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Décisions

Cass. 1re civ., 31 janvier 2018, n° 17-11.259

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Tiga

Défendeur :

François, Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, Laboratoire Glaxosmithkline (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

Mme Kloda

Avocat général :

M. Ride

Avocats :

SCP Thouin-Palat, Boucard, SCP Hémery, Thomas-Raquin

Besançon, 1re ch. civ. et com., du 22 ma…

22 mars 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Tiga, devenu majeur le 15 juillet 2006, a reçu de M. François (le médecin), les 18 avril 1995, 27 juin 1995 et 16 juillet 1997, trois injections du vaccin contre l'hépatite B, dénommé Engerix, produit par la société Laboratoire Glaxosmithkline (la société) ; qu'ayant présenté, en septembre 1997, une sclérose en plaques, il a assigné, en 2013, la société et le médecin en responsabilité et indemnisation ;

Sur le second moyen, ci-après annexé : - Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 2270-1 du Code civil, alors applicable, tel qu'interprété à la lumière des articles 10 et 11 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;

Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 2270-1 du Code civil, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; qu'en cas de dommage corporel ou d'aggravation du dommage, la date de la consolidation fait courir le délai de la prescription prévu par ce texte ;

Attendu, d'autre part, que, dès lors qu'un produit dont le caractère défectueux est invoqué a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, l'article 2270-1 doit être interprété dans toute la mesure du possible à la lumière de la directive ; que le délai de prescription de l'article 10 de la directive court à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ;

Attendu que, par suite, la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, au sens de l'article 2270-1, interprété à la lumière de la directive, doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action contre la société, l'arrêt retient, d'une part, que, l'administration du vaccin étant intervenue après l'expiration du délai de transposition de la directive précitée, M. Tiga devait agir dans un délai de trois ans à compter de son accession à la majorité pour agir, soit au plus au plus tard le 15 juillet 2009, d'autre part, que l'action s'est éteinte à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la première mise sur le marché du produit, intervenue en 1989 ; qu'il en déduit que, lors de la délivrance de l'assignation en 2013, l'un comme l'autre délai était expiré ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des articles 10 et 11 de la directive, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ; Et attendu qu'il y a lieu de mettre hors de cause M. François, dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;

Par ces motifs : casse et annule, sauf en ce qu'il rejette les demandes dirigées contre M. François, l'arrêt rendu le 22 mars 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris.