CA Bordeaux, 2e ch. civ., 1 février 2018, n° 15-01494
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Château d'Escot (SCEA)
Défendeur :
Claas Réseau Agricole (SAS), Grégoire (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lavergne Contal
Conseillers :
Mme Serres Humbert, M. Bouyx
Avocats :
Mes Boyreau, de Lestrange, Fonrouge, Perez, Faurie
En juillet 2009, la société civile d'exploitation agricole du Château d'Escot a acquis auprès de la société Claas Réseau Agricole une machine à vendanger modèle Grégoire G 175 numéro de série VF9G175VS05509001 et un pulvérisateur Grégoire pour un prix total de 137 540 euros.
Par lettre du 31 juillet 2009, la société Château d'Escot a signalé à la société Claas les problèmes rencontrés lors des tests effectués à la suite de la livraison de l'engin agricole.
Des échanges de courriers ont suivi entre la société Château d'Escot et la société Claas indiquant les difficultés subies par la première dans l'utilisation de la machine à vendanger et le pulvérisateur ; des interventions et réparations ont été faites en accord des deux sociétés. La somme de 6 480 euros a notamment été versée par la société Claas à la société Château d'Escot dans ce cadre.
Par acte d'huissier en date du 19 juillet 2011, la SCEA du Château d'Escot a fait assigner la SAS Claas Réseau Agricole devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux en résolution de la vente.
Par acte d'huissier en date du 20 avril 2012, Ia SAS Claas Réseau Agricole a appelé la SAS Grégoire en garantie de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, devant le Tribunal de commerce de Bordeaux.
Par jugement en date du 28 juin 2012, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a notamment :
- ordonné une expertise du matériel et désigné pour y procéder M. X,
- sursis à statuer sur les autres demandes de la SCEA Château d'Escot dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
Par jugement en date du 26 novembre 2012, le Tribunal de commerce de Bordeaux a étendu la mission de l'expert.
L'expert a déposé son rapport le 25 juin 2013.
Le Tribunal de grande instance de Bordeaux par jugement en date du 29 janvier 2015, a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SAS Grégoire,
- débouté la SCEA Château d'Escot de sa demande en résolution de la vente et en restitution du prix de vente,
- débouté la SCEA Château d'Escot de ses demandes de dommages et intérêts,
- débouté la SCEA Chateau D'Escot de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SCEA Château d'Escot à payer à la SAS Claas Réseau Agricole et à la SAS Grégoire une indemnité de 1 000 euros (mille euros) chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SCEA Château d'Escot aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Armand Lechevallier.
La SCI Château d'Escot a relevé appel de cette décision le 9 mars 2015.
Par conclusions du 19 septembre 2017, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement frappé d'appel,
A titre principal,
- prononcer la résolution de la vente conclue entre les parties,
- donner acte à la SCEA du Château d'Escot de ce que la machine à vendanger et la cellule pulvérisateur sont tenues à la disposition de la société Claas Réseau Agricole,
- condamner la société Claas Réseau Agricole à restituer à la SCEA du Château d'Escot la somme totale de 115 000 HT soit 137 540 TTC avec intérêts de droit à compter du 22 juillet 2009 représentant le prix du matériel inutilisable avec intérêts de droit à compter du versement,
- juger que la société Grégoire sera tenue sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, in solidum avec Claas, du paiement de cette somme,
- condamner in solidum Claas Réseau Agricole et Grégoire au paiement d'une somme de 40 000 à titre de dommages et intérêts,
- condamner in solidum la société Claas Réseau Agricole et Grégoire au paiement d'une indemnité de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
- condamner in solidum la société Claas Réseau Agricole et la société Grégoire SAS à payer à la SCEA Chateau D'Escot les sommes de 137 540 avec intérêts de droit à compter du 22 juillet 2009 et 40 000 à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du fonctionnement défectueux de la machine à vendanger ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 15 000 sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- la garantie des vices cachés ne se réduit pas à une impossibilité absolue d'utiliser la chose ; elle n'a jamais pu utiliser la machine dans des conditions satisfaisantes, l'expert a dénombré 42 dysfonctionnements antérieurs à la vente dont 8 ont été qualifiés d'importants et de graves,
- la machine est donc affectée de vices cachés antérieurs à la vente la rendant impropre à un usage normal ; la cellule de pulvérisation n'est pas utilisable et la machine à vendanger présente encore des faiblesses,
- la notion d'immobilisation n'est pas un élément constitutif de la gravité du vice ; les défaillances qualifiées d'importantes par l'expert impactent une fonction principale de la machine à vendanger qui doit être impérativement réparée et il ne peut pas être soutenu qu'une telle fonction nécessitant réparation ne constitue pas un vice,
- l'expert dit bien que la cellule de pulvérisation n'est pas utilisable,
- la multiplicité de pannes et de défauts est en elle-même constitutive d'un vice caché,
- la société défenderesse n'a pas formulé de préconisation particulière, ni prescrit de procédure de maintenance alors qu'elle aurait dû le faire et il ne peut pas être reproché à la concluante un défaut d'entretien,
- il y a un défaut de délivrance conforme, la machine n'étant pas en état de marche,
- la machine n'est pas réparable et ne pourra jamais fonctionner normalement et la société Claas a manqué à son devoir de conseil,
- le matériel défectueux a généré un important trouble d'exploitation pour la société concluante,
- la société Château d'Escot, a conclu en première instance, à l'irrecevabilité de l'intervention de la société Grégoire et à titre subsidiaire à sa condamnation de telle sorte que la demande n'est pas nouvelle.
