ADLC, 21 décembre 2017, n° 17-DCC-209
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés La Poste et Suez RVFrance
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 6 novembre2017, relatif à la création d'une entreprise commune active dans la collecte et la valorisation de déchets de bureau par La Poste S.A. et Suez RV France S.A., formalisée par un protocole d'accord préliminaire conclu entre les parties le 21 juin 2016, et un avenant à ce protocole et un accord de principe en date du 15 février 2017 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les engagements présentés le 21 novembre 2017 par les parties et modifiés en dernier lieu le 6 décembre 2017 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Vu les autres pièces du dossier ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la décision ci-après, l'Autorité autorise sous condition de la réalisation d'engagements la création d'une entreprise commune de plein exercice par les sociétés La Poste et Suez RV France.
L'entreprise commune et ses maisons-mères seront actives, simultanément, sur les marchés de la collecte de déchets banals d'entreprise et des déchets d'équipements électriques et électroniques (ci-après, "D3E") ainsi que sur le marché de la valorisation de papier/carton. Suez est également présente sur les marchés de la valorisation de déchets métalliques, du bois et des plastiques, ainsi que sur ceux du négoce de déchets valorisés et du traitement de certains déchets spécifiques. En conséquence, l'opération conduit à une intégration verticale entre Suez et l'entreprise commune. Enfin, les marchés des services postaux sont concernés par l'opération compte tenu de la proximité de clientèle et des synergies logistiques entre les activités de La Poste dans le secteur postal et celles de l'entreprise commune.
Sur les marchés de la collecte de déchets banals d'entreprise, de la collecte de D3E et de la valorisation de papier/carton, les chevauchements d'activité entre les parties ne sont pas significatifs. En outre, celles-ci seront exposées à la concurrence d'opérateurs importants, de sorte que l'opération ne pose pas de problème de concurrence.
L'Autorité a également exclu tout risque d'effets verticaux liés à l'opération, en raison des parts de marchés modérées des parties à l'opération sur les marchés concernés ou du faible incrément lié à l'opération, ainsi que de la présence de concurrents importants, qui sont eux-mêmes verticalement intégrés. Pour les mêmes raisons, l'opération n'est pas de nature à générer d'effets congloméraux entre les différents marchés de la collecte de DBE.
En revanche, compte tenu de la position de La Poste sur les marchés des services postaux, les parties pourraient utiliser les avantages non-reproductibles liés au service universel postal fourni par La Poste, et notamment recourir aux contacts entrants qu'elle a avec ses clients professionnels dans ce cadre, pour promouvoir et vendre les offres de l'entreprise commune.
En outre, La Poste pourrait fournir à l'entreprise commune des prestations liées à son activité à un prix inférieur au prix de marché, ce qui l'avantagerait par rapport aux autres opérateurs du secteur.
Afin de remédier à ces éventuels effets congloméraux, les parties se sont engagées à ne pas utiliser les avantages non-reproductibles liés au service universel postal dans le cadre de la commercialisation et de la promotion des offres de collecte et de valorisation des déchets de l'entreprise commune. La Poste s'est notamment engagée à ne pas promouvoir et vendre les offres de l'entreprise commune lors de contacts téléphoniques ou physiques entrants au titre du service universel postal avec ses clients professionnels.
Afin de répondre aux risques tarifaires identifiés lors de l'instruction, La Poste s'est engagée à déterminer ses coûts de manière raisonnable en élaborant une méthodologie destinée à identifier ex ante les coûts évitables et incrémentaux pertinents liés à chacun des intrants nécessaires à la réalisation des prestations qu'elle fournit à l'entreprise commune, ce qui permettra d'assurer que ces prestations seront vendues à un prix de marché.
Ces engagements sont souscrits pour une durée de cinq ans.
I. Les entreprises concernées et l'opération
A. LES PARTIES
1. La Poste S.A. (ci-après, " La Poste ") est l'opérateur historique en charge du service public postal en France. Elle détient plusieurs filiales, qui s'organisent autour de 5 activités principales : (i) la branche Service-Courrier-Colis, qui regroupe le service universel du courrier, le courrier pour les entreprises et la logistique de la presse, (ii) la branche GeoPost, qui regroupe les activités de service express de courrier, (iii) la branche Banque Postale, qui regroupe les activités de banque et d'assurance pour les particuliers, les entreprises et les acteurs publics locaux, (iv) la branche Réseau La Poste, qui regroupe le réseau des bureaux de poste, et (v) la branche numérique.
2. Dans le cadre de la diversification stratégique de ses activités, La Poste s'est engagée, depuis plusieurs années, dans la collecte et la valorisation de certains déchets de bureau aux clients industriels et tertiaires, sous la marque "Recy'go ".
3. La Poste est contrôlée conjointement par l'État français (73,68%) et par la Caisse des dépôts et consignations (26,32%).
4. Suez RV France S.A. (ci-après, "Suez RV") est contrôlée par Suez S.A., cotée à l'Euronext Paris et Bruxelles. Le groupe Suez (ci-après, "Suez ") est actif au niveau mondial dans les services de gestion de l'eau et des déchets. Dans ce dernier secteur, Suez propose à ses clients des services de collecte, traitement, valorisation et recyclage des déchets de toute nature.
S'agissant des déchets de bureau, Suez a développé une offre de collecte et de valorisation auprès de tiers, principalement en Île-de-France, sous la marque "Office ", et à Lyon, sous la marque "Sitadine ".
B. L'OPÉRATION
5. Le 21 juin 2016, les parties ont conclu un protocole d'accord préliminaire, qui prévoit la création d'une entreprise commune de droit français active en France dans le secteur de la collecte et de la valorisation des déchets de bureau, c'est-à-dire essentiellement des papiers mais également, dans une moindre mesure, des cartons, plastiques, verre, métaux, bois et déchets d'équipements électriques et électroniques (ci-après, "D3E"). Ce protocole d'accord préliminaire a été modifié, par avenant, le 15 février 2017. À cette date, les parties ont également signé un accord de principe, qui prévoit les principaux termes des accords contractuels pour la constitution de la société commune (ci-après, dénommée "NewCo ").
6. La Poste et Suez RV détiendront, respectivement, 51% et 49% du capital de NewCo. Le président de NewCo sera choisi par SuezRV parmi deux candidats proposés par La Poste, pour une durée de trois ans. En outre, le comité stratégique de NewCo sera initialement composé de huit membres, dont quatre sont proposés par La Poste et quatre par SuezRV. Ces membres sont nommés pour une durée indéterminée, à l'unanimité des parties, étant précisé que chacune d'entre elle s'engage à voter en faveur de la nomination des membres proposés par l'autre partie. Chaque membre du comité stratégique dispose d'une voix, et les décisions stratégiques sont adoptées à l'unanimité. Ces décisions portent notamment sur la définition des axes stratégiques de NewCo, l'approbation du budget annuel et du plan d'affaires détaillé pluriannuel, l'approbation des partenariats et accords stratégiques conclus par NewCo, les investissements ou désinvestissements d'une valeur supérieure à un million d'euros ou encore le recrutement ou le départ de salariés clés de la société. En cas de blocage du comité stratégique, une procédure de règlement des situations de blocage prévoit, en principe, une compétence exclusive du tribunal de commerce de Paris en cas d'incapacité à surmonter une difficulté. Toutefois, selon les informations fournies par les parties, [confidentiel]. Compte tenu de ces éléments, SuezRVet La Poste détiennent, conjointement, le contrôle de NewCo.
7. NewCo sera en outre dotée de moyens suffisants pour intervenir de manière autonome sur les marchés sur lesquels elle sera active. Le protocole d'accord conclu entre les parties prévoit que Newco " évolue dans un cadre d'autonomie et d'indépendance de gestion opérationnelle ". En particulier, l'entreprise commune devra être en mesure (i) de définir, structurer et faire évoluer de manière autonome son offre commerciale et sa relation client, (ii) d'assurer la commercialisation de ses produits en disposant des ressources dédiées et qualifiées, (iii) de maîtriser sa logistique afin d'assurer un excellent niveau de service et (iv) de recruter son propre personnel. Pour atteindre cet objectif, les parties ont indiqué que NewCo disposera, dans un premier temps, de ressources financières propres mises à disposition par ses sociétés-mères puis, dans un second temps, issues de son activité. Elle disposera d'un personnel dédié, notamment d'équipes marketing et commerciales, qui définiront et commercialiseront ses offres de collecte de déchets de bureau auprès des prospects. Ses équipes intégreront également du personnel en charge de la réalisation de certaines fonctions logistiques. L'entreprise commune disposera d'une marque propre, " Recy'go ", qui lui est apportée par La Poste, et de deux centres de tri, apportés par Suez RV, qui lui permettront de disposer de moyens logistiques propres en matière de regroupement et de conditionnement de déchets de bureau. Les parties apporteront également à NewCo leurs fichiers clients respectifs, en matière de collecte de déchets de bureau, qui s'élèvent à [...] entreprises environ ([...] pour La Poste et [...] pour SuezRV).
8. Lorsque NewCo s'appuiera sur le support de ses sociétés-mères, elle le fera dans le cadre de contrats de prestations de services conclus à des conditions normales de marché. En outre, bien que Suez ait vocation à intervenir pour le compte de NewCo sur les marchés de la valorisation, elle ne jouera qu'un rôle d'intermédiaire puisque, selon les informations fournies par les parties, l'entreprise commune restera seule décisionnaire de la stratégie de vente aux tiers et sera la seule bénéficiaire des revenus tirés de ces ventes.
9. NewCo développera une activité qui va au-delà des besoins spécifiques de ses sociétés-mères.
Elle commercialisera des services dotés d'une valeur ajoutée significative par rapport à ceux qu'elle est susceptible d'acquérir auprès de ces dernières. Elle a en effet vocation à proposer une offre de service de collecte, destinée à permettre à ses clients de se conformer plus facilement aux modifications réglementaires récentes, notamment en termes de suivi des quantités de déchets recyclés, en s'appuyant sur une offre digitale conçue à partir d'un système d'information dédié.
10. Enfin, NewCo est conçue pour fonctionner de manière durable, dans la mesure où elle est créée pour une durée de 99 ans.
11. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'entreprise commune créée par La Poste et Suez est de plein exercice.
12. En ce qu'elle se traduit par la création d'une entreprise commune de plein exercice, l'opération notifiée constitue donc une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
13. Cette opération relève de la compétence de l'Union européenne en application de l'article 1erdu règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil sur les concentrations. En effet, les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 5 milliards d'euros (La Poste : 23 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; Suez : 15 milliards d'euros pour même exercice clos). Chacune de ces entreprises a réalisé un chiffre d'affaires dans l'Union européenne supérieur à 250 millions d'euros (La Poste : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; Suez : [...] d'euros pour le même exercice clos). Enfin, seule La Poste a réalisé plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans l'Union européenne dans un seul État membre, la France.
14. Le 18 avril 2017, les parties ont notifié à la Commission européenne un formulaire RS demandant le renvoi total de l'opération à l'Autorité de la concurrence, en application de l'article 4, paragraphe 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil précité. Par une décision du 29 mai 2017, la Commission européenne a considéré que les conditions d'un renvoi à l'Autorité étaient réunies. La création de cette entreprise commune de plein exercice par La Poste et Suez est donc soumise, en application du IV de l'article L. 430-2 du Code de commerce, au contrôle français des concentrations.
15. Concomitamment à l'examen de la présente opération au titre du contrôle des concentrations, l'Autorité de la concurrence a transmis à la société La Poste, le 27 juillet 2017, une évaluation préliminaire relative à des pratiques mises en œuvre par le groupe La Poste dans le secteur de la collecte et du recyclage de déchets banals d'entreprise. Afin de répondre à ces préoccupations de concurrence, La Poste a proposé des engagements le 7 août 2017. Ces engagements ont fait l'objet d'un test de marché publié sur le site Internet de l'Autorité le 5 septembre 2017. Par décision n° 17-D-26 du 21 décembre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la collecte et de la valorisation de déchets banals d'entreprise, l'Autorité a accepté ces engagements, dans une version modifiée ultimement le 4 décembre 2017.
II. Délimitation des marchés pertinents
16. Un déchet peut être défini comme " tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon "2.
17. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence3 considère que la gestion des déchets comprend deux étapes principales : la collecte et le traitement, le traitement consistant soit dans l'élimination du déchet (enfouissement ou incinération), soit dans sa valorisation au sens large (matière ou énergie).
18. En l'espèce, NewCo sera active dans le secteur de la collecte et la valorisation des déchets de bureau qui sont, à titre principal, des déchets papiers, mais également, dans une moindre mesure, du plastique, du verre, du métal, du bois ou des déchets d'équipements électriques et électroniques. NewCo se chargera de la valorisation de ces déchets uniquement pour les papiers et cartons, les autres types de déchets étant revendus à Suez, qui se chargera de leur valorisation4.
19. En conséquence, l'entreprise commune et ses maisons-mères seront actives simultanément sur les marchés de la collecte (A) et de la valorisation (B) de déchets.
20. Suez est également présente sur le marché du négoce de déchets valorisés (C) et celui du traitement de certains déchets spécifiques (D).
21. Enfin, compte tenu de la proximité de clientèle et des synergies logistiques entre les activités de La Poste dans le secteur postal et celles de NewCo, les marchés des services postaux sont également concernés par l'opération (E.).
A. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE DÉCHETS NON DANGEREUX
22. La pratique décisionnelle distingue autant de marchés de services que de grands types de déchets5 : les déchets dangereux, les déchets non dangereux ou " déchets banals ", et les déchets spécifiques faisant l'objet d'une réglementation propre, tels que les D3E. En l'espèce, les parties et l'entreprise commune sont simultanément actives sur les marchés de la collecte des déchets banals (1) et des déchets spécifiques (2).
1. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE DÉCHETS BANALS
a) Les marchés de services
23. La pratique décisionnelle européenne6 et nationale7 considère que la collecte des déchets non dangereux doit être segmentée entre les déchets ménagers et assimilés (ci-après, "DMA") collectés auprès des collectivités locales (communes et intercommunalités), et les déchets banals d'entreprises (ci-après, "DBE"), également appelés déchets industriels banals, collectés auprès des entreprises.
24. Au sein des DBE, la Commission européenne a envisagé, à plusieurs reprises, une segmentation supplémentaire en fonction du type de déchets concernés. Trois catégories sont actuellement envisagées :
(i) les DBE dits "commerciaux ", à savoir les déchets générés par les usines, les bureaux et les magasins, (ii) les DBE dits " industriels ", à savoir les déchets générés par les industries de productions, (iii) les déchets résultant de la démolition et de la construction9.
25. S'agissant du segment des DBE commerciaux, les parties suggèrent l'existence d'une sous-segmentation spécifique pour la collecte de DBE commerciaux de papier/carton.
26. Enfin, plusieurs répondants au test de marché réalisé pour les besoins de la présente instruction ont suggéré l'existence d'une segmentation supplémentaire du marché de la collecte de DBE commerciaux papier/carton, entre les déchets non-diffus et diffus. Ces derniers sont, selon la convention du 6 février 2012 sur l'engagement volontaire des acteurs professionnels et des partenaires institutionnels de la collecte et du recyclage des papiers de bureau, ceux qui sont produits en petite quantité au niveau d'une entreprise ou sur un site isolé.
27. Afin de distinguer opérationnellement les segments de la collecte de DBE commerciaux papier/carton diffus et non-diffus, les parties ont proposé de recourir à un seuil en nombre de salariés, qui permet de prendre en compte la propension plus ou moins grande à générer des volumes importants de DBE commerciaux papier/carton. Elles ont suggéré trois seuils alternatifs (50, 100 et 150 salariés). Quelle que soit l'option retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle restent inchangées. Pour les besoins de la présente analyse, la distinction entre les opérateurs actifs, du point de vue de la demande, sur le marché de la collecte de DBE commerciaux papier/carton diffus et non-diffus est fixée à 50 salariés.
28. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte des marchés de la collecte de DBE peut rester ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.
29. En l'espèce, NewCo sera active sur le marché de la collecte des DBE commerciaux, notamment sur les segments des DBE commerciaux papier/carton, à la fois diffus et non-diffus. Suez et La Poste sont également actives sur l'ensemble de ces segments de marché.
30. En outre, Suez est active sur les marchés de la collecte des DBE industriels et des déchets résultant de la démolition et de la construction. Compte tenu de l'existence d'offres dans le portefeuille commercial de Suez qui intègrent des prestations sur l'ensemble des segments du marché des DBE, les segments des DBE industriels et des déchets résultant de la démolition et de la construction sont concernés par l'opération.
b) Les marchés géographiques
31. S'agissant du marché de la collecte des déchets banals, la pratique décisionnelle européenne10retient une dimension nationale compte tenu des procédures d'appel d'offres auxquelles recourent les entreprises génératrices de déchets.
32. Cependant, le ministre de l'économie a également relevé que les PME pouvaient être incitées à choisir un prestataire au niveau local11. Par conséquent, la pratique décisionnelle nationale12considère que ce marché peut revêtir une dimension infranationale correspondant à une zone de collecte qui inclut au minimum un département et les départements limitrophes. L'Autorité a également retenu une zone de 200 km de rayon autour des sites de collecte13.
33. En l'espèce, la question de la dimension géographique précise de ces marchés peut toutefois rester ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
2. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE DÉCHETS SPÉCIFIQUES
a) Les marchés de services
34. La pratique décisionnelle nationale a envisagé l'existence d'un marché distinct pour chaque catégorie de déchets spécifiques compte tenu des caractéristiques physiques propres à chacundes déchets suivants : D3E, véhicules hors d'usage (" VHU") et amiante14.
35. En l'espèce, seul le marché de la collecte des D3E est concerné par l'opération.
36. Au sein du marché de la collecte des D3E, la pratique décisionnelle nationale a distingué le marché de la collecte des D3E ménagers15 et le marché de la collecte des D3E professionnels16.
37. En effet, le ministre de l'économie a relevé qu'outre une classification juridique propre (article R. 543-173 du Code de l'environnement), cette distinction se justifiait "au regard de la responsabilité des producteurs qui doivent prendre en charge l'enlèvement et la valorisation des seuls D3E professionnels mis sur le marché après le 13 août 2005 "17. Le ministre indiquait par ailleurs que " l'activité de collecte des D3E professionnels diffère de celle des D3E ménagers dans la mesure où aucun éco-organisme n'ayant été agréé à ce jour dans ce domaine, les producteurs ont mis en place un " système individuel " de reprise en faisant directement appel à des prestataires. Ainsi, contrairement à la collecte des D3E ménagers, la demande n'est pas constituée sur ce marché d'éco-organismes, mais par les entreprises elles-mêmes "18.
38. Dans la décision n° 17-DCC-40 précitée, l'Autorité a confirmé que, malgré la création d'éco-organismes en charge des D3E professionnels, " les collectes des D3E ménagers et professionnels ne sont pas identiques du point de vue de la demande "19, compte tenu notamment des différences de cahiers des charges entre les éco-organismes en charge de la collecte de D3E ménagers et ceux en charge de la collecte de D3E professionnels et de l'importance des systèmes de collecte individuels mis en place par les professionnels.
39. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.
40. En l'espèce, NewCo sera active sur lesmarchés de la collecte de D3E professionnels, marché sur lequel Suez est également actif.
b) Les marchés géographiques
41. S'agissant de la collecte des D3E professionnels, le ministre n'a pas exclu que le besoin exprimé par "une entreprise, notamment une PME, [puisse] être local, notamment si elle possède des sites situés dans une aire géographique restreinte. Une PME sera en effet vraisemblablement encline à choisir son prestataire au niveau de la région ou du département où elle exerce ses activités "20.
42. Cependant, les parties considèrent que le marché de la collecte des D3E est désormais de dimension nationale, car les principaux opérateurs sont généralement actifs sur l'ensemble du territoire (Veolia, Paprec, Praxy, Suez).
43. Au cas d'espèce, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue. Les effets de l'opération seront donc analysés au niveau national et au niveau local (i.e., en l'espèce, départemental).
