro de série unique imprimé sur l'étiquette thermocollée apposée sur la languette de la chaussure, tous ces numéros étant enregistrés dans une base de données sécurisée dont la consultation permet de vérifier si un numéro de série donné a effectivement pu être apposé par le fabricant sur la chaussure contrôlée et qu'il s'agit donc d'une chaussure authentique.

La société Auchan France (ci-après, la société Auchan) exploite sous l'enseigne " Auchan " 126 hypermarchés en France, qui proposent à la vente des produits alimentaires et des biens d'équipement.

La société Somarvrac, filiale de la société Auchan France, exploite un magasin à l'enseigne " Prix bas par Auchan " situé à Mulhouse.

La société Smatt, constituée en 2008, exerçait l'activité d'intermédiaire spécialisé dans le commerce de vêtements et d'accessoires de sport et se présentait comme un fournisseur habituel de la grande distribution pour ce type d'articles. Elle a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 3 octobre 2016.

Le 28 février 2013, le bureau des douanes de Gennevilliers a informé les représentants de la société Converse en France de la découverte et du placement en retenue douanière, sur le fondement des dispositions de l'article L. 716-8 du Code de la propriété intellectuelle et 215 du Code des douanes, de paires de chaussures susceptibles de constituer des contrefaçons de cette marque. La retenue portait sur 243 paires de chaussures, dont 4 ont fait l'objet de photographies qui ont été transmises à Converse à titre d'échantillon pour examen des codes d'identification figurant sur l'étiquette des produits apposée sur les languettes, ce qui a permis à la société de reconnaître la nature contrefaisante des chaussures.

Sur la base de ces éléments, la société Converse a obtenu l'autorisation de faire procéder à des saisies-contrefaçon dans les locaux du magasin Auchan du centre commercial " Les 4 Temps " situé à La Défense, ainsi que dans les locaux des services des douanes. Ces opérations ont eu lieu le 5 mars 2013 et ont permis de constater la présence de chaussures en réserve dans l'hypermarché de La Défense et d'établir que celles-ci provenaient de l'entrepôt de la société Auchan France situé à Lesquin (59). Douze paires de chaussures ont par ailleurs été prélevées dans les locaux des douanes, dont les codes d'identification n'ont pas été reconnus par la société Converse comme ayant été attribués à d'authentiques chaussures fabriquées avec son autorisation.

Entre les 5 et 11 mars 2013 ont ensuite été opérées les retenues douanières suivantes :

* le 5 mars 2013 :

· 150 paires de chaussures dans le magasin Auchan Saint-Nazaire à Trignac (44) ;

· 65 paires de chaussures dans le magasin Auchan Croix-Neyrat à Clermont-Ferrand (63) ;

· 22 paires de chaussures dans le magasin Auchan Domérat à Domérat (03) ;

· 35 paires de chaussures dans le magasin Auchan Plein Sud à Aubière (63) ;

* le 6 mars 2013 :

· 79 paires de chaussures dans le magasin Auchan La Trinité (06) ;

· 414 paires de chaussures dans le magasin Auchan Grasse (06) ;

· 88 paires de chaussures dans le magasin Auchan Bessoncourt (90) ;

· 389 paires de chaussures dans le magasin Auchan Gramont à Toulouse (31) ;

* le 7 mars 2013 :

· 74 paires de chaussures dans le magasin Auchan Saint-Priest (69) ;

· 422 paires de chaussures dans le magasin Auchan Dardilly (69) ;

· 195 paires de chaussures dans le magasin Auchan Caluire (69) ;

· 43 paires de chaussures dans le magasin Auchan Montauban (82) ;

* le 8 mars 2013 :

· 231 paires de chaussures dans le magasin Auchan Le Pontet (84) ;

· 149 paires de chaussures dans le magasin Auchan Mistral à Avignon (84) ;

· 87 paires de chaussures dans le magasin Auchan Saint-Herblain (44) ;

· 57 paires de chaussures dans le magasin Auchan Saint-Sébastien-sur-Loire (44) ;

* le 9 mars 2013:

· 235 paires de chaussures dans le magasin Auchan Sémécourt (57) ;

· 39 paires de chaussures dans le magasin Auchan Woippy (57) ;

* le 11 mars 2013 :

· 66 paires de chaussures dans le magasin Auchan Castres (81) ;

· 27 paires de chaussures dans le magasin Auchan Aussillon (81) ;

· 88 paires de chaussures dans le magasin Auchan Mont Saint-Martin (54).

Les représentants de la société Converse ont procédé à des vérifications soit à partir des codes d'identification photographiés, soit sur la base d'échantillons prélevés dans certains magasins. Dans chaque cas, selon la société Converse, les codes ne correspondaient pas à des numéros Avery Dennison attribués à d'authentiques chaussures fabriquées avec son autorisation, étant précisé que les chaussures saisies dans les magasins de Toulouse et de Semécourt étaient revêtues d'étiquettes telles qu'utilisées jusqu'en décembre 2009, avant la mise en place du nouveau dispositif de traçabilité, mais ont néanmoins été identifiées par Converse comme contrefaisantes.

