CA Versailles, 12e ch., 30 janvier 2018, n° 16-07120
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Manginli (SARL), DND (SARL)
Défendeur :
Jessico (SARL), Domino's Pizza France (Sasu), HVM Pizza (SARL), BW (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leplat
Conseillers :
M. Ardisson, Mme Muller
Avocats :
Mes Guttin, Broulin, Dupuis, Saint Esteben, Pedroletti, Vahramian
Exposé du litige
La société à responsabilité limitée HVM Pizza est une filiale à 100 % de la société par actions simplifiée à associé unique Domino's Pizza France, ci-après dénommée la société Domino's, qui gère ses magasins en propre. A ce titre, elle a exploité en location-gérance un point de vente à Annecy du 6 mai 2008 au 10 février 2009 après que la société Domino's a acheté le fonds de commerce à la société à responsabilité limitée Jessico qui l'exploitait précédemment.
La société à responsabilité limitée BW, exploite ce point de vente en exploitation directe toujours sous l'enseigne Domino's Pizza, en qualité de franchisée depuis le 10 février 2009.
La société à responsabilité limitée Manginli exploite un point de vente de livraison et vente à emporter de pizzas à Annecy depuis 2010 en tant que franchisée Speed Rabbit Pizza. Ce point de vente était auparavant exploité par la société à responsabilité limitée DND.
Ces deux dernières sociétés ont considéré être victimes de pratiques de concurrence déloyale de la part des sociétés Domino's, BW, Jessico et HVM Pizza sur la zone de chalandise d'Annecy sur laquelle elles exercent ou ont toutes exercé leurs activités.
C'est dans ces circonstances que, par actes du 24 octobre 2012, les sociétés Manginli et DND ont fait assigner les sociétés Domino's, BW, Jessico et HVM Pizza devant le Tribunal de commerce de Paris, lui demandant à titre principal, au visa des articles L. 443-1 du Code de commerce et de l'article 1382 du Code civil, de les condamner in solidum à cesser de pratiquer des délais de paiement en infraction avec les dispositions législatives et/ou contractuelles sous astreinte de 1 000 euros par infraction et par jour de retard et à payer des dommages et intérêts de 450 000 euros au profit de la société Manginli et 250 000 euros au profit de la société DND.
Les défendeurs ayant soulevé une exception d'incompétence, par jugement du 25 avril 2013 le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce d'Annecy. Ce jugement a fait l'objet d'un contredit et la Cour d'appel de Paris, laquelle, par arrêt du 29 octobre 2013, a renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement entrepris du 27 septembre 2016 le Tribunal de commerce de Nanterre a :
Dit que la SARL DND était recevable en son action ;
Dit que la SARL Manginli était recevable en son action ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la SAS Domino's Pizza France d'irrecevabilité des pièces versées au débat par la SARL DND et la SARL Manginli ;
Débouté les SARL Manginli et DND à la fois de leur demande d'expertise et de leur demande de condamnation in solidum, de la SAS Domino's Pizza France et des SARL Jessico, HVM Pizza et BW du fait d'actes de distorsion de concurrence ;
Débouté la SAS Domino's Pizza France de sa demande de publication judiciaire du jugement ;
Débouté la SARL BW de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamné les SARL Manginli et DND à payer respectivement à la SAS Domino's Pizza France et à la SARL BW les sommes de 30 000 euros et 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné les SARL Manginli et DND aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 30 septembre 2016 par la société Manginli et la société DND ;
Vu les dernières écritures signifiées le 5 décembre 2017 par lesquelles la société Manginli et la société DND demandent à la cour de :
Vu l'article 1240 du Code civil, anciennement 1382,
Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Nanterre en date du 27 septembre 2016,
A titre principal :
Infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2016 par le Tribunal de Commerce de Nanterre en toutes ses dispositions,
Dire et juger que les sociétés DP France, HVM Pizza, BW et Jessico se livrent à des actes de concurrence déloyale caractérisés par le non-respect de contraintes légales ou d'usage, créant une distorsion de concurrence au détriment des sociétés DND et Manginli ;
Subsidiairement, et dans l'hypothèse où la Cour se considérerait insuffisamment informée sur la nature et le montant des irrégularités commises par les intimés sur les délais de paiement et les abandons de créances :
Désigner l'expert financier qui lui plaira avec mission de vérifier l'ensemble des balances et/ ou grands livres des sociétés DP France, HVM Pizza, Jessico et BW et plus précisément :
- se faire communiquer :
- par la société Jessico ou son expert-comptable, les balances comptables générales et auxiliaires concernant les comptes clôturés pour les années 2002 à 2008
- par la société DP France ou son expert-comptable, les balances comptables générales et auxiliaires concernant les comptes clôturés pour les années 2002 à 2015
- par la société HVM Pizza ou son expert-comptable, les balances comptables générales et auxiliaires concernant les comptes clôturés pour les années 2008 à 2010
- par la société BW ou son expert-comptable, les balances comptables générales et auxiliaires concernant les comptes clôturés pour les années 2010 à 2015
- faire rapport à la cour pour chacun des exercices concernés de la part de la dette fournisseurs :
- de la société Jessico à l'égard de son franchiseur DP France et plus largement des engagements financiers contractés par celle-ci à l'égard de DP France ;
- de la société HVM Pizza à l'égard de DP France et plus largement des engagements financiers contractés par celle-ci à l'égard de DP France ;
- de la société BW à l'égard de son franchiseur DP France et plus largement des engagements financiers contractés par celle-ci à l'égard de DP France ;
- faire rapport à la cour pour chacun des exercices concernés de la part de la " dette clients " contractée à l'égard de DP France par ses franchisés Jessico, BW ainsi que HVM Pizza et plus largement des engagements contractés par DP France à l'égard des sociétés Jessico, HVM Pizza et BW ;
- faire rapport à la cour des éventuels abandons de créances consentis par DP France :
- à la société Jessico à la clôture de chacun des exercices des années 2002 à 2008 ;
- à la société HVM Pizza à la clôture de chacun des exercices des années 2008 à 2010 ;
- à la société BW à la clôture de chacun des exercices des années 2009 à 2015 ;
- Se faire communiquer par les sociétés Jessico, BW et DP France ou leurs experts comptables l'acte de cession de fonds de commerce par la société Jessico à DP France, intervenu le 6 mai 2008, le contrat de location-gérance entre DP France et HVM Pizza ainsi que l'acte de cession par DP France de ce même fonds à BW intervenu au mois de février 2009 ;
- Faire rapport à la cour de l'éventuel abandon de créance consenti par DP France à la société Jessico lors de la cession du fonds de commerce, ainsi que des conditions de paiement du prix d'acquisition par la société DP France
- Faire rapport à la cour des conditions de paiement du prix d'acquisition par la société BW lors de la cession du fonds de commerce par DP France.
En tout état de cause :
Condamner in solidum les sociétés DP France, HVM Pizza, BW et Jessico à verser respectivement à la société DND la somme de 85 181,76 euros, et à la société Manginli, la somme de 1 003 500 euros à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice.
Debouter les sociétés intimées de leur appel incident ;
Condamner in solidum les sociétés DP France, HVM Pizza, BW et Jessico à verser à chacune des sociétés DND et Manginli la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; ,
Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Pierre Guttin conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ; .
