Livv
Décisions

CA Douai, 3e ch., 1 février 2018, n° 16-05001

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

X, Compagnie d'Assurances MAPA

Défendeur :

B. Axion Boutique (SAS), Atelier Protégé de la Région d'Arras (Sté), Tibiletti (Sté), Compagnie d'Assurances SMACL Assurance, Albingia (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mornet

Conseillers :

M. Pety, Mme Bertin

TGI Arras, du 21 juill. 2016

21 juillet 2016

Exposé du litige

M. Louis B. a exploité un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie situé sur la commune de Verquigneul (62).

A la suite d'un premier sinistre intervenu en février 2007, M. B. a fait procéder en juillet et août 2017 à l'installation par la société B. de divers matériels, dont un four neuf de marque Tibiletti type TSV 150.3.2000 fonctionnant au fuel, un élévateur ADR, un repose-pâton, une coupeuse Duro 450 Jac, moyennant un prix total de 53 280 euros.

Le four ainsi que les équipements précités ont été livrés le 27 juillet 2007.

La mise en service, assurée par les techniciens de la société B., s'est déroulée les 13 et 14 août 2007.

Le 14 août 2007, les salariés de la société B. ont procédé à la mise en place des finitions du four (cheminée, hotte vapeur), et aux essais du four à partir de 9 heures 30.

Vers 11 heures 30 ou 11 heures 45, deux explosions sont survenues à quelques minutes d'intervalle au niveau des sols, qui elles-mêmes sont en silice et fibre de verre. Deux soles situées au niveau inférieur du four ont claqué. Les salariés ont continué à travailler jusqu'à environ 12 heures 30.

Le même jour vers 13 heures, durant la pause méridienne, le local commercial s'est embrasé.

La société Peirenboom Eurexo, expert incendie, a immédiatement effectué des constatations sur place, à la demande de l'assureur de M. B., la société mutuelle d'assurance MAPA.

Par ordonnance rendue le 18 septembre 2007 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Omer, M. C., expert judiciaire, a été nommé pour déterminer la ou les causes du sinistre et le préjudice subi.

Dans le cadre des opérations d'expertise, l'association Atelier protégé de la région d'Arras (ci-après APRA), qui a confectionné un boîtier électrique reliant le four au réseau, et la société IBT, fabricant du four, anciennement société Tibiletti, ont été mises en cause.

Dans son rapport rendu le 22 décembre 2008, l'expert judiciaire a indiqué que le four était en cours de mise en service lorsque le sinistre est survenu, que celle-ci n'était donc pas achevée, et que les installations n'avaient pas été réceptionnées. Il a conclu in fine que le sinistre avait trouvé son origine dans un feu d'origine électrique ayant démarré au niveau du coffret TSV 3 du four, estimant qu'il était difficile d'affirmer que le four, et en particulier ses installations électriques, avaient été installés suivant les règles de l'art.

Suite au rapport d'expertise, la MAPA a versé une indemnité de 210 140 euros à M. B., de 25 861,11 euros à la société Belfor au titre des frais de déblaiement pour la sécurisation du site, de 125 818 euros à la Banque Populaire, assureur du propriétaire du local pris à bail par le boulanger, de 61 092 euros à M. G., propriétaire de l'immeuble incendié à raison du découvert sur risques locatifs, et de 51 599 euros au titre du préjudice personnel de M. B..

La société IBT, anciennement société Tibiletti, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 20 mars 2009 et la SELAS S. a été nommée en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte d'huissier en date des 6 et 17 mai 2013, M. B. et la société mutuelle d'assurance MAPA ont fait assigner en paiement la société B., son assureur, la société Albingia, et l'association APRA devant le Tribunal de grande instance d'Arras.

Par acte d'huissier du 25 octobre 2013, la société B. a attrait en la cause la société d'assurances mutuelles SMACL en sa qualité d'assureur de l'APRA, et la SELAS S. ès qualités de liquidateur de la société IBT.