B. LES MARCHÉS DE LA VALORISATION DES DÉCHETS
a) Les marchés de services
44. Le traitement des déchets peut prendre deux formes distinctes : leur élimination (par incinération ou enfouissement) et leur valorisation.
45. Par opposition à l'élimination, la valorisation consiste dans le traitement des déchets dans le but de les revendre à des industries consommatrices de déchets recyclés (valorisation matière) ou de produire de l'énergie (valorisation énergétique). En l'espèce, seuls les marchés de la valorisation matière sont concernés par l'opération, les déchets collectés par NewCo ayant intégralement vocation à être retraités en vue de leur revente à des tiers.
46. S'agissant de la valorisation matière, la pratique décisionnelle considère qu'il existe autant de marchés de la valorisation que de type de matières à valoriser21. L'Autorité a notamment constaté que " la substituabilité observée du côté de l'offre, en matière d'élimination des déchets non-dangereux, ne se retrouve pas en matière de valorisation des déchets. En outre, la rentabilité de chaque filière est liée dans une large mesure à l'évolution des cours des matières premières auxquelles les déchets recyclés peuvent se substituer "22.
47. Ainsi, les autorités de concurrence ont identifié des marchés distincts de la valorisation des déchets métalliques23 avec une distinction entre métaux ferreux et non ferreux24, des déchets de papiers et cartons25, des déchets plastiques26, du verre27, des boues d'épuration28 et du bois29.
48. Au cas d'espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la valorisation du papier/carton. Suez est également active sur les marchés de la valorisation du plastique, du métal et du bois.
b) Les marchés géographiques
49. La pratique décisionnelle considère que les marchés de la valorisation des déchets revêtent une dimension nationale. En effet, certains matériaux peuvent avoir une valeur économique suffisamment élevée pour justifier que des coûts de transport, même importants, restent négligeables au regard de la valorisation dont ils font l'objet. De plus, les installations de recyclage n'offrent pas toujours une couverture locale aussi étendue que les installations de traitement. Enfin, il apparaît que, sur ces marchés, les opérateurs, de taille nationale, sont actifs sur l'ensemble du territoire. Tant du côté de l'offre que de la demande, les conditions de concurrence peuvent donc être considérées comme homogènes sur le territoire national30.
50. Pour les besoins de la présente opération, une délimitation nationale des marchés de la valorisation matière sera donc retenue.
C. LES MARCHÉS DE NÉGOCEDES DÉCHETS VALORISÉS
51. Dans sa pratique décisionnelle récente, l'Autorité a envisagé l'existence d'un marché distinct du négoce des déchets valorisés31. L'activité de négoce de déchets valorisés se définit comme une activité d'achat et revente où un négociant de matières recyclées acquiert auprès des entreprises de recyclage les matières recyclées dans le but de les revendre à un tiers.
52. À cette occasion, l'Autorité a considéré, en s'appuyant sur la pratique décisionnelle de la Commission, qu'" il existerait autant de marchés de négoce de déchets valorisés qu'il existe de matériaux (papier/carton, plastique, métaux, etc.) "32. Les parties ne contestent pas cette approche.
53. S'agissant de la délimitation géographique de ces marchés du négoce de déchets valorisés, les autorités de concurrence ont retenu des marchés de dimension européenne, voire mondiale33 .
L'Autorité a toutefois procédé, dans un précédent, à une analyse du marché au niveau national34.
54. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.
55. En l'espèce, compte tenu de l'activité de NewCo sur le marché de la valorisation de papier/carton, et des activités de Suez sur les marchés du négoce de déchets valorisés, le marché français du négoce de papier/carton est concerné par l'opération.
D. LE MARCHÉ DUTRAITEMENT DES DÉCHETS SPÉCIFIQUES
56. S'agissant du traitement des déchets spécifiques, la pratique décisionnelle a envisagé de le segmenter en trois marchés distincts : le traitement des D3E, le traitement de l'amiante et le traitement des déchets d'activité de soin. Elle a également envisagé une sous-segmentation du marché du traitement des D3E en fonction de leurs caractéristiques physiques35. Ainsi, les parties proposent de segmenter ce marché selon les catégories propres aux D3E établies par la réglementation européenne36.
57. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.
58. S'agissant du marché géographique du traitement des déchets spécifiques, la pratique décisionnelle retient un marché de dimension locale. L'Autorité a ainsi analysé les effets d'une opération sur une zone d'un rayon compris entre 100 et 400km autour des centres de traitement ou au niveau départemental37.
59. En l'espèce, compte tenu de l'activité de NewCo sur le marché de la collecte de D3E et des activités de Suez sur les marchés du traitement des D3E, ces derniers sont concernés par l'opération. En ce qui concerne la sous-segmentation de ce marché en fonction des caractéristiques physiques des produits, dans la mesure où les D3E susceptibles d'être collectés par l'entreprise commune dans le cadre de son activité sont quasiment exclusivement des déchets de catégorie 3 (équipements informatiques et communication)38, seul ce segment spécifique sera analysé.
E. LES MARCHÉS DE SERVICES POSTAUX
60. Les activités de service postal offertes par La Poste recouvrent (1) les envois de correspondance, (2) les envois de colis et (3) la distribution d'imprimés sans adresse. Les développements qui suivent présenteront les marchés pertinents correspondants à chacune de ces activités. Les parties proposent également d'identifier une activité spécifique de collecte et de remise de courrier à domicile (4).
1. LES ENVOIS DE CORRESPONDANCE
61. L'Autorité a identifié, dans sa décision n° 04-D-65 du 30 novembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par La Poste dans le cadre de son contrat commercial, un marché des envois de correspondance. L'envoi de correspondance est défini par le code des postes et télécommunications comme " un envoi postal ne dépassant pas deux kilogrammes et comportant une communication écrite sur un support matériel, à l'exclusion des livres, catalogues, journaux ou périodiques. Le publipostage fait partie des envois de correspondance "39.
62. Dans son avis n° 09-A-52 du 29 octobre 2009 concernant un projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, l'Autorité a analysé les différents marchés européens des envois de correspondance selon une délimitation nationale.
63. En application de la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, et conformément à l'article 2 du code des postes et des télécommunications, La Poste est le prestataire du service universel postal en France, à compter du 1er janvier 2011 et pour une durée de 15 ans. Or, le service universel postal comprend, selon l'article 1er du code des postes et télécommunications, " des offres de services nationaux et transfrontières d'envois postaux d'un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu'à 20 kilogrammes, d'envois recommandés et d'envois à valeur déclarée ".
64. En conséquence, La Poste est active sur le marché des envois de correspondance.
2. LESENVOIS DE COLIS
65. Selon la pratique décisionnelle de l'Autorité40, l'activité d'envoi de colis relève du marché de la messagerie de colis. L'Autorité définit l'activité de messagerie comme l'acheminement de documents ou de colis de moins de 3 tonnes, provenant de différents chargeurs et adressés à différents destinataires. Au sein de cette activité, une segmentation est opérée entre les documents et les colis. Sur le marché de la messagerie de colis, l'Autorité distingue trois types de services : (i) la messagerie traditionnelle (livraison de 24 à 72 heures sur le territoire national), (ii) la messagerie rapide (enlèvement avant 18 heures pour une livraison en principe le lendemain avant 18 heures sur le territoire national, les délais n'étant pas garantis) et (iii) la messagerie express (enlèvement avant 18 heures pour une livraison le lendemain avant 12 ou 13 heures sur le territoire national, avec différents niveaux de garantie sur les délais).
66. L'Autorité a également opéré une distinction entre les activités de livraison de (i) professionnels à professionnels (" BtoB "), (ii) professionnels à particuliers (" BtoC "), (iii) particuliers à professionnels (" CtoB ") et (iv) particuliers à particuliers ("CtoC")41.
67. En outre, l'Autorité a envisagé une segmentation selon le poids des colis (plus ou moins de 30 kilogrammes), aussi bien sur le marché de la messagerie de colis en BtoB que sur le marché de la messagerie de colis en BtoC42.
68. Enfin, les autorités de concurrence font une distinction entre la messagerie nationale et la messagerie internationale43.
69. En l'espèce, la question de la délimitation exacte des marchés peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.
70. La pratique décisionnelle de l'Autorité44 considère que les marchés de la messagerie de colis revêtent une dimension nationale.
71. En l'espèce, La Poste est titulaire d'une mission de service universel postal, qui intègre une offre de services nationaux et transfrontières d'envois de colis postaux jusqu'à 20 kilogrammes. La Poste est donc active sur l'ensemble des segments identifiés ci-dessus, à l'exception de ceux relatifs à la livraison de colis d'un poids supérieur à 30 kilogrammes.
3. LADISTRIBUTION D'IMPRIMÉS SANS ADRESSE
72. La pratique décisionnelle de l'Autorité identifie un marché de la distribution d'imprimés sans adresse (ci-après, " ISA"), qui regroupe notamment les prospectus, les tracts, les imprimés et journaux publicitaires45.
73. Elle a retenu que, sur le marché de la distribution d'ISA, la demande nationale et la demande locale n'étaient pas substituables46. En effet, certaines entreprises, notamment des grands groupes intégrés, mènent des négociations au niveau national, tandis que d'autres, en particulier des petits détaillants, achètent des prestations au niveau local. De plus, du côté de l'offre, il existe de nombreux prestataires au niveau local, mais très peu sont présents au niveau national.
C'est pourquoi il convient de retenir une dimension à la fois nationale et locale du marché de la distribution d'ISA.
74. En l'espèce, La Poste est active sur les différents segments géographiques du marché de la distribution d'ISA, via sa filiale Mediapost.
4. LA COLLECTE ET LA REMISE DE COURRIER À DOMICILE
75. Dans le cadre de l'instruction de l'opération, les parties ont indiqué que la seule activité présentant un lien potentiel avec la collecte de déchets était celle de la collecte et la remise de courrier à domicile. Ce service proposé par La Poste est essentiellement souscrit par des entreprises. Il consiste en l'organisation du passage d'un facteur sur une base régulière et dans une tranche horaire garantie, afin que celui-ci collecte et/ou remette le courrier à une adresse désignée.