Vu les dernières écritures signifiées le 30 novembre 2017 au terme desquelles la société Domino's demande à la cour de :
Vu les articles L. 420-7 et R. 420-5 du Code de commerce,
Vu les articles 564 et 565 du Code de procédure civile,
Vu les articles 143 et 146 du Code de procédure civile,
Vu l'article 9 du Code de procédure civile,
Vu les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce,
Vu les articles 101 et 102 du TFUE,
Vu l'article 1240 (anciennement 1382) du Code civil,
Constater que DND et Manginli demandent en appel la réparation de préjudices nouveaux, distincts de ceux invoqués en première instance, et soumettent ainsi à la cour des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;
En conséquence,
Dire et juger irrecevables les prétentions nouvelles de DND et Manginli ;
Si l'irrecevabilité des prétentions de DND et Manginli devait ne pas être retenue :
Constater que DND et Manginli produisent un certain nombre de pièces en violation du principe de licéité et de loyauté de la preuve ;
En conséquence,
Dire et juger irrecevables les pièces adverses n° 3.2.1, 3.2.2 et 3.2.3 et leurs annexes numérotées 1 à 77, ainsi que la pièce adverse n° 3.3.4 ;
Constater que DND et Manginli ne soutiennent plus dans leurs conclusions signifiées le 6 octobre 2017 que DPF et HVM Pizza auraient commis des pratiques constitutives d'ententes anticoncurrentielles et d'abus de position dominante ;
Constater que DND et Manginli ne démontrent pas l'existence d'actes de concurrence déloyale dont seraient à l'origine DPF, Jessico, BW et HVM Pizza;
En conséquence,
Dire et juger qu'aucune faute dont serait à l'origine DPF, Jessico, BW et/ou HVM Pizza n'est démontrée par DND et Manginli ;
Dire et juger que DND et Manginli ne rapportent pas la preuve des préjudices qu'elles allèguent ;
Dire et juger que DND et Manginli ne démontrent aucun lien de causalité entre les fautes qu'elles imputent à DPF, Jessico, BW et HVM Pizza et le préjudice qu'elles allèguent avoir subi ;
Pour toutes ces raisons,
Dire et juger que DND et Manginli n'apportent aucun commencement de preuve de leurs allégations ;
Dire et juger que les demandes de DND et Manginli fondées sur l'article 1240 du Code civil sont infondées ;
En conséquence,
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté DND et Manginli de leur demande d'expertise ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté DND et Manginli de leur demande de condamnation in solidum de DPF, Jessico, HVM Pizza et BW du fait d'actes de distorsion de concurrence ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné DND et Manginli à verser à DPF la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
A titre reconventionnel :
Constater que DND et Manginli ont causé un préjudice à DPF en recueillant et produisant des pièces confidentielles de façon déloyale et engagent leur responsabilité délictuelle ;
En conséquence,
Condamner in solidum DND et Manginli à verser à DPF la somme de 100 000 euros, sauf à parfaire ;
Et en tout état de cause :
Condamner in solidum DND et Manginli à verser à DPF la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la date de son prononcé dans un journal local tel que Le Dauphiné Libéré et/ou sur le site Internet L'Observatoire de la franchise, aux frais avancés de DPF, sans que le coût de chaque publication ne soit inférieur à 5 000 euros ;
Condamner DND et Manginli aux entiers dépens.
Dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoue Paris Versailles, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 30 novembre 2017 au terme desquelles la société HVM Pizza demande à la cour de :
Vu les articles L. 420-7 et R. 420-5 du Code de commerce,
Vu les articles 564 et 565 du Code de procédure civile,
Vu les articles 143 et 146 du Code de procédure civile,
Vu l'article 9 du Code de procédure civile,
Vu les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce,
Vu les articles 101 et 102 du TFUE,
Vu l'article 1240 (anciennement 1382) du Code civil,
Constater que HVM Pizza fait siens les moyens de fait et de droit développés par DPF dans ses conclusions du 29 novembre 2017 ;
Constater que DND et Manginli demandent en appel la réparation de préjudices nouveaux, distincts de ceux invoqués en première instance, et soumettent ainsi à la cour des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;
En conséquence,
Dire et juger irrecevables les prétentions nouvelles de DND et Manginli ;
Si l'irrecevabilité des prétentions de DND et Manginli devait ne pas être retenue :
Constater que DND et Manginli produisent un certain nombre de pièces en violation du principe de licéité et de loyauté de la preuve ;
En conséquence,
Dire et juger irrecevables les pièces adverses n° 3.2.1, 3.2.2 et 3.2.3 et leurs annexes numérotées 1 à 77, ainsi que la pièce adverse n° 3.3.4 ;
Constater que DND et Manginli ne soutiennent plus dans leurs conclusions signifiées le 6 octobre 2017 que DPF et HVM Pizza auraient commis des pratiques constitutives d'ententes anticoncurrentielles et d'abus de position dominante ;
Constater que DND et Manginli ne démontrent pas l'existence d'actes de concurrence déloyale dont seraient à l'origine DPF, Jessico, BW et HVM Pizza;
En conséquence,
Dire et juger qu'aucune faute dont serait à l'origine DPF, Jessico, BW et/ou HVM Pizza n'est démontrée par DND et Manginli ;
Dire et juger que DND et Manginli ne rapportent pas la preuve des préjudices qu'elles allèguent ;
Dire et juger que DND et Manginli ne démontrent aucun lien de causalité entre les fautes qu'elles imputent à DPF, Jessico, BW et HVM Pizza et le préjudice qu'elles allèguent avoir subi ;
Pour toutes ces raisons,
Dire et juger que DND et Manginli n'apportent aucun commencement de preuve de leurs allégations ;
Dire et juger que les demandes de DND et Manginli fondées sur l'article 1240 du Code civil sont infondées ;
En conséquence,
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté DND et Manginli de leur demande d'expertise ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté DND et Manginli de leur demande de condamnation in solidum de DPF, Jessico, HVM Pizza et BW du fait d'actes de distorsion de concurrence ;
Confirmer le Jugement en ce qu'il a condamné DND et Manginli à verser à DPF la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Et en tout état de cause :
Condamner in solidum DND et Manginli à verser à HVM Pizza la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la date de son prononcé dans un journal local tel que Le Dauphiné Libéré et/ou sur le site Internet L'Observatoire de la franchise, aux frais avancés de DPF, sans que le coût de chaque publication ne soit inférieur à 5 000 euros ;
Condamner DND et Manginli aux entiers dépens.
Dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoue Paris Versailles, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 21 novembre 2017 au terme desquelles la société BW demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1382 ancien du Code civil et L. 443-1 du Code de commerce, Vu les articles 9, 146 et 908 du Code de procédure civile,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
A titre principal,
Ecarter des débats la pièce communiquée par les Sociétés DND et Manginli n° 3.3.4, ainsi que les pièces n° 3.3.1., 3.3.2. et 3.2.1. ainsi que leurs annexes comme étant contraires au principe de loyauté dû dans l'administration de la preuve,
Déclarer irrecevables les conclusions d'appelantes des sociétés DND et Manginli, comme contenant dans leurs corps des éléments de preuves illicites et déloyaux,
Constater la caducité de la déclaration d'appel ;
Déclarer irrecevables en cause d'appel la demande de la société Manginli visant à l'octroi de dommages et intérêts au titre du budget qu'elle n'aurait prétendument pu consacrer à la publicité ;
Déclarer irrecevables en cause d'appel la demande de la société Manginli visant à l'octroi de dommages et intérêts au titre de l'usure de ses équipements qu'elle n'aurait prétendument pu remplacer ;
Prendre acte de l'abandon par les sociétés DND et Manginli de leurs demandes fondées sur les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Constater que la société BW fait siens les moyens de fait et de droit développés par DPF dans ses conclusions du 17 novembre 2017,
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
- Constaté le manque flagrant de preuve apporté par les demanderesses,
- Dit et Jugé que la société BW n'a commis aucune faute tant en ce qui concerne la réglementation spécifique relative aux délais de paiement qu'en ce qui concerne l'exécution de ses obligations contractuelles,
- Dit et Jugé que le dommage prétendument subi par les sociétés DND et Manginli n'est pas rapporté, ni même aucun lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice allégué.