Par jugement du 21 juillet 2016, le Tribunal de grande instance d'Arras a :

- déclaré recevable l'instance engagée par la société MAPA,

- dit que la société B. et l'association APRA n'ont pas engagé leur responsabilité,

- débouté la société MAPA et M. B. de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,

- les a déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure,

- condamné la société MAPA et M. B. à payer à la société B. la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société MAPA et M. B. à payer à la société Albingia la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société MAPA et M. B. à payer à l'association APRA et la société SMACL ensemble la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société MAPA et M. B. aux dépens de l'instance ainsi que ceux de l'instance en référé,

- dit que les dépens pouvaient être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration au greffe du 5 août 2016, M. B. et la société MAPA ont interjeté appel du jugement du 21 juillet 2016 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

Dans leurs conclusions notifiées le 16 février 2017, M. B. et la société MAPA demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- condamner in solidum la société B. et son assureur, la société Albingia, l'association APRA et son assureur, la société SMACL assurances, et la SELAS S. ès qualités de liquidateur de la société IBT (Tibiletti) au paiement des sommes suivantes :

- 422 911,11 euros à la société MAPA subrogée dans les droits de son assuré,

- 51 599 euros à M. B.,

- condamner in solidum la société B., son assureur, la société Albingia, et l'association APRA à payer à la société MAPA la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- débouter les parties de toutes leurs demandes,

- à titre subsidiaire, condamner tous succombants à les garantir de toutes condamnations pouvant intervenir à leur encontre.

Ils font valoir que, des conclusions de l'expert, il se déduit les responsabilités respectives de la société B. en qualité de vendeur professionnel et de l'APRA en qualité de fabricant du boîtier électrique du four litigieux, et que le dommage subi par M. B. provient de manière directe et certaine de l'embrasement du four.

Ils indiquent que l'association APRA, qui est à l'origine de la confection du matériel ayant provoqué l'incendie, engage sa responsabilité du fait du produit défectueux sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil. Ils ajoutent qu'il est légitime d'attendre de l'usage d'un boîtier électrique qu'il ne prenne pas feu, et que l'incendie, débuté dans un temps très voisin de la mise en service du four, a pris naissance à l'endroit du coffret électrique, de sorte que le caractère défectueux du coffret est bien à l'origine du sinistre.

A titre subsidiaire, ils soulèvent la responsabilité de l'association APRA sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil, soutenant que le fabricant a conservé la garde de la structure, de sorte qu'il doit être considéré comme le gardien du coffret électrique qui s'est embrasé.

A titre principal, ils font valoir que la responsabilité du fait des produits défectueux recherchée à l'encontre du fabricant n'est pas exclusive de la responsabilité du vendeur installateur, et que la société B. engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Ils précisent que pèse sur le vendeur professionnel une obligation de résultat, et qu'il appartenait à la société B. de fournir, d'installer et de mettre en service le four en se conformant aux règles de l'art, afin que le matériel ne présente aucun danger pour les personnes ou les biens. Ils indiquent que la société B. a manqué à son obligation de sécurité et de prudence eu égard aux difficultés rencontrées lors de la mise en service du four, et également à son obligation d'information et de conseil qui l'obligeait à se renseigner sur les besoins du client et à informer ce dernier des contraintes techniques et des risques liés à l'installation du four, alors que des explosions minimes au niveau des soles s'étaient produites dans la matinée, et que l'installation n'était ni achevée ni sécurisée.

A titre subsidiaire, ils soulèvent à l'encontre de la société B. la responsabilité du commettant pour le fait dommageable causé par ses préposés en application de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, relevant que trois équipes de salariés de la société B. se sont succédé sans coordination pour la mise en service du four, et que l'ancienne boîte électrique a été en partie reprise sans vérification de sécurité particulière, et que les préposés ont à tout le moins commis une faute d'imprudence et de négligence.

Ils soulèvent également à titre subsidiaire le fondement de la garde de la chose par le commettant en application de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil, arguant que le commettant demeure le gardien de la chose, dès lors que le préposé utilise la chose que lui a confiée le commettant, et n'enfreint pas les ordres de son employeur ni ne dépasse les limites de sa mission.

Dans leurs conclusions notifiées le 26 juin 2017, l'association APRA et son assureur, la société SMACL assurances, demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 16 juillet 2016, et de :

- déclarer l'appel irrecevable et mal fondé,

- débouter M. B. et la société MAPA de toutes leurs prétentions d'appel,

- débouter la société B. et la société Albingia de l'appel en garantie à leur encontre,

- y ajoutant, condamner M. B. et la société MAPA à leur payer à chacune la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les frais d'expertise.

A titre principal, ils font valoir qu'en application de l'article 1386-7 ancien du Code civil, l'action en réparation du fait d'un produit défectueux se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur, que le délai de prescription de l'action de M. B. et de la société MAPA sur ce fondement a commencé à courir le 15 septembre 2007 au lendemain de l'ordonnance de référé du 14 septembre 2007, que l'action est donc prescrite.

