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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 février 2018, n° 15-07473

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Simex (SA)

Défendeur :

Seita (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Regnier, Dahan, Etevenard, Por

T. com. Paris, du 11 févr. 2015

11 février 2015

Faits et procédure

Depuis les années 1990, la société de droit mauritanien Simex importait et distribuait des cigarettes dont l'approvisionnement était assuré par la Société Nationale d'Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes (Seita), filiale du Groupe Altadis, le 5e fabricant mondial de tabac qui sera cédé en janvier 2008 au Groupe Imperial Tobacco. Ces relations commerciales ont été formalisées par un contrat, à effet au 1er janvier 2000, d'une durée de cinq ans, renouvelable tacitement, la société Seita octroyant à la société Simex la distribution exclusive en Mauritanie de ses produits Gauloises blondes, légères, sans filtre et Gitanes filtres, sans filtre et internationale.

Le contrat a été renouvelé une première fois le 1er janvier 2005 puis, suivant procès-verbal de réunion du 26 janvier 2010, reconduit pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2010.

Soutenant avoir rencontré, à compter de 2006, des difficultés dans l'exécution du contrat, la société Simex a, par exploit du 31 décembre 2012, assigné la société Seita, sollicitant du Tribunal de commerce de Paris, à titre principal, qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat aux torts de cette dernière, à titre subsidiaire, qu'il constate une rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et à titre infiniment subsidiaire, une rupture abusive du contrat, ainsi qu'une indemnisation des préjudices subis. La société Seita a sollicité reconventionnellement des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de manquements contractuels de la société Simex.

Par jugement du 11 février 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté les parties de toutes leurs demandes,

- prononcé la résiliation du contrat de distribution aux torts partagés des parties,

- condamné la société Simex aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 71,52 euros dont 11,70 euros de TVA.

LA COUR

Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 décembre 2017 par lesquelles la société Simex invite la cour, au visa des articles 1134, 1135, 1147, 1149 et 1184 du Code civil (ancienne rédaction) et L. 420-2 et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce à :

- dire cet appel recevable et bien fondé,

- débouter la société Seita de toutes ses demandes, moyens, fins et prétentions,

y faisant droit,

- infirmer ledit jugement,

- constater que la société Seita a manqué à toutes ses obligations contractuelles,

- constater que la société Seita a exécuté le contrat de manière déloyale,

par conséquent,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Seita,

- condamner la société Seita à payer à la société Simex la somme de 35 862 826 € (trente-cinq millions huit cent soixante-deux mille huit cent vingt-six euros) à titre de dommages et intérêts pour la marge commerciale manquée en raison des inexécutions contractuelles et de la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Seita,

- condamner la société Seita à payer à la société Simex la somme de 1 712 325,88 € (un million sept cent douze mille trois cent vingt-cinq euros et quatre-vingt-huit centimes) au titre des investissements réalisés et perdus,

- condamner la société Seita à payer à la société Simex la somme de 12 774 928,67 € (douze millions sept cent soixante-quatorze mille neuf cent vingt-huit euros et soixante-sept centimes) à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image commerciale et à sa crédibilité,

à titre subsidiaire, sur le fondement des articles L. 420-2 et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

- constater que la société Seita a rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Simex qui était en état de dépendance économique,

par conséquent,

- condamner la société Seita à payer à la société Simex une indemnité compensatrice à hauteur de 20 170 940,25 € (vingt millions cent soixante-dix mille neuf cent quarante euros et vingt-cinq centimes) équivalente à une durée de préavis de cinq ans,

à titre infiniment subsidiaire sur la rupture abusive du contrat au regard des articles 1134 alinéa 3 et 1147 du Code civil :

- constater que la société Seita a rompu de manière abusive le contrat qui la liait à la société Simex,

par conséquent,

- condamner la société Seita à payer à la société Simex une indemnité compensatrice à hauteur de 20 170 940,25 € (vingt millions cent soixante-dix mille neuf cent quarante euros et vingt-cinq centimes),

en toute hypothèse :

- assortir du taux d'intérêt légal les sommes auxquelles la société Seita sera condamnée à payer à la société Simex,

- débouter la société Seita de son appel incident comme étant particulièrement mal fondée ainsi que de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société Seita à payer à la société Simex la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile avec distraction au profit de Me David Dahan, avocat aux offres de droit,

- condamner la société Seita aux entiers dépens dont les frais liés à l'expertise produite par la demanderesse qui s'élève à la somme de 15 000 euros, avec droit de recouvrement direct pour la SCP Regnier Bequet Moisan, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 4 décembre 2017 par lesquelles la société Seita, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Simex de l'intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- limiter le préjudice subi par la société Simex à la somme de 124 000 €,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Seita de ses demandes reconventionnelles,

statuant à nouveau de ce chef,

- condamner la société Simex à payer à l'intimée la somme de 1 535 060 € de dommages et intérêts, au titre des manquements contractuels de la société Simex,

en tout état de cause :

- débouter la société Simex de toutes ses fins, demandes et conclusions,

- condamner la société Simex à payer à la société Seita la somme de 70 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Simex aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Etevenard en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Sur la demande principale en résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Seita