Par ordonnance du 13 mars 2013, la société Converse a obtenu l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège social de la société Auchan France (à Villeneuve d'Ascq). Ces opérations ont été réalisées le 14 mars 2013 et ont permis d'établir que deux commandes avaient été passées auprès de la société Smatt le 20 décembre 2012 pour 16 896 paires de " Converse toile basse " et 11 208 paires de " Converse toile haute " et qu'une troisième commande avait été passée auprès de ce même fournisseur le 6 février 2013 pour 9 360 " Converse toile haute ", ce qui représentait un total de 37 464 paires de chaussures dont, selon un état du 14 mars 2013, plus aucune n'était en stock au sein de l'entrepôt de Lesquin.

Parallèlement à ces opérations, une notification du bureau des douanes de Werentzhouse (68) en date du 8 mars 2013 a informé les représentants de Converse du placement en retenue douanière de 48 paires de chaussures revêtues de leurs marques dans le magasin " Prix bas par Auchan " situé à Mulhouse et exploité par la société Somarvrac, en provenance de la centrale d'achat d'Auchan.

Au regard de ces éléments, la société Converse a obtenu l'autorisation de faire procéder à de nouvelles opérations de saisie-contrefaçon qui se sont déroulées le 18 mars 2013 dans les locaux du magasin " Prix bas par Auchan " de Mulhouse et dans les locaux des douanes à Werentzhouse, à l'occasion desquelles le directeur de la société Somarvrac a déclaré que plus aucun produit Converse n'était en stock dans ses locaux et l'huissier s'est vu remettre deux factures n° 15129424 et 15135372 datées des 15 et 21 février 2013, émanant de la société Auchan France Text Nord à Lesquin, correspondant à deux commandes portant sur 24 paires de " Converse toile basse ", référence (CUG) 050330812, et 24 paires de " Converse toile haute ", référence (CUG) 050330806, soit une quantité totale de 48 paires de chaussures marquées Converse, ce qui correspondait au nombre de paires placées en retenue par les douanes de Werentzhouse le 8 mars 2013. L'huissier instrumentaire a par ailleurs constaté la présence des 48 paires de chaussures dans les locaux des douanes, a procédé à la saisie réelle de 2 paires de chaussures et à la photographie de l'ensemble des étiquettes des languettes, ce qui, selon la société Converse, a permis de mettre en évidence, après vérification sur la base de données Avery Dennison, que ces 48 paires de chaussures étaient des produits contrefaisants.

C'est dans ces circonstances que, par acte des 4 et 16 avril 2013, la société Converse a assigné les sociétés Auchan France et Somarvrac en contrefaçon de marques devant le Tribunal de grande instance de Paris.

La société Auchan France a appelé la société Smatt, son fournisseur, en intervention forcée et en garantie.

Par ordonnance du 27 juin 2014, le juge de la mise en état du tribunal a rejeté la demande des sociétés Auchan France et Somarvrac tendant à voir ordonner à la société Converse de produire les contrats de distribution exclusive la liant à 14 distributeurs européens pour les années 2012 et 2013, ainsi que ses conditions générales de vente et tarifs dans l'espace économique européen, retenant que " les défenderesses disposent d'éléments suffisants pour discuter de l'existence du risque de cloisonnement et il appartiendra au tribunal de tirer les conséquences juridiques du refus de la société Converse de verser au débat les contrats de distribution ".

La société All Star est intervenue volontairement à l'instance en tant que cessionnaire des marques en cause.

Par jugement rendu le 8 avril 2016, le tribunal a :

· dit qu'en ayant détenu, offert à la vente, vendu des chaussures revêtues des marques internationales désignant l'union européenne " All Star " n ° 929 078 et " Converse All Star " n° 924 653 et française " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1356 944, les sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt ont commis des actes de contrefaçon, au préjudice de la société Converse aux droits de laquelle se trouve la société All Star,

· condamné in solidum :

· les sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt à payer à la société All Star, la somme de 20 000 € pour atteinte à ses marques,

· les sociétés Auchan France et Smatt à payer à la société All Star la somme de 150 000 € en réparation de son préjudice commercial,

· ordonné la destruction des marchandises retenues aux frais des sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt sous contrôle d'huissier,

· dit que la société Smatt sera tenue à garantir les sociétés Auchan France et Somarvrac des condamnations prononcées,

· rejeté toutes les autres demandes jugées non fondées, y compris les demandes de publication,

· condamné chacune des sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt aux dépens et au paiement aux sociétés Converse et All Star, ensemble, de la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

· dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Le 17 mai 2016, les sociétés Auchan France et Somarvrac ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions, numérotées 4 (rectificatives), transmises le 31 octobre 2017, poursuivant l'infirmation du jugement, elles demandent à la cour :

* à titre principal :

- sur la question de la charge de la preuve :

· de constater qu'elles démontrent l'existence un risque réel de cloisonnement des marchés, au sens de l'arrêt VAN DOREN du 8 avril 2003 de la Cour de Justice de l'Union Européenne,

- sur l'absence d'authenticité alléguée des produits :

· de constater que les sociétés Converse et All Star ne rapportent pas la preuve de l'absence d'authenticité des produits en cause,