A titre subsidiaire, ils indiquent que les appelants ne rapportent pas la preuve du défaut du boîtier électrique installé, que l'association APRA n'a jamais participé à l'installation du four, son intervention se limitant à la fourniture du coffret ne constituant que l'un des organes électriques de l'installation. Ils ajoutent que l'association APRA a pris les précautions nécessaires pour pallier tout défaut de serrage des bornes des appareillages électriques, rappelant sur une étiquette collée sur le produit qu'il est nécessaire d'effectuer un contrôle des serrages après intégration du coffret dans le four, que la dernière entreprise intervenante sur le coffret est la société B. qui a ouvert et modifié le coffret pour le connecter à l'alimentation électrique au niveau de l'interrupteur général. Ils précisent que le coffret présentait une sécurité normale dès lors que les prescriptions d'installation étaient respectées. Ils soutiennent que M. B. ne rapporte pas la preuve que la chose serait la cause génératrice du dommage ni qu'elle a contribué à la réalisation du dommage.

Dans ses conclusions notifiées le 16 décembre 2016, la société B. Axion Boutique venant aux droits de la société B. demande à la cour de confirmer partiellement le jugement du 21 juillet 2016, de la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, et de :

- à titre principal, déclarer irrecevable l'action de la société MAPA et de M. B. sur le fondement des articles 1384, 1386-7, 1386-17, et 1648 du Code civil,

- juger prescrite l'action engagée par M. B. et la société MAPA,

- à titre subsidiaire, les débouter de leurs demandes en l'absence de preuve formelle de sa responsabilité,

- à titre infiniment subsidiaire,

- condamner par tiers la société B., l'association APRA et la SELAS S. ès qualités,

- condamner solidairement la société Albingia et la société SMACL assurances à la garantir de toutes condamnations à hauteur de 230 000 euros,

- limiter le montant total des condamnations à la somme de 76 648,11 euros,

- déduire des éventuelles condamnations mises à sa charge la somme de 50 320 euros au titre du four, du repose Campo, et de la coupeuse Duro 450 Jac réceptionnés par M. B.,

- fixer la créance définitive de M. B. et de l'association MAPA au passif de la société IBT en liquidation judiciaire au montant des condamnations arrêtées par la cour,

- en tout état de cause, condamner la société MAPA et M. B. au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils font valoir qu'en vertu de la règle du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la responsabilité contractuelle doit jouer dès lors que le dommage est lié à l'exécution du contrat, qu'en conséquence, il convient d'écarter les développements des appelants quant à la prétendue responsabilité délictuelle de la société B. s'agissant de l'exécution d'un contrat de vente d'un four.

Ils soutiennent que la seule action ouverte à M. B. est l'action en garantie des vices cachés prévue à l'article 1641 du Code civil, le vice propre au matériel installé étant clairement décelé, que le délai biennal de prescription de l'action en garantie des vices cachés est acquis depuis le 15 septembre 2009.

A titre subsidiaire, elle indique qu'aucune faute de sa part n'est démontrée, qu'aucune erreur de manipulation n'est survenue alors que le four était débranché depuis une heure au moment du sinistre, qu'elle n'a pas fabriqué le coffret électrique vendu par l'association APRA, qu'elle n'intervient sur ce composant que pour contrôler le serrage des connexions, que le four a été mis en chauffe à 9 heures sans aucune difficulté particulière, qu'il n'y a pas eu d'explosion à 11 heures 30 mais seulement un claquement lié à la rétractation de dalles réfractaires, que seul le coffret électrique se trouve à l'origine de l'incendie.

Elle soutient qu'il n'est démontré aucun manquement ni à son obligation de sécurité ou de prudence ni à son obligation de conseil et d'information.

A titre infiniment subsidiaire, elle appelle en garantie son assureur, la société Albingia, à hauteur de 230 000 euros correspondant au plafond de sa garantie " responsabilité civile avant livraison ", qui inclut son activité d'installation, de réparation et de service après-vente.

Elle conteste les postes de préjudice correspondant à la perte d'exploitation pour 20 775 euros, M. B. ayant choisi de ne pas reprendre son activité sur le site, à la perte de la valeur du fonds de commerce, aux sommes allouées au propriétaire de l'immeuble incendié.