La société Simex soutient, en substance, que la société Seita a sciemment violé l'ensemble des obligations contractuelles qui lui incombaient afin de satisfaire à la nouvelle politique commerciale mise en place consécutivement à son rachat par le Groupe Imperial Tobacco en 2008. Elle précise notamment que :

- malgré des relances multiples, la société Seita a violé son obligation de livraison en n'ayant effectué que des livraisons résiduelles en 2006 et 2007 avant de les interrompre totalement dès le début de l'année 2008, sans apporter d'explications à ces faits qu'elle ne conteste pas,

- la société Seita a violé son obligation de livraison exclusive en approvisionnant d'autres distributeurs sur le territoire mauritanien afin de détruire son circuit de distribution pour se réorienter sur d'autres marchés émergents jugés plus prometteurs dont notamment l'Algérie, et elle a commis les mêmes inexécutions envers son distributeur exclusif au Burkina Faso,

- elle-même n'a commis aucun manquement à ses obligations de paiement,

- la société Seita a tenté de lui fournir ses produits défectueux et de lui imposer des marques bas de gamme alors qu'elle avait pourtant fait sa réputation autour de ses marques célèbres pendant 20 ans.

La société Seita réplique essentiellement qu'un distributeur qui ne paie pas ses factures et qui dispose de stocks significatifs de produits qu'il ne parvient pas à vendre et qui ont dû finalement être détruits puisqu'endommagés avec le temps, ne peut prétendre qu'un refus de fournir des produits supplémentaires serait injustifié, ni même lui aurait causé un préjudice. Elle considère que la société Simex tente de détourner l'attention de ces faits fondamentaux en échafaudant des scénarios fantasmagoriques. Elle ajoute notamment que :

- la société Simex n'établit pas l'existence d'une quelconque commande qu'elle aurait refusée d'honorer, et encore moins d'une commande conforme aux stipulations du contrat, de sorte qu'elle ne saurait lui reprocher de ne pas avoir procédé à des livraisons,

- elle est restée redevable de factures impayées jusqu'à au moins l'année 2008 et dans la mesure où elle n'a pas payé les précédentes livraisons dans leur intégralité, elle-même n'avait aucune obligation de lui fournir des produits supplémentaires,

- en 2008, les parties ont convenu, du fait des retards de paiement, de soumettre toute nouvelle commande à leur pré paiement mais la société Simex ne s'est jamais conformée à cette obligation,

- jusqu'à au moins 2008, la société Simex disposait de stocks de produits à sa disposition qu'elle ne parvenait pas à vendre,

- la société Simex ne peut donc soutenir avoir perdu des ventes,

- ses reproches quant au comportement de Seita et à un prétendu repositionnement sur d'autres marchés sont totalement inopérants.

A titre liminaire, pour une meilleure compréhension du litige, il y a lieu de rappeler que:

- par contrat à effet au 1er janvier 2000, la société Seita a confié à la société Simex la distribution exclusive en Mauritanie de ses cigarettes Gauloise Blondes et Gitanes pour une durée de 5 ans, renouvelable tacitement pour des périodes de même durée sauf dénonciation 3 mois avant le terme par lettre recommandée avec accusé de réception,

- ce contrat a été reconduit tacitement le 1er janvier 2005 pour une durée de 5 ans expirant le 31 décembre 2009,

- par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2009, la société Seita a dénoncé le contrat à effet au 31 décembre 2009, précisant toutefois envisager la poursuite des relations commerciales,

- suivant procès-verbal de réunion du 26 janvier 2010, le contrat de distribution a été reconduit " pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2010, mais ce sans omettre de rappeler les termes du courrier envoyé par la société Altadis à la société Simex en septembre 2008 et dont cette dernière n'a pas manqué de donner son accord sur lesdits termes, notamment en ce qui concerne les conditions de pré paiement des commandes alors que le contrat mentionne un délai de 90 jours ",

- il n'est pas contesté que l'accord sur le pré paiement avait été initié le 26 septembre 2008 (pièce intimée n° 5) et confirmé le 14 octobre 2008, la dette de Simex chez Altadis (Seita) étant alors évaluée à environ 56 000 €.

Selon le procès-verbal du 26 janvier 2010 qui formalise le contrat reconduit et fait la loi des parties :

- le contrat de distribution a été expressément renouvelé, à compter du 1er janvier 2010, aux clauses et conditions antérieures sauf en ce qui concerne les obligations pour la société Simex, préalablement à chaque livraison, d'indiquer ses " Prévisions de vente sur les 6 à 12 prochains mois pour chaque produit commandé " et de prépayer les commandes,

- selon le représentant de la société Seita, l'encours de la société Simex était alors de 10 480 euros, la société Simex devant ultérieurement confirmer ou infirmer ce montant,

- la société Seita a proposé d'affecter cet encours au financement des activités publi promotionnelles,

- au cours de la réunion, le conseil de la société Simex a rappelé sa demande d'indemnisation, à hauteur de 5 millions d'euros, du fait de la rupture d'approvisionnement du marché malgré des commandes et plusieurs relances sur la période de 2006 à 2009 et le représentant de la société Seita, loin de s'offusquer de cette demande, a sollicité la transmission des documents corroborant ses dires,

- par courriel du 12 avril 2010, la société Simex a notamment rappelé à la société Seita " la demande formulée lors de la réunion à Dakar pour une compensation pour le préjudice subi en raison du non-approvisionnement sur le marché depuis 3 ans. Cette situation qui persiste encore a pesé lourdement sur la situation financière de notre entreprise. ",

- par lettre du 21 avril 2010, son conseil a réclamé à la société Seita la somme de 4 millions d'euros en dédommagement pour le non-approvisionnement de produits, constaté lors de la réunion du 26 janvier 2010 (pièce intimée n° 9).

