Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 31 janvier 2018, n° 17-22364

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Général Import (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Baechlin, Wilhelm, Genin, Genova

Aut. conc., du 30 nov. 2017

30 novembre 2017

Par assignation en date du 11 décembre 2017, la SAS Général Import a formé un recours contre une décision du Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence (ci-après l'ADLC) statuant sur la protection du secret des affaires ou de levée de la protection accordée.

La société Général Import expose qu'à la suite d'une demande d'information de la rapporteur générale adjointe de l'ADLC, elle a communiqué des informations très sensibles portant sur les relations commerciales qu'elle entretient avec ses fournisseurs et a sollicité la protection au titre du secret des affaires desdites informations.

Il a été accédé à sa demande de classer les pièces confidentielles du dossier par décision n° 17-DSA-392 du 28 septembre 2017 du rapporteur général de l'ADLC.

Par décision n° 17-DEC-552 du 30 novembre 2017, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a décidé de rendre accessibles les informations litigieuses en estimant que les autres parties devaient en prendre connaissance et que dans ces conditions, il y avait lieu de rendre les éléments identifiés dans l'article 1er du dispositif de la présente décision accessibles à tous.

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 20 décembre 2017 et mise en délibéré pour être rendue le 17 janvier 2018, et prorogée au 31 janvier 2018.

Par conclusions en réponse et récapitulatives, la société requérante fait valoir :

- le défaut de motivation de la décision n° 17-DEC-522 du 30 novembre 2017 du rapporteur général de l'ADLC

Il est soutenu que toute décision juridictionnelle doit être motivée au regard de l'article 6§1 de la CESDH et de l'article 455 du Code de procédure civile et que cette obligation s'applique aux autorités de régulation françaises compétentes en droit économique et financier et disposant de pouvoir de sanction telles que l'ADLC.

En l'espèce, il est indiqué que le Rapporteur général de l'ADLC a décidé de rendre accessibles les informations litigieuses aux termes d'une motivation lapidaire, ne prenant pas la peine de préciser, dans sa décision, pourquoi " les autres parties (...) doivent prendre connaissance " de la version confidentielle de ces informations.

Il est argué que l'article R. 463-15 du Code de commerce ne permet au rapporteur de rendre accessibles des versions confidentielles que si les informations en cause " sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense d'une ou plusieurs parties ou que celles-ci doivent en prendre connaissance pour les besoins du débat devant l'Autorité ".

Il est précisé qu'en n'indiquant pas les raisons pour lesquelles les informations relatives aux relations commerciales entre la société General Import doivent être portées à la connaissance des autres parties à la procédure, la décision attaquée place la société General Import dans l'impossibilité, d'une part, de vérifier que la décision n'est pas purement arbitraire et, d'autre part, de la contester de manière rationnelle et argumentée. De plus, la décision du rapporteur ne précise pas quelles sont les informations contenues dans les cotes litigieuses qui seront rendues accessibles et quelles sont les parties qui vont avoir accès à la version confidentielle des informations.

Dès lors, la société requérante déduit de cette absence de motivation, la violation de ses droits fondamentaux et notamment des articles de la CESDH et R. 463-15 du Code de commerce et qu'en conséquence, la décision entreprise doit être infirmée.

- les conditions d'accessibilités aux informations de la société General Import couvertes par le secret des affaires ne sont pas réunies

1 - Le droit à la protection du secret des affaires

Il est argué que l'accès aux pièces remises par l'ADLC n'est pas un droit absolu et que dans le cadre des procédures devant l'ADLC, nombre d'informations contenues dans les documents remis sont sensibles et confidentielles et, si elles venaient à être communiquées aux autres parties en cause dans la procédure ou à être publiées, les intérêts des entreprises en cause seraient gravement lésés.