La société Claas Réseau Agricole, par conclusions en date du 15 novembre 2017, demande à la cour de :
A titre principal,
- juger que la société Class Réseau Agricole ne pourrait voir rechercher sa responsabilité qu'au titre d'un vice caché qui affecterait sa fourniture, au sens de l'article 1641 du Code civil,
- juger que les pièces versées aux débats ne justifient pas de l'existence d'un prétendu vice caché,
- juger que la SCEA du Château d'Escot est donc mal fondée à invoquer un manquement de la société Claas Réseau Agricole à son obligation de délivrance conforme, parfaitement respectée,
- juger que les demandes formulées par la SCEA Du Château d'Escot au titre des préjudices allégués ne sont nullement justifiées,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 29 janvier 2015,
- débouter la SCEA Du Château d'Escot de ses demandes à l'encontre de la société Class Réseau Agricole en toutes fins qu'elles comportent ;
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation,
* dans l'hypothèse où la cour prononcerait la résolution de la vente conclue entre la SCI Château d'Escot et la concluante :
- prononcer la résolution de la vente conclue entre la société Class Réseau Agricole et le fabricant, la société Grégoire et, par conséquent, ordonner la restitution du prix, (105 043,42 HT, soit 125 631,93 TTC) et le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manque à gagner (11 908,07 ) soit un total de 137 540 ,
* dans toutes les autres hypothèses de condamnation, en ce compris les demandes de dommages et intérêts formulées par la SCEA Du Château d'Escot :
- condamner la Société Grégoire à garantir et relever indemne la société Claas Réseau Agricole de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
En tout état de cause,
- condamner toute partie succombante à payer à la société Class Réseau Agricole la somme de 20 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que tous les dépens, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction sera faite au profit de Maître Fonrouge, avocat au barreau de Bordeaux.
Elle fait valoir que :
- dès lors qu'est allégué le défaut d'un produit vendu rendant celui-ci impropre à sa destination normale, l'unique fondement susceptible d'être invoqué est l'action en garantie des vices cachés prévue aux articles 1641 et suivants du Code civil et ce à bref délai,
- l'acheteur ne peut pas fonder son action sur la responsabilité contractuelle,
- la machine à vendanger d'occasion litigieuse était une machine de démonstration utilisée à cette fin pendant trois saisons et vendue avec une garantie constructeur pour un tarif nettement inférieur à ceux pratiqués sur le marché de l'occasion,
- il résulte de l'expertise que les dysfonctionnements antérieurs à la vente ne sont pas de nature à rendre la machine impropre à sa destination celle-ci ayant été utilisée,
- de nombreux dysfonctionnements sont imputables à la société appelante en raison du défaut d'entretien de la machine conformément aux instructions du fabricant,
- en dépit de la formation qui lui a été proposée par la société Grégoire, l'utilisateur n'a pas ensuite consacré un investissement personnel suffisant pour acquérir une totale maîtrise de la conduite et de l'entretien du matériel,
- le devoir de conseil n'existe que si le client est dépourvu de toute compétence technique en la matière et en l'espèce la SCEA du Château d'Escot est un acquéreur professionnel pour avoir acheté la machine à vendanger pour les besoins de son activité professionnelle,
- l'obligation de délivrance conforme s'opère au moment de celle-ci et il a bien été vendu une machine à vendanger d'occasion, s'agissant de matériel de démonstration,
- la société appelante se contente d'affirmer avoir subi un préjudice sans en justifier,
- la concluante a acquis la machine auprès de la société Grégoire qui a elle-même procédé à des révisions du matériel afin de trouver des solutions aux dysfonctionnements constatés ; elle doit sa garantie en sa qualité de fabricant de matériel litigieux,
- l'action en garantie se greffe sur l'action principale laquelle était fondée sur les dispositions des articles 1134 et 1641 du Code civil ; l'action en garantie des vices cachés a été interrompue dans le délai légal par la société concluante par la voie de l'assignation en garantie ; la découverte du vice correspond à la date du dépôt du rapport d'expertise qui permet véritablement de prendre connaissance de son ampleur.