· subsidiairement, si par extraordinaire la cour considérait que la preuve de la contrefaçon peut être rapportée par la seule présomption tirée des attestations relatives à la base de données Avery Dennison, d'instituer, aux frais de la société Converse une expertise, avec pour objet de vérifier : en premier lieu, la fiabilité alléguée de la base Avery Dennison, c'est-à-dire notamment l'impossibilité alléguée que des chaussures soient mises sur le marché par les sociétés Converse ou leurs distributeurs exclusifs sans que leur numéro ne soient enregistrés mais également l'impossibilité de modifier le contenu de cette base, en second lieu, les informations prétendument issues de cette base pour les chaussures en causes et, en troisième lieu, les allégations de Converse portant sur la prétendue non authenticité des produit ; de dire que l'expert désigné dressera un rapport de sa mission, et surseoir à statuer dans l'attente de la réalisation de cette mesure d'instruction,

* à titre subsidiaire, si la cour considérait que le risque réel de cloisonnement des marchés nationaux au sens de l'arrêt Van Doren n'a pas été établi ou que les sociétés Converse ont rapporté la preuve du caractère non-authentique allégué des produits,

· de constater qu'elles-mêmes rapportent la preuve de l'épuisement des droits de la société Converse sur les produits en cause, par la production des trois procès-verbaux de constats de Me Nakache, huissier de justice,

* à titre plus subsidiaire, si la cour considérait que les pièces versées aux débats n'établissent pas l'épuisement des droits,

· de juger qu'il ne peut leur être reproché ne pas rapporter la preuve de l'épuisements des droits de façon certaine, cette preuve s'avérant impossible à apporter compte tenu de la mise en œuvre dans le réseau de distribution de Converse de pratiques de dissimulation et de sociétés écrans et du refus des sociétés Converse de permettre à la société Auchan France de procéder à des vérifications auprès de la société Avery Denisson, seul moyen permettant selon elles de s'assurer de l'origine de chaque paire de chaussures,

* à titre infiniment subsidiaire,

· de constater que les sociétés Converse et All Star ne rapportent pas la preuve du préjudice allégué et les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts, ainsi que de l'ensemble de leurs demandes et notamment de leur demande de publication,

· de juger que l'indemnisation sollicitée ne pourrait en tout état de cause porter que sur les chaussures dont le caractère contrefaisant serait établi et donc au maximum sur 193 paires de chaussures, et non pas sur d'autres chaussures de marque Converse commercialisées par la concluante et dont le caractère contrefaisant ne serait pas établi,

· de juger que les sociétés Converse ont par leur faute contribué en totalité à leur préjudice, et les débouter de l'ensemble de leur demande ou à titre subsidiaire, de juger qu'elles devront supporter leur préjudice à hauteur de 50 % au minimum, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Smatt à les garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,

· de fixer la créance de la société Auchan France sur la société Smatt au montant des condamnations qui seraient le cas échéant prononcées à son encontre ;

· de condamner la société Smatt à verser à la société Auchan France la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* en toute hypothèse,

· de débouter les sociétés Converse et All Star de l'ensemble de leurs demandes,

· de les condamner au paiement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 3 transmises le 10 novembre 2017, les sociétés Converse et All Star (ci-après, les sociétés Converse) demandent à la cour :

· de débouter les sociétés Auchan France et Somarvrac de toutes leurs demandes,

· de déclarer recevable la société Converse, en sa qualité de propriétaire, à l'époque des faits, des marques " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1 356 944, " Converse All Star " n° 924 653 et " All Star " n° 929 078,

· de déclarer recevable et fondée la société All Star en ses demandes en sa qualité de cessionnaire dûment inscrit de la marque française " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1 356 944 et des marques internationales désignant la communauté européenne " Converse All Star " n° 924 653 et " All Star " n° 929 078,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

· dit qu'en ayant détenu, offert à la vente, vendu des chaussures revêtues des marques internationales désignant l'union européenne " All Star " n° 929 078 et " Converse All Star " n° 924 653 et française " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1 356 944, les sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt ont commis des actes de contrefaçon, au préjudice de la société Converse aux droits de laquelle se trouve la société All Star,

· ordonné la destruction des marchandises retenues aux frais des sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt sous contrôle d'huissier,

· condamné chacune des sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt à leur payer, ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

· d'infirmer le jugement pour le surplus et de

· condamner in solidum les sociétés Auchan France et Somarvrac à payer à la société All Star, venant aux droits de la société Converse, une somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice d'atteinte aux marques notoires invoquées,

· condamner la société Auchan France à payer à la société All Star, venant aux droits de la société Converse, une somme de 300 000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice commercial,

· de faire interdiction aux sociétés Auchan France et Somarvrac de poursuivre la détention, l'offre à la vente et la vente sur le territoire de l'Union Européenne de tous produits portant atteinte aux marques internationales désignant la Communauté Européenne " Converse All Star " n° 924 653 et " All Star " n° 929 078 et, en France, à la marque française " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1 356 944, et ce, sous astreinte définitive de 1500 euros par infraction constatée et passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, d'ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais solidaires, exclusifs et avancés par les sociétés Auchan France et Somarvrac, dans 1 à 5 revues ou journaux au choix de la société All Star, venant aux droits de la société Converse Inc., sans que le coût total de ces publications puisse dépasser la somme de 40 000 euros HT, ainsi que sur la partie supérieure de la première page, en caractères12, du site internet www.auchan.fr, à ses frais exclusifs et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, pendant une période ininterrompue de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,

· de condamner in solidum les sociétés Auchan France et Somarvrac à leur payer une somme complémentaire de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 17 octobre 2017, le conseiller de la mise en état, statuant sur un incident soulevé par les sociétés All Star et Converse a déclaré irrecevables, comme tardives, les conclusions et pièces communiquées les 6 avril et 27 juin 2017 par Me Laure, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Smatt.