76. Les parties considèrent que cette activité relève d'un marché spécifique de la collecte et remise de courrier à domicile. Selon elles, ce marché serait de dimension locale, dans la mesure où une telle activité ne nécessiterait pas de présence au niveau national puisque les trajets qu'elle implique sont limités (trajet bureau de poste-lieu d'implantation de l'entreprise) et où de nombreux acteurs locaux seraient présents sur ce marché.
77. En tout état de cause, il n'y a pas lieu de trancher la question de l'existence et de la délimitation exacte de ce marché, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.
III. Analyse concurrentielle
78. Les effets horizontaux (A), verticaux (B) et congloméraux (C) que l'opération est susceptible d'entraîner seront successivement analysés.
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
79. L'opération est susceptible d'entraîner des effets horizontaux sur les marchés de la collecte de DBE commerciaux (1) et de D3Eprofessionnels (2), ainsi que sur le marché de la valorisation de papier/carton (3).
1. LE MARCHÉ DE LA COLLECTE DE DBECOMMERCIAUX
80. Sur le marché français de la collecte de DBE commerciaux, les parties détiendront, à l'issue de l'opération, une part de marché cumulée de [5-10]% ([0-5]% lié aux activités de l'entreprise commune, [5-10]% pour Suez et moins de [0-5]% pour La Poste). Les parties demeureront confrontées à la concurrence d'opérateurs importants, notamment Veolia ([5-10]%) et Paprec ([5-10]%).
81. En outre, la part de marché cumulée des parties sur les marchés de la collecte de DBE commerciaux demeurera, sur tous les départements où elles sont concomitamment actives, ainsi que sur toutes les zones qui intègrent les départements dans lesquels les parties sont actives et leurs départements limitrophes, inférieure à 25%.
82. Sur le marché français de la collecte des DBE commerciaux papier/carton, les parties détiendront, à l'issue de l'opération, une part de marché cumulée de [5-10]%([0-5]% lié aux activités de l'entreprise commune, [5-10]% pour Suez et [0-5]% pour La Poste). Les parties demeureront confrontées à la concurrence d'opérateurs importants, notamment Paprec ([20-30]%), Veolia ([10-30]%), ainsi que, dans une moindre mesure, Schroll et Derichebourg.
83. En outre, la part de marché cumulée des parties sur les marchés de la collecte de DBE commerciaux papier/carton, demeurera inférieure à 25% sur l'ensemble des départements français, à l'exception de trois d'entre eux. La part de marché cumulée des parties restera inférieure à 25% sur des marchés locaux intégrant les départements sur lesquels elles sont concomitamment actives et les départements limitrophes, et sur les zones définies par un rayon de 200 km autour des sites de collecte détenus par les parties.
84. Les trois départements où la part de marché cumulée des parties sera supérieure à 25%sont : la Creuse ([30-40]%), l'Eure-et-Loir ([20-30]%) et le Bas Rhin ([30-40]%). Le tableau suivant résume, pour chacun de ces départements, la position des parties :
[TABLEAU]
85. Les parts de marché des parties à l'issue de l'opération sur chacun de ces marchés locaux restent toutefois inférieures à 40%. En outre, l'incrément de parts de marché lié à l'activité de La Poste (qu'elle soit apportée à l'entreprise commune ou conservée en propre par la maison-mère) est systématiquement inférieur à [0-5] points, et, selon les déclarations des parties, la variation de l'indice Herfindahl-Hirschman48 est systématiquement inférieure à [...], sur chacun de ces segments de marché.
86. Enfin, sur l'ensemble de ces segments, les parties demeureront confrontées à la concurrence d'opérateurs importants, dont certains sont présents sur l'ensemble du territoire français (Veolia et Paprec notamment). Au surplus, l'ensemble des répondants au test de marché ont indiqué qu'ils anticipaient l'entrée de nouveaux opérateurs sur les marchés de la collecte de DBE commerciaux, compte tenu de la faiblesse des barrières à l'entrée sur ces marchés.
87. Sur les marchés français de la collecte de DBE commerciaux papier/carton diffus et non-diffus, les parts de marché cumulées des parties s'élèveront à [5-10]%, quelle que soit la segmentation envisagée.
88. Sur les marchés locaux de la collecte de DBE commerciaux papier/carton diffus et non-diffus, les parts de marché des parties sont inférieures à 25%, à l'exception des départements suivants :
Segment diffus Dordogne : [30-40]%(Suez : [30-40]%/ La Poste : [0-5]%)
Eure-et-Loir : [60-70]% (Suez : [60-70]% / La Poste : [0-5]%)
Jura : [30-40]%(Suez : [30-40]% / La Poste : [0-5]%)
Segment non-diffus Aude : [20-30]%(Suez : [20-30]% / La Poste : [0-5]%)
Bouches du Rhône : [30-40]%(Suez : [30-40]% / La Poste : [0-5]%)
Creuse : [40-50]%(Suez : [40-50]% / La Poste : [0-5]%)
Indre : [20-30]%(Suez : [20-30]% / La Poste : [0-5]%)
Pyrénées-Orientales : [20-30]%(Suez : [20-30]% / La Poste : [0-5]%)
Bas-Rhin : [40-50]%(Suez : [40-50]% / La Poste : [0-5]%)
89. En conséquence, si une segmentation entre les déchets diffus et non-diffus devait être envisagée sur le marché de la collecte de DBE commerciaux papiers/cartons, les parts de marché des parties seraient supérieures à 25% sur neuf marchés locaux.
90. Sur huit de ces neuf zones, les parties détiennent une part de marché inférieure à 50%, avec un incrément de parts de marché lié à l'opération systématiquement inférieur à [0-5] points49.
91. Sur le seul département où leur part de marché cumulée est supérieure à 50% (Eure-et-Loire), l'une des parties a perdu, en 2016, un client important représentant [...]% des volumes collectés. En tenant compte de la perte de ce client, la part de marché cumulée des parties à l'opération est réduite à [5-10]%. En outre, sur ce segment, les parties seront confrontées à la concurrence d'acteurs importants, qui proposent des offres à destination de tout type d'entreprise, tels que Paprec, Veolia et Derichebourg.
92. Dans l'hypothèse de marchés géographiques recouvrant à la fois un département et l'ensemble de ses départements limitrophes, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 25%, à l'exception du département du Haut Rhin et de ses départements limitrophes, où elle atteindrait [20-30]% sur le marché des clients non-diffus, avec un incrément très limité de [0-5] point.
93. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les marchés de la collecte de DBE commerciaux.
2. LE MARCHÉ DE LA COLLECTE DE D3EPROFESSIONNELS
94. Seule Suez est actuellement active sur le marché français de la collecte de D3E professionnels, avec une part de marché de [5-10]% au niveau national et inférieure à 25% sur tous les marchés locaux. L'entreprise commune sera un nouvel entrant sur ce marché. Toutefois, les volumes de D3E susceptibles d'être collectés par l'entreprise commune s'élèveraient, selon les estimations communiquées par les parties, au maximum à [...] tonnes en 2022, pour un marché total de 43 000 tonnes en 2015, de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme un animateur de la concurrence (" maverick "). En effet, la part de marché de l'entreprise commune s'élèverait, au maximum, à [5-10]% du marché, en considérant que le volume total du marché reste stable.
L'entreprise commune a donc vocation à rester un acteur limité sur ce marché, la collecte de D3E étant un accessoire à son activité principale de collecte de DBE commerciaux papier/carton.
95. Suez et l'entreprise commune seront confrontés à la concurrence d'opérateurs importants, notamment Paprec et Veolia dont les parts de marché sont, selon les estimations des parties, supérieures à 15%.
96. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché de la collecte de D3E professionnels.
3. LE MARCHÉ DE LA VALORISATION DE PAPIER/CARTON
97. Sur le marché français de la valorisation de papier/carton, les parties détiendront, à l'issue de l'opération, une part de marché de [10-20]% ([0-5]% lié aux activités de l'entreprise commune50, [10-20]% pour Suez et moins de [0-5]% pour La Poste). L'incrément de parts de marché lié à l'opération est donc inférieur à [0-5] points. En outre, les parties demeureront confrontées à la concurrence d'opérateurs importants, notamment Paprec ([20-30]%) et Veolia ([10-20]%).
98. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur le marché de la valorisation de papier/carton.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
99. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Deux types de verrouillage sont distingués. Dans le premier cas, l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou fournit cet intrant à un prix élevé, dans des conditions défavorables ou à un niveau de qualité dégradé (" verrouillage des intrants "). Dans le second cas, la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter ou de distribuer les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (" verrouillage de l'accès à la clientèle "). La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30%.
100. Les marchés verticalement concernés par l'opération sont les marchés de la valorisation de métal, bois et plastique (1), du traitement des D3E (2) et du négoce de déchets recyclés (3).
1. LES MARCHÉS DE LA VALORISATION DE MÉTAL, BOIS ET PLASTIQUE
101. En l'espèce, l'entreprise commune sera active sur les marchés de la collecte des DBE commerciaux, qui intègrent des déchets de métal, bois et plastique. Toutefois, elle ne se chargera pas elle-même de la valorisation de ces déchets : elle les revendra à Suez, qui en assurera la valorisation. Ainsi, à l'issue de l'opération, il existera une intégration verticale entre les activités de collecte de DBE commerciaux de l'entreprise commune et les activités de valorisation de métal, de bois et de plastique de Suez.
102. Toutefois, les volumes de collecte de déchets métal, bois et plastique susceptibles d'être vendus par l'entreprise commune à Suez en vue de leur valorisation sont limités puisqu'ils devraient représenter, à terme, moins de 10% des tonnages collectés par l'entreprise commune, soit, selon les estimations communiquées par les parties, environ [...] tonnes en 2022. Or, les volumes des marchés de la valorisation des plastiques, métaux et bois en France sont respectivement estimés, en 2015, à 0,83, 14,4 et 5,2millions de tonnes. En conséquence, les volumes de déchets métal, bois et plastique susceptibles d'être cédés par l'entreprise commune à Suez représentent une part très limitée du volume total de déchets valorisés en France.
103. En outre, la part de marché de Suez sur les marchés aval de la valorisation de métal, bois et plastique est limitée et, en tout état de cause, inférieure à 25%, comme illustré par le tableau suivant :
[TABLEAU]
105. Compte tenu de cette part de marché limitée, Suez n'aura pas la capacité, à l'issue de l'opération, de verrouiller l'accès des concurrents à une clientèle suffisante.