A ce stade, il doit être constaté que :

- si le contrat a été reconduit le 26 janvier 2010, les parties n'avaient alors pas réglé, ce qui apparaît comme le seul différend antérieur qui les opposait, soit les récriminations de la société Simex quant à une indemnisation pour une rupture d'approvisionnement entre 2006 et 2009, rupture que le représentant de la société Seita n'a pas réellement contestée,

- par ailleurs, ce dernier n'a fait état d'aucun manquement de la société Simex à ses obligations contractuelles et notamment d'aucun impayé majeur, ni de retards de paiement dans les factures entre 2006 et 2009, ni d'un problème de gestion de stock et/ou de distribution des cigarettes, ce qui démontre qu'à les supposer établis, les manquements contractuels de la société Simex invoqués dans la présente instance par la société Seita au soutien de son exception d'inexécution et qui seront examinés ci-après, ne justifiaient pas, pour cette dernière, la non-reconduction du contrat.

Enfin, nonobstant la reconduction du contrat à effet au 1er janvier 2010 il doit être relevé que :

- par lettre du 16 juin 2010 (pièce appelante n° 38) adressée à la société Simex, Imperial Tobacco a rappelé qu'une réunion s'était tenue à Nouakchott le 27 mai 2010 au cours de laquelle le Groupe avait proposé de développer " plus avant notre relation commerciale " par essentiellement la conclusion d'un nouvel accord dont les conditions commerciales seraient à définir avant fin octobre 2010, incluant d'autres normes et règles,

- Imperial Tobacco a notamment conditionné cette proposition à la clarification de la position de la société Simex quant à ses allégations sur des compensations, l'accord de la société Simex devant intervenir dans un délai de 7 jours et Imperial Tobacco attendant cette confirmation pour envisager de finaliser un nouveau contrat,

- par courrier du 27 juin 2010 (pièce appelante n° 39), la société Simex a pris acte de la rupture des relations commerciales.

Ceci étant exposé, la société Simex sollicite la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Seita en invoquant divers griefs pour la période de 2006 au 16 juin 2010, date de la cessation des relations commerciales. Il lui appartient de démontrer l'existence des manquements qu'elle allègue, lesquels ne peuvent se déduire de la seule constatation d'une chute de ses ventes. La société Seita lui oppose l'exception d'inexécution.

Sur les retards et dysfonctionnements dans les livraisons

La société Simex invoque des retards dans les livraisons à compter de 2006 et leur arrêt total et volontaire dès les début 2008 et la société Seita invoque, simultanément et au demeurant, de façon contradictoire, d'une part, comme l'ont retenu les premiers juges, l'absence de preuve de l'existence d'une quelconque commande qu'elle aurait effectivement passée et qui n'aurait pas été honorée, et d'autre part, un refus justifié de sa part d'honorer les commandes du fait de divers manquements contractuels de la société Simex.

Il ressort des diverses pièces versées aux débats que :

* pour l'année 2006

- le 5 janvier 2006, la société Seita s'est excusée pour le retard pris dans une commande effectuée par mail du 17 décembre 2005 (pièce appelante n° 2),

- la seule récrimination produite par la société Simex est un courrier du 9 mars 2006 dans lequel elle se plaint d'une lenteur voire d'une absence de réaction en cas de demande d'approvisionnement (pièce appelante n° 4) sans toutefois se référer à une commande précise,

- les factures produites (pièce appelante n° 47) attestent de commandes et de livraisons pour l'année 2006.

Ces uniques pièces sont insuffisantes à établir des manquements contractuels caractérisés à l'obligation d'approvisionnement par la société Seita en 2006.

* pour l'année 2007

- les factures communiquées (pièce appelante n° 47) attestent de commandes et de livraisons,

- le seul élément produit faisant état d'un retard ou d'une absence de livraisons, est un courriel du 11 août 2007 qui fait référence à une expédition dont la date de chargement a été modifiée. Ces seules pièces sont également insuffisantes à établir les manquements reprochés.

* pour l'année 2008

- par courriel du 10 août 2008, la société Seita a indiqué " le problème des stocks devra être réglé par une vente accélérée... ",

- la société Seita a conditionné la livraison de toute nouvelle commande à l'épuisement du stock, indiquant dans sa lettre du 26 septembre 2008 (pièce intimée n° 5) que " toute nouvelle commande de produits ne saurait intervenir avant total épuisement du stock, sera limitée en termes de volumes et devra faire l'objet d'un pré paiement ",

- à cette date, le stock était de 5 147 cartons, soit un volume supérieur à celui des ventes de l'année 2007 (4 246 cartons pièce intimée n° 5),

- la société Simex ne conteste pas l'existence de ce stock, indiquant dans une lettre du 11 janvier 2009 qu'elle détenait notamment 4 072 cartons de Gauloises blondes " qui devient non commercialisable " et que " les ventes ont été stoppées nettes à la fin du mois de septembre 2007 ce qui a coïncidé avec d'autres produits qui sont venus gangrener notre système de distribution. De surcroît la commande en cours à l'époque n'a pas pu être stoppée et est venue gonfler notre stock. " (pièce n° 8 intimée),

- la société Simex ne produit aucun élément établissant qu'elle ait passé des commandes en 2008,

- par ailleurs, il ressort de la base de données " United Nations Commodity Trade Statistics " (pièce intimée n° 46) que les importations de cigarettes en Mauritanie ont chuté à compter de 2007.

