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Décisions

Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 15-85.786

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Turbomeca (Sté) , Réunion aérienne (Sté)

Défendeur :

Heli Air Monaco (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerin

Rapporteur :

Mme Guého

Avocat général :

Mme Caby

Avocats :

Me Bouthors, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, SCP Piwnica, Molinié, SCP Spinosi, Sureau

Aix-en-Provence, 7e ch., du 31 août 2015

31 août 2015

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société Turbomeca, Mme X. U., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Y. U., M. Gordon Z., Mme Freda Z., Mme Sarah A., épouse B., M. Christian B., Mme Nora C., Mme Mona C., Mme Margarita D., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mishaal C., Mme Lucy F., M. James Edward F., Mme Sarah E., épouse F., M. Simon E., Mme H., M. Dylan G.-E., Mme Amy G.-E., Mme Stéphanie J., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mathéo K., Mme Micheline L., parties civiles, la société Réunion aérienne, partie intervenante, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 31 août 2015, qui, pour homicides involontaires, a condamné la première, à 100 000 euros d'amende, a prononcé sur les intérêts civils, a renvoyé la société Heli Air Monaco des fins de la poursuite du même chef et a débouté les parties civiles de leurs demandes formées à l'encontre de cette dernière ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 8 juin 2004, un hélicoptère mono-turbine Eurocopter de type AS350B Ecureuil, propriété de la société Heli Air Monaco (société HAM), qui réalisait un transport de passagers entre Nice et Monaco, s'est abîmé au large du Cap Ferrat et a entraîné la mort du pilote Alain K.ainsi que de tous les passagers : Angela A., Gérald E., Mahdi C.et Rajesh M... ; que plusieurs expertises réalisées au cours de l'information judiciaire ont permis d'identifier comme étant une cause de l'accident une avarie du turbomoteur Turbomeca Arriel IB n° 232, à savoir la destruction du rouet d'entrée du compresseur centrifuge, après que des aubes de ce rouet ainsi que des barrettes du couvercle du compresseur se sont rompues ; que la société Turbomeca et la société HAM ont été mises en examen puis renvoyées devant le tribunal correctionnel pour homicides involontaires, par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la première, " notamment en s'abstenant de procéder aux modifications techniques et mécaniques nécessaires et en omettant d'alerter les utilisateurs et propriétaires d'hélicoptères type Écureuil AS350 des risques liés à une utilisation de l'appareil en l'état originaire de sa conception ", la seconde " notamment en s'abstenant de dispenser à Alain K.la formation et l'entraînement réglementaires qui lui auraient permis de procéder à un amerrissage en auto-rotation " ; que le tribunal correctionnel les a déclarées coupables, les a condamnées à certaines peines et a prononcé sur les intérêts civils ;

En cet état ;

Sur les pourvois de M. Gordon Z., de Mme Freda Z., de Mme Sarah A., épouse B., de M. Christian B., de Mme Nora C., de Mme Mona C., de Mme Margarita D., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mishaal C., de Mme Lucy F., de M. James Edward F., de Mme Sarah E., épouse F., de M. Simon E., de Mme H., de M. Dylan G.-E.et de Mme Amy G.-E. : - Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

Sur les pourvois de la société Turbomeca, de la société Réunion aérienne, de Mme X. U., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Y. U., de Mme Stéphanie J., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mathéo K.et de Mme Micheline L. :

Sur le moyen unique de cassation proposé pour les sociétés Turbomeca et Réunion aérienne, par la société civile professionnelle Spinosi et Sureau, pris de la violation des articles 121-2, 121-3 et 221-6 du Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que la cour d'appel a déclaré la société Turbomeca coupable d'homicide involontaire ;