L'ordonnance de clôture est du 21 novembre 2017.

Motifs de l'arrêt

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;

Sur la recevabilité des sociétés All Star et Converse en leurs demandes

Considérant que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a dit la société All Star recevable en son intervention volontaire en tant que bénéficiaire de la cession enregistrée le 22 avril 2013, régulièrement inscrite au registre national des marques de la marque française n° 1 356 944, et de la cession enregistrée auprès de l'OMPI le 25 octobre 2013 des marques internationales n° 924 653 et n° 929 078 désignant l'Union européenne ;

Que la recevabilité à agir de la société Converse n'est pas contestée, en sa qualité de propriétaire, à l'époque des faits, des trois marques précitées ;

Sur la contrefaçon des marques de la société All Star (venant aux droits de la société Converse)

Considérant qu'il est constant que les retenues douanières et les opérations de saisie-contrefaçon menées les 5, 14 et 18 mars 2013 ont permis d'établir que la société Auchan a acheté 37 464 paires de chaussures Converse pour un montant total de 1 316 428,59 € TTC auprès de la société Smatt en vue de leur commercialisation dans ses hypermarchés, que cette même société avait vendu, à la date du 14 mars 2013, 23 331 paires et détenait encore en stock 14 109 paires et que la société Somarvrac avait acquis auprès de la société Auchan, 48 paires de chaussures pour un montant total de 1 865,78 € TTC en vue de leur commercialisation dans le magasin "Prix bas par Auchan" de Mulhouse ;

Considérant que les sociétés Auchan et Somarvrac soutiennent toutefois que la société Converse n'établit pas que certaines paires de chaussures litigieuses (modèles M9622, M7650, 1J622, M9697, M9622, M9621, M9160, M7650, M9160) sont effectivement des produits retenus par les douanes et provenant ainsi de l'un des magasins qu'elles exploitent ;

Que toutefois le courriel adressé par les douanes à la société Converse en date du 28 février 2013 avec les photographies jointes, concernant les modèles M9622, M7650, 1J622 (pièce 4-7 des intimées), le procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 5 mars 2013 par huissier de justice, et qui fait donc foi jusqu'à la preuve contraire, précisant le code sécurité apposé sur l'étiquette du modèle M9622, ainsi que les photographies des modèles M9697, M9621, M9160, M7650 et M9160 prélevés par les douanes les 14 et 15 mars 2013 et remises à Converse (pièces 14.6, 15.6 et 16.6 des intimées) rendent vaine cette argumentation ;

Considérant que le tribunal, dans le jugement déféré, a jugé qu'il n'avait pas, pour apprécier si les chaussures litigieuses avaient été mises sur le marché de l'Espace économique européen avec ou sans le consentement du titulaire des marques, à se prononcer sur l'authenticité des chaussures au regard de la technologie Avery Dennison, comme les sociétés Converse l'y invitaient, estimant que " l'authenticité des articles litigieux, à supposer qu'elle puisse être établie selon des critères parfaitement vérifiables, n'est en toute hypothèse pas un indice suffisant des conditions de mise en circulation des produits ", et qu'il a choisi de se placer sur le seul terrain de la règle dite de l'épuisement des droits de marque ;

Considérant cependant que la cour estime, alors que les sociétés Converse et All Star offrent, à titre principal, de démontrer le défaut d'autorisation d'usage de leurs marques sur les chaussures litigieuses en établissant leur défaut d'authenticité au moyen de la technologie Avery Dennison, que la preuve du défaut d'authenticité des chaussures établirait, si elle était rapportée, le défaut de consentement du titulaire des marques à la commercialisation de chaussures revêtues de ses marques, tant il est évident que le titulaire des marques n'aurait pas consenti à l'introduction dans l'Espace économique européen de produits non authentiques reproduisant ses produits et revêtus de ses marques ;

Qu'il convient, par conséquent, d'examiner en premier lieu la question de l'authenticité des chaussures litigieuses ; que cette question ne concerne toutefois que les chaussures susceptibles d'être identifiées par la technologie Avery Dennison, ce qui exclut les chaussures découvertes au sein des magasins Auchan de Toulouse et de Sémécourt (soit 9 paires analysées au total) qui comportent des étiquettes telles que celles apposées sur les chaussures Converse avant décembre 2009, dont le caractère non authentique n'est pas démontré, contrairement à ce qu'affirment les sociétés Converse, et pour lesquelles il conviendra d'examiner l'existence du consentement donné à leur première commercialisation intra-communautaire au regard de la règle de l'épuisement des droits ;

En ce qui concerne les chaussures saisies susceptibles d'être identifiées par la technologie Avery Dennison

Considérant que les sociétés Converse et All Star soutiennent que toutes les chaussures (hormis celles trouvées dans les magasins de Toulouse et de Sémécourt) placées en retenue douanière dans la présente affaire, comme celles décrites, photographiées et/ou prélevées lors des saisies-contrefaçon réalisée les 5 et 18 mars 2013, présentent des étiquettes revêtues de " codes sécurité " ressemblant à celles apposées sur d'authentiques chaussures Converse et que les vérifications effectuées dans la base de données Avery Dennison ont révélé que ces " codes sécurité " ne correspondent pas à des chaussures dont la fabrication a été autorisée par la société Converse ;

Que les sociétés appelantes opposent l'absence de caractère probant des attestations émanant des dirigeants de la société Avery Dennison et du procès-verbal de constat d'huissier relatif à l'interrogation de la base de données, arguant notamment de l'opacité de la technologie invoquée, de la possibilité de manipulation (possibilité pour Converse d'imprimer des étiquettes "authentiques" en se soustrayant au système de sécurité invoqué), de la reconnaissance par Converse, dans le cadre d'une procédure suivie aux Pays-Bas, de la mise sur le marché de produits considérés comme contrefaisants pour découvrir ensuite leur source, des insuffisances et des incohérences des témoignages fournis, de l'absence de fiabilité du système Avery Dennison confirmée dans des affaires distinctes ;

Considérant que la contrefaçon de marque peut être prouvée par tous moyens ;

Que les sociétés Converse et All Star exposent que depuis 2009, chaque chaussure authentique Converse présente, sur son étiquette de languette, un numéro d'identification qui lui est propre et unique, généré et répertorié par la société américaine Avery Dennison, leader du marquage et de l'identification des produits ; qu'elles produisent trois attestations, et leur libre traduction, de M. Paul Chamandy, vice-président du développement des activités de la division marquage du commerce de détail et solutions de l'information au sein de la société Avery Dennison, en date des 15 juin 2011, 12 avril et 8 juillet 2013 ; qu'il ressort de ces attestations que la technologie développée par Avery Dennison permet de générer, pour chaque chaussure Converse authentique, un numéro de série unique à 13 caractères et d'imprimer ce numéro sur l'étiquette de languette de la chaussure concernée, avec d'autres informations, telles que la référence (SKU) ou la taille, que l'ensemble des numéros de série générés par la technologie Avery Dennison pour les paires de chaussures authentiques est stocké dans une base de données sécurisée administrée par la société Avery Dennison, qu'un numéro de série ne peut jamais être imprimé une seconde fois sur une autre authentique étiquette Converse, que si le numéro de série ne figure pas dans la base de données ou s'il ne correspond pas aux autres informations relatives au produit, cela signifie que l'étiquette Converse avec ce numéro de série n'a pas été imprimée avec l'autorisation de Converse, que Converse a accès à cette base de données uniquement pour vérifier si un numéro de série donné a été imprimé sur une authentique étiquette Converse, que le processus décrit ne peut pas être influencé ou manipulé par Converse ; que, par ailleurs, M. Chamandy indique qu'il a été requis pour vérifier l'exactitude des numéros de séries apposés sur les chaussures détenues dans les magasins Auchan (magasins de La Défense et de province précités) et dans le magasin " Prix bas par Auchan " exploité par la société Somarvrac à Mulhouse et qu'il ressort des tableaux annexés à ses attestations que les codes-sécurité apposés sur les chaussures en cause, soit n'ont pas été retrouvés du tout dans la base de données Avery Dennison (codes inexistants dans la base Avery Dennison), soit ne correspondent pas aux codes figurant dans cette base (codes erronés) ;

Qu'en ce qui concerne les chaussures objet des saisies-contrefaçon opérées le 5 mars 2013 dans le magasin de La Défense et dans les locaux des services des douanes de Gennevilliers, les constatations de M. Chamandy sont exactement corroborées par celles effectuées, le 6 mars 2013, par Me Lodieu, huissier de justice ;

Que pour répondre aux objections des sociétés appelantes quant à la fiabilité de la technologie Avery Dennison, les sociétés Converse produisent encore l'attestation de M. Kinsman, directeur du développement de solutions " Blended/IPPS " au sein de la société Avery Dennison, et sa traduction libre ; que M. Kinsman indique, le 25 avril 2016, que chaque usine autorisée par Converse à fabriquer des chaussures Converse est équipée d'un poste unique d'impression prescrit par Avery Dennison et connecté à la technologie Avery Dennison, que seul cet unique poste d'impression est en mesure de télécharger les codes sécurité et informations de production (taille, SKU...) à imprimer sur les étiquettes authentiques Converse, que les données imprimées sur chaque étiquette authentique sont uniques et que leur impression n'est autorisée qu'une seule fois, que l'ensemble des numéros de série qui ont été imprimés avec les informations de production correspondantes sont téléchargés, avant l'impression, dans la base de données qui est gérée uniquement par Avery Dennison, sans aucune possibilité de modifier les données pendant et après le téléchargement dans la base de données ;

Que les sociétés Auchan et Somarcrac ne sont pas fondées à reprocher aux sociétés Converse de ne pas leur permettre un accès direct au système de contrôle Avery Dennison qui constitue une base de données confidentielles et auquel elles recourent pour lutter contre la contrefaçon de leurs marques ;

Que les sociétés appelantes invoquent vainement des incohérences révélées par le système Avery Dennison dans d'autres affaires ;

Que les attestations très circonstanciées fournies par les sociétés intimées quant au fonctionnement du système de contrôle invoqué, comme le procès-verbal de constat d'huissier de Me Lodieu, établissent suffisamment que les chaussures litigieuses ne sont pas des chaussures Converse authentiques ;