Il se déduit de ces éléments que si la société Seita n'a effectivement procédé à aucune livraison de produits en 2008, c'est du fait de l'absence de commandes, la société Simex devant au préalable écouler son stock de marchandises dans un contexte de marché incertain. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la société Seita aurait volontairement stoppé toute livraison.

En revanche, il ressort de la simple lecture des nombreux courriers échangés entre les parties qu'à compter de 2009, la société Simex n'a pas cessé de passer des commandes qui n'ont pas été honorées par la société Seita, dès lors que :

- par courriel du 4 mars 2009, la société Simex a commandé " 1 TC 20 de Gitane filtre " et a indiqué, par courriels du 15 avril 2009 " nous attendons toujours la suite à notre message du 4 mars " et du 10 mai 2009 " nous attendons toujours votre réponse à notre message de mars dernier ",

- le 12 mai 2009, la société Seita lui a répondu qu'elle devait patienter le temps que les choses se mettent en place suite à la fusion des groupes Imperial Tobacco et Altadis, précisant " nous vous réitérons, par la même occasion, notre confiance pour la représentation de nos marques sur le territoire mauritanien. ",

- par courriels des 20 juillet 2009 et 1er novembre 2009 (pièces appelante n° 33 et 8), la société Simex a réitéré sa demande concernant la commande du 4 mars 2009,

- par courriel du 17 janvier 2010 (pièce appelante n° 11), la société Simex a rappelé sa précédente demande du 1er novembre 2009 demeurée sans effet,

- lors de la réunion du 26 janvier 2010 au cours de laquelle les parties ont reconduit le contrat, la société Seita a indiqué : " concernant la commande en cours, le DG de la MTOA a promis de donner une réponse définitive dans une dizaine de jours après obtention des informations sur la disponibilité et les prix des différents produits faisant l'objet de la commande. ",

- en réponse à un courrier de la société Simex du 31 janvier 2010, la société Imperial Tobacco l'a informée que " concernant votre commande en cours ", les Gitanes filtre ne seraient disponibles que dans un délai de six mois et a offert de les remplacer par une marque immédiatement disponible (pièce appelante n° 12),

- par courriel du 12 avril 2010 (pièce appelante n° 13), la société Simex a confirmé la commande " de 4 T (400) de Gitane filtre à expédier dès que possible. " en précisant qu'" A la réception de votre pro forma, nous procéderons au règlement. Nous estimons les besoins du marché à 100 cartons par mois environ à moins que cette longue rupture n'ait des conséquences sur les sorties du produit. Nous attendons également les prix de la Gauloise Blonde pour voir la possibilité de rapprovisionner le marché. ",

- par courriel du 18 mars 2010 (pièce appelante n° 35), la société Simex avait également commandé " 1,5 T de Gitane filtre, 300 kg de Gitane et 200 kg de Gitane internationale ",

- par courriels des 3 et 4 mai 2010, les parties ont échangé à propos de la communication d'informations nécessaires (Rib...) qui ont été transmises par la société Simex et par courriel du 18 mai 2010, (pièce appelante n° 16) la société Seita a indiqué " je suis en train de suivre votre commande en cours comme convenu je reviens vers vous ultérieurement pour la proforma. ",

- les parties ont échangé des courriels les 14 et 15 juin 2010, la société Seita interrogeant la société Simex à propos des marquages obligatoires sur les cartons, en lui précisant " je suis sur le traitement de votre commande de Gitanes et j'ai besoin de votre retour d'information pour diligenter la proforma " et la Simex répondant à toutes ses interrogations.

Il ne ressort d'aucune pièce que les commandes qui ont été effectivement passées en 2009 et 2010 par la société Simex, aient été livrées par la société Seita bien que le contrat ait été reconduit en janvier 2010, lequel n'a jamais été exécuté. La société Seita soutient en premier lieu qu'elle était en droit de refuser les livraisons dès lors que les commandes ne respectaient pas le formalisme contractuel qui imposait l'envoi d'un bon de commande " par lettre avec copie par fax détaillant les références à expédier. "

Mais, c'est à juste titre que les premiers juges ont déduit de l'absence de production par chacune des parties de pièces démontrant qu'elles aient, respectivement, respecté le formalisme du contrat, que les parties avaient entendu y déroger pour mettre en place un système de commande par le bais de planning annuels lesquels étaient écoulés mensuellement à l'occasion de conférence call, entre les parties de sorte que la société Seita ne peut sérieusement opposer l'absence de respect des dispositions contractuelles, s'agissant de la forme des commandes pour justifier son absence de livraison et ce d'autant qu'elle n'a jamais formulé ce grief au cours des relations commerciales.