" aux motifs que la cause directe de l'accident est donc parfaitement connue ; qu'elle réside en un arrêt du turbomoteur consécutif à la destruction du compresseur centrifuge ; que plusieurs hypothèses ont été envisagées afin de déterminer l'origine de l'avarie survenue sur ce compresseur centrifuge ; qu'en effet, il était constaté sur sa roue d'entrée la rupture de quatre aubes dont les principaux fragments étaient restés dans le compresseur et l'un d'eux retrouvé dans l'entrée d'air alors que la partie des aubes restée sur l'axe montrait qu'elles avaient été fléchies dans le sens inverse de la rotation et que les autres aubes étaient très abîmées sur leur bord d'attaque ; que la première de ces aubes rompues présentait une fissure de fatigue de 13 mm qui préexistait à sa rupture finale ; qu'il était par ailleurs constaté sur la section d'entrée du couvercle de ce compresseur la rupture de plusieurs barrettes, des zones de fatigue de 0, 8 mm X 0, 3 mm et sur 0, 2 mm X 0, 1 mm étant également observées sur la périphérie intérieure du couvercle ; que les experts ont indiqué que la destruction des barrettes du couvercle du compresseur centrifuge était un phénomène connu qui avait donné lieu au service bulletin TU 275 du 25 septembre 1998 préconisant une modification consistant à réduire le jeu entre le couvercle et le carter pour réduire l'effet vibratoire, modification qui n'avait pas été faite sur l'hélicoptère accidenté ; que dans leur rapport final du 29 novembre 2004, MM. O. et P. ont donc considéré que la destruction du compresseur centrifuge était consécutive à la rupture d'une aube du rouet d'entrée consécutive à une fissure en fatigue d'origine vibratoire et entraînant la rupture de trois autres aubes, cette rupture d'aubes étant associée aux déchirures de la section d'entrée du couvercle du compresseur présentant également des fissures de fatigue ayant précédé la rupture des barrettes ; que M. P. auquel il avait été confié une mission complémentaire, notamment de rechercher si la société Turbomeca avait eu connaissance avant les faits du 8 juin 2004 de problèmes techniques qui seraient survenus sur les autres turbomoteurs de type ARRIEL 1 B a, dans son rapport daté du 20 juin 2006, conclu que la rupture initiale d'une aube était peu probable dès lors qu'il n'avait été recensé aucun problème de ce type à la suite de vibrations mais qu'il apparaissait en revanche que la rupture des barrettes du couvercle du compresseur centrifuge était vraisemblablement à l'origine des dommages graves causés au compresseur entraînant son blocage et les conséquences qui ont suivi ; que MM. Q. et R., désignés pour effectuer une contre-expertise, estimaient quant à eux, en se fondant sur l'existence d'une fissure de fatigue de 13 mm décelée sur l'une des aubes rompues, qu'il pouvait être " raisonnablement " retenu que la rupture de l'aube, dont la fissure de fatigue avait atteint la taille critique, était survenue avant la rupture des barrettes qui en était alors la conséquence ; que le CEPR, qui avait été requis pour analyses par M. P., ne se prononçait pas sur la chronologie des dégradations de l'aube et des barrettes du couvercle, sachant que les examens et analyses métallurgiques réalisées sur l'aube rompue n'avaient pas permis d'expliquer l'origine de l'amorçage de la fissure de fatigue qui y avait été décelée ; qu'enfin, dans son rapport de janvier 2011, le bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) relevait seulement des fissures préexistantes de fatigue sur l'aube rompue de la roue d'entrée du compresseur et sur au moins 2 barrettes de lumière du couvercle mais également sans se prononcer le facteur déclenchant de la panne, aubes ou couvercle ; qu'en considération de ces éléments, la société Turbomeca soutient d'abord que nul n'ayant pu déterminer avec certitude laquelle des deux pièces, couvercle ou aube, avait rompu en premier alors que sa responsabilité était recherchée du fait de la défaillance du couvercle, hypothèse retenue sans fondement par le tribunal, sa relaxe s'impose ; que cependant, quelle que soit la chronologie de la rupture des pièces ayant conduit à la panne en vol, qu'il s'agisse de la rupture initiale d'une aube de la roue d'entrée du compresseur ou de la rupture initiale des barrettes du couvercle dudit compresseur, un certain nombre de manquements doit être retenu à rencontre de la société Turbomeca dans le traitement des difficultés rencontrées sur cet ensemble moteur ; qu'en effet et en premier lieu, contrairement à ce qu'elle soutient, la rupture d'une aube du compresseur centrifuge ne peut être considérée comme un événement fortuit, inconnu jusqu'alors, imprévisible et irrésistible pour elle, dès lors qu'en novembre 1989, à l'occasion d'une révision générale par sa filiale des États-Unis, une fissure de fatigue avait bien été trouvée sur une aube du compresseur centrifuge d'un ARRIEL 1B ; que malgré cette découverte, aucune action particulière n'a été entreprise par le constructeur concernant cette défaillance dont il est évident qu'elle ne pouvait susciter que les plus grandes craintes sur la sécurité des appareils ; que certes, un seul cas sur ce type de compresseur avait été