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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 25 janvier 2018, n° 15-05316

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pesage Midi-Pyrénées (SAS)

Défendeur :

Bizerba (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernaud

Conseillers :

Mme Clément, M. Nicolas

T. com. Lyon, du 1er juin 2015

1 juin 2015

La SAS Pesage Midi-Pyrénées a signé, le 13 octobre 2010, un contrat de distribution exclusive avec la SAS Bizerba, pour une durée d'un an renouvelable.

Après plusieurs reconductions de ce contrat, la SAS Bizerba l'a résilié par courrier du 26 novembre 2013, au motif que la SAS Pesage Midi-Pyrénées n'avait pas réalisé les objectifs de chiffre d'affaires et n'avait pas respecté son obligation de transmettre les fichiers d'affaires en cours.

Par acte d'huissier du 5 mars 2014, contestant les manquements qui lui étaient reprochés et accusant la SAS Bizerba de ne pas avoir respecté la clause d'exclusivité, la SAS Pesage Midi-Pyrénées a assigné cette dernière devant le Tribunal de commerce de Lyon, qui par jugement du 1er juin 2015, a :

- constaté le caractère bien fondé de la résiliation du contrat de distribution par la SAS Bizerba,

- constaté l'absence de manquements de la SAS Bizerba à son obligation d'exclusivité,

- débouté la SAS Pesage Midi-Pyrénées de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté la SAS Bizerba de ses autres demandes, fins et prétentions,

- condamné la SAS Pesage Midi-Pyrénées aux dépens et à payer la somme de 500 € à la SAS Bizerba au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 30 juin 2015, la SAS Pesage Midi-Pyrénées a interjeté appel de cette décision.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 8 février 2016 par la SAS Pesage Midi-Pyrénées qui conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de condamner la SAS Bizerba à lui payer les sommes de :

- 10 000 € en réparation du préjudice subi consécutivement à la violation de l'obligation d'exclusivité de la SAS Bizerba à son égard,

- 50 000 € en réparation de son préjudice financier en raison de la résiliation abusive du contrat,

- 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 7 avril 2016 par la SAS Bizerba qui conclut à la confirmation du jugement critiqué et demande à la cour de débouter la SAS Pesage Midi-Pyrénées de toutes ses demandes et de la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 mai 2016.

MOTIFS ET DECISION

I. Sur la violation de la clause d'exclusivité par la SAS Bizerba :

La SAS Pesage Midi-Pyrénées expose que les sociétés étaient liées par un contrat de distribution exclusive jusqu'au 15 octobre 2014 ; que la SAS Bizerba a violé ce contrat, d'une part en permettant à d'autres sociétés concurrentes de distribuer ses produits sur le secteur normalement confié à l'exclusivité de la SAS Pesage Midi-Pyrénées et d'autre part en vendant directement ses produits sur le secteur géographique affecté exclusivement à cette dernière ; que la société Mado France a par exemple distribué sur toute la France, les produits Bizerba, en violation de l'exclusivité, le vendeur de la SAS Pesage Midi-Pyrénées ayant été confronté sur le terrain à l'apparition d'autres revendeurs des produits Bizerba, un ancien employé de la société Bizerba, Monsieur X, attestant que cette dernière a d'ailleurs elle-même procédé à des ventes.

La SAS Bizerba accuse la SAS Pesage Midi-Pyrénées d'avoir cessé ses commandes de matériel, laissant le chiffre des commandes s'effondrer à partir d'octobre 2013 alors qu'elle avait elle-même toujours respecté son obligation d'exclusivité ; que la société Mado travaillait sur un secteur distinct, sans qu'aucun contrat n'ait jamais été consenti à cette dernière sur le secteur de la SAS Pesage Midi-Pyrénées, aucun élément du dossier ne permettant par ailleurs d'établir qu'une société Edonis la concurrencerait.

Sur ce :

Aux termes du contrat de distribution exclusive conclu entre les parties le 13 octobre 2010, la SAS Bizerba France a confié à la SAS Pesage Midi-Pyrénées l'exclusivité de la vente de produits définis comme des balances et des trancheurs, sur un territoire déterminé par les départements 09, 31, 11, 82, 80, 32 et 46 et auprès d'une clientèle limitée et définie selon deux rubriques : commerces indépendants dont la surface de vente est inférieure à 400 m², ayant pour objet la revente au détail, demi gros et gros d'une part et commerces alimentaires non sédentaires d'autre part.

Aucune correspondance visant à reprocher à la SAS Bizerba d'avoir contrevenu à son obligation d'exclusivité n'a été échangée entre les parties au cours de leurs relations contractuelles et les accusations portées à ce titre par la SAS Pesage Midi-Pyrénées n'ont été formulées qu'à la suite de la rupture du contrat par sa cocontractante.