Que comme il a été dit supra, la démonstration du défaut d'authenticité des chaussures établit l'absence de consentement du titulaire des marques à leur commercialisation, de sorte qu'il n'y pas lieu d'examiner l'argumentation présentée à titre subsidiaire par les appelantes, relative à l'épuisement des droits des sociétés Converse sur les produits en cause, au regard notamment des procès-verbaux de constat établis par Me Nakache ;

Qu'il est par suite démontré, sans qu'il y ait lieu de recourir à la mesure d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par les sociétés appelantes, que la société Converse, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société All Star, n'a pas autorisé l'usage de ses marques sur ces chaussures qui ont été fabriquées frauduleusement ; que la contrefaçon est ainsi caractérisée ;

En ce qui concerne les chaussures saisies au sein des magasins de Toulouse et de Sémécourt

Considérant que les sociétés Auchan et Somarvrac prétendent démontrer l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés au sens de l'arrêt Van Doren (CJCE, 8 avril 2003) et soutiennent qu'il appartient alors aux sociétés Converse de prouver que les produits en cause ne peuvent avoir été mis sur le marché de l'Espace économique européen avec leur consentement, preuve que ces dernières échoueraient à rapporter ;

Que les sociétés Converse et All Star soutiennent qu'en l'absence de risque réel de cloisonnement des marchés, les sociétés Auchan et Somarvrac ne rapportent pas la preuve d'un épuisement des droits de marque ;

Considérant que l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle interdit la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque française, ainsi que l'usage d'une marque française reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement, sans l'autorisation du propriétaire de la marque ;

Qu'en application de l'article 9 du règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009, la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif qui l'habilite à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; qu'aux termes de cet article , " Il peut notamment être interdit (...) b) d'offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins (...) d) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité ";

Que cependant l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle et l'article 13 § 1 du règlement (CE) n° 207/2009 prévoient l'épuisement du droit conféré par la marque, ce droit ne permettant pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce de l'Espace économique européen, sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ; qu'en vertu de ces dispositions, le titulaire de la marque ne peut pas s'opposer à la libre circulation des produits marqués à l'intérieur de l'Espace économique européen, après que ces produits ont été mis dans le commerce de cet espace, par lui-même ou avec son consentement ; qu'en revanche, l'importation de produits marqués dans l'Espace économique européen, sans l'autorisation du titulaire, donne à ce dernier un droit de suite et de contrôle jusqu'à l'acquéreur final ;

Qu'il incombe à la partie qui se prévaut de l'épuisement du droit de marque de démontrer cet épuisement pour chacun des exemplaires authentiques du produit concerné par le litige, c'est-à-dire d'établir que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement ;

Que cependant, l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux fait obstacle à ce que le tiers poursuivi par le titulaire de la marque supporte la charge de la preuve de l'épuisement du droit de marque ; que le défendeur à l'action en contrefaçon est alors autorisé à ne pas révéler sa source d'approvisionnement (un membre du réseau de distribution agréé) et il appartient au titulaire de la marque de prouver que les produits en cause ont été initialement mis dans le commerce, par lui-même ou avec son consentement, en dehors du territoire de l'Espace économique européen ;

Considérant qu'en l'espèce, les sociétés Auchan et Somarvrac invoquent plusieurs éléments établissant, selon elles, l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés : la segmentation territoriale du marché de l'Espace économique européen résultant d'un système de distribution exclusive, la pratique de prix différenciés selon les territoires, le refus de Converse de produire ses contrats de distribution exclusive, le refus de distributeurs exclusifs de répondre à des sollicitations de clients situés en dehors de leur territoire (courriels jugés probants par plusieurs juridictions), les nombreuses décisions de justice ayant constaté l'éviction, par le passé, d'un distributeur officiel (Fomicron) ayant commercialisé les produits en dehors de son territoire et l'absence de justification par Converse de la signature de nouveaux contrats de distribution exclusive depuis cette époque, le refus de Converse de permettre à Auchan d'interroger son prestataire Avery Dennison avant de mettre en vente les produits en cause ; que les appelantes ajoutent que les factures versées aux débats par les sociétés Converse ne permettent pas de contredire l'existence du risque réel de cloisonnement des marchés, une partie portant sur des produits qui ne sont pas des chaussures ou concernant des opérateurs internet et le reste ne concernant pas un nombre de produits significatifs ;

Considérant que la période à prendre en considération, suffisamment proche de la commercialisation des marchandises litigieuses, peut être fixée, comme le tribunal l'a retenu, à 2011/2013 ;

Considérant qu'un système de distribution exclusive, comme celui mis en place par la société Converse, chaque distributeur se voyant reconnaître une exclusivité territoriale sur une partie du marché de l'Espace économique européen, n'emporte pas, en soi, un risque réel de cloisonnement des marchés et ne peut constituer qu'un indice devant être conforté par d'autres ; que le risque réel de cloisonnement du marché ne doit pas s'entendre d'une simple possibilité de cloisonnement mais suppose une situation de nature à nuire concrètement à l'intégration des différents marchés nationaux au sein du marché unique ;

