Cass. com., 31 janvier 2018, n° 15-20.796
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Virbac (SA), Alfamed (SAS)
Défendeur :
Merial (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Darbois
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Merial, société pharmaceutique diffusant des médicaments destinés aux animaux, est titulaire de la marque verbale " Frontline " n° 94 509 301, déposée le 3 mars 1994 et renouvelée le 8 décembre 2003, pour désigner, en classe 5, les " insecticides et produits antiparasitaires et produits antiparasitaires à usage vétérinaire ", sous laquelle elle commercialise un antiparasitaire à base d'un principe actif dénommé " fipronil " pour tuer les tiques et les puces des animaux domestiques ; que la société Virbac, qui exerce la même activité, a déposé, le 17 juillet 2008, la marque française " Fiproline " sous le numéro 3 588 921, pour désigner, en classe 5, les " préparations vétérinaires, en particulier un antiparasitaire externe " et commercialise sous cette marque, depuis que le brevet qui couvrait le " fipronil " est tombé dans le domaine public en mai 2009, un antiparasitaire pour chiens et chats à base de ce principe actif, fabriqué par la société Alfamed ; que la société Merial a assigné ces deux sociétés en annulation de la marque " Fiproline ", pour atteinte à la renommée de sa marque " Frontline " et en concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le troisième moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 711-2 et L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, tels qu'interprétés à la lumière de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques ; - Attendu que pour annuler la marque française " Fiproline " n° 3 588 921 avec inscription au registre national des marques, l'arrêt retient qu'ainsi qu'indiqué sur les emballages, les produits commercialisés sous cette marque par les sociétés Virbac et Alfamed contiennent un principe actif connu sous la dénomination " fipronil ", que ladite marque, ayant un radical identique et un suffixe dont les lettres sont inversées, reprend de façon presque parfaite, et en déduit que cette marque, indiquant de cette façon le principe actif contenu dans les produits vétérinaires vendus, est dénuée de caractère distinctif au regard du produit qu'elle désigne ;
Qu'en statuant ainsi, en prenant en considération les produits commercialisés sous la marque " Fiproline ", et non au regard des produits désignés à son enregistrement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 5 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques ; - Attendu que pour condamner les sociétés Virbac et Alfamed pour atteinte à la renommée de la marque " Frontline ", l'arrêt, après avoir considéré que la renommée de celle-ci était établie, retient que, sur le plan visuel, les termes " Frontline " et " Fiproline " présentent une ressemblance forte et que, si les emballages ne sont pas identiques, des couleurs semblables, orange, rouge, violet et turquoise, sont utilisées, ainsi que des photographies, paraissant identiques, de chiens dont certains qui sont de la même race, en sorte que ce visuel relève de l'imitation ; qu'il retient en outre que, sur le plan phonétique, l'impression auditive générale est semblable et que la prononciation à l'anglaise de ces termes rend la confusion possible pour le consommateur ; qu'il en déduit que la marque " Fiproline " constitue une imitation de la marque " Frontline " et que cette imitation engendre un risque de confusion dans l'esprit du consommateur ;
Qu'en statuant ainsi, en prenant en compte le mode de conditionnement des produits, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que l'imitation de la marque renommée " Frontline " par la marque " Fiproline ", en engendrant la confusion dans l'esprit du consommateur, est de nature à porter préjudice à la société Merial ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses écritures d'appel, la société Merial se bornait à alléguer le fait que la marque " Fiproline " tirait indûment profit de la renommée de la marque " Frontline ", la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, sauf en ce qu'il dit que le dépôt et l'utilisation de la marque " Fiproline " constituent des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Merial, l'arrêt rendu le 13 mai 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon, autrement composée.