Selon la requérante, l'ADLC a décidé de déclasser des informations qui rentrent dans la définition classique des données protégées, dès lors qu'elles :

- portent sur la nature des produits distribués par la société General Import, l'identité de ses fournisseurs et les relations contractuelles entretenues par la société General Import avec ses fournisseurs ;

- relèvent de la stratégie commerciale de la société General Import et sont, par nature, des informations strictement confidentielles, non publiques, extrêmement sensibles et stratégiques ;

- offriraient des données stratégiques sur la politique commerciale de la société General Import et sa capacité éventuelle à adapter sa stratégie actuelle et future à l'égard de certains de ses concurrents et de ses fournisseurs.

Dès lors, d'une part, elles permettraient aux concurrents de la société General Import d'obtenir une vision globale et précise sur la nature des relations, au risque de porter irrémédiablement et gravement préjudice à sa stratégie actuelle et future et d'autre part, aux fournisseurs de la société General Import d'exiger certaines conditions commerciales que la société General Import doit pouvoir continuer à déterminer librement.

Ainsi, le refus de l'ADLC de protéger les cotes 472 et 473 aurait pour conséquence, au regard des informations sensibles qu'elle contient, de porter gravement atteinte à la concurrence sur le marché sur lequel la société General Import exerce son activité.

Selon la requérante, l'argument selon lequel le Rapporteur général explique que les pièces concernées sont nécessaires au débat contradictoire car elles permettraient d'établir le faisceau d'indices démontrant une pratique concertée, serait inopérant dans la mesure où le service instruction de l'ADLC dispose bien de la totalité de l'information puisque le classement en secret des affaires ne le concerne pas.

Par ailleurs, le second motif invoqué, à savoir que les pièces concernées seraient " en tout état de cause, peu sensibles ", connues des opérateurs locaux et, en particulier, de la partie saisissante, soit accessibles sur internet (...), n'est pas pertinent.

En conséquence, la société General Import considère qu'elle est donc fondée à s'opposer à la communication de ces informations aux parties à la procédure sur le fondement du droit à la protection du secret des affaires et il est demandé de constater que la décision attaquée ne démontre par la nécessité de lever le secret des affaires demandé par la société General Import.

2 - la levée du secret des affaires n'est pas justifiée au regard de l'exercice des droits de la défense et au regard des débats

a - au regard de l'exercice des droits de la défense

En l'espèce, la demande de mainlevée n'émane pas d'une partie à la procédure, mais du Rapporteur général et dès lors que la société General Import est la partie poursuivie, elle est la seule à pouvoir invoquer la communication des documents couverts par le secret des affaires, au titre des droits de la défense.

Dès lors, la décision du rapporteur en charge de la procédure de lever le secret des affaires n'est en aucun cas justifiée au titre de difficultés relatives à l'exercice des droits de la défense.

b - la levée du secret des affaires n'est pas nécessaire aux débats

La requérante fait valoir que la protection du secret des affaires ne peut céder devant le respect du contradictoire que si le défaut de communication des pièces comportant des informations protégées par ce secret porterait atteinte aux intérêts des parties à qui le secret est opposé.

En l'espèce, d'une part, les services de l'instruction de l'ADLC ont accès aux versions confidentielles et non confidentielles des pièces communiquées par la société General Import et d'autre part, la partie saisissante, qui n'est pas à l'origine de la demande de la levée du secret des affaires, aura accès à la version non confidentielle communiquée par General Import aux services d'instruction. Ces éléments sont suffisants pour permettre à la partie plaignante de formuler ses observations à l'ADLC.

Selon General Import il n'y a donc pas de nécessité de rendre accessibles à l'ensemble des parties la version confidentielles des cotes 472 et 473 qui portent sur les relations commerciales entretenues par la société General Import et ses fournisseurs.

Par conséquent, il est demandé de constater que la décision du Rapporteur général de l'ADLC ne démontre pas la nécessité de lever le droit au secret des affaires en application de l'article R. 463.15 du Code de commerce.

En conclusion, il est demandé de dire et juger que le recours de la société General Import est recevable et bien fondé, réformer la décision n° 17-DEC-522 du 30 novembre 2017 du rapporteur général de l'ADLC, dire que la version confidentielle des cotes 472 et 473 ne sera pas rendue accessible à l'ensemble des parties, et de condamner le Rapporteur général de l'ADLC aux dépens.

