CA Montpellier, 1re ch. A, 1 février 2018, n° 14-06079
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Mikit France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chiclet
Conseillers :
Mme Deville, M. Lagarrigue
EXPOSE DU LITIGE :
Le 8 février 2010, Mickaël B. et Fanny M. son épouse ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans pour une maison en kit de la marque Mikit moyennant le prix de 73 608 outre 17 625 de travaux restés à la charge des maîtres de l'ouvrage.
Le contrat prévoyait une durée des travaux de 9 mois à compter de l'ouverture du chantier.
Le chantier a été ouvert le 8 novembre 2010 mais il a été interrompu dès le mois de février 2011 en raison du redressement judiciaire de la SARL DS Commercialisation prononcé le 16 février 2011 et converti en liquidation judiciaire le 20 juillet 2011 (publication du 30 juillet 2011).
Les époux B. ont découvert à cette occasion l'absence de souscription d'assurance dommages ouvrage et le caractère frauduleux de l'attestation de garantie de livraison qui leur avait été remise par cette société, ce qui les a privés de la possibilité de faire jouer cette garantie.
Reprochant à la SAS Mikit France d'être à l'origine du retard pris dans l'achèvement de leur maison, les époux B. ont fait citer cette société devant le Tribunal de grande instance de Perpignan, par acte d'huissier en date du 11 décembre 2012, afin d'obtenir la réparation de leurs préjudices.
Par jugement contradictoire en date du 17 juin 2014, ce tribunal a :
débouté les époux B. de l'intégralité de leurs demandes ;
débouté la SAS Mikit France de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ;
condamné solidairement les époux B. aux entiers dépens et à payer à la SAS Mikit France la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les époux B. ont relevé appel de cette décision le 7 août 2014.
Vu les conclusions des appelants remises au greffe le 3 novembre 2014 ;
Vu les conclusions de l'intimée remises au greffe le 24 décembre 2014 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 septembre 2017 ;
MOTIFS :
Sur le mandat apparent :
Les époux B. soutiennent que la SAS Mikit s'est comportée à leur égard comme leur cocontractant apparent et qu'elle doit réparer par conséquent leurs entiers préjudices. Ils font valoir que la consultation du site internet national de la SAS Mikit est un préalable obligatoire et incontournable avant de pouvoir faire construire une maison Mikit et que ce site présente la SAS Mikit France comme le partenaire contractuel des futurs acquéreurs sans aucune référence au système de franchise mis en place puisque la société DS Commercialisation, avec laquelle ils ont signé le contrat, y est désignée comme un simple agence.
Mais aucune des pièces produites ne démontre que les époux B. ont été dans l'obligation de consulter le site internet national de l'enseigne Mikit avant de contracter, contrairement à ce qu'ils prétendent.
Certes, la consultation de ce site permet aux consommateurs qui le désirent de trouver le constructeur Mikit agréé dans leur région mais cette démarche n'est pas un préalable obligatoire puisque ces coordonnées peuvent être obtenues par d'autres moyens (sur les conseils d'une connaissance ou d'une entreprise travaillant ou ayant travaillé dans le réseau Mikit).
Et si la société Mikit exige de connaître les nom, prénoms, adresse et code postal des personnes souhaitant accéder à sa liste de franchisés mise en ligne, c'est dans le but de localiser le franchisé le plus proche du domicile des requérants et à des fins publicitaires et non comme un préalable obligatoire à la souscription du contrat.
À supposer que les époux B. se soient rendus sur ce site internet, ainsi qu'ils l'affirment, et que le contenu des informations portées à leur connaissance leur ait fait croire que la société DS Commercialisation, désignée comme étant une " agence Mikit ", était un mandataire de la SAS Mikit, leur méprise n'a pu prospérer au stade de la signature du contrat.
En effet, les conditions particulières signées le 8 février 2010 avec la société DS Commercialisation précisent, de manière lisible et apparente, et ce, dès le premier paragraphe, que " cette entreprise indépendante est franchisée et peut se faire substituer pour l'exécution du présent contrat par toute entreprise franchisée du réseau Mikit et agrée par le franchiseur, elle désigne d'ores et déjà la société MKSO ".