Que les appelantes exposent qu'en raison des prix différenciés au sein du réseau de distribution, les détaillants (tels Auchan) sont enclins à chercher à s'approvisionner auprès de distributeurs pratiquant des prix plus bas que le distributeur exclusif de leur secteur et que les distributeurs bénéficiant de meilleurs tarifs sont enclins à répondre positivement à ces demandes et qu'ainsi Converse cherchera à identifier les distributeurs bénéficiant de meilleurs tarifs et pratiquant des ventes en dehors de leur territoire afin de les en dissuader, ce qui induit un risque de tarissement de la source d'approvisionnement pour les produits au meilleur prix ; que cependant, l'existence de prix différents selon les territoires ne peut établir l'existence d'un risque de cloisonnement, la preuve d'un intérêt à recourir aux importations parallèles ne pouvant s'analyser, ainsi que le tribunal l'a pertinemment retenu, comme la démonstration que le titulaire des marques concernées aurait pour objectif d'empêcher ces importations parallèles ;

Que par ailleurs les sociétés appelantes invoquent vainement huit courriels de distributeurs exclusifs Converse ayant répondu à des sollicitations d'acheteurs situés en dehors de leur territoire qu'il leur était interdit de vendre les produits en dehors de ce territoire, ces courriels, datant de 2007 ou 2009, étant trop antérieurs à la période de référence, indépendamment des incohérences qu'ils recèlent et que soulignent les intimées ;

Qu'il en est de même de l'éviction du distributeur exclusif autrichien Formicron en 1992 et de pratiques constatées au cours des années 2008 et 2009 par plusieurs décisions judiciaires ayant estimé le risque de cloisonnement du marché avéré ;

Que comme il a été dit supra, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à tirer argument du refus des sociétés Converse de leur permettre un accès direct au système de contrôle Avery Dennison ;

Que le refus de la société Converse de produire ses contrats de distribution exclusive, s'il ne manque pas de questionner, ne sera pas retenu comme un indice de l'existence d'un risque de cloisonnement des marchés, dès lors que les intimées, en produisant plusieurs factures certifiées sur le plan comptable portant notamment sur des chaussures, établissent, comme le tribunal en a jugé, la réalité de ventes passives (ou intersecteurs) quantitativement significatives pendant les années de référence 2011/2013, ce caractère significatif devant être apprécié au regard du fait que la société Converse n'ayant pas la maîtrise de la comptabilité de ses distributeurs qui sont indépendants, elle peut être suivie quand elle affirme que les factures produites ne recouvrent pas la totalité des ventes passives intervenues ; que sont ainsi produites des factures certifiées portant sur : la vente en 2012 par le distributeur pour l'Italie d'environ 1600 paires de chaussures outre des vêtements (16 factures) à la société allemande Zalando ; la vente en 2011 par le distributeur allemand All Star Dach de chaussures et de vêtements (4 factures) à des détaillants luxembourgeois ; la vente en 2011 et 2012 par le distributeur estonien Sportland de chaussures (19 976 paires) au détaillant espagnol Pelham ; la vente par le distributeur néerlandais Kesbo Sport en 2013 de chaussures au distributeur allemand All Star Dach ainsi qu'à des détaillants allemand, danois, belge, lituanien et hongrois ;

Qu'en l'état des éléments versés de part et d'autre, l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés n'est pas établie ; qu'il appartient dès lors aux sociétés Auchan et Somarvrac de démontrer que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement ;

Considérant qu'à cet égard, les sociétés Auchan et Somarvrac invoquent trois procès-verbaux de constat d'huissier établis par Me Nakache les 4 et 14 décembre 2012 et 21 janvier 2013, à la requête de la société de droit suisse Dieseel, ancien fournisseur de la société Smatt, radiée en 2016 du registre des sociétés suisses, qui font apparaître, pour trois factures d'achat de la société Smatt auprès de la société Dieseel (facture n° 3943 du 20 novembre 2012, facture n° 3946 du 3 décembre 2012 et facture n° 3953 du 31 décembre 2012), une chaîne de distribution depuis une société " Z ", identifiée par l'huissier comme étant un revendeur officiel de la société Converse sur le territoire européen, vers une société " X ", laquelle a vendu à la société Dieseel qui a revendu à la société Smatt ; que comme le tribunal l'a relevé à juste raison, ces documents ne permettent cependant pas de démontrer que les chaussures objet du litige, offertes à la vente par la société Auchan après les avoir acquises auprès de la société Smatt, proviennent du même lot que celles objet des factures examinées par l'huissier et identifiées comme ayant été mises sur le marché par le distributeur "Z", la cour observant en outre, comme le tribunal, que l'huissier s'est borné à examiner les documents qui lui ont été présentés sans pouvoir vérifier leur authenticité ou leur exhaustivité ;

Qu'au surplus, les sociétés Converse produisent un constat d'huissier de justice établi, après autorisation judiciaire, le 11 octobre 2016 dans les locaux de la société Wegetrans, prestataire étant intervenu dans la livraison de marchandises marquées Converse, aux Pays-Bas, duquel il ressort que le lot de 13 716 paires de chaussures vendues par la société Dieseel à la société Smatt selon la facture précitée n° 3946 du 3 décembre 2012 a été acquis auprès d'une société slovène Odlicen Sport qui l'avait elle-même acquis d'une société australienne Atlas Footwear PTE, la facture de cette société australienne portant la mention "Origin : China" et montrant donc que les produits concernés ne proviennent pas d'un distributeur européen agréé Converse mais ont une origine extra-communautaire ;