Par conclusions date du 9 février 2016, la société Grégoire demande à la cour de :
Sur l'appel principal diligenté par la SCEA Château d'Escot :
- juger que les demandes de condamnation formulées, in solidum à l'encontre de la société Grégoire, à titre principal, sont nouvelles,
- prononcer l'irrecevabilité de ces demandes,
Au surplus,
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- débouter la société Château d'Escot de toutes ses demandes fins et conclusions,
- la condamner au paiement d'une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens,
Sur l'appel incident diligenté par la société Claas Réseau Agricole :
- juger que les demandes de condamnation au titre d'une action rédhibitoire directe en garantie des vices cachés à l'encontre de la société Grégoire sont irrecevables car prescrites ou à tout le moins non fondées,
- juger que les demandes de condamnation au titre de l'action récursoire en garantie des vices cachés sont irrecevables ou à tout le moins non fondées,
- juger que les demandes de condamnation au titre de l'action en garantie sur tout autre fondement sont infondées,
En conséquence :
- débouter la société Claas Réseau Agricole de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Grégoire.
Elle fait valoir que :
- sous couvert d'une demande d'indemnisation fondée sur l'article 1382 du Code civil, la société appelante tente d'obtenir le paiement d'une somme correspondant à la restitution du prix résultant de sa demande principale en résolution de la vente laquelle n'a jamais été soumise au premier juge, ni ne figure dans le dispositif de ses dernières conclusions ; cette demande est nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;
- la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire devant le tribunal ne tendait pas aux mêmes fins que la demande principale adjointe devant la cour,
- les dysfonctionnements relevés par l'expert ne permettent pas de considérer que l'une des qualités principales de la machine à vendanger était touchée au jour de l'acquisition,
- ces dysfonctionnements n'empêchent pas une utilisation normale de la chose,
- la cour devra écarter ceux qui présentent un caractère apparent et dans les relations entre professionnels, la compétence de l'acquéreur implique, pour le moins, qu'il ait procédé aux vérifications élémentaires que sa qualité permet d'attendre de lui,
- la société appelante n'a jamais procédé à un entretien de la machine,
- la demande de résolution pour manquement à l'obligation de délivrance est irrecevable dès lors qu'elle suppose une non-conformité de la chose aux spécifications convenues entre les parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- la preuve d'une faute n'est pas rapportée,
- dans le cadre des actions en garantie à l'encontre d'un constructeur et lorsque la vente de la chose défectueuse a été résolue, le vendeur ne peut obtenir du constructeur la garantie de la perte du prix ; la société Class Réseau Agricole invoque l'action rédhibitoire en sa qualité de vendeur intermédiaire, à l'encontre de son propre vendeur à savoir le fabricant de la chose et exerce donc l'action directe en garantie des vices cachés,
- pour être recevable cette action doit avoir été intentée dans le délai de légal de deux ans prévu par l'article 1648 du Code civil qui a commencé à courir le jour où la société Class Réseau Agricole a été informée des vices, soit le 19 juillet 2011 alors que cette demande n'a été formulée que dans ses écritures récapitulatives et en réponse en date du mois de novembre 2014,
- elle ne peut invoquer pour interrompre la prescription de l'action, ni l'assignation délivrée devant le tribunal de commerce le 20 avril 2012, ni ses conclusions précédentes devant le tribunal de grande instance, à savoir les conclusions récapitulatives numéro trois du début du mois de novembre 2014, car elle n'agissait alors que sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du Code civil et dans le cadre d'une action récursoire en garantie,
- l'action récursoire en matière de vices cachés est-elle même enfermée dans le délai de deux ans de l'article 1648 du Code civil avec pour point de départ le jour de l'assignation délivrée par l'acquéreur final et ce délai biennal a été dépassé,
- à défaut de toute démonstration d'une faute engageant sa responsabilité la demande ne peut qu'être rejetée.
L'affaire a été clôturée le 21 novembre 2017.