Par observations en réponse datées du 19 décembre 2017, le rapporteur général de l'ADLC, fait valoir que le société Sodiwal a saisi l'ADLC de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de consommation à Wallis-et-Futuna.

Faisant suite à une demande d'information, la société General Import a communiqué à l'ADLC, le 26 juin 2017, des informations portant sur les relations commerciales qu'elle entretient avec ses fournisseurs.

Par la suite, il a été fait droit à la demande de General Import de classer en annexe confidentielle les informations transmises et cotées sous les numéros 472 et 473.

Par courrier du 20 novembre 2017, le Rapporteur général de l'ADLC a informé General Import que les éléments dont elle avait demandé la protection au titre du secret des affaires étaient nécessaires pour les besoins du débat devant l'ADLC et devaient être portés à la connaissance de l'ensemble des parties.

General Import s'est opposée à l'utilisation de ces éléments en soulignant leur importance stratégique sur sa politique commerciale et sa capacité actuelle et future à l'égard de certains de ses documents et de ses fournisseurs.

Enfin par décision n° 17-DEC-522 du 30 novembre 2017, le Rapporteur général de l'ADLC a rendu accessibles à l'ensemble des parties, les pièces en litige au motif qu'elles étaient nécessaires pour les besoins du débat devant l'Autorité.

Il s'agit de la décision contestée.

Par écritures en réponse déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 20 décembre 2017, le Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence fait valoir :

1 - Sur le défaut de motivation de la décision n° 17-DEC-522 du 30 novembre 2017

Il est argué qu'une décision de déclassement de pièces confidentielles prises par le Rapporteur général de l'ADLC n'est soumise à aucune obligation de motivation particulière. L'autorité cite, à l'appui de son argumentation, les dispositions de l'article 1er de l'article R. 463-15 du Code de commerce et expose qu'en l'espèce, la décision de déclassement n° 17-DEC-522 du Rapporteur général a bien été prise à l'issue d'un débat contradictoire avec General Import.

Ainsi la décision contestée est suffisamment motivée, dès lors qu'elle comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent son fondement. Elle vise les courriers des 20 et 23 novembre 2017, expose les bases légales de la décision et indique que la communication des informations confidentielles en cause était justifiée par les nécessités du débat contradictoire devant l'ADLC en précisant que la version confidentielle des pièces cotées 472 et 473 est rendue accessible à l'ensemble des parties.

Dès lors, General Import ne déduisant aucune conséquence de son moyen tiré du défaut de motivation sur la légalité externe de la décision litigieuse, il est demandé d'écarter ce moyen.

2 - Sur le droit à la protection du secret des affaires

Il est soutenu que l'intérêt privé lié à la non-divulgation d'informations couvertes par le secret des affaires, qui ne peut en aucun cas faire échec aux droits de la défense, doit être mis en balance avec un triple intérêt public : celui attaché à la préservation de l'ordre public économique, celui de mener les procédures qui relèvent du champ de l'article 6 de la CEDH dans un délai raisonnable et celui qui impose un débat pleinement contradictoire sur les faits.

Ainsi, en l'espèce, les informations sont nécessaires pour caractériser les pratiques ou le manquement aux engagements et constituent en elles-mêmes le cœur du problème traité par l'ADLC, elles échappent à la confidentialité et à la protection légitime du secret des affaires.

a - des informations nécessaires au débat contradictoire devant l'ADLC

Au cas présent, dans sa saisine, la société Sodiwal, qui exploite une grande surface sur le territoire de Wallis-et-Futuna dénonce l'existence d'accords exclusifs d'importation entre sa concurrente, General Import, et des fournisseurs étrangers. Selon la saisissante, ces pratiques seraient contraires à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce qui prévoit que " sont prohibés dans les collectivités relevant de l'article 73 de la constitution à savoir les départements et régions d'outre-mer et dans les collectivités d'outre-mer, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs à l'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises ".