La société Seita fait également valoir que la société Simex a manqué, de manière flagrante, à ses obligations contractuelles de paiement de 2004 à 2008, de pré paiement à compter du 26 septembre 2008, de gestion et d'apurement des stocks, de promotion et de distribution des produits au mieux de ses capacités, de sorte que ces manquements auraient justifié son refus de livrer de nouveaux produits.

Mais, la cour constate en premier lieu qu'aucune pièce n'établit que la société Seita ait, à un quelconque moment, reproché à la société Simex les manquements qu'elle allègue aujourd'hui et a fortiori, qu'elle ait suspendu ses livraisons du fait de ces manquements. La cour observe, à cet égard, que la société Seita qui prétend que la société " Simex a laissé ses dettes impayées pendant des mois, si ce n'est des années ", ne justifie de l'envoi d'aucune mise en demeure d'avoir à payer le solde dû sous peine de suspension des livraisons, n'a pas mis en œuvre l'alinéa 4 de l'article 8 prévoyant la résiliation du contrat en cas d'impayés, n'a sollicité ni en première instance ni en cause d'appel la résiliation du contrat aux torts de la société Simex, et a reconduit le contrat en janvier 2010, l'encours de la société Simex étant alors de la somme minime de 10 480 euros. La société Simex ne peut donc sérieusement prétendre qu'elle aurait suspendu ses livraisons en 2009 et 2010 du fait d'impayés intervenus entre 2004 et 2008.

En second lieu, la société Seita ne démontre nullement avoir établi en 2009 et en 2010 des factures proforma avant les livraisons pour permettre le pré paiement des produits de sorte que c'est vainement qu'elle soutient - après avoir pourtant affirmé qu'il n'existait aucune commande qui n'aurait pas été honorée - n'avoir pas exécuté les commandes du fait de l'absence de pré paiement.

D'autre part, s'agissant des stocks, la société Seita affirme que le stock de 5 149 cartons en septembre 2008 lui a été caché, qu'il résulte d'une mauvaise gestion de la société Simex qui a manqué de promouvoir et de distribuer les produits au mieux de ses capacités et que 8 000 cigarettes ont dû être détruites en 2009. Or, il ne ressort d'aucun élément que la société Simex ait dissimulé à la société Seita l'état de son stock, dont notamment les 5 147 cartons en septembre 2008. Au contraire, il apparaît qu'à tout le moins, elle en était informée le 10 août 2008 (cf courriel examiné ci-dessus), qu'elle y en a fait référence dans une lettre du 11 janvier 2009 (pièce intimée n° 8 considérée ci-dessus), que le 27 janvier 2009, elle a proposé de prendre en charge les frais de destruction des produits qui ne pouvaient plus être vendus, que le 29 janvier 2009 (pièce appelante n° 32), la société Simex a accepté cette proposition et que le 2 février 2009, la société Seita a confirmé son accord (pièce intimée n° 10) sans émettre aucun grief sur l'existence du stock, lequel grief apparaît manifestement formulé a posteriori dans le cadre de la présente instance. En effet, nonobstant les termes de son courriel du 26 septembre 2008, la société Seita n'a nullement subordonné, en 2009 et 2010, la livraison de commandes à l'apurement de ce stock. En outre, elle n'en a pas fait état lors de la réunion du 26 janvier 2010 et l'existence de ce stock n'a pas été un obstacle à la reconduction du contrat à effet au 1er janvier 2010, de sorte qu'elle devait considérer que les manquements quant à la gestion et à l'apurement du stock qu'elle dénonce aujourd'hui, étaient mineurs. Par suite, ils ne peuvent justifier l'absence de livraison des commandes passées à partir de 2009.

Concernant des factures qui seraient impayées et qui justifieraient l'absence de livraison des commandes, il a été vu ci-dessus que lors de la reconduction du contrat le 26 janvier 2010, l'encours de la société Simex était, selon le représentant de la société Seita qui a proposé de l'affecter au financement des activités publi promotionnelles, de 10 480 euros, soit une somme de faible importance. A l'instar des premiers juges, la cour constate que la société Seita qui fait état de dettes exigibles significatives, ne communique aucune mise en demeure d'avoir à payer un quelconque arriéré de sorte qu'elles ne sauraient justifier une suspension des livraisons.

En conséquence de ces éléments, le grief de défaut de livraison est établi pour la période de 2009 à juin 2010.

Sur la violation de la clause d'exclusivité accordée à la société Simex sur le territoire mauritanien (article 6 du contrat)

La société Simex soutient que la société Seita aurait violé la clause d'exclusivité en ce qu'elle a constaté l'existence d'une importation parallèle de Gauloises blondes, ce dont elle a informé la société Seita par courriels des 11 mai 2007 (pièce appelante n° 37) et 12 avril 2010 (pièce appelante n° 13), et que celle-ci n'y a pas remédié.