- Débouté purement et simplement l'ensemble des demandes, fins et prétentions des sociétés DND et Manginli,
- Débouté purement et simplement les sociétés DND et Manginli de leur demande d'expertise,
- Condamné les sociétés DND et Manginli au paiement à la société BW de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépense de première instance.
Statuant à nouveau,
Condamner les sociétés Manginli et DND à payer à la société BW la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure engagée sur aucun fondement sérieux, mais également à l'amende civile de 3 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ; ,
En tout état de cause,
Condamner solidairement les sociétés Manginli et DND à régler à la société BW la somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamner les mêmes aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Mélina Pedroletti, Avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu l'absence de constitution de la société Jessico, qui est non comparante et à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée à la requête de la société Manginli et de la société DND par acte du 21 novembre 2016 et les conclusions de ces deux sociétés par acte du 11 octobre 2017.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le rejet de pièces communiquées par la société Manginli et la société DND :
La société HVM Pizza, la société Domino's et la société BW demandent à ce que certaines des pièces communiquées par la société Manginli et la société DND soient écartées des débats comme étant contraires au rapport loyal de la preuve pour constituer ou s'appuyer sur des éléments internes à la société Domino's et à son réseau relatifs à sa stratégie commerciale, visant encore les rapports de la société Sorgem Evaluation, obtenus par le biais de la société Speed Rabbit Pizza à l'occasion d'un contentieux ayant donné lieu à six jugements du 7 juillet 2014.
Les appelantes leur répliquent que ces pièces n'ont pas été obtenues par fraude et leur opposent justement qu'il n'est pas démontré en quoi elles pourraient gravement léser leurs intérêts, celles-ci étant versées aux débats pour tenter de démonter des pratiques illicites, le secret des affaires ne devant pas être un obstacle absolu à l'administration de la preuve.
La cour déboutera donc la société Domino's, la société HVM Pizza et la société BW de leurs demandes de ce chef.
Elle déboutera pareillement la société Domino's de sa demande indemnité à hauteur de 100 000 euros pour administration déloyale de la preuve.
Sur la concurrence déloyale :
Il est constant que la société BW exploite, depuis le 10 février 2009 un fonds de commerce sous l'enseigne Domnino's Pizza au 24 avenue de Chambéry à Annecy, fonds de commerce qu'elle a acquis de la société HVM Pizza, filiale à 100 % de la société Domino's, laquelle l'avait elle-même acquis, le 6 mai 2008 de la société Jessico ;
Que dans la même zone de chalandise, au 19 avenue de Chambéry à Annecy, la société Manginli y exploite un fonds de commerce sous l'enseigne Speed Rabbit Pizza, depuis le 26 mars 2010, pour l'avoir acquis de la société DND, laquelle l'avait elle-même acquis de la société ARD le 1er avril 2008.
La société Manginli et la société DND font grief aux sociétés Jessico, HVM Pizza, BW et Domino's d'avoir mis en place une stratégie de concurrence déloyale à leur encontre consistant, pour la société Domino's en l'octroi à ses franchisés de délais de paiement excessifs, de prêts en compte d'associés, d'abandons de créances et la revente du fonds de commerce en dessous de sa valeur.
S'agissant des délais de paiement, elles soutiennent que ceux-ci dépassaient largement le délai de trente jours octroyé par l'article L. 443-1, 1° du Code de commerce ou venaient contrer le monopole légal d'octroi de prêts que l'article L. 511-5 du Code monétaire et financier réserve aux seuls établissements bancaires.