Que les sociétés Auchan et Somarvrac ne peuvent prétendre s'exonérer de la preuve qui leur incombe en arguant des " turpitudes des sociétés Converse et de leurs distributeurs exclusifs consistant à mettre volontairement des produits contrefaisants sur le marché et à brouiller la traçabilité des produits, ce qui porte atteinte du même coup, à la possibilité même d'apporter la preuve de l'épuisement des droits " et en invoquant, à ce titre, la mise sur le marché par la société Converse de produits contrefaisants censée permettre de découvrir leur source ou des pratiques de fausse facturation mises en œuvre par un distributeur du réseau afin de dissimuler des ventes passives, tous ces comportements ayant été constatés dans d'autres espèces, étant afférents à des marchandises et des périodes (2009) différentes de celles en cause et ne pouvant donc avoir d'incidence sur la solution du présent litige ;

Considérant, dans ces conditions, que les sociétés Auchan France et Somarvrac n'établissent pas que les chaussures litigieuses ont été acquises auprès d'un revendeur agréé Converse se situant dans l'Espace économique européen et, par suite, ne démontrent pas le consentement, même implicite, de la société Converse à la première commercialisation des produits ;

Considérant que l'usage illicite des marques internationales désignant l'Union européenne Converse All Star n° 924 653 et All Star n ° 929 078 et de la marque française semi-figurative Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944 par les sociétés Auchan France, Somarvrac et Smatt, constitutif de contrefaçon, est ainsi caractérisé ; Qu'en conséquence, pour ces motifs, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur les mesures réparatrices

Sur les demandes indemnitaires

Considérant qu'en application de l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, applicable aux marques communautaires en vertu de l'article L. 717-2 du même code, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ; que le même texte prévoit que la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte, cette somme n'étant pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ;

Considérant que la société All Star, titulaire des marques et venant aux droits de la société Converse, sollicite une augmentation des sommes allouées en première instance, soit la somme de 60 000 € au titre de l'atteinte portée à ses trois marques notoires (3 x 20 000 €) et celle de 300 000 € au titre du préjudice commercial, faisant valoir notamment que les bénéfices réalisés par les contrefacteurs sont très importants eu égard notamment aux 37 464 paires de chaussures achetées par la société Auchan auprès de la société Smatt en vue de leur revente, dont 23 331 avaient été vendues au jour de la saisie-contrefaçon pour un chiffre d'affaires de plus de 937 662 €, représentant une marge de près de 250 000 € ;

Que les sociétés Auchan et Somarvrac soutiennent que la société All Star n'est pas fondée à réclamer réparation d'un préjudice commercial dès lors que la commercialisation des chaussures est le fait de distributeurs exclusifs, telle la société Royer Sport pour la France qui n'intervient pas à la présente procédure, que la masse contrefaisante ne peut être constituée que des paires de chaussures dont les codes apparaissent dans les attestations de M. Chamandy et pour lesquels il conclut au caractère contrefaisant et qu'il n'est démontré aucun impact sur la valeur ou le pouvoir distinctif des marques concernées ; qu'elles ajoutent qu'aucune condamnation solidaire ne pourrait être prononcée à l'encontre de la société Somarvrac qui n'a acquis auprès de la société Auchan que 48 paires de chaussures ;

Considérant que les premiers juges ont procédé, par des motifs que la cour adopte, à une exacte appréciation du préjudice subi par la société All Star en lui allouant la somme de 20 000 € pour réparer le préjudice résultant de l'atteinte portée à la valeur distinctive de ses marques, cette condamnation devant être mise solidairement à la charge des trois sociétés en cause qui ont concouru à la commission des faits, et celle de 150 000 € pour réparer son préjudice commercial, lequel résulte du manque à gagner induit par la mise sur le marché de chaussures revêtues illicitement de ses marques et du détournement de clientèle qui en est résulté, cette somme devant être payée solidairement par les seules sociétés Auchan et Smatt, la société Somarvrac n'ayant pas contribué au préjudice commercial du fait que les chaussures qu'elle a acquises auprès de la société Auchan ont été appréhendées par les douanes avant leur mise en vente ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ces points ;

Qu'en raison de la liquidation judiciaire de la société Smatt intervenue postérieurement au jugement, il y a lieu de fixer la créance de la société All Star au passif de cette société ;

Sur la garantie de la société Smatt

Considérant que le jugement, en ce qu'il a dit que la société Smatt sera tenue de garantie la société Auchan en application de son obligation contractuelle résultant du contrat de distribution du 20 décembre 2011, n'est pas contesté et sera par conséquent confirmé ;

Sur les autres mesures

Considérant que le jugement sera également confirmé, par motifs adoptés, en ce qu'il a ordonné la destruction des marchandises retenues en douane et rejeté les mesures d'interdiction et de publication sollicitées par les sociétés Converse ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que les sociétés Auchan et Somarvrac qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;

Que la somme globale qui doit être mise à la charge des sociétés Auchan et Somarvrac in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel par les sociétés Converse et All Star peut être équitablement fixée à 10 000 € ;

Par ces motifs, LA COUR, Par arrêt contradictoire, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Rejette la demande d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par les sociétés Auchan et Somarvrac, Fixe la créance de la société All Star au passif de la société Smatt pour le montant des sommes allouées, Condamne in solidum les sociétés Auchan et Somarvrac aux dépens d'appel et au paiement aux sociétés Converse et All Star de la somme globale de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.