En outre, le tampon encreur de la société DS Commercialisation qui a été apposé au début du contrat, dans le paragraphe relatif à l'identification du constructeur, et qui figure aussi à la fin de contrat, au niveau des signatures, fait apparaître sa qualité d' " entreprise indépendante de la marque Mikit ".
Les informations portées à la connaissance des époux B. au moment de signer le contrat ne laissaient subsister aucun doute sur le fait que la société DS Commercialisation s'engageait, à leur égard, en tant qu'entreprise indépendante et en qualité de franchisé du réseau Mikit.
La SAS Mikit n'apparaît d'ailleurs nulle part sur ce contrat dont le contenu n'a pas été de nature à induire en erreur les époux B. sur l'identité de leur cocontractant.
Le moyen tiré de l'existence d'un prétendu mandat apparent sera par conséquent rejeté et les époux B. déboutés de leurs prétentions de ce chef.
Sur la faute du franchiseur :
Les époux B. reprochent à la SAS Mikit de ne pas les avoir informés des difficultés financières rencontrées par la société DS Commercialisation en novembre 2010 ni de la résiliation du contrat de franchise intervenu fin novembre 2010 (LRAR des 19 et 24 novembre 2010). Ils expliquent que s'ils avaient été destinataires de ces informations, ils n'auraient pas versé les acomptes ni signé l'ouverture du chantier le 8 novembre 2010.
Mais la société DS Commercialisation n'ayant pas déclaré le chantier des époux B., ainsi que cela résulte du courrier du 19 août 2011 de la société Sagebat, ni payé les redevances dues à ce titre au franchiseur, la SAS Mikit n'avait aucun moyen d'en connaître l'existence avant la réception du courrier du conseil des époux B. en septembre 2011.
La société DS Commercialisation était coutumière du fait puisque c'est en raison de l'absence de déclaration d'un autre chantier, dont la SAS Mikit n'a découvert l'existence que par le biais des doléances des maîtres de l'ouvrage, que le franchiseur a résilié le contrat de franchise aux torts du franchisé les 19 et 24 novembre 2010 pour, notamment, défaut de paiement des redevances.
La SAS Mikit n'a découvert l'existence du chantier B. et des malversations pénales de son franchisé qu'à la réception du courrier daté de septembre 2011 du conseil des époux B. et de la copie des courriers de la Sagebat et de la CGI datés d'août 2011 (adressés au conseil des époux B.) révélant l'absence d'assurance dommages ouvrage et le caractère frauduleux de l'attestation de garantie de livraison.
Il ne peut être reproché à la SAS Mikit de n'avoir pas averti des maîtres de l'ouvrage dont elle soutient, sans être contredite utilement, avoir ignoré l'existence jusqu'en septembre 2011.
De même, il ne lui incombait pas de reprendre ou faire reprendre un chantier ouvert par la société DS Commercialisation de manière frauduleuse, en violation de ses obligations contractuelles et légales, sans souscription d'une assurance dommages ouvrage ni d'une garantie de livraison, et dont elle n'a découvert l'existence que fortuitement.
Le retard de livraison allégué entre août 2010 et décembre 2011 de même que les préjudices accessoires à ce retard ne peuvent par conséquent être imputés au franchiseur.
Les époux B. reprochent ensuite à la SAS Mikit d'avoir contracté avec la SARL DS Commercialisation sans avoir procédé à des vérifications et à des contrôles suffisants et, notamment, de n'avoir pas vérifié la réalité de la souscription des assurances et garanties obligatoires.
Le contrat de franchise est un contrat conclu " intuitu personae " qui suppose de la part du franchiseur une acceptation du franchisé.
Si le franchiseur est tenu de prêter assistance à son franchisé, cette assistance dans la mise en œuvre de la marque et du savoir-faire ne doit pas le conduire à s'immiscer dans les affaires de son franchisé qui reste une société indépendante.
La société DS Commercialisation, gérée par X, a été agréée par la SAS Mikit en 2009 après que le précédent franchisé, la société DJC, a été placée en liquidation judiciaire.
La gérante de la société DJC, Y, était la nièce de X d'après les témoignages de Cyril A et Carole B qui ont été tous deux salariés de la société DJC.
Après la liquidation de sa société, Y a été recrutée par son oncle au sein de la société DS Commercialisation qu'elle aurait gérée de fait selon les témoins précités.