S'il appartient au fournisseur de protéger l'étanchéité de son réseau des ventes parallèles, encore faut-il qu'il ait connaissance de ces importations. En l'espèce, l'article 6 précisait que le distributeur s'engageait à prévenir la société Seita de toute importation parallèle de produits ayant lieu sur le territoire dont il aura connaissance. A cet égard, la société Simex excipe de deux courriels. Dans celui du 11 mai 2007, elle fait état de l'existence de 500 cartons de gauloises blondes détenus par un importateur qui essaierait de les écouler à bas prix et demande l'autorisation de les racheter afin de destruction. Elle ne précise pas s'il s'agit de produits authentiques ou de produits contrefaits. Le 15 mai 2007, la société Seita lui a demandé des échantillons afin d'identifier les produits et de les tester (pièces appelante n° 36 et 37). Il ne ressort d'aucune pièce que la société Simex lui ait répondu. S'agissant de son courriel du 12 avril 2010 (pièce appelante n° 13), la société Simex se contente d'indiquer que " certains commerçants tentent d'écouler sur le marché des anciens stocks provenant de la contrebande ". Elle ne produit aucun élément attestant qu'il s'est agi de produits destinés à la Mauritanie. Il ressort de ces éléments que la société Simex échoue à démontrer une violation de la clause d'exclusivité.

La fourniture de produits défectueux et la tentative d'imposer uniquement des produits low cost

La société Simex reproche à la société Seita de lui avoir fourni des marchandises défectueuses - qu'elle évaluait à 16 tonnes en première instance mais qu'elle n'évalue plus en cause d'appel de sorte qu'elle aurait sciemment " sabordé " le marché mauritanien. La société Seita réplique que ce grief, comme les autres, ne résiste pas à l'analyse la plus sommaire et se réfère à la décision des premiers juges qui ont considéré que les seuls stocks défectueux étaient ceux qui l'étaient devenus par suite d'un entreposage trop long et non pas d'une fabrication critiquable.

La société Simex se prévaut de deux courriels des 10 décembre 2007 et 10 août 2008 adressés par un représentant de la société Seita (pièces appelante n° 29 et 30) à la société Simex qui reconnaît l'existence de " produits résiduels douteux " qui, pour certains, ont été livrés à la société Simex et pour d'autres, fabriqués fin 2007, sont restés entreposés dans l'usine de fabrication en Pologne. S'agissant de ces derniers, ils n'ont pas été livrés en Mauritanie puisqu'ils ont été stoppés avant leur départ de l'usine de sorte qu'ils n'ont pu participer à une désorganisation du marché mauritanien. Pour les autres, il ne ressort d'aucun élément que, comme l'affirme la société Simex, la société Seita ait délibérément fourni ces produits défectueux, l'attestation de M. L. se contenant d'ailleurs de préciser " qu'il est arrivé " que des produits défectueux aient été ou devaient lui être livrés de sorte que ces éléments sont insuffisants à caractériser un comportement déloyal. Il sera ajouté que l'article 5.2 du contrat prévoyait que le distributeur constatant des produits défectueux, devait en informer son fournisseur par lettre recommandée avec accusé de réception et transmettre sans délai les éléments en sa possession permettant de solutionner le litige et que la société Simex ne justifie pas s'être conformée aux stipulations contractuelles à ce titre.

La société Simex reproche également à la société Seita d'avoir tenté de lui imposer des produits low cost, ce qu'elle a dû accepter, compte tenu de sa situation de dépendance économique totale et de la cessation des livraisons mais sans plus de succès, la société Seita ne les ayant pas non plus livrés.

D'une part, il ressort de l'article 6 du contrat que si la société Simex avait l'exclusivité de la vente des produits Seita en Mauritanie, elle n'était pas elle-même liée par une clause d'exclusivité et pouvait conclure des " contrats dont l'objet est similaire au présent avec des concurrents " à condition d'en informer la société Seita de sorte qu'elle ne justifie pas d'une situation de dépendance économique imposée par son fournisseur. D'autre part, comme elle le reconnaît, aucun produit qu'elle qualifie de low cost et la société Seita de News, ne lui a été livré. Enfin, comme l'ont, à juste titre, relevé les premiers juges, l'article 3.2 du contrat mentionnait que " La liste des Produits confiés au Distributeur pourra être augmentée ou réduite par Seita ", de sorte que la modification de la gamme de produits à distribuer en Mauritanie relevait de la liberté contractuellement convenue de la société Seita.

Par suite, les griefs invoqués à ce titre ne sont pas établis.

La baisse significative des investissements promotionnels

La société Simex soutient que la société Seita a violé son obligation contractuelle de publicité lui incombant et a manqué à son devoir de coopération dans l'exécution du contrat mettant ainsi volontairement en péril le circuit de distribution.

La société Simex reconnaît que contrat ne fait aucunement référence à une quelconque obligation de promotion à la charge de la société Seita (ni à celle de la société Simex d'ailleurs). Elle affirme que le budget, qui était affecté à la publicité par la société Seita, n'a cessé de diminuer entre 2005 et 2007 comme cela ressortirait de sa pièce n° 26 : " Répartition budgétaire ". Mais cette pièce constituée d'un tableau dont la cour ignore l'origine, semble avoir été établie par la société Simex elle-même et n'est corroborée par aucun élément comptable de sorte qu'elle n'a aucune valeur probante. Elle se réfère également à la pièce adverse n° 12, soit une lettre adressée par la société Seita (Altadis) le 26 octobre 2006 laquelle indique que les investissements commerciaux accordés par Altadis seront plafonnés à 110 000 euros, le dépassement des frais de structure étant assuré par la société Simex. Toutefois, cette unique pièce est insuffisante à établir un manquement de la société Seita à une obligation qui ne figure pas dans le contrat. Enfin, le fait que la société Seita ait accepté de compenser l'encours de la société Simex en 2010 avec des frais de publicité est insuffisant à établir l'obligation de cette dernière. Par suite, ce grief ne peut être retenu.