Elle conteste également le remboursement à M. B. de la valeur à neuf du matériel détruit pour 38 906 euros, de la perte d'exploitation effective pour 3 190 euros, de ses biens personnels mal assurés pour 9 334 euros.

A titre reconventionnel, elle réclame le paiement par M. B., par compensation avec les sommes réciproquement dues, de l'intégralité de la commande pour un montant de 50 320 euros, après déduction de l'acompte perçu à hauteur de 3 500 euros. Elle fait valoir que la livraison a été effectuée et qu'elle a elle-même payé le four à la société IBT.

Dans ses conclusions notifiées le 29 juin 2017, la société Albingia interjette appel incident, et conclut à l'infirmation du jugement du 21 juillet 2016. Elle demande à la cour de :

- dire que la société MAPA ne justifie pas être légalement subrogée dans les droits de M. B. et des tiers qu'elle prétend avoir indemnisés, conformément aux dispositions de l'article L. 121-12 du Code des assurances,

- dire que M. B. ne justifie pas avoir supporté un découvert,

- déclarer en conséquence la société MAPA et M. B. irrecevables à agir en application des articles 31 et suivants du Code de procédure civile,

- subsidiairement, déclarer irrecevable l'action de la société MAPA et de M. B. contre la société B. en application de l'article 1386-7 ancien du Code civil,

- plus subsidiairement, déclarer l'action de la société MAPA et de M. B. contre la société B. irrecevable en application des dispositions de l'article 1386-17 du Code civil, et subsidiairement de l'article 1648 du même code,

- plus subsidiairement encore, déclarer mal fondée l'action de la société MAPA et de M. B. contre la société B., en application de l'article 1384 alinéa 2 ancien et 1242 nouveau du Code civil,

- débouter en conséquence M. B. et la société MAPA de leurs demandes contre la société B. et elle-même,

- toujours subsidiairement, dire que sa garantie ne pourrait jouer que si le sinistre avait pour origine une activité déclarée aux conditions personnelles de la police,

- dire également qu'elle ne pourrait être tenue au-delà des limites des garanties souscrites (plafond de garantie de 230 000 euros et franchise déductible de 765 euros).

- dire qu'en application de l'article 7.3 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société B., " les montants de garantie fixés aux conditions personnelles incluent le principal, les intérêts, les frais de règlement, de procédure ou de procès, et les frais d'honoraires d'avocat et avoué à la cour ",

- rappeler que les limitations de garantie sont opposables aux tiers conformément à l'article L. 112- 6 du Code des assurances,

- toujours plus subsidiairement, dire que les dommages allégués par les demandeurs ne sont pas justifiés,

- toujours subsidiairement, condamner l'association APRA et son assureur, la société SMACL assurances à la relever et la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- condamner la société MAPA et M. B. ou toute autre partie succombante à payer à la société Albingia la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction pour ceux-là concernant au profit de Maître Isabelle C..

Elle fait valoir que les trois quittances d'indemnités produites par la société MAPA ne suffisent pas à démontrer la réalité des paiements allégués en l'absence d'ordres de virement, de chèques de règlement, de relevés bancaires démontrant le versement effectif des indemnités par l'assureur, qu'en conséquence, les conditions cumulatives de l'action subrogatoire de la société MAPA ne sont pas réunies, que la société MAPA et M. B. ne justifient pas de leur intérêt à agir.

Elle soutient qu'en droit et en fait, il n'est pas possible de dissocier le coffret électrique fabriqué par l'association APRA et l'ensemble du four commandé à la société B., que l'action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux est prescrite, que ce régime exclut l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun fondé sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, que M. B. et la société MAPA n'établissent pas que le dommage subi résulterait d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit en cause.

Elle indique que M. B. et la société MAPA ne caractérisent aucun manquement de la société B. à son obligation de sécurité ou de prudence, ni à son obligation de conseil et d'information, et qu'au demeurant, la cause du sinistre demeure inconnue, et qu'une condamnation ne peut pas reposer sur des motifs hypothétiques.

Elle conteste le montant des indemnités sollicitées par les appelants. Elle fait valoir que M. B. ne justifie pas du lien de causalité entre le sinistre et sa cessation d'activité de boulanger, dans la mesure où il a présenté une affection nécessitant des soins de longue durée à compter du 27 novembre 2007.

Dans ses conclusions notifiées le 2 janvier 2017, la SELAS S. ès qualités de liquidateur de la société IBT (Tibiletti) demande à la cour la confirmation du jugement querellé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2017.