En ce qui concerne les abandons de créances, qualifiés d'actes anormaux de gestion, elles exposent que la société Jessico a atteint une dette fournisseurs représentant 50 % de chiffre d'affaires, que fin mars 2007, elle cumulait une dette de plus de 580 000 euros, ce qui a conduit la société Domino's à prendre un nantissement sur le fonds de commerce le 21 mai 2007, un accord transactionnel étant conclu avec elle pour la cession du fonds à 470 000 euros, ensuite confié en location-gérance à sa filiale à 100 %, la société HVM Pizza, fonds a nouveau cédé à la société BW le 9 février 2009 pour 388 000 euros.
La société Manginli et la société DND sollicitent une mesure d'expertise visant à se faire communiquer divers actes et éléments comptables des sociétés Jessico, HVM Pizza, BW et Domino's pour mettre en évidence leurs allégations et venir au confort de la perte de marge dont elles demandent réparation.
La société Domino's, la société HVM Pizza et la société BW poursuivent la confirmation du jugement entrepris, estimant que les appelantes ne rapportent pas la preuve des fautes dont elles se seraient rendues coupables.
Elles réfutent de première part le rapport entre l'endettement prétendu de la société Jessico et l'allégation de délais de paiement anormaux que la société Domino's lui aurait octroyés, étant observé que ces prétendus agissements seraient antérieurs à 2007 et donc aux années d'exploitation du fonds de commerce par la société DND, puis la société Manginli, de deuxième part les abandons de créances que les appelantes qualifient elles-mêmes d'éventuels dans la mission d'expertise proposée à la cour, de troisième part le fait que la société BW ait pu bénéficier des délais de paiement prétendument accordés à la société Jessico et qu'elle en ait elle-même bénéficié alors qu'elle a toujours payé à 30 jours par prélèvements, de quatrième part la consistance d'une faute de la part de la société HVM Pizza.
Dans une motivation pertinente que la cour adopte, le tribunal a relevé que l'activité de fabrication de pizzas à emporter ou à livrer s'exerce sur une zone de chalandise très restreinte liée à l'impératif du respect d'un délai de 30 minutes entre la commande et la livraison ; que, selon les estimations des acteurs de ce marché, cette zone est comprise dans un rayon entre 3 et 7,5 kilomètres ainsi qu'en fait état la décision n° 02-D-64 du Conseil de la concurrence du 23 octobre 2002 ; qu'en l'espèce, les sociétés Manginli et DND exercent et ont exercé respectivement l'activité de franchisé de la société Speed Rabbit Pizza rue de Chambéry à Annecy ;
que la société BW est franchisé de la société Domino's dans la même rue et à proximité immédiate du point de vente Speed Rabbit Pizza ; que leurs points de vente sont donc concurrents dans la même zone de chalandise ;
Que les sociétés Manginli et DND soutiennent que la société Jessico a bénéficié d'un endettement fournisseur très important constitutif d'un soutien abusif de la part de la société Domino's et que ces manœuvres ont profité, d'une part, à la société BW qui aurait directement bénéficié de la clientèle constituée ainsi par la société Jessico, sans avoir ni à la fidéliser ou en payer le prix et, d'autre part, à la société Domino's qui a conservé ainsi une position dominante sur la zone de chalandise concernée ; que les sociétés Manginli et DND soutiennent en particulier que l'endettement de Jessico aurait été de l'ordre de 750 000 euros en 2007 et que des abandons de créances lui auraient été accordés par la société Domino's ;
Mais que les demanderesses n'apportent aucun élément probant à l'appui de ces assertions ; que, par ailleurs, les prétendus abandons de créance dont aurait bénéficié Jessico n'auraient pas pu bénéficier à la société BW car cette dernière a repris l'exploitation du point de vente non directement de la société Jessico mais de la société HVM Pizza, filiale de la société Domino's, qui l'avait acquis dans l'intervalle de la société Jessico ;
qu'ainsi l'argumentaire des sociétés Manginli et DND est inopérant ;
Que les sociétés Manginli et DND soutiennent également que la société BW a bénéficié de délais de paiement très larges de la part de la société Domino's et en tout état de cause non conformes aux disposions de l'article L. 443-1 du Code de commerce ; mais que la société BW a réglé en 2009 ses factures auprès de la société Domino's par prélèvement automatique à 30 jours décade ; qu'elle a bénéficié d'escomptes entre 2009 et 2012 qui sont produits aux débats et démontrent un paiement des factures avant leur terme ;