106. S'agissant des marchés amont de la collecte de DBE, la part de marché cumulée des parties est très réduite au niveau national. Si les parts de marchés cumulées des entreprises au niveau local sont parfois supérieures à 30%, l'incrément lié à l'opération est très faible et, dans tous les cas, inférieur à [0-5] points. En conséquence, les incitations de Suez à verrouiller l'accès des concurrents aux intrants nécessaires à leur activité sur les marchés de la valorisation du métal, bois et plastique en France ne sont pas modifiées par l'opération.
107. Enfin, sur l'ensemble de ces marchés, Suez est confrontée à la concurrence d'opérateurs importants (Veolia, Paprec, et, selon les répondants au test de marché, Derichebourg), qui sont eux-mêmes verticalement intégrés.
108. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux entre les marchés de la collecte de DBE et ceux de la valorisation du métal, bois et plastique.
2. LE MARCHÉ DU TRAITEMENT DES D3E
109. En l'espèce, l'entreprise commune sera active sur les marchés de la collecte des D3E professionnels. Toutefois, elle ne se chargera pas elle-même de la valorisation de ces déchets : elle les revendra à Suez, qui en assurera la valorisation. Ainsi, à l'issue de l'opération, il existera une intégration verticale potentielle entre les activités de collecte de D3E professionnels de l'entreprise commune et les activités de traitement des D3E de Suez.
110. Toutefois, ainsi qu'il a été expliqué précédemment, Suez et La Poste n'apporteront aucune activité de collecte de D3E à l'entreprise commune. L'entreprise commune sera un nouvel entrant sur ce marché et l'opération n'aura pas pour effet de renforcer significativement la position de Suez et de l'entreprise commune sur ce marché.
111. En outre, la part de marché de Suez sur le marché français du traitement des D3E et sur le segment spécifique du traitement des D3E de catégorie 3 est limitée ainsi qu'en atteste le tableau suivant :
Segment de marché Traitement des D3Een France
Traitement des D3E de catégorie 3 en France
Part de marché de Suez [0-5]% [10-20]%
112. La part de marché de Suez est inférieure à 25% sur l'ensemble des marchés locaux du traitement des D3E concernés par l'opération.
113. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux entre les marchés de la collecte de D3E et de leur traitement.
3. LE MARCHÉ DU NÉGOCE DE DÉCHETS VALORISÉS
114. En l'espèce, l'entreprise commune sera active sur le marché de la valorisation de papiers/cartons. Elle sera donc susceptible de céder le papier/carton valorisé à Suez afin que cette dernière les revende dans le cadre de son activité de négoce de déchets.
115. Toutefois, les volumes de papier/carton susceptibles d'être vendus par l'entreprise commune sont estimés à environ [...] tonnes en 2018 pour un volume total de papier valorisé en France estimé, en 2015, à 7,3 millions de tonnes, soit moins de [0-5]% du marché. Selon les parties, les volumes de papier/carton valorisés par l'entreprise commune en France devraient s'élever, au maximum, à [...] tonnes en 2022, soit moins de [0-5]% du marché (en considérant que le volume total du marché restera stable d'ici là ce qui est confirmé par la majorité des répondants au test de marché).
116. En outre, Suez détient une part de marché très limitée sur le marché français du négoce de papier/carton valorisé, de [0-5]%; il est par ailleurs confronté à la concurrence d'opérateurs importants (Veolia, Paprec), qui sont eux-mêmes verticalement intégrés.
117. Il résulte de ce qui précède que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux entre les marchés de la valorisation de papier/carton et de leur négoce.
C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX
118. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'exploiter un effet de levier. Si les concentrations conglomérales peuvent généralement susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent, par exemple, de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère en principe qu'un risque d'effet congloméral peut être écarté dès lors que la part de l'entité issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30%.
119. La pratique décisionnelle considère qu'une opération conglomérale porte atteinte à la concurrence lorsque la nouvelle entité possède non seulement la capacité matérielle d'exercer un effet de levier, mais également lorsqu'elle est incitée à le faire et que l'exercice de cet effet de levier a un impact significatif sur les marchés concernés. En pratique, ces trois critères sont étroitement liés.
120. En l'espèce, les différents marchés de la collecte de DBE (commerciaux, industriels et de démolition/construction) sont, par définition, connexes. En effet, Suez proposera une offre globale de collecte de DBE dite "multiflux ", intégrant, d'une part, la collecte de déchets de bureaux et, d'autre part, la collecte d'autres types de DBE, à savoir des DBE commerciaux autres que les déchets de bureau, des DBE industriels et des DBE de démolition-construction. Dans le cadre de ces offres, la collecte de déchets de bureau sera réalisée par l'entreprise commune, tandis que la collecte des autres types de déchets sera réalisée par Suez.
121. En conséquence, il y a lieu d'analyser le risque d'effets congloméraux entre les différents marchés de la collecte de DBE (1).
122. Par ailleurs, compte tenu des synergies commerciales (clients communs) et logistiques (utilisation des moyens de distribution de courrier de La Poste -matériels et humains - pour collecter les déchets de bureaux) entre les offres de collecte de DBE commerciaux proposées par l'entreprise commune et les offres postales de La Poste, il y a lieu d'analyser le risque d'effet congloméral entre le marché de la collecte de DBE commerciaux et ceux des services postaux (2).
123. Il n'y a pas lieu d'analyser les risques éventuels d'effets congloméraux entre les autres marchés ou segments de marchés concernés par l'opération (notamment les différents marchés de la valorisation des déchets), la part de marché cumulée des parties, et de l'entreprise commune, étant systématiquement inférieure à 30%.
1. EFFETS CONGLOMÉRAUX ENTRE LES DIFFÉRENTS MARCHÉS DE LA COLLECTE DE DBE
124. Les répondants au test de marché ont unanimement indiqué que le fait, pour un opérateur, de collecter plusieurs catégories de DBE (notamment, collecte de DBE commerciaux ou industriels) lui permet de proposer aux clients une solution globale, pour tous les types de déchets, éventuellement à moindre coût, compte tenu de la réduction des frais de gestion administrative liés à ce type d'offres.
125. Sur les marchés nationaux de la collecte de DBE industriels et de la collecte de DBE de construction/démolition, la part de marché de Suez s'élève respectivement à [5-10]% et [0-5]%. Seul Suez est actif sur ces marchés.
126. Les parties n'ont pas fourni leurs parts de marchés sur les marchés locaux de la collecte de DBE industriels et de la collecte de DBE de construction/démolition. Toutefois, les effets congloméraux susceptibles de se matérialiser sur ces marchés résulteraient uniquement des offres " multiflux " qui sont proposées par Suez et qui intègrent, d'une part, la collecte de DBE commerciaux et, d'autre part, la collecte de DBE industriels et de construction/démolition. Or, selon les informations communiquées par les parties, ces offres sont essentiellement négociées au niveau national, le plus souvent avec de grandes entreprises. En conséquence, les effets congloméraux susceptibles d'émerger à la suite de l'opération entre les différents segments de la collecte de DBE concernent principalement les marchés nationaux, et non les marchés locaux.
127. En outre, sur les marchés de la collecte de DBE industriels et de démolition/construction, Suez reste confrontée à la concurrence d'opérateurs nationaux importants, notamment Veolia, Paprec et Derichebourg. Selon plusieurs répondants au test de marché, ces opérateurs proposent des offres couplées entre les différents marchés de la collecte de DBE.
128. Enfin, plusieurs répondants au test de marché ont précisé que certains opérateurs locaux proposaient également de telles offres couplées.
129. En conséquence, l'opération n'est pas susceptible de générer d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux entre les différents marchés de la collecte de DBE.
2. EFFET CONGLOMÉRAL ENTRE LE MARCHÉ DE LA COLLECTE DE DBECOMMERCIAUX ET LES MARCHÉS DE SERVICES POSTAUX
130. À titre liminaire, la présente instruction a tenu compte de la procédure contentieuse 13/0025F, dans laquelle l'Autorité a accepté, le21décembre 2017, les engagements proposés par La Poste.
Ces engagements, dont l'ultime version a été déposée le 4 décembre 2017, sont destinés à répondre aux préoccupations de concurrence formulées par les services d'instruction le 27 juillet 2017.
131. Dans leur évaluation préliminaire, les services d'instruction de l'Autorité ont considéré que le groupe La Poste (entendu comme la maison-mère, La Poste, et sa filiale Nouvelle Attitude, ci-après " La Poste ") est susceptible d'être en situation de position dominante sur plusieurs marchés de services postaux, notamment les marchés nationaux des envois de correspondance et des envois de colis standard entre entreprises et particuliers. Dans ce contexte, les services d'instruction ont constaté que l'utilisation d'avantages non-reproductibles liés au service universel postal pourrait constituer un avantage pour le Groupe La Poste susceptible de produire un effet anticoncurrentiel sur les marchés de la collecte de déchets. Sont concernés l'utilisation de l'assermentation des facteurs comme garantie de confidentialité et le recours aux contacts entrants liés au service universel des clients postaux professionnels pour la promotion et la vente des offres de collecte de déchets du groupe. Les services d'instruction ont également constaté que La Poste était susceptible de proposer des offres de collecte de déchets à des prix pouvant conduire à l'éviction de concurrents, faute de posséder les outils lui permettant d'éviter de tels prix ou, à tout le moins, de corriger rapidement son comportement. Selon l'évaluation préliminaire des services d'instruction, l'ensemble de ces comportements est susceptible de constituer un abus de position dominante.
132. Le test de marché réalisé dans le cadre de l'opération de concentration, objet de la présente décision, montre que des risques d'atteinte à la concurrence similaires à ceux identifiés par les services d'instruction de l'Autorité dans le cadre de la procédure13/0025F susvisée sont susceptibles de se produire à l'issue de la présente opération.
a) Résultats du test de marché
133. En premier lieu, un répondant au test de marché a indiqué que l'entreprise commune pourrait bénéficier de la notoriété de la marque Recy'go, sous laquelle La Poste commercialise actuellement ses offres de collecte de déchets. Celle-ci aurait été développée en peu de temps grâce à des campagnes publicitaires de La Poste couplant plusieurs offres de services proposées par La Poste ou ses filiales. Plus généralement, selon les répondants au test de marché, l'entreprise commune serait susceptible de bénéficier de la notoriété et de l'image de proximité liée à la marque La Poste, résultant en particulier de l'assermentation des facteurs.