En définitive, seuls seront retenus les manquements de la société Seita, en 2009 et 2010, à son obligation de livraison. Ces manquements caractérisés à une obligation essentielle du contrat de distribution, sont d'une extrême gravité et par suite, justifient la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Seita.

Sur le préjudice subi par la société Simex du fait de la résiliation du contrat de distribution

La société Simex soutient avoir subi divers préjudices résultant du manque à gagner causé par l'absence de livraison des produits, des investissements perdus ainsi que de l'atteinte à son image commerciale.

La société Seita soutient que les différents préjudices avancés par la société Simex sont infondés. En effet, elle affirme que les chiffres et pièces communiqués sont contradictoires et n'ont aucune force probante.

Sur le manque à gagner

La société Simex affirme que sur la période 1999 à 2005, sa marge commerciale annuelle moyenne s'est élevée 4 034 188,05 euros, que du fait de la baisse d'approvisionnement en 2006 et son arrêt en 2008, elle a perdu sur les 3 années 2006 à 2008, la somme de 11 657 697,73 euros et à compter de 2009 jusqu'au 31 décembre 2014, la somme de 4034 188,05 euros par année et qu'ainsi, il lui serait dû la somme de 35 862 826 euros au titre de la perte de gain qu'elle aurait pu réaliser jusqu'à cette dernière date. Elle sollicite le paiement de cette somme outre les intérêts au taux légal.

Du fait de la résiliation anticipée du contrat de distribution, la société Simex a nécessairement subi un manque à gagner qui équivaut à la marge qu'elle pouvait escompter obtenir de l'exécution du contrat jusqu'à son terme fixé au 31 décembre 2014 et qui correspond à la différence entre les ventes perdues et les charges économisées (coûts variables).

Pour une juste évaluation de ce manque à gagner, il y a lieu de retenir notamment les éléments suivants :

- aucune commande n'ayant été passée en 2008, la période à prendre en compte est celle de 2009 jusqu'au 31 décembre 2014, soit 6 années,

- en janvier 2009, une partie du stock n'était plus commercialisable (cf courriel du 27 janvier 2009 dans lequel la société Seita proposait de prendre en charge les frais de destruction des produits qui ne pouvaient plus être vendus),

- la baisse importante, non contestée, des importations de cigarettes en Mauritanie, la société Simex reconnaissant dans ses écritures (page 48) qu'à partir de 2006, le volume d'importation de tabac en Mauritanie avait été divisé par deux et n'a cessé de diminuer par la suite,

- la perte d'attractivité des marques Seita (cf courriel du 26 septembre 2008 de la société Seita),

- la baisse du prix de vente entre 2006 et 2007 (cf courriel du 26 septembre 2008 de la société Seita),

- la société Simex ne peut donc prétendre à une marge identique à celle réalisée en moyenne entre 1998 et 2005,

- la société Simex ne démontre pas que le marché mauritanien de la cigarette était dépendant de son seul chiffre d'affaires et qu'elle aurait été, selon ses dires, " capable, à elle seule, d'influencer le marché de la cigarette en Mauritanie ",

- l'objectif annuel en 2010 était de 1.200 cartons,

- le tableau certifié par son expert-comptable (pièce appelante n° 15) et le rapport d'audit (pièce n° 40) ne sont corroborés par la production d'aucune pièce comptable,

- il doit être également tenu compte du fait que, comme le soutient la société Seita (cf rapport de M. N. pièce intimée n° 10), sur une période de six années, la société Simex était en mesure de réduire ses coûts fixes.

Compte tenu de ces éléments et des pièces versées au dossier, la cour évalue à la somme de 5 000 000 euros le manque à gagner subi par la société Simex du fait de la résiliation du contrat aux torts de la société Seita pour défaut d'approvisionnement.

Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision.

Sur les investissements perdus

La société Simex soutient qu'afin d'assurer la commercialisation des produits, elle a dû organiser des séries de campagnes publicitaires et de promotions. Elle ajoute qu'elle a également dû faire l'acquisition ou louer des entrepôts afin de stocker les produits qu'elle espérait recevoir et qu'il en est de même du personnel qu'elle a dû recruter, des véhicules de transport, des factures d'eau et d'électricité. Elle sollicite à ce titre la somme de 1 712 235,88 euros comme calculée par son expert-comptable.

Or, comme le relève à juste titre la société Seita (cf rapport de M. N. page 21) ce poste de préjudice correspond à un doublon par rapport au préjudice de la perte de marge commerciale que la société Simex réclame, les investissements invoqués étant des charges fixes qui n'ont pas pu être évitées et dont il a été tenu compte dans l'évaluation du gain manqué. De surcroît, cette revendication n'est étayée par la production d'aucune pièce. La société Simex sera donc déboutée de la demande formée à ce titre.