recensé (alors que 12 cas avaient été dénombrés sur des aubes de compresseurs monobloc) mais, pour autant, la société Turbomeca ne pouvait ignorer le risque que représentait le défaut constaté sur cette aube compte tenu des autres difficultés rencontrées sur le couvercle du compresseur qui pouvaient également être à l'origine de sa destruction ; qu'ainsi, les experts ont unanimement relevé qu'étaient survenus, avant l'accident, plusieurs cas de fissures ou de ruptures de barrettes du couvercle du compresseur quel qu'en soit le type qui avaient donné lieu à l'établissement d'une note technique du 10 novembre 1994 préconisant l'augmentation de la valeur de serrage du couvercle afin de diminuer le phénomène vibratoire, puis la diffusion le 24 juillet 1996 d'une lettre de services informant les utilisateurs du problème de rupture des barrettes, puis du service bulletin TU n° 275 recommandant l'application de la modification ; que l'expert, M. P., a relevé que dans la lettre de service du 24 juillet 1996, aucun problème de sécurité n'était évoqué, qu'ensuite, la modification prévue par la TU 275 était seulement " recommandée ", qu'elle était en réalité obligatoire mais que son exécution était différée jusqu'à une intervention permettant l'accessibilité à la pièce concernée ; que ce même expert a constaté que cette modification n'avait pas été effectuée sur l'appareil d'Helï air Monaco en mars 2000 alors qu'elle aurait pu et dû l'être et qu'elle n'avait pas plus été effectuée lors du changement des modules 3 et 5 en février 2003 ; que d'une façon générale, M. P. a considéré que jusqu'à l'accident du 8 juin 2004, la société Turbomeca semblait sous-estimer la gravité des conséquences d'une rupture des barrettes du couvercle du compresseur centrifuge qui pouvait entraîner de graves dommages sur le compresseur lui-même ; que pourtant, une avarie survenue le 5 juillet 2003 au Canada sur un hélicoptère de même type (compagnie Heli Ungava) qui n'avait pas bénéficié de la modification TU 275 établissait les dangers que pouvait présenter l'ingestion des barrettes du couvercle par le compresseur ; qu'en effet, lors du décollage, le pilote avait pu constater une baisse soudaine du régime moteur et de la vitesse rotor mais avait quand même pu se poser sans grand dommage ; que les analyses avaient mis en évidence la rupture de trois barrettes du couvercle du compresseur centrifuge et des dommages sévères sur ce dernier ; que le technicien, spécialiste d'évaluation Turbomeca au Canada émettait comme première hypothèse de cette avarie le fait qu'une barrette du couvercle compresseur s'était brisée et qu'elle avait dû provoquer des dommages en bord de fuite du compresseur axial et en bord d'attaque du compresseur centrifuge avant qu'elle ne vienne se positionner entre le sommet des aubes du compresseur centrifuge et le couvercle, provoquant la déformation des aubes ; que pour M. P., cet accident constituait le reflet de celui survenu à l'hélicoptère 3A- MIK de la société Heli Air Monaco ; que la société Turbomeca ne conteste d'ailleurs pas l'origine de cet accident mais fait valoir que cette avarie Heli ungava n'avait pas entraîné une perte complète de puissance du moteur et que la déformation des aubes constatée dans ce cas ne pouvait être assimilée à la rupture d'aubes constatée sur l'hélicoptère accidenté le 8 juin 2004 ; que cette argumentation est inopérante dès lors que cet accident démontre avec certitude que la fragilité des barrettes du couvercle pouvait entraîner un grave dysfonctionnement du compresseur centrifuge pouvant provoquer une chute de l'appareil ; que quoi qu'il en soit, il n'est pas discuté que la modification TU 275 n'avait pas été apportée sur l'appareil d'Heli Air Monaco ; que les contestations émises par Turbomeca sur le point de savoir si la condition d'accessibilité était remplie lors de ses interventions de maintenance en 2000 ou en 2003, outre le fait qu'elles ont été écartées de façon motivée par les experts, apparaissent sans objet puisque la société Heli Air Monaco lui avait demandé expressément et à plusieurs reprises de mettre en œuvre cette modification sur tous ses appareils et ce, afin de se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation JAR OPS3 du transport aérien public par hélicoptère, en date du 1 er février 1999, qui était mise en œuvre progressivement dans les états de l'union, en particulier dans le règlement français par arrêté du 23 septembre 1999 et dans le règlement monégasque par arrêté du 20 mai 1999 ; qu'en effet, ainsi que l'a relevé le second collège d'experts, le service technique d'Heli Air Monaco demandait en février 2001 à la société Turbomeca de lui fournir des moteurs conformes à POPS3 ; que le 3 juillet 2002, M. Patrick S...relançait Turbomeca à propos des modifications nécessaires et non réalisées et demandait rétablissement d'un calendrier pour les modifications ; que Turbomeca répondait le 6 juillet 2002 qu'elle était en mesure de planifier la mise au standard des matériels ; que ces modifications n'étaient pas faites à tel point que Turbomeca s'est rapproché de la DGAC et a proposé que les moteurs non modifiés TU 275 fassent l'objet de mesures suivantes :