Qu'en outre les appelantes n'établissent aucun lien de causalité entre d'une part les prétendues libéralités dont auraient bénéficié la société Jessico, puis la société BW et d'autre part un quelconque effet sur le marché local sur lequel ces dernières opéraient ; qu'en particulier, il n'est démontré aucune opération commerciale de promotion abusive visant à évincer la concurrence qui aurait été financièrement permise par les largesses invoquées par les appelantes ;
Qu'en outre, les intimées justifient de la présence dans la zone de chalandise d'Annecy d'un grand nombre d'enseignes concurrentes rattachées à des réseaux, telle Pizza Hut ou Allo Pizza, mais aussi d'autres enseignes indépendantes, dans le cadre d'un marché très concurrentiel, et dont il n'est pas allégué qu'elles seraient gérées dans des conditions anormales, ce qui vient, en tout état de cause relativiser grandement le lien de causalité entre la perte de marge alléguée par la société Manginli et la société DND pour le fonds de commerce dont elle ont ou ont eu charge de l'exploitation et les agissements du seul fonds de commerce que les intimées exploitent ou ont pu exploiter ;
Qu'ainsi aucune faute des intimées n'est démontrée ;
Que la demande d'expertise qui s'accompagne de la demande de communication d'un nombre important de documents pour permettre aux appelantes de voir confirmer leurs hypothèses se heurte aux dispositions de l'article 146 du Code de procédure civile ;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Manginli et la société DND de leurs demandes indemnitaires à l'encontre des intimées pour des faits de concurrence déloyale et rejeté la demande d'expertise formulée.
Sur la publication de l'arrêt :
La cour confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société HVM Pizza et la société Domino's de leurs demandes de publication de l'arrêt.
Sur le caractère abusif de la procédure :
La société BW forme une demande indemnitaire à hauteur de 100 000 euros à l'encontre de la société Manginli et de la société DND pour procédure abusive.
L'article 32-1 du Code de procédure civile édicte que : Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés.
Le droit d'ester en justice ne trouve sa limite que dans l'abus fait de celui-ci, avec malice, mauvaise foi ou bien lorsqu'il résulte d'une erreur équipollente au dol.
En l'espèce, la société BW ne caractérise pas de la part de la société Manginli et la société DND, qui ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits à être indemnisées du fait d'agissements qu'elles ont estimés déloyaux, des agissements constitutifs d'un abus de droit.
La société BW verra donc rejetée sa demande de dommages et intérêts formulée de ce chef.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Confirmant le jugement en ses condamnations sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la cour estime équitable d'allouer une indemnité de procédure de 15 000 euros à chacune des intimées.
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt par défaut, selon l'article 474, alinéa 2 du Code de procédure civile, Rejette les demandes de la société à responsabilité limitée HVM Pizza, la société par actions simplifiée à associé unique Domino's Pizza et de la société à responsabilité limitée BW tendant à voir carter des débats certaines pièces communiquées par la société à responsabilité limitée Manginli et la société à responsabilité limitée DND, Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris du Tribunal de commerce de Nanterre du 27 septembre 2016, Et y ajoutant, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société à responsabilité limitée Manginli et la société à responsabilité limitée DND à payer in solidum à la société à responsabilité limitée HVM Pizza, la société par actions simplifiée à associé unique Domino's Pizza et la société à responsabilité limitée BW, chacune la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société à responsabilité limitée Manginli et la société à responsabilité limitée DND aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du Code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.