Atteinte à son image commerciale et à sa crédibilité

La société Simex fait valoir que les graves ruptures d'approvisionnement ont entaché sa crédibilité auprès de ses partenaires qui ont fait appel à d'autres fournisseurs, que le marché mauritanien lui est désormais fermé alors qu'elle en était le leader et que l'expert-comptable qu'elle a mandaté, a conclu qu'il lui faudrait une période de 38 mois pour qu'elle regagne ses parts de marché si elle était à nouveau approvisionnée. Elle sollicite la somme de 12 774 928,67 euros en réparation de ce préjudice.

En premier lieu, la cour constate que comme le relève judicieusement la société Seita, cette somme correspond à la marge commerciale moyenne estimée sur la période de 1999 à 2005 par la société Simex (4 34 188 euros) proratisée sur 38 mois, soit exactement 12 774 928,67 euros, de sorte qu'il y a lieu d'appréhender cette somme avec circonspection.

En second lieu, la période de 38 mois avancée par la société Simex " pour regagner ses parts de marché " n'est corroborée par aucun élément.

Enfin, la société Simex ne produit aucun élément probant permettant de mesurer son image de marque auprès des distributeurs en Mauritanie avant ou après les manquements constatés. Dès lors, elle sera déboutée de ce chef de demande.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Seita

La société Seita sollicite reconventionnellement des dommages et intérêt en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait des manquements contractuels de la société Simex.

Les manquements la société Simex à l'obligation de paiement de juin 2005 à mars 2008

La société Seita évalue le préjudice subi du fait des retards de paiement de la société Simex à la somme de 101 060 euros (page 59 des dernières écritures) portée, sans explications, à 107 600 euros (page 60). Elle se prévaut du rapport établi, non contradictoirement, par l'expert qu'elle a mandaté et qui a analysé les variations du compte client pour la période de juin 2005 à décembre 2007, ainsi que, pour la période de janvier à mars 2008, de lettres qu'elle-même a adressées à la société Simex.

Mais, d'une part, l'expert a procédé à l'analyse de l'évolution du compte client, entre septembre 2003 et décembre 2007, à partir du seul progiciel de gestion de la société Seita et cette dernière ne produit aucun élément comptable permettant de corroborer les dires de l'expert. D'autre part, si l'expert donne le détail de ses calculs du montant des retards de paiement, aucune pièce comptable n'est communiquée permettant à la cour de s'assurer de l'existence même de ces retards de paiement. Enfin, s'agissant de la période de janvier à mars 2008, l'expert s'est référé uniquement à des courriers adressés par la société Seita qui sont insuffisants à eux seuls à établir la réalité de créances exigibles. Par suite, la société Seita échoue à démontrer le préjudice qu'elle aurait subi de ce chef. Elle sera donc déboutée de la demande formée à ce titre.

Les manquements de la société Simex à ses obligations de distributeur

La société Seita soutient que la société Simex lui a continuellement caché la réalité de ses stocks, ce qui a nécessairement conduit à la vente de produits altérés et qu'elle a laissé le marché mauritanien se dégrader sans prendre les mesures nécessaires. Elle considère que ces manquements lui ont causé un préjudice constitué par sa perte de part de marché (- 2 %) qu'elle évalue à 1 434 132 euros (avant dernier paragraphe page 60 des écritures) ou 1 434 000 euros (dernier paragraphe page 60) de sorte qu'elle sollicite la somme de 1 535 060 euros se décomposant ainsi : 107 600 + 1 434 000 alors même que l'addition de ces sommes ressort à 1 541 600 euros.

Mais d'une part, il a été vu ci-dessus que la société Seita ne démontrait pas que la société Simex lui ait dissimulé l'existence de ses stocks et d'autre part, la société Seita qui a cessé d'approvisionner la société Simex depuis 2009, ne peut sérieusement soutenir que celle-ci lui aurait fait perdre des parts de marché sur le marché mauritanien. Par suite, elle sera également déboutée de sa demande d'indemnisation formée à ces titres.

La demande principale de la société Simex en résiliation judiciaire ayant été satisfaite, il n'y a pas lieu d'examiner sa demande subsidiaire en rupture brutale des relations commerciales établies et sa demande à titre infiniment subsidiaire en rupture fautive.

En définitive le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Seita de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour manquements à ses obligations contractuelles.

Sur les autres demandes

La société Seita qui succombe essentiellement, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel.

Les dépens ne peuvent comprendre les frais de l'expertise que la société Simex a diligentée, ces frais ressortant de l'article 700 du Code de procédure civile.

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Seita devra verser à la société Simex la somme de 50 000 euros et sera déboutée de sa demande formée à ce titre.

Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Seita de sa demande en dommages et intérêts pour manquements contractuels ; statuant à nouveau, prononce la résiliation du contrat de distribution aux torts de la société Seita ; condamne la société Seita à verser à la société Simex la somme de 5 000 000 € (cinq millions ) à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ; déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; condamne la société Seita aux dépens de première instance et d'appel, en ce non compris les frais d'expertise diligentée par la société Simex ; autorise la SCP Regnier, Bequet, Moisan, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la société Seita à verser à la société Simex la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.