- toutes les 100 heures ; contrôle par endoscopie du bord de fuite du compresseur axial et du bord d'attaque du compresseur centrifuge,

- à chaque séparation des modules 2 et 3 ; contrôle de l'absence de criques sur le couvercle du compresseur,

- application de la TU 275 à la première visite des 500 heures, cellules ou moteurs ; que les experts ont retenu que la dernière visite des 500 heures avant l'accident avait été effectuée entre février et avril 2004 et que le dossier de la visite des 100 heures ne mentionnait pas le contrôle endoscopique évoqué par Turbomeca ; que même à supposer comme le prétend la société Turbomeca que la lettre de service d'Eurocopter du 16 mai 2000 et la nouvelle réglementation OPS3 ne visaient pas à régler des problèmes de sécurité mais à obtenir l'agrément pour décoller d'une plate-forme, il est en l'espèce parfaitement établi que la rupture des barrettes du couvercle du compresseur pouvait affecter l'intégrité des aubes et constituer un danger sur le fonctionnement de l'appareil ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que quelle que soit l'origine exacte de l'accident, la société Turbomeca a commis des fautes à l'origine de celui-ci, d'une part, en omettant de mettre en œuvre sur l'appareil en cause la TU 275 qui était de nature à éviter la rupture des barrettes du couvercle et les dégâts qu'elles pouvaient occasionner sur le compresseur centrifuge, d'autre part en ne portant pas une attention suffisante sur les aubes dudit compresseur qui étaient susceptibles de présenter des fissures de fatigue, telle que celle décelée sur un appareil du même type en 1989, pouvant conduire à sa rupture et alors que ce risque était aggravé par le phénomène vibratoire affectant le couvercle dont les barrettes rompues pouvaient entraîner la destruction des aubes ; que d'ailleurs, depuis cet accident, la société Turbomeca procède à une recherche systématique de fissures des aubes des compresseurs centrifuges des moteurs revenant en révision mais cette recherche aurait dû être anticipée compte tenu des problèmes avérés affectant cet ensemble couvercle-compresseur ; que la société Turbomeca fait valoir qu'en tout état de cause, n'a pu être désigné son organe ou son représentant qui aurait commis une négligence ou une imprudence ; que cependant, en l'espèce, c'est bien l'avarie du moteur fabriqué et entretenu par la prévenue alors que des moyens auraient dû être mis en œuvre pour remédier aux difficultés rencontrées ou assurer une prévention, qui est la cause de l'accident ; qu'il s'agit donc d'un problème de sécurité des appareils qui, en l'absence de délégation de pouvoir, incombe à la direction de la société tout comme lui incombe rétablissement d'une nouvelle norme telle que la TU 275 dont il lui appartenait de vérifier qu'elle était respectée, comme était respectée la réglementation applicable notamment celle résultant de FOPS3 ; que l'infraction d'homicides involontaires est donc bien constituée en tous ses éléments à l'encontre de la société Turbomeca et le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déclarée coupable des faits pour lesquels elle est poursuivie ; " 1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent statuer que sur les faits pour lesquels elles ont été valablement saisies ; que la société Turbomeca a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire pour " [s'être abstenue] de procéder aux modifications techniques et mécaniques nécessaires, et [avoir omis] d'alerter les utilisateurs et propriétaires d'hélicoptères type ECUREUIL AS 350 des risques liés