134. En deuxième lieu, un répondant au test de marché a indiqué que la force commerciale nationale de La Poste, dans le cadre des prestations postales fournies aux professionnels, ainsi que la présence quotidienne des facteurs auprès des entreprises, sont susceptibles de lui permettre de présenter l'offre de collecte de déchets de l'entreprise commune dans des conditions économiques non reproductibles par les concurrents.
135. En troisième lieu, plusieurs répondants ont mis en évidence l'existence d'un avantage spécifique dont l'entreprise commune serait susceptible de bénéficier, en raison des activités de La Poste sur les différents marchés des services postaux identifiés par la pratique décisionnelle de l'Autorité. En particulier, La Poste bénéficierait, selon ces répondants, de la faculté de collecter du papier/carton en tous lieux, y compris dans des zones de faible densité, grâce à son réseau de facteurs présents sur l'ensemble du territoire, ainsi qu'à son fort taux d'équipements en véhicules (notamment électriques).
136. Plusieurs répondants au test de marché considèrent que la mise à disposition de ces différents avantages non-reproductibles par les concurrents doit, a minima, être facturée à son coût incrémental moyen de long terme. L'un des répondants au test de marché souhaite que les prestations de collecte assurée par La Poste soient accessibles à tous les concurrents, de manière transparente et non discriminatoire.
137. En dernier lieu, plusieurs répondants au test de marché ont indiqué que La Poste dispose d'un fichier d'entreprises clientes ou prospects qui lui permettrait d'identifier de nouveaux gisements de déchets disponibles. Selon l'un d'entre eux, l'accès à ces informations serait d'autant plus pertinent que le panier moyen des prestations de collecte de déchets en vue de leur valorisation est faible, en particulier auprès des plus petites entreprises, ce qui augmente le coût d'opportunité de l'achat d'une telle base de données.
b) Analyse concurrentielle
La position de La Poste sur les marchés des services postaux
138. Afin d'analyser l'existence d'effets congloméraux susceptibles d'émerger à l'issue de l'opération entre les différents marchés de la collecte de DBE commerciaux et des services postaux, il convient tout d'abord d'estimer la position de La Poste sur ces derniers marchés.
139. Selon les données communiquées par les parties, La Poste disposerait d'une part de marché supérieure à 50% sur un grand nombre de marchés pertinents des services postaux : les marchés de l'envoi de correspondance, de la distribution d'imprimés sans adresse, ainsi que sur l'éventuel marché de la collecte et de la remise de courrier à domicile, proposé par les parties.
140. En particulier, sur le marché de l'envoi de correspondance, La Poste disposerait d'une part de marché supérieure à 90%. Par ailleurs, La Poste est, jusqu'en 2026, le prestataire du service universel postal en France.
141. En conséquence, La Poste jouit d'une position très forte sur plusieurs marchés de service postaux identifiés par la pratique décisionnelle du fait notamment de sa position d'opérateur historique en charge du service public postal en France.
L'utilisation d'avantages non-reproductibles liés au service universel postal lors de la commercialisation et de la promotion des activités de collecte et de valorisation des déchets de l'entreprise commune
142. L'existence de " craintes sur la confidentialité "51 a été identifiée parmi les verrous susceptibles de faire obstacle au développement économique spontané de la collecte et du recyclage des papiers de bureau. Dans ces circonstances, La Poste pourrait être incitée à utiliser sa position de prestataire du service universel postal, et notamment l'assermentation des facteurs, pour promouvoir et vendre les offres de l'entreprise commune.
143. En outre, compte tenu de la proximité entre les clients concernés par les offres professionnelles de La Poste dans le secteur des services postaux et les offres de collecte en vue de la valorisation de DBE proposées par l'entreprise commune, La Poste pourrait, à l'issue de l'opération, promouvoir et vendre les offres de l'entreprise commune à l'occasion de contacts entrants liés au service universel postal, téléphoniques ou physiques, auprès de clients professionnels. Elle serait d'autant plus incitée à le faire que l'extension des exigences de tri à la source des papiers de bureau à toutes les entreprises ayant plus de 20 employés de bureau au 1er janvier 2018 va rendre obligatoire la collecte de DBE commerciaux dans un grand nombre de petites et moyennes entreprises qui ne disposaient pas nécessairement, à ce jour, de contrat de collecte de déchets52.
144. Les incitations de La Poste à adopter ce type de comportement sont confirmées, en l'espèce, par la décision de l'Autorité n° 17-D-26 précitée. Cette dernière relève que La Poste a déjà utilisé l'assermentation des facteurs dans les présentations des offres de collecte de déchets de papiers de bureau de La Poste, ou dans les supports de formation adressés aux forces de vente, ainsi que les contacts téléphoniques entrants relatifs au service universel postal, sur sa ligne dédiée aux professionnels, pour promouvoir les offres de collecte de déchets commercialisées par La Poste auprès de ces clients.
145. À cet égard, l'Autorité a rappelé à plusieurs reprises que, si les stratégies de diversification d'opérateurs en monopole, anciennement titulaires d'un monopole ou titulaires de droits exclusifs, ne sont pas, par elles-mêmes, contraires au droit de la concurrence, dès lors qu'elles peuvent stimuler la concurrence par l'arrivée d'un nouvel acteur sur un ou plusieurs marchés, de telles stratégies comportent un certain nombre de risques qui appellent des précautions particulières afin de préserver une compétition effective et équitable sur les différents marchés concernés. Or, en l'espèce, l'exploitation des différents avantages détenus par La Poste en sa qualité de prestataire du service universel postal (présence des clients dans les espaces de vente de La Poste, appels entrants relatifs aux prestations de service universel postal, présence de facteurs assermentés dans l'entreprise, etc.) constitue un avantage significatif et non reproductible par ses concurrents sur les marchés de la collecte de DBE commerciaux.
146. Les deux premiers comportements identifiés par les répondants au test de marché et présentés ci-dessus aux points 133 et 134 sont donc, en l'espèce, susceptibles de se matérialiser.
Les prestations réalisées par La Poste pour le compte de l'entreprise commune
147. Les informations communiquées par les parties montrent également que La Poste réalisera, pour le compte de l'entreprise commune, certaines prestations de collecte de déchets, ainsi que de promotion et de commercialisation des offres, qui s'appuieront sur les moyens logistiques et humains de La Poste qui sont destinés, à titre principal, à ses missions relatives au service universel postal.
148. Toutefois, aucun élément transmis par les répondants au test de marché ne permet de démontrer que La Poste bénéficie, à ce jour, d'infrastructures essentielles dont l'accès devrait être généralisé à tous les opérateurs actifs sur le marché de la collecte de DBE commerciaux. D'une part, le réseau logistique détenu par La Poste n'est pas indispensable à l'activité de collecte de DBE. À cet égard, les concurrents des parties sur le marché de la collecte de DBE commerciaux utilisent leur propre infrastructure de collecte, y compris pour les papiers et cartons collectés auprès des clients diffus ou non-diffus. En particulier, il ne peut être soutenu que le fait de proposer un passage quotidien dans le cadre d'une activité déployée sur les marchés de la collecte de DBE commerciaux constituerait une condition indispensable pour accéder à ces marchés, puisqu'un passage aussi fréquent n'est pas indispensable pour satisfaire la demande des clients53. Selon les informations fournies par les parties lors de l'instruction, les clients ayant souscrits à l'offre Recy'go souhaitent très majoritairement que les DBE commerciaux soient collectés sur une base hebdomadaire, bimensuelle et mensuelle. Quant aux prestations actuellement offertes par Suez, elles ont lieu à une fréquence qui varie généralement [confidentiel]54.
149. D'autre part, en raison de sa qualité et de son contenu, la base de données de clients professionnels détenue par La Poste est réplicable facilement et à moindre coût. À cet égard, les parties ont indiqué, à l'occasion de l'instruction, que des bases de données similaires à celle de La Poste peuvent être acquises auprès d'opérateurs tiers, pour un coût limité55.
150. En revanche, compte tenu de la position de La Poste sur les marchés de services postaux, il convient de s'assurer que les prestations acquises par l'entreprise commune auprès de sa maison-mère le sont à un prix de marché, c'est-à-dire, à un prix couvrant le coût de la prestation. Dans le cas contraire, NewCo serait avantagée par rapport aux autres opérateurs actifs sur le marché de la collecte de DBE commerciaux, qui se trouveraient dans l'obligation de couvrir l'ensemble des coûts liés aux prestations commercialisés sur ledit marché.
151. En l'espèce, La Poste bénéficiant d'un contrôle total du mécanisme de fixation de prix des prestations qu'elle réalise pour le compte de l'entreprise commune, elle est en mesure de proposer ces prestations à un prix inférieur à l'ensemble des coûts qu'elles génèrent. Il n'est donc pas exclu que La Poste soit incitée à agir de la sorte. Ainsi, dans sa décision n° 17-D-26, l'Autorité a constaté que, compte tenu de la méthode de calcul des coûts et de fixation des prix de l'offre Recy'go Papiers utilisée par La Poste, cette dernière est susceptible de proposer des offres à des prix qui sont de nature à susciter des préoccupations de concurrence.
152. Toutefois, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de caractériser davantage ces éventuels effets congloméraux puisque les parties ont proposé des engagements destinés à remédier aux risques d'atteinte à la concurrence identifiés ci-dessus.
IV. Les engagements
153. Afin de remédier aux risques d'effets congloméraux identifiés ci-dessus, les parties ont déposé, le 21 novembre 2017, une proposition d'engagements qui a été modifiée en dernier lieu le 6décembre 2017. Le texte intégral de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.
A. LES ENGAGEMENTSPROPOSÉS
154. Les engagements proposés comprennent deux volets de nature non-tarifaire et tarifaire et un engagement de formation.