Sur ce,

Sur la recevabilité des demandes

Sur la recevabilité de l'action subrogatoire de l'assureur MAPA

En application de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article L. l21-12 alinéa 1er du Code des assurances dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Il résulte de ces dispositions que la subrogation légale au bénéfice de l'assureur est constituée sous réserve de la preuve de son engagement contractuel et du paiement effectif de l'indemnisation de son assuré.

Comme l'a justement relevé le premier juge, la société MAPA verse au débat les conditions particulières de l'assurance souscrite par M. B. le 2 mai 2005 qui stipulent que le risque incendie est garanti.

Elle produit également trois quittances subrogatives, l'une en date du 13 octobre 2008 signée par M. B. pour un montant de 210 140 euros, une deuxième en date du 11 mai 2012 signée par la Banque Populaire à hauteur de 125 8187 euros, une dernière en date du 10 juillet 2012 signée par M. G. pour un montant de 61 092 euros, ainsi que la copie de plusieurs chèques et les mouvements de débit bancaire au bénéfice de M. B., documents qui rapportent la preuve du paiement effectif de l'indemnisation au profit de l'assuré.

En conséquence, les conditions de mise en jeu de la subrogation légale étant réunies, M. B. et la société MAPA justifient de leur qualité et de leur intérêt à agir, et le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a déclaré leur action recevable.

Sur la prescription de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux

M. B. et son assureur MAPA agissent à l'encontre de l'association APRA et de son assureur, la société SMACL, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, qui prévoit en ses articles 1386-1 et suivants anciens du Code civil que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime, et qui définit comme défectueux le produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Aux termes de l'article 1386-17 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-2131 du 10 février 2016, l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

En l'espèce, il convient de rappeler que l'association APRA a fabriqué et vendu à la société B. le boîtier électrique à installer dans le four professionnel pour le raccorder au réseau, et que le sinistre incendie est survenu le 14 août 2007.

Aux termes des articles 2241 et 2242 du Code civil applicables avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription extinctive, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, et l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

En l'espèce, la saisine du juge des référés aux fins d'expertise a interrompu le délai de prescription jusqu'à ce que l'ordonnance nommant un expert soit rendue le 18 septembre 2007, mettant ainsi fin à l'instance en référé.

Il en résulte que le délai de prescription triennale a commencé à courir le 19 septembre 2007 au lendemain de l'ordonnance désignant l'expert judiciaire, et que la prescription de l'action est définitivement acquise depuis le 19 septembre 2010.

Or l'assignation au fond de l'association APRA a été délivrée le 6 mai 2013, et celle de la société SMACL le 25 octobre 2013, de sorte que l'action diligentée sur le fondement de l'article 1386-1 ancien du Code civil est prescrite.

Sur la prescription de l'action en garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

En l'espèce, la découverte du vice est survenue le 14 août 2007 au jour du sinistre, et l'ordonnance de référé-expertise du 18 septembre 2007 a interrompu le délai biennal de prescription.

Il s'ensuit que l'action intentée contre le vendeur, la société B., sur le fondement de la garantie des vices cachés, est prescrite depuis le 19 septembre 2009.

Sur les responsabilités encourues

En vertu du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, il est exclu que puisse être recherchée en l'espèce la responsabilité du fabricant et celle du vendeur sur le fondement des alinéas 1 et 5 de l'article 1384 ancien du Code civil relatifs à la responsabilité du fait des choses, et à la responsabilité du commettant du fait de ses préposés.

En effet, le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle.

Aux termes de l'article 1147 ancien du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ;

Si, en application du texte susvisé, le vendeur installateur professionnel est en principe tenu envers son client d'une obligation de résultat tendant à fournir et installer un ouvrage conforme à la commande, exempt de vices et de malfaçons, encore faut-il que l'inexécution contractuelle provienne d'une cause qui puisse lui être imputée.

Dès lors, la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de la société B. nécessite la démonstration d'une faute commise par le cocontractant sur lequel pèse l'obligation inexécutée.

Dans le rapport d'expertise rendu le 22 décembre 2008, l'expert judiciaire a indiqué que l'installation électrique, qui déjà était la cause vraisemblable d'un premier sinistre de février 2007 (court-circuit dans le grenier du fournil), avait néanmoins été reprise en partie par la société B. pour ses travaux, à partir du tableau général de répartition du fournil.