Le document publicitaire daté du 14 octobre 2013, établi par la société Mado France, dont aucun élément du dossier ne permet à la cour de constater qu'il aurait été effectivement reçu directement par la SAS Pesage Midi-Pyrénées, ne suffit pas à établir la réalité d'une représentation par l'intéressée de la SAS Bizerba sur le secteur d'activité défini au titre de l'exclusivité du contrat de distribution conclu entre les parties ; il s'avère en effet que la société Mado France, filiale française du groupe allemand Mado, est établie en Alsace et par mail du 5 mai 2014, le responsable de la SARL Mado France confirme " qu'aucun contrat ne lie nos deux sociétés Bizerba France SAS et Mado France SARL quant à nos activités en France ".

Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, aucun élément du dossier ne permet donc de caractériser en cela l'existence d'un manquement contractuel commis par la SAS Bizerba, au titre de la clause d'exclusivité, ne serait-ce même qu'à titre de complice d'une société tiers dont le rayonnement national n'est d'ailleurs pas démontré par la simple adjonction du mot " France " dans son nom commercial.

Le courrier daté du 10 janvier 2014, établi par Y, salarié de la SAS Pesage Midi-Pyrénées, ne peut par ailleurs, compte tenu du lien de subordination unissant ce dernier à cette société, constituer un élément de preuve suffisant pour démontrer la violation de la clause d'exclusivité, alors même que ce dernier ne se borne pas dans ses explications à décrire des faits mais fait part de son analyse concernant les reproches exprimés à l'encontre de la SAS Bizerba, de façon générale et plus spécialement en ce qui concerne l'activité d'une société Edonis qui concurrencerait la SAS Pesage Midi-Pyrénées.

Aucun élément ne permet à la cour de constater à ce titre que la SAS Bizerba a effectivement demandé à la société Edonis d'effectuer le démarchage de la boucherie Lascours et le devis établi le 7 août 2013 à destination de cette dernière ne démontre pas un ordre préalable de la SAS Bizerba.

Il s'avère enfin que l'attestation délivrée par X, commercial de la SAS Bizerba du 2 juin 2009 au 4 mars 2014, ne peut suffire à faire la preuve de l'existence de ventes directes sur le marché par le mandant, alors même que l'attestant se trouvant engagé dans un conflit judiciaire au titre de l'application d'une clause de non-concurrence et que les 2 ventes directes qui auraient été passées par ses soins sur le secteur géographique de la SAS Pesage Midi-Pyrénées, ne sont ni situées dans le temps ni décrites dans leur consistance ou leur montant.

Le premier juge a donc justement considéré que la SAS Pesage Midi-Pyrénées ne démontrait pas la violation par la SAS Bizerba de son obligation d'exclusivité ; le jugement qui a rejeté la demande indemnitaire présentée de ce chef par le distributeur mérite donc confirmation.

II. Sur la résiliation du contrat de distribution exclusive :

La SAS Pesage Midi-Pyrénées considère que la résiliation du contrat de distribution exclusive par la société Bizerba est abusive, affirmant n'avoir pas manqué à ses obligations contractuelles ; elle précise que le chiffre d'affaires à atteindre était de 20 000 € par trimestre et sur tout le secteur et non de 20 000 € par trimestre et par département couvert ; qu'un tel chiffre d'affaires par département n'était pas réalisable et que les parties n'ont jamais entendu prévoir cette modalité, de tels objectifs par secteur étant d'ailleurs pratiqués par la SAS Bizerba avec d'autres distributeurs ; que si tel avait été le cas, au regard du chiffre d'affaire réalisé par la SAS Pesage Midi-Pyrénées, la SAS Bizerba aurait rompu le contrat bien plus tôt, alors même que celui-ci a au contraire été renouvelé à trois reprises.

Elle explique enfin que l'obligation de transmettre par mail les fichiers des affaires en cours n'a jamais été appliquée car celle-ci a été remplacée par des réunions entre les deux sociétés par l'intermédiaire de leurs employés ; que la SAS Bizerba ne produit d'ailleurs aucun écrit où elle sollicite l'exécution de cette obligation.

Elle en conclut qu'ayant refusé de signer un avenant après la reconduction du 13 octobre 2013, c'est par représailles que la SAS Bizerba a rompu les relations contractuelles.

La SAS Bizerba fait valoir que la rupture du contrat était bien fondée dans la mesure où la SAS Pesage Midi-Pyrénées n'a pas respecté ses objectifs de vente par trimestre et par département, soit de 20 000 € HT par département, sur 7 départements, soit la somme globale de 140 000 € par trimestre ; que pour l'année 2013, elle a réalisé des chiffres d'affaires de 14 592,50 € HT au premier trimestre, 31 311 € pour le deuxième et 35 235,90 € pour le troisième ; que le contrat des parties prévoyait que le non-respect des objectifs entraînait la possibilité de rompre le contrat de plein droit et sans autre formalité.

Elle ajoute que la SAS Pesage Midi-Pyrénées n'a pas non plus respecté son obligation contractuelle de rendre compte par courriel des affaires en cours, de manière mensuelle, cette inexécution justifiant la résiliation du contrat alors même qu'il n'est pas démontré que cette obligation a été transformée en réunions mensuelles ; elle explique être en litige avec son ancien employé, Monsieur X, situation mettant en cause la crédibilité de l'attestation de ce dernier.

Sur ce :

Il était prévu au contrat des parties que le distributeur s'engageait à commander chaque trimestre à compter du 1er janvier 2011, un montant minimal de 20 000 € HT par département couvert ; que le non-respect de cette obligation pendant deux trimestres consécutifs entraînerait la résiliation de plein droit du contrat à l'expiration de la période de référence et que la résiliation du contrat prendrait effet sans autre formalité, à la première présentation de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par Bizerba France au distributeur pour constater ce manquement.

Au paragraphe " obligations du distributeur ", était également prévue à la charge de ce dernier, la transmission par mail au responsable des ventes indirectes, avant le 10 de chaque mois, du fichier des affaires en cours prévu à cet effet.

Il n'est pas discuté par la SAS Pesage Midi-Pyrénées que les deux premières années 2011 et 2012, n'ont pas répondu aux objectifs ainsi exprimés aux termes du contrat écrit des parties.

Selon la SAS Bizerba, des commandes auraient été passées en 2013, à hauteur d'une somme globale tous départements du secteur confondus, de 14 592,50 € HT pour le premier trimestre, 31 311 € pour le deuxième trimestre et 35 235,90 € pour le troisième trimestre ; selon la SAS Pesage Midi-Pyrénées, le montant des commandes aurait été de 15 020 € HT pour le premier trimestre, 24 459 € HT pour le deuxième trimestre et 41 916 € HT pour le troisième trimestre ; quels que soient les chiffres retenus, il s'avère que les performances atteintes se trouvaient largement en deça des objectifs attendus, s'élevant à minima à la somme globale de 140 000 € HT (7 départements X 20 000 €).

La SAS Pesage Midi-Pyrénées n'a pas démontré devant le premier juge, l'erreur manifeste dont elle faisait état au titre de la fixation des objectifs entre les parties aux termes du contrat écrit ; elle ne démontre pas plus en cause d'appel que la commune intention des parties n'aurait pas été alors celle exprimée par écrit ni qu'une renonciation non équivoque à la clause d'objectifs est intervenue en cours de contrat, la tolérance de la SAS Bizerba au titre des exercices passés ne pouvant valoir renonciation de sa part aux exigences de performance, convenues en contrepartie de l'exclusivité accordée dans le contexte de la création d'un réseau de distributeurs destiné à se développer.

Il est d'ailleurs manifeste, à l'inverse des explications de la SAS Pesage Midi-Pyrénées, qu'un chiffre d'affaire minimum global trimestriel sur 7 départements, de seulement 20 000 € alors même que le prix unitaire des produits distribués, ne se trouvait pas inférieur à 2 000 € HT, se serait avéré particulièrement dérisoire et peu envisageable entre deux sociétés commerciales averties et rompues aux affaires.

Ni le mail de félicitations adressé par le mandant à son distributeur en juillet 2013 s'agissant de la conclusion d'un contrat qualifié de " très beau dossier ", ni l'analyse par un autre distributeur, du périmètre attaché à son objectif de chiffre d'affaires (société Omnipesage Caen) comme étant nécessairement un objectif global sur le secteur, ne permettent non plus d'établir la renonciation non équivoque par la SAS Bizerba à la clause d'objectifs initiale.

La SAS Pesage Midi-Pyrénées ne justifie par ailleurs nullement avoir adressé par mail aux responsables des ventes indirectes avant le 10 de chaque mois le fichier des affaires en cours et elle n'apporte aucun élément au dossier qui permettent à la cour de constater que les parties avaient entendu transformer cette obligation pesant sur le distributeur, par l'organisation de réunions mensuelles ou de contacts téléphoniques, dont elle ne rapporte d'ailleurs pas la preuve de leur existence.

La réalité des manquements de la SAS Pesage Midi-Pyrénées a justifié la rupture des relations commerciales à l'initiative de la SAS Bizerba ; elle n'est donc pas abusive et le jugement qui a débouté la SAS Pesage Midi-Pyrénées de sa demande indemnitaire à ce titre mérite confirmation.

III. Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

L'équité et la situation économique des parties commandent l'octroi à la SAS Bizerba, à la charge de la SAS Pesage Midi-Pyrénées, d'une indemnité supplémentaire en cause d'appel de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, cette dernière qui succombe et doit être condamnée aux dépens, ne pouvant qu'être déboutée en sa demande de ce chef.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er juin 2015 par le tribunal de commerce de Lyon, Y ajoutant, Condamne la SAS Pesage Midi-Pyrénées à payer à la SAS Bizerba une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SAS Pesage Midi-Pyrénées de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Pesage Midi-Pyrénées aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.