à une utilisation de l'appareil en l'état originaire de sa conception " ; qu'en la déclarant coupable de ce chef, en relevant qu'elle n'a pas porté une attention suffisante sur les aubes et qu'elle aurait du procéder à une recherche systématique et anticipée de fissures des aubes compte tenu des problèmes avérés affectant l'ensemble couvercle/ compresseur, faits non visés à la prévention et étrangers tant à l'abstention de procéder à des modifications techniques ou mécaniques qu'à l'omission d'alerter les utilisateurs, seuls griefs pour lesquelles la société Turbomeca a été renvoyée devant la juridiction de jugement, la cour d'appel a, en violation de l'article 388 du Code de procédure pénale, statué sur des faits dont elle n'était pas valablement saisie ; " 2°) alors qu'en retenant pour déclarer la société demanderesse coupable qu'elle aurait commis des fautes à l'origine de l'accident en omettant " de mettre en œuvre sur l'appareil en cause la TU 275 qui était de nature à éviter la rupture des barrettes du couvercle et les dégâts qu'elles pouvaient occasionner sur le compresseur centrifuge ", et en s'abstenant de rechercher systématiquement des fissures sur les aubes, cette omission n'étant pas visée par la prévention, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et de s'assurer que, conformément à sa saisine, elle a fondé la culpabilité de la société Turbomeca uniquement sur les faits qui lui étaient reprochés par l'ordonnance de renvoi ; " 3°) alors que l'article 221-6 du Code pénal ne peut recevoir application que si le lien de causalité est établi avec certitude entre la faute du prévenu et la mort de la victime ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'il existe un doute quant à l'origine exacte de l'accident ; qu'en relevant de supposés manquements tirés d'une attention insuffisante sur les aubes, faits non visés à la prévention, sans pouvoir établir un lien de causalité certain entre les fautes reprochées à la société Turbomeca et l'accident, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal ; " 4°) alors qu'il appartient aux juges du fond de rechercher si les faits poursuivis ont été commis par un organe ou un représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 du Code pénal ; qu'en se bornant à relever que c'est l'avarie du moteur fabriqué et entretenu par la prévenue qui n'aurait pas mis en œuvre les moyens pour remédier aux difficultés rencontrées ou assurer une prévention qui est la cause de l'accident et qu'il s'agit ainsi d'un problème de sécurité des appareils qui, en l'absence de délégation de pouvoir, incombe à la direction de la société tout comme lui incombe rétablissement d'une nouvelle norme telle que la TU 275 dont il lui appartenait de vérifier qu'elle était respectée, comme était respectée la réglementation applicable notamment celle résultant de FOPS3, sans mieux rechercher si les faits reprochés avaient été commis, pour le compte de la personne morale poursuivie, par l'un de ses organes ou représentants, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; " 5°) alors qu'en relevant qu'en l'absence de délégation de pouvoir, la prévention qui est la cause de l'accident est un problème de sécurité qui incombe à la direction de la société tout comme lui incombe le rétablissement d'une nouvelle norme telle que la TU 275, lorsque l'obligation d'identifier la personne physique auteur des faits n'est pas conditionnée à l'existence d'une délégation de pouvoirs et s'impose en toute circonstance, la cour d'appel a de plus fort méconnu l'article 121-2 du Code pénal " ;