Même si la SAS Mikit avait découvert, au moment de contracter avec la SARL DS Commercialisation, que X était l'oncle de Y et que cette dernière avait été recrutée comme salariée par la société DS Commercialisation, ce qu'elle conteste, les époux B. ne démontrent pas en quoi ces informations auraient été de nature, en l'absence d'autres indices, à faire suspecter par le franchiseur un risque important de mauvaise gestion voire de malversations.
En effet, le précédent franchisé Mikit géré par Y (la société DJC) a existé pendant dix ans avant d'être placée en liquidation judiciaire (immatriculation en 1999), ce qui ne permettait pas au franchiseur de nourrir des soupçons à l'égard des capacités et de la probité de la gérante qui n'a pas été placée en faillite personnelle ni poursuivie pour des faits délictueux commis à l'occasion de l'exercice de son activité.
Et les époux B. n'expliquent pas comment la SAS Mikit aurait pu découvrir que Y gérait de fait la nouvelle structure.
Par ailleurs, les liquidations amiable et judiciaire des sociétés de maçonnerie et de gros œuvre dont X étaient le gérant ne sont intervenues qu'à partir de mars 2011 (liquidation amiable pour STLTOS et liquidation judiciaire pour SD Construction) à une époque où l'agrément avait déjà été accordé et où le dommage était déjà survenu pour les époux B.
Il n'est donc pas établi, au vu de ce qui précède, que la SAS Mikit était en mesure de suspecter une mauvaise gestion ou des agissement frauduleux de la part des représentants ou salariés de la SARL DS Commercialisation, que ce soit à l'époque de la signature du contrat de franchise ou pendant sa durée d'exécution.
Et, à supposer qu'il incombait au franchiseur de vérifier la souscription par le franchisé des assurances et garanties obligatoires pour chaque chantier, ce qui n'est pas démontré et qui contredirait l'article E du contrat de franchise (page 9 du contrat) qui stipule que le franchisé doit faire son affaire de ces assurances et garanties obligatoires, une telle démarche aurait, dans tous les cas, été impossible pour le chantier B. puisque celui-ci n'avait pas été déclaré au franchiseur par la société DS Commercialisation qui espérait ainsi échapper au paiement de ses redevances.
Les époux B. ne rapportent pas la preuve des fautes qu'ils allèguent à l'encontre de la SAS Mikit et ils seront déboutés de leurs prétentions de ce chef.
Sur la publicité trompeuse :
Les époux B. concluent, à titre infiniment subsidiaire, à l'existence d'une publicité trompeuse, les informations présentées sur le site internet de la SAS Mikit étant, selon eux, trompeuses et mensongères et justifiant l'allocation de dommages-intérêts.
En l'espèce, s'il est exact que la SAS Mikit écrit sur son site internet que " Mikit dispose de toutes les garanties et assurances nécessaires et vous accompagne en cas de fermeture de votre agence ", elle précise, toutefois, aussitôt que " chaque agence souscrit des assurances obligatoires qui couvrent le client tant pour les risques de défaillance du franchisé (garantie de livraison à délai et prix convenus) que pour les éventuels défauts de construction (assurance décennale, dommages ouvrage). En cas d'arrêt d'activité du franchisé, ces assurances prennent le relais et confient à une des sociétés de Mikit France le soin de terminer les travaux. "
Les époux B. ne démontrent pas en quoi ces informations commerciales seraient trompeuses puisque leurs déboires n'ont été causés que par les agissements frauduleux de la société DS Commercialisation, sans faute ni complicité démontrée de la part de la société Mikit, ainsi que cela a été expliqué dans les motifs qui précèdent, celle-ci ayant en outre déposé plainte pour escroquerie, faux et usage de faux contre son franchisé le 12 décembre 2011.
Les époux B., qui ne font pas la preuve du caractère trompeur des informations précitées, ne peuvent qu'être déboutés de leurs prétentions de ce chef.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande de dommages-intérêts pour appel abusif :
La SAS Mikit ne démontre pas que les époux B. ont relevé appel dans l'intention de lui nuire et elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Condamne les époux B. aux dépens de l'appel ; Dit n'y avoir lieu au bénéfice des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel et déboute la SAS Mikit de ses prétentions de ce chef.