Les pièces faisant l'objet d'un déclassement sont constituées d'un tableau exposant les produits commercialisés par General Import sur le territoire de Wallis-et-Futuna et les conditions d'approvisionnement de ces produits auprès des fournisseurs.

Par ailleurs, les produits commercialisés ne font pas l'objet d'accords écrits et leur approvisionnement s'effectue soit directement auprès des industriels, soit par l'intermédiaire de bureaux d'achats-vente qui travaillent à l'export à partir d'autres pays.

Selon le Rapporteur général, dans la mesure où les produits en cause ne font pas l'objet d'accords écrits, l'existence d'une éventuelle infraction aux termes de l'article L. 420-2-1 du Code de commerce, ne peut être établie qu'à partir d'un faisceau d'indices démontrant une pratique concertée.

Dès lors, les informations communiquées par General Import constituent, selon le Rapporteur général, des indications sur la nature des liens commerciaux existant entre General Import et ses fournisseurs.

Ainsi elles sont indispensables pour l'examen, devant l'Autorité, des pratiques dénoncées et leur éventuelle qualification au regard de l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

b - des informations, en tout état de cause, peu sensibles

D'une part, il est soutenu que les informations communiquées par General Import ne concernent qu'une partie des marques distribuées par le grossiste-importateur et revêtent un caractère très synthétique, seul étant exposé un bref résumé des conditions existant entre General Import et ses fournisseurs.

Ainsi, ces informations ne donnent aucune indication précise et sensible sur les conditions commerciales pratiquées par General Import à l'égard de ses fournisseurs pour les produits concernés.

En outre, la majorité des produits en cause est très bien connue des opérateurs économiques actifs sur le territoire de Wallis-et-Futuna, dans le secteur de la commercialisation de biens de grande consommation.

Il est également indiqué que, chaque année, une liste de produits de première nécessité est portée à la connaissance du public par le biais du site internet de l'Administration supérieure de ce territoire.

A titre illustratif, il est précisé que pour l'année 2016, la grande majorité des produits mentionnée par General Import sur les pièces cotées 472 et 473 faisait partie de la liste de produits de première nécessité.

D'autre part, il est soutenu que les informations concernant l'identité des fournisseurs de General Import sont soit déjà connues par la partie saisissante, soit accessibles librement sur internet.

A l'appui de son argumentation, le rapporteur général cite plusieurs pièces communiquées par la société Sodiwal attestant soit de relations d'exclusivité entre General Import et certains fournisseurs pour la commercialisation de certains produits, et notamment un courriel du 6 août 2013 d'un directeur commercial d'une société productrice indiquant à un exportateur australien que sa société avait un contrat de distribution exclusif avec General Import, via un intermédiaire. Il est également fait état de deux autres courriels dans lesquels les sociétés contactées recommandaient à leurs interlocuteurs de se mettre en rapport préalablement avec la société General Import, notamment pour l'une d'entre elles, " avant l'ouverture de votre magasin ".

En conséquence, la société saisissante connaît des entités susceptibles de lui fournir les produits visés dans les cotes contestées et leurs coordonnées et que, par ailleurs, les entités figurant sur les cotes 472 et 473 disposent de sites internet sur lesquels elles mettent à la disposition de leurs clients des informations relatives aux produits qu'elles commercialisent et leurs conditions de distribution.

Il est conclu que la levée du secret des affaires pour les informations figurant sur les cotes 472 et 473 est justifiée.

3 - Sur la justification de la levée des affaires

a - la justification au regard de l'exercice des droits de la défense

Le Rapporteur général fait valoir qu'aux termes de la décision n° 17-DEC-522, la levée du secret des affaires pour les informations transmises par General Import, est justifiée en l'espèce par les besoins du débat devant l'ADLC et non l'exercice des droits de la défense d'une ou plusieurs parties.