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches : - Attendu que, pour déclarer la société Turbomeca coupable d'homicide involontaire, l'arrêt attaqué retient notamment que, quelle que soit l'origine exacte de l'accident, la société Turbomeca a commis des fautes à l'origine de celui-ci, d'une part, en omettant de mettre en œuvre sur l'appareil en cause la modification technique TU 275 qui était de nature à éviter la rupture des barrettes du couvercle et les dégâts qu'elle pouvait occasionner sur le compresseur centrifuge, d'autre part, en ne portant pas une attention suffisante sur les aubes dudit compresseur qui étaient susceptibles de présenter des fissures de fatigue, telles que celle décelée sur un appareil du même type en 1989, pouvant conduire à sa rupture et alors que ce risque était aggravé par le phénomène vibratoire affectant le couvercle dont les barrettes rompues pouvaient entraîner la destruction des aubes ;

Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que les juges ont retenu à son encontre une faute non expressément visée à la prévention et sur laquelle elle avait été mise en mesure de s'expliquer lors des débats, dès lors qu'il incombait à la cour d'appel de rechercher toute faute d'imprudence ou de négligence entrant dans les prévisions de l'article 221-6 du Code pénal ; d'où il suit que le grief n'est pas encouru ;

Mais sur le moyen, pris en ses autres branches : - Vu l'article 121-2 du Code pénal ; - Attendu que les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, pour déclarer la société Turbomeca coupable, l'arrêt énonce notamment que c'est l'avarie du moteur fabriqué et entretenu par la prévenue qui est la cause de l'accident, alors que des moyens auraient dû être mis en œuvre pour remédier aux difficultés rencontrées ou assurer une prévention ; que les juges ajoutent qu'il s'agit d'un problème de sécurité des appareils qui, en l'absence de délégation de pouvoir, incombe à la direction de la société tout comme lui incombent l'établissement et le respect d'une nouvelle norme telle que la TU275 ainsi que la vérification du respect de la réglementation applicable ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher par quels organes ou représentants de la personne morale les manquements relevés avaient été commis ni s'ils l'avaient été pour le compte de celle-ci, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le moyen unique de cassation proposé pour Mme Stéphanie J., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mathéo K.et pour Mme Micheline L., par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié, pris de la violation des articles 121-2, 121-3 et 221-6 du Code pénal, R. 133-1 du Code de l'aviation civile, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé la société Heli Air Monaco des faits d'homicides involontaires et a débouté les parties civiles de leurs demandes à son encontre ;