155. Afin de remédier aux risques d'utilisation par les parties d'avantages non-reproductibles liés au service universel postal lors de la commercialisation et de la promotion des offres de collecte en vue de la valorisation de déchets banals d'entreprises proposées par l'entreprise commune (ci-après, " les Offres "), celles-ci s'engagent, dans l'engagement n° 1, à :
- élaborer des communications nationales portant sur les Offres de façon à éviter toute confusion avec les offres relevant du service universel postal ;
- élaborer des propositions commerciales (cotation, devis) relative aux Offres sur un support évitant toute confusion avec les offres relevant du service universel postal ;
- mettre en place des actions de sensibilisation des personnels en relation commerciale avec les clientèles des Offres ;
- et, plus spécifiquement, supprimer toute référence à la notion d'assermentation des facteurs dans les outils et supports utilisés dans le cadre de la promotion commerciale des Offres.
156. En plus de cet engagement souscrit par les deux parties, La Poste s'engage seule à :
- ne pas mettre en place de politique visant à promouvoir ou vendre les Offres lors de la réception des appels téléphoniques entrants de clients portant sur des offres du service universel postal, que ces appels soient traités par des téléconseillers de La Poste ou par des prestataires ;
- ne pas mettre en place de politique visant à promouvoir ou vendre des Offres à l'occasion de contacts physiques relevant initialement du service universel postal avec des clients ou des prospects professionnels.
157. Les consignes relatives à ces engagements spécifiques à La Poste seront diffusées au niveau local et, une fois par an, à l'ensemble des téléconseillers de La Poste ou de ses prestataires.
158. Afin de remédier aux risques d'atteinte à la concurrence de nature tarifaire identifiés par l'Autorité de la concurrence, La Poste s'engage à renforcer la fiabilité du processus d'élaboration des prix des prestations qu'elle propose à l'entreprise commune (ci-après, " les Prestations ") et à instaurer des mécanismes de suivi de ces prix. Pour cela, La Poste s'engage, dans les engagements n° 2 et n° 3, à :
- élaborer une méthodologie d'identification ex ante de l'ensemble des coûts évitables et des coûts incrémentaux liés à chacun des intrants nécessaires à la fourniture des Prestations, notamment ceux relatifs à l'utilisation des moyens du service universel postal pour la promotion, la commercialisation et la réalisation des Prestations (engagement n° 2a) ;
- utiliser cette méthodologie pour la fixation des prix des Prestations (engagement n° 2b) en fixant un prix supérieur au coût évitable résultant de la méthodologie qui vient d'être exposée et en organisant un système de validation interne dans l'hypothèse où le prix envisagé serait inférieur au coût incrémental moyen résultant de la méthodologie ci-dessus ;
- mettre en place un suivi de la profitabilité des Prestations, notamment par le biais d'un contrôle ex post de la méthodologie d'identification des coûts élaborée ex ante (engagement n° 3).
159. Dans le but d'assurer l'efficacité de ces différents engagements, La Poste s'engage à mettre en place des formations régulières, sur une base au moins annuelle, relatives au respect du droit de la concurrence notamment en cas de diversification (y compris dans ses aspects tarifaires). Ces formations seront organisées à destination de son personnel travaillant sur les relations entre La Poste et l'entreprise commune.
160. Les parties s'engagent ensemble à organiser les mêmes formations auprès des équipes commerciales de l'entreprise commune, à l'exception du point sur les pratiques tarifaires et les standards de coût en droit de la concurrence.
161. Ces deux engagements sont réunis au sein de l'engagement n° 4 relatif aux formations.
162. Ces engagements seront mis en œuvre dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à l'exception de l'engagement tarifaire présenté au point 158ci-dessus, qui sera mis en œuvre dans un délai de six mois à compte de la date de la présente décision. Les engagements sont souscrits pour une durée de cinq ans à compter de la notification de la présente décision.
163. Un mandataire aura pour mission de veiller au respect des obligations résultant de la présente décision et rédigera notamment un rapport annuel de suivi qui sera transmis à l'Autorité de la concurrence. Le mandataire exercera sa mission pendant toute la durée des engagements.
164. Il convient de rappeler, en dernier lieu, que les engagements proposés par les parties prennent en compte, en les adaptant aux spécificités de l'entreprise commune créée par l'opération, les engagements proposés par La Poste dans le cadre de la procédure 13/0025F acceptés par l'Autorité dans sa décision n° 17-D-26 précitée répondant ainsi, notamment, à une préoccupation du test de marché.
B. APPRÉCIATION DESENGAGEMENTSPROPOSÉS
165. Conformément aux dispositions de ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations56, l'Autorité recherche en priorité des mesures structurelles pour remédier aux risques d'atteinte à la concurrence. Toutefois, dans la mesure où un remède de nature comportementale apparaît au cas d'espèce plus approprié pour compenser les atteintes à la concurrence résultant de l'opération, il convient de définir un tel remède de manière à assurer son efficacité et sa contrôlabilité.
166. En effet, quelle que soit la nature des mesures proposées, elles doivent être efficaces en permettant de remédier pleinement aux atteintes à la concurrence identifiées. À cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment claire et précise et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées pour en assurer le suivi. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées.
167. En l'espèce, les engagements proposés par les parties permettront d'écarter tout risque d'éviction des concurrents actifs sur les différents segments du marché de la collecte de DBE commerciaux lié à l'activité de La Poste sur les marchés de services postaux.
168. En premier lieu, les parties s'engagent, dans le cadre de l'engagement n° 1, à ne pas utiliser d'avantages non-reproductibles liés au service universel postal lors de la commercialisation et de la promotion des offres de collecte en vue de la valorisation de déchets banals d'entreprises proposées par l'entreprise commune. En particulier, elles s'engagent à ne pas faire référence aux offres de La Poste relevant du service universel postal lors des communications nationales et des propositions commerciales relatives aux Offres proposées par l'entreprise commune. En conséquence, cette dernière ne pourra pas s'appuyer sur sa qualité de prestataire du service universel postal pour développer ses offres de collecte en vue de la valorisation de déchets.
L'engagement comporte notamment un volet spécifique interdisant à l'entreprise commune de se référer, dans ses outils promotionnels, à l'assermentation des facteurs, disposition réglementaire propre àLa Poste et non-réplicable par les concurrents.
169. En plus de cet engagement pris par les parties pour le compte de l'entreprise commune, La Poste s'engage à ne pas promouvoir et vendre les Offres de l'entreprise commune à l'occasion de contacts téléphoniques ou physiques entrants au titre du service universel postal avec ses clients professionnels. Ceci permet d'exclure le risque que La Poste utilise les contacts qu'elle a avec ses clients au titre du service universel postal pour promouvoir les Offres de l'entreprise commune. En outre, sans exclure le recours à une remise commentée de la part de ses facteurs57,
La Poste s'engage à ce que, dans l'hypothèse où elle y a recours pour les Offres de l'entreprise commune, un tel service soit également valorisé et disponible pour des prestations concurrentes.
170. Ainsi, tout risque d'utilisation, par les parties, d'avantages non-reproductibles liés au service universel postal dans le cadre de la commercialisation et de la promotion des offres de collecte en vue de la valorisation de déchets banals d'entreprises proposées par l'entreprise commune est écarté.
171. Afin de garantir l'efficacité de ces engagements, les parties s'engagent à mettre en place des actions de sensibilisation de leurs personnels et, pour ce qui concerne La Poste, à diffuser des consignes auprès de ses téléconseillers ou de ses prestataires, ainsi qu'au niveau local, afin que les engagements soient connus et respectés. Une telle initiative renforce la crédibilité des engagements proposés par les parties notifiantes.
172. En deuxième lieu, La Poste s'engage, dans le cadre des engagements n° 2 et n° 3, à déterminer ses coûts de manière raisonnable, comme le ferait un opérateur placé dans une situation équivalente, en élaborant une méthodologie destinée à identifier ex ante les coûts évitables et incrémentaux pertinents liés à chacun des intrants nécessaires à la fourniture de Prestations par
La Poste à l'entreprise commune.
173. Cette méthodologie sera utilisée par La Poste pour fixer le prix des Prestations fournies à l'entreprise commune à un niveau supérieur aux coûts évitables. Dans l'hypothèse où le prix envisagé serait inférieur au coût incrémental moyen, un système de validation interne sera activé. En effet, des prix fixés à un niveau inférieur au coût incrémental ne sont anticoncurrentiels que s'il est établi qu'ils sont fixés dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer un ou des concurrents, ou qu'ils sont susceptibles de provoquer des effets, potentiels ou réels, d'éviction. Une interdiction absolue de prix inférieurs au coût incrémental ne serait donc, en l'espèce, pas justifiée. En revanche, le processus de validation interne mis en place par les engagements en cas de tarification inférieure au coût incrémental moyen garantira que La Poste n'ignore pas les situations dans lesquelles son comportement tarifaire pourrait, s'il perdure, présenter des effets anticoncurrentiels et serait donc susceptible, de ce fait, d'être sanctionné par l'Autorité dans le cadre d'une procédure contentieuse sur le fondement des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE.
174. Aux termes des engagements, le prix des prestations devra couvrir l'ensemble des coûts liés aux prestations. À cet égard, il convient de rappeler qu'en présence d'une activité en concurrence adossée à une activité relevant d'une mission de service public, comme c'est le cas en l'espèce, l'Autorité considère que la mise en œuvre d'un test de coût impose de s'assurer qu'il n'y ait pas de surdimensionnement des moyens alloués à la mission de service public, afin d'éviter qu'un tel surdimensionnement puisse financer des prix artificiellement bas pour l'activité concurrentielle58. En présence d'un surdimensionnement, une partie du coût des moyens alloués à la mission de service public, mais utilisés pour réaliser l'activité concurrentielle, doit être prise en compte dans la détermination du coût de cette dernière activité. Dans le cas d'espèce, ces principes devront donc être pris en compte par La Poste dans le cadre de sa méthode d'identification des coûts évitables et incrémentaux liés aux prestations fournies à l'entreprise commune, ainsi que lors de la détermination des prix des Prestations.
175. Les engagements garantissent donc que les prix des Prestations réalisées par La Poste pour le compte de l'entreprise commune constituent des prix de marché, couvrant l'intégralité de la prestation.
176. Enfin, afin de garantir l'efficacité des engagements qui viennent d'être présentés, La Poste s'engage à mettre en place un système de suivi interne effectif des prix des Prestations, afin de s'assurer de la pertinence de la méthodologie d'identification des coûts pertinents ex ante mise en place. Les conclusions de cette analyse seront prises en compte pour modifier, le cas échéant, la méthodologie de calcul de coûts ex ante élaborée par La Poste. Cet engagement permet d'assurer l'adéquation de la méthode d'identification des coûts avec la situation réelle et accroît donc la crédibilité de l'engagement.
177. Ainsi, les engagements n° 2 et n° 3 proposés par les parties répondent aux préoccupations de concurrence identifiées dans le cadre de l'instruction.
178. En dernier lieu, dans le cadre de l'engagement n° 4, les parties s'engagent, à mettre en place des actions de formation, à destination des équipes commerciales de l'entreprise commune et, pour La Poste, de son personnel travaillant sur les relations avec l'entreprise commune. Ces formations comprendront un module spécifique sur les règles à respecter lors du redéploiement des activités d'une entreprise chargée d'une mission de service public. Elles comprendront, pour le personnel de La Poste uniquement, un point particulier sur les pratiques tarifaires et les standards de coûts qui doivent être respectés.
179. Ces formations assureront la diffusion des principes concurrentiels qui sous-tendent les engagements proposés par les parties dans le cadre du présent dossier et renforcent donc la crédibilité et l'efficacité de l'ensemble des engagements.
180. Pour finir, l'ensemble de ces engagements est souscrit pour une durée de cinq ans. Compte tenu de la nature des engagements, cette durée est proportionnée en vue de prévenir les atteintes à la concurrence, qui sont susceptibles de résulter de l'opération objet de la présente décision.
181. En conséquence, l'Autorité considère que les engagements proposés par les parties notifiantes sont suffisants pour éliminer les risques d'atteinte à la concurrence résultant de l'opération.
DÉCIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-067 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 II de l'article L. 541-1du Code de l'environnement.
3 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 17-DCC-40 du 29 mars 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Coved par la société Paprec Group, n° 16-DCC-71 du 17 mai 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SLG Recycling Finance par la société Derichebourg Environnement, n° 14-DCC-108 du 4 août 2014 relative à la prise de contrôle exclusif d'Esterra par Veolia propreté, la lettre du ministre C2007-168 du 23 janvier 2008 relative à une concentration dans le secteur de la gestion et du traitement des déchets, et les décisions de la Commission européenne n° IV/M.916 Lyonnaise des Eaux / Suez et n° IV/M.1059 Suez Lyonnaise des Eaux / BFI.
4 À l'exception du verre dans la mesure où, Suez n'étant pas active sur le marché de la valorisation du verre en France, elle ne sera pas en charge de la valorisation du verre collecté par NewCo sur le territoire français.
5 Voir notamment la décision n° 14-DCC-108 précitée.
6 Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.4576 du 3 avril 2007 -AVR/Van Gansewinkel, point 10.
7 Voir notamment la décision n° 14-DCC-108 et la lettre C2007-168 précitées.
8 Les DMA comprennent les ordures ménagères résiduelles (OMR), les déchets des collectes séparées et les déchets collectés en déchèteries, soit la totalité des déchets des ménages et des activités économiques pris en charge par le service public.
9 Voir la décision COMP/M.4576 précitée, et la décision de la Commission européenne COMP/M.5901 du 3 août 2010 -Montagu / GIP / Greenstar.
10 Voir en ce sens la décision n° IV/M.916 précitée.
11 Voir la lettre C2007-168 précitée.
12 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-44 du 4 avril 2013 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés SNN et Recycling Invest et la décision n°17-DCC-40 précitée.
13 Voir la décision n° 16-DCC-158 précitée, point 13.
14 Voir la décision n° 13-DCC-44 précitée, point 12.
15Les D3E ménagers sont principalement des équipements électroménagers (réfrigérateur, four, lave-linge, etc.), des équipements grand public hi-fi ou vidéo, des équipements informatiques et de télécommunication, de l'outillage, des jouets et des lampes.
16 Les D3E professionnels sont principalement des vitrines froides des supermarchés, des fauteuils de dentiste, des caméras de plateau de télévision, mais aussi des distributeurs automatiques, du matériel médical, des instruments de mesure, etc.
17 Voir la lettre C2007-168 précitée.
18 Id.
19 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 17-DCC-40 du 29 mars 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Coved par la société Paprec Group, points 28 et s.
20 Voir la lettre C2007-168 précitée.
21 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 16-DCC-71 du 17 mai 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SLG Recycling Finance par la société Derichebourg Environnement et la lettre C2007-168 précitée.
22 Voir la décision n° 17-DCC-40 précitée, point 58.
23 Voir en particulier la décision n° 16-DCC-158, point 22, et la lettre C2008-71, précitées.
24Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.7137 du 25 juin 2014 -EDF/Dalkia EN France.
25 Voir notamment la décision n° 17-DCC-40 précitée, point 60.
26 Voir la décision n° 13-DCC-44 précitée.
27 Voir la décision COMP/M.4576 précitée, point 13.
28 Voir la décision COMP/M.5464 précitée, point 29.
29 Voir notamment la lettre C2007-168 et la décision n° 13-DCC-44, point 21, précitées.
30 Voir notamment les décisions n° 16-DCC-158, point 2, et n° 17-DCC-40 précitées.
31 Voir la décision n° 17-DCC-40 précitée, points 70 et suivants.
32 Voir, en ce sens, la décision de la Commission européenne du 16 juin 2010 COMP/M.5844 - JP Morgan/RBS Sempra, point 19.
33 Ibid. Voir également la décision n° 17-DCC-40 précitée.
34 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-114 du 10 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société ISS environnement par la société Paprec France, point 59.
35 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-114 du 10 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société ISS Environnement par la société Paprec France et n° 13-DCC-44 du 4 avril 2013 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés SNN et Recycling Invest.
36Annexe 1 de la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 : 1. Gros appareils ménagers ; 2. Petits appareils ménagers ; 3. Équipements informatiques et de télécommunications ; 4. Matériel grand public et panneaux photovoltaïques ; 5. Matériel d'éclairage ; 6. Outils électriques et électroniques (à l'exception des gros outils industriels fixes) ; 7. Jouets, équipements de loisir et de sport ; 8. Dispositifs médicaux (à l'exception de tous les produits implantés ou infectés) ; 9. Instruments de surveillance et de contrôle ; 10. Distributeurs automatiques.
37 Voir la décision n° 13-DCC-44 précitée.
38 En pratique, l'entreprise commune est susceptible de collecter des déchets d'autres catégories. Ceux-ci représenteront toutefois moins de 10% des volumes de D3E collectés. Compte tenu de la faible part que représentent ces déchets dans le volume total des D3E collectés, les segments spécifiques du traitement de ces déchets ne seront pas analysés.
39 Article 1er.
40 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 17-DCC-115 du 21 juillet 2017 relative à la fusion de fait entre Colis Privé et Hopps Group, n° 14-DCC-105 du 16 juillet 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de Ciblex par European Healthcare Distribution Holding, n° 12-DCC-153 du 12 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs de la société Sernam Services SNC par la société Calberson SNC, n° 11-DCC-206 du 27 décembre 2011 relative à l'acquisition de certains actifs du groupe Mory par Caravelle, n° 10-DCC-26 du 26 mars 2010 relative à l'acquisition par Geodis de Ciblex et n° 09-DCC-40 du 4 septembre 2009 relative à l'acquisition par Geodis d'agences commerciales Cool Jet.
41 Voir notamment la décision n° 12-DCC-153, précitée.
42 Voir notamment les décisions n° 16-DCC-62 et n° 17-DCC-115 précitées.
43 Voir notamment la décision de la Commission COMP/M.7630 FedEx/TNT Express du 1er janvier 2016 et les décisions n° 09-DCC-40, n° 10-DCC-26 et n° 12-DCC-153, précitées.
44 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-40, n° 10-DCC-26 et n° 17-DCC-115, précitées.
45 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-114 du 12 juillet 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe l'Est Républicain par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel.
46Voir la décision n° 11-DCC-114, précitée, la décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-39 du 15 décembre 2006 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Impression des Pyrénées, et la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 14 août 2001 aux conseils de la société Mediapost relative à une concentration dans le secteur de la distribution d'imprimés sans adresse.
47 En 2016, Suez a perdu un client important qui représente plus de [...]% des volumes collectés en 2015. En conséquence, sur la base de données relatives à l'année 2016, le marché local de l'Eure-et-Loir ne serait pas affecté.
48 Cet indice, calculé pour apprécier le degré de concentration d'un marché, est égal à la somme des carrés des parts de marché de chacune des entreprises présentes sur le marché.
49 En pratique, compte tenu de la méthode de calcul utilisée par les parties pour calculer les parts de marché de La Poste, cet incrément est systématiquement inférieur puisque, faute de pouvoir ventiler les clients de La Poste par catégorie, les volumes collectés par La Poste ont été intégralement inclus dans le segment des déchets diffus, et dans celui des déchets non-diffus.
50 [0-5]% apporté par Suez et [0-5]% apporté par La Poste.
51 Voir en ce sens la Convention du 6 février 2012 sur l'engagement volontaire des acteurs professionnels et des partenaires institutionnels de la collecte et du recyclage des papiers de bureau.
52Décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d'adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets
53Une analyse identique a été menée par l'Autorité dans sa décision n° 17-DCC-74 du 1er juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Asten Santé par la société La Poste Silver, paragraphe 37.
54 Réponse des parties du 6 décembre 2017.
55 À titre d'exemple, les parties ont fourni une facture d'achat de [...] adresses de contacts en charge de fonctions environnement, qualité, entretien et développement durable d'une valeur de [...] euros.
56 Lignes directrices de l'Autorité relative au contrôle des concentrations, paragraphe 575.
57 La remise commentée consiste, lors de la livraison d'un pli, à faire relayer par le facteur une campagne de communication ou à formuler un commentaire personnalisé auprès du client visité.
58 Cass. com., 13 juillet 2010, Vedettes vendéennes, n° 09/67439.