Il est également soutenu que si une partie saisissante ne peut demander le déclassement d'une pièce dont le classement a été demandé par une partie mise en cause, le Rapporteur peut demander une telle mesure pour les besoins de son instruction.

Il est demandé que ce moyen soit écarté.

b - la justification au regard de la nécessité des débats

Il est exposé que la version non-confidentielle des pièces communiquées par General Import ne contient aucune information, dans la mesure où les réponses données par General Import aux questions posées par le rapporteur sont entièrement confidentialisées, si bien que la version non-confidentielle des pièces en cause ne permet pas un débat contradictoire devant l'Autorité.

Le Rapporteur général demande que ce moyen soit rejeté.

En conséquence, il est conclu au rejet de la demande de réformation de la décision n° 17-DEC-522 du 30 novembre 2017 du Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, formée par General Import.

SUR CE

- Sur le défaut de motivation de la décision n° 17-DEC-522 du 30 novembre 2017 du rapporteur général de l'ADLC

Il résulte des dispositions de l'article R. 463-15 du Code de commerce que " lorsque le rapporteur considère qu'une ou plusieurs pièces dans leur version confidentielle sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense d'une ou plusieurs parties ou que celles-ci doivent en prendre connaissance pour les besoins du débat devant l'Autorité, il en informe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la personne qui a fait la demande de protection du secret des affaires contenu dans ces pièces et lui fixe un délai pour présenter ses observations avant que le rapporteur général ne statue. La décision du rapporteur général est notifiée aux intéressés.

Lorsqu'une partie mise en cause n'a pas eu accès à la version confidentielle d'une pièce qu'elle estime nécessaire à l'exercice de ses droits, elle peut en demander au rapporteur la communication ou la consultation en lui présentant une requête motivée dès sa prise de connaissance de la version non confidentielle et du résumé de cette pièce. Il est alors procédé comme à l'alinéa précédent.

Le rapporteur général fixe, le cas échéant, un délai permettant un débat sur les informations, documents ou parties de document nouvellement communiqués ".

Il ressort de l'examen du dossier de la procédure que, lors des échanges entre la société General Import et l'ADLC, cette dernière a précisé, dans son courrier du 20 novembre 2017, le motif pour lequel elle souhaitait lever la protection du secret des affaires pour certaines pièces.

En effet il est indiqué " (...) nous vous informons que les besoins du débat devant l'Autorité imposent à notre sens de communiquer certaines d'entre elles à l'ensemble des parties. Sont concernées les pièces : Cotes 472 et 473 ".

De surcroît, le même courrier précise " (...) vous pouvez, avant le 27 novembre 2017, délai de rigueur, présenter vos observations sur la communication de ces pièces aux parties avant que le rapporteur général adjoint ne statue ".

Dès lors, il doit être constaté que le rapporteur a motivé sa décision en faisant référence à la nécessité de déclasser les cotes 472 et 473 pour les besoins du débat devant l'Autorité et au motif qu'un débat contradictoire a eu lieu avant que celui-ci prenne sa décision.

L'article R. 463-15 précité n'exigeant de décision spécialement motivée et compte tenu du débat contradictoire préalable qui a permis à la société General Import de faire valoir ses arguments, ce moyen sera rejeté.

- Les conditions d'accessibilités aux informations de la société General Import couvertes par le secret des affaires ne sont pas réunies

1 - Le droit à la protection du secret des affaires

Si le principe de la non-divulgation d'informations couvertes par le secret des affaires est un droit consacré par la directive 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret des affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, le droit à la protection du secret des affaires n'est pas absolu.

En effet, il est constant que ce droit doit s'apprécier par rapport à celui relatif à l'exercice des droits de la défense et au besoin du débat devant l'Autorité, notamment lorsque les informations déclassées sont susceptibles de constituer une pratique prohibée.