" aux motifs qu'il est donc reproché à la société Heli Air Monaco d'avoir, par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce notamment en s'abstenant de dispenser à son pilote la formation et l'entraînement réglementaire qui lui auraient permis de procéder à un amerrissage en auto rotation, involontairement causé la mort d'Alain K.et des passagers de l'appareil ; que les experts ont en effet unanimement retenu que malgré la panne du turbomoteur, une manœuvre réussie d'auto rotation aurait dû permettre d'en limiter les conséquences en effectuant un amerrissage d'urgence mais qu'en l'espèce, les manœuvres exécutées par le pilote se sont révélées inappropriées et que son entraînement à ce type de manœuvre avait été insuffisant en considération des exigences qu'imposent les conditions de survol maritime à faible altitude induisant l'acquisition par le pilote d'un véritable réflexe lui permettant de se mettre en auto rotation pratiquement dans la seconde suivant la panne ; que ceci étant, Alain K., qui avait exercé l'activité de pilote d'hélicoptère au sein de l'armée de terre jusqu'en 1999 et qui totalisait alors 2600 heures de vol, était tenu, lorsqu'il a voulu reprendre en 2004 le pilotage à titre privé, de faire renouveler sa licence, dès lors qu'il avait cessé de pratiquer le pilotage à titre professionnel pendant près de cinq ans ; que compte tenu de la réglementation applicable lors du recrutement d'Alain K., celui-ci devait subir un contrôle de compétences avec un examinateur pour retrouver l'ensemble des qualifications liées à sa licence, sans qu'un volume d'heures soit réglementairement précisé ; que M. T. , tout en étant salarié de la société HAM, pouvait fort bien procéder à la qualification de pilote ou au renouvellement d'une licence puisque Alain K., qui possédait une licence de pilote délivrée par l'aviation civile française, seul un examinateur agréé par la DGAC pouvait procéder à son renouvellement ; que M. T. était bel et bien agréé examinateur par la DGAC à l'époque des faits et c'est d'ailleurs sous délégation de cette autorité, et non en qualité de salarié de la société HAM, qu'il a renouvelé la licence de ce pilote et qu'il lui a délivré la qualification sur le type AS 350 ; que le fait que M. T. était agréé comme examinateur par l'aviation civile française et qu'il ne possédait pas l'agrément formel par l'aviation civile monégasque alors qu'il remplissait toutes les conditions pour l'obtenir est sans incidence en l'espèce ; qu'en ce qui concerne la formation délivrée par la société Heli Air Monaco à Alain K. préalablement à son embauche en vue d'obtenir à la fois sa qualification pour le pilotage d'un hélicoptère de type AS 350 et le renouvellement de sa licence de pilote, elle consistait d'abord en un enseignement théorique de 11 heures 30 suivi d'un test QCM ou un résultat minimum de 75 % de bonnes réponses était requis, puis en une partie pratique consistant, pour un pilote qui avait à son actif au moins 1000 heures de vol sur hélicoptère à turbine, un vol d'1 heure 30 ; que ce vol a eu lieu le 9 avril 2004 et a consisté en des exercices pratiques effectués au cours d'un trajet entre Monaco et Albenga avec des questionnements sur les équipements de l'appareil, huit exercices d'auto rotation dont deux au-dessus de la mer lors du trajet retour, trois exercices de simulation de panne en vol stationnaire près du sol ; que les experts MM. Q. et R. ont considéré que cette manière d'instruire était conforme aux règles de l'art (D 1507) ; que certes, ce vol de qualification n'a duré, s'agissant d'Alain K. qu'1 heures 20 ; que toutefois, cette différence de dix minutes ne saurait à elle seule induire que la formation d'Alain K. a été insuffisante ; que si M. T. avait relevé à son égard à l'issue de ce vol " une tendance à la précipitation ", et la nécessité de gérer " les événements étape par étape ", il a néanmoins considéré que s'il était perfectible sur certains points, c'était néanmoins un excellent pilote ; que dès lors, il apparaît que ne peut être retenu à l'encontre de la société Heli Air Monaco un défaut de dispense à son pilote d'une formation et un entraînement réglementaires, tels que visés dans la prévention ; que par ailleurs, la réaction de l'appareil à la suite de la panne brutale du turbomoteur est inconnue ; que les experts ont précisé que le pilote avait fort bien pu ne pas s'en rendre compte dès les premiers ratés du moteur en raison du bruit qui régnait dans la cabine ; que l'appareil était tenu de voler à basse altitude ; qu'ainsi, les raisons pour lesquelles la manœuvre d'auto rotation a échoué sont ignorées et peuvent fort bien être liées à d'autres causes qu'à une réaction inappropriée du pilote ; qu'aussi, le lien de causalité entre le prétendu défaut de formation d'Alain K. et la chute brutale de l'appareil n'est pas, en tout état de cause, établi ; que de même, il n'existe aucun lien de causalité entre l'accident et le défaut d'habilitation d'Alain K. pour signer la visite d'avant vol (APRS) ou les conditions de travail du personnel de la société HAM dont certains membres se sont plaints d'un sous-effectif ou encore d'un défaut d'entretien des appareils, non avéré en l'espèce ; que l'infraction d'homicides involontaires n'est donc pas constituée à l'égard de la société Heli Air Monaco de sorte que le jugement sera réformé sur ce point et la société Heli Air Monaco relaxée des fins de la poursuite ;

" 1°) alors que le délit d'homicide involontaire est caractérisé lorsqu'est établi à l'encontre de l'auteur du dommage une maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que la cour d'appel a relevé que les experts ont " unanimement " retenu que " l'entraînement [du pilote] à ce type de manœuvre [d'auto rotation] avait été insuffisant en considération des exigences qu'imposent les conditions de survol maritime à faible altitude induisant l'acquisition par le pilote d'un véritable réflexe lui permettant de se mettre en auto rotation pratiquement dans la seconde suivant la panne " et qu'" une manœuvre réussie d'auto rotation aurait dû permettre d'en limiter les conséquences en effectuant un amerrissage d'urgence mais qu'en l'espèce les manœuvres exécutées par le pilote se sont révélées inappropriées " ; qu'en estimant cependant qu'il ne peut être retenu à l'encontre de la société un défaut de formation du pilote, la cour d'appel qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision ;

" 2°) alors que le délit d'homicide involontaire suppose un lien de causalité entre la faute et le dommage ; qu'un tel délit est caractérisé dès qu'un lien de causalité existe quand bien même d'autres causes peuvent également être à l'origine du dommage ; qu'il résulte des rapports des experts, unanimes, que, malgré la panne du turbomoteur, une manœuvre réussie d'auto rotation aurait permis d'en limiter les conséquences en effectuant un amerrissage d'urgence, que les manœuvres exécutées par le pilote étaient inappropriées et que l'entraînement du pilote sur ce point avait été insuffisant ; qu'en énonçant, pour écarter la responsabilité de la société, que les raisons pour lesquelles la manœuvre d'auto rotation a échoué " peuvent fort bien être liées à d'autres causes ", la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" 3°) alors que la responsabilité pénale de la personne morale est engagée dès lors qu'existe un lien de causalité, même indirect, entre la faute et le dommage ; que les parties civiles invoquaient, comme l'avait jugé le tribunal, au titre des manquements à l'origine de l'accident, l'absence de visite journalière nécessitant à son issue l'approbation pour remise en service (APRS) ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'il n'existait pas de lien de causalité entre le défaut d'APRS et l'accident survenu lors du vol, tandis que l'APRS ne peut être délivrée que si l'aéronef ne présente pas de défaut pouvant mettre en cause son aptitude au vol, que l'hélicoptère était soumis à la délivrance de l'APRS, qu'une personne devait être spécialement habilitée à cet effet et le vol ne pouvait avoir lieu qu'après la signature de l'APRS, et que Alain K. n'aurait pas dû être autorisé à naviguer sur l'appareil qui n'avait pas subi les visites réglementaires nécessaires à la délivrance de l'APRS, comme l'invoquaient les parties civiles ; qu'en l'état de ses énonciations, la cour d'appel qui n'a pas répondu à l'argument péremptoire des parties civiles n'a pas justifié sa décision ;

" 4°) alors que la cour d'appel a énoncé que le pilote avait obtenu sa qualification de la part d'un instructeur de la société Heli Air Monaco, qui n'avait pas reçu l'agrément à cette fin par les autorités monégasques ; qu'en se bornant à énoncer que cet instructeur remplissait toutes les conditions pour obtenir cet agrément tandis qu'il lui appartenait de rechercher si la qualification d'un pilote par un instructeur n'ayant pas reçu l'agrément nécessaire ne caractérisait pas une faute à l'origine de l'accident, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour débouter les parties civiles de leurs demandes après relaxe de la société HAM du chef d'homicides involontaires, l'arrêt retient notamment qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'accident et le défaut d'habilitation du pilote Alain K. pour signer la visite d'avant vol dans le cadre de l'approbation pour remise en service (APRS) ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans mieux répondre aux conclusions des parties civiles qui soutenaient que la mise en œuvre par un personnel habilité de l'APRS, mesure rendue obligatoire par la réglementation, aurait pu permettre de détecter la panne et d'éviter l'accident, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est également encourue de chef ;

Par ces motifs, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation proposé :

I - Sur les pourvois de M. Gordon Z., de Mme Freda Z., de Mme Sarah A., épouse B., de M. Christian B., de Mme Nora C., de Mme Mona C., de Mme Margarita D., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mishaal C., de Mme Lucy F., de M. James Edward F., de Mme Sarah E., épouse F., de M. Simon E., de Mme H., de M. Dylan G.-E.et de Mme Amy G.-E. :

Les rejette ;

II - Sur les pourvois des sociétés Turbomeca et Réunion aérienne, de Mme X. U., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Y. U., de Mme Stéphanie J., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mathéo K.et de Mme Micheline L. :