Il a constaté que le four présentait une zone suspecte au niveau de son coffret électrique situé en partie avant basse côté gauche du four, ce coffret contenant des organes électriques totalement détruits et fondus.

Il a ajouté que ce kit avait été livré par l'association APRA en pré-câblé à la société IBT puis à la société B., l'association APRA n'ayant pas reçu de réclamation de la part de la société IBT, que le coffret était testé en continuité selon les préconisations de la société IBT et livré avec une étiquette précisant qu'avant la mise en service, il fallait resserrer toutes les connexions électriques, opération à renouveler après quinze jours de fonctionnement.

Il a ajouté que le four était en cours de mise en service lorsque le sinistre est survenu, que celle-ci n'était donc pas achevée, et que les installations n'avaient pas été réceptionnées.

Il a conclu in fine que le sinistre avait trouvé son origine dans un feu d'origine électrique ayant démarré au niveau du coffret TSV 3 du four.

Il a estimé qu'il était difficile d'affirmer que le four, et en particulier ses installations électriques, avaient été installés suivant les règles de l'art, qu'en effet, il n'est plus vérifiable que les connexions des organes contenus dans le coffret TSV 3 ont bien été resserrées comme l'ont préconisé l'association APRA et la société IBT.

Même s'il s'évince des conclusions de l'expert que l'incendie du four, en cours de mise en service par la société B., trouve son origine dans un feu électrique ayant démarré au niveau du coffret TSV 3, fourni et fabriqué par l'association APRA, il n'est nullement démontré que l'incendie provienne d'une défectuosité technique inhérente au coffret, ni davantage que l'embrasement provienne d'une erreur de manipulation des composants électriques ou d'une violation des règles de l'art par les techniciens.

Si l'expert prend soin de préciser qu'il lui est " difficile d'affirmer " que les installations électriques du four ont été mises en œuvre suivant les règles de l'art, il ne soutient pas pour autant qu'elles ne l'ont pas été.

En l'absence de démonstration d'une faute caractérisée de la société B. dans le processus d'installation et de mise en service du four, M. B. et son assureur, la société MAPA, ne peuvent sérieusement soutenir que le sinistre a nécessairement été causé par une faute imputable au vendeur installateur.

Les appelants ne démontrent pas davantage un manquement de la société B. à son obligation de sécurité et de prudence alors que, lors de la pause méridienne et du déclenchement de l'incendie, le four était éteint, ni un manquement à son devoir de conseil et d'information, alors que l'installation du matériel n'était pas réceptionnée.

Il ressort des pièces versées au débat que l'origine du sinistre demeure en réalité indéterminée, et comme l'a justement apprécié le premier juge, la responsabilité contractuelle de la société B. n'est pas engagée sur le fondement de l'article 1147 ancien du Code civil.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté M. B. et la société MAPA de l'ensemble de leurs demandes en paiement.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société B.

A titre reconventionnel, la société B. sollicite, par compensation entre les sommes réciproquement dues, paiement du solde du prix du four et des accessoires livrés.

Elle sera purement et simplement déboutée de sa demande, dans la mesure où M. B. est bien fondé à lui opposer l'exception d'inexécution pour refuser de solder le prix du marché qui n'a jamais été réceptionné.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement attaqué sur les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité commande de condamner solidairement M. B. et la société MAPA aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux-là concernant au profit de Maître Isabelle C., et de les condamner solidairement à payer en cause d'appel à l'association APRA, à la société SMACL assurances, à la société B. Axion Boutique venant aux droits de la société B., et à la société Albingia, une somme de 1 200 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, Dit que l'action en responsabilité du fait du produit défectueux sur le fondement de l'article 1386-1 ancien du Code civil est prescrite, Dit que l'action en garantie des vices cachés est prescrite sur le fondement de l'article 1648 ancien du Code civil, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Arras le 21 juillet 2016, Y ajoutant, Déboute la société B. Axion Boutique venant aux droits de la société B. de sa demande reconventionnelle en paiement, Déboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne solidairement M. B. et la société d'assurance mutuelle MAPA aux entiers dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux-là concernant au profit de Maître Isabelle C., Condamne solidairement M. B. et la société d'assurance mutuelle MAPA à payer en cause d'appel à la société B. Axion Boutique, venant aux droits de la société B., à la société SMACL assurances, à l'association APRA, et à la société Albingia la somme de 1 200 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.