Il est établi qu'en application de l'article L. 463-4 du Code de commerce, il appartient au Rapporteur général de l'ADLC, saisi à cette fin par une partie ou par le rapporteur de l'affaire (ce qui est le cas en l'espèce), d'apprécier si des informations, documents ou parties de documents dont l'Autorité a été rendue destinataire dans le cadre d'une enquête sur une pratique prohibée par les articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce, sont susceptibles de mettre en jeu le secret des affaires et, dans cette hypothèse, si leur communication ou leur consultation est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise ne cause. Ainsi, le rapporteur de l'affaire est conduit à prendre soit des décisions tendant à ce que certaines pièces de l'instruction, ou certains éléments de ces pièces soient couverts par le secret des affaires ou maintenus sous cette protection, soit des décisions impliquant, au contraire, la communication ou la consultation de documents ou informations pour lesquels cette protection a été demandée ou précédemment accordée.

Dès lors, ces décisions ne sont pas susceptibles de porter atteinte au secret des affaires, mais seulement au caractère contradictoire de la procédure suivie dans l'affaire que l'Autorité instruit.

Ce moyen sera écarté.

2 - la levée du secret des affaires n'est pas justifiée au regard de l'exercice des droits de la défense et au regard des débats

a - au regard de l'exercice des droits de la défense

Il a été exposé supra que la levée du secret des affaires n'était pas fondée au regard de l'exercice des droits de la défense mais pour les besoins du débat devant l'Autorité.

Ce moyen ne sera pas retenu.

b - la levée du secret des affaires n'est pas nécessaire aux débats

Il ressort du dossier de la procédure que la société Sodiwal a, par courrier en date du 4 juillet 2014, saisi l'ADLC, de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation dans le territoire de Wallis-et-Futuna.

Cette société fait état d'accords exclusifs d'importation entre sa concurrente General Import et des fournisseurs étrangers. Elle précise que ces accords constitueraient des pratiques prohibées par l'article L. 420-2-1 du Code de commerce selon lequel " sont prohibés, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, les départements et régions d'outre-mer (...) et les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy (...) et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises " et a transmis, à l'appui de ses allégations, à l'ADLC des courriels de réponses de sociétés contactées.

S'agissant des pièces litigieuses, à savoir les cotes 472 et 473, elles constituent des réponses de la société General Import à un questionnaire adressé par le rapporteur et sont présentées dans un tableau répertoriant les produits commercialisés par la société à Wallis-et-Futuna et les conditions d'approvisionnement de ces produits auprès des fournisseurs.

En préambule de la présentation du tableau, la société General Import indique que les produits commercialisés ne font pas l'objet d'accords écrits et précise que l'approvisionnement de certains produits s'effectue directement auprès des industriels et pour d'autres produits, par l'intermédiaire de bureaux d'achat-vente travaillant à l'export, à partir notamment de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie.

Eu égard à ces éléments et notamment à l'absence d'accords écrits concernant des produits commercialisés par la société General Import et ses fournisseurs, l'existence d'une éventuelle pratique prohibée par l'article L. 420-2-1 du Code de commerce précité ne peut être établie que par la technique dite du faisceau d'indices et dès lors, la production des cotes 472 et 473 en version confidentielle est nécessaire pour les débats devant l'Autorité afin de caractériser ou non une telle pratique.

Enfin, la circonstance que la grande majorité des produits mentionnés par General Import sur les pièces cotées 472 et 473 ferait partie de la liste de produits de première nécessité élaborée en vertu de l'article L. 410-5 du Code de commerce et que les informations concernant l'identité des fournisseurs de General Import seraient soit déjà connues par la saisissante, soit accessibles librement sur Internet, donc peu sensibles, conforte la nécessité de lever le secret des affaires pour les cotes susmentionnées.

En conséquence, la levée du secret des affaires des cotes 472 et 473 est nécessaire aux débats.

Ce moyen sera écarté.

Par ces motifs, LA COUR, Rejetons la demande de réformation de la décision n° 17-DEC-522 du 30 novembre 2017 du Rapporteur général de l'autorité de la concurrence formée par General Import ; Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion ; Disons que la charge des dépens sera supportée par la société General Import.