SUR QUOI :
Sur l'action en garantie des vices cachés exercée par la SCEA Château d'Escot à l'encontre de la société Class Réseau Agricole :
Suivant facture en date du 10 septembre 2009, la SCEA Château d'Escot a acheté une machine à vendanger de marque Grégoire G 175 V 2 avec l'indication MAV de démonstration, livrée le 9 septembre 2009 ; elle a porté, sur le bon de livraison, la mention manuscrite : pas de mise en route, avec les réserves par les courriers.
Le bon de livraison du pulvérisateur porte la mention manuscrite : pas de manuel, avec les réserves envoyées par courrier.
Il s'agit d'une machine polyvalente pouvant être utilisée pour tailler, récolter et pulvériser.
Il n'est pas discuté et il est démontré par les courriers versés au dossier que la société Château d'Escot a rencontré de multiples problèmes dans l'utilisation du matériel livré.
La machine à vendanger a été construite en 2005 (page quatre du rapport) ; il s'agit d'un porteur enjambant un ou deux rangs de vignes selon les largeurs des plantations ; elle présentait au moment de l'expertise 872 heures de fonctionnement cumulé (récoltes, pulvérisation et outillages) mais les parties n'ont pas pu donner la durée d'utilisation à la date de la vente.
Cette machine est la première à avoir été commercialisée ; il s'agit d'un modèle qualifié de présérie destiné à la vente, la société Grégoire ayant réalisé en 2005 un seul autre modèle, ce dont la société Château d'Escot n'a pas été informée.
L'expert a analysé le fonctionnement du matériel sur une période de 40 mois (du 22 juillet 2009 au 25 octobre 2012) au cours de laquelle 271 événements se sont produits ; il a retenu 130 faits techniques en éliminant des faits redondants présentés dans plusieurs sources documentaires ; il qualifie d'importante la défaillance qui impacte une fonction principale de la machine laquelle doit impérativement être réparée lors d'une prochaine intervention de maintenance sans conduire à l'immobilisation et de grave la défaillance qui nécessite l'intervention du service après-vente et peut conduire à l'immobilisation.
Il a relevé :
* faits importants :
43 en 2009 dont 35 ont été réparés ; 31 en 2010 dont 26 ont été réparés ; 14 en 2011 dont 12 ont été réparés ; 5 en 2012 dont 1 a été réparé,
* faits graves :
3 la première année, 2 la deuxième année et 4 la troisième année, tous réparés et 1 la quatrième année non réparé.
Le matériel a donc présenté pour les années considérées, 103 faits graves et importants dont 80,4 % ont été réparés et 10 faits techniques graves dont 90 % ont été réparés.
L'expert dresse la liste en pages 43 et 44 de son rapport des dysfonctionnements dont l'existence ou l'origine était antérieure à la vente.
Il indique que subsistent à ce jour les désordres suivants :
- fixation des flexibles du porteur/usure par frottement des nappes de flexibles de la machine à vendanger,
- axe de bras du pulvérisateur hors de son logement,
- deux graisseurs impossibles à atteindre,
- commande d'avance en vitesse tortue inopérante lors des manœuvres,
- défaut de fonctionnement de la jauge de la cuve du pulvérisateur,
- goupilles des bâches en contact avec le raisin, rouillées,
- blocages de motricité récurrents,
- rupture du compas indicateur d'écartement (suite à réparation du mois d'août 2010).
Le fonctionnement normal d'un matériel n'implique pas la nécessité pour son utilisateur de devoir interrompre ou ne pas pouvoir procéder à ses travaux sans devoir faire appel à de multiples reprises au vendeur pour qu'il intervienne et essaie de trouver une solution.
La machine présente malgré toutes les interventions du vendeur et du constructeur, des faiblesses au niveau des guides des câbles et des flexibles préjudiciables à sa fiabilité; le bras droit de la cellule de pulvérisation n'a pas pu être déployé suite à une panne du boîtier de commande, désordre non imputable à l'intervention de Class Réseau Agricole, les guides des câbles et flexibles sont sujets à des déformations et écrasement cyclique en raison d'un guidage incertain, la jauge du réservoir du pulvérisation présente une faiblesse de conception chronique au niveau du câble du flotteur et n'est pas utilisable en l'état.
La panne de la jauge de la cuve du module pulvérisation s'avère récurrente ; l'expert relève que ce défaut de conception est très pénalisant pour l'exploitant alors que la quantité de liquide dans la cuve est une information fondamentale pour le dosage des traitements.
Le bras droit de pulvérisation présente un fonctionnement erratique depuis l'été 2012, la carte électronique du joystick de commande étant défectueuse ; il existe un jeu dans les axes des deux bras de la structure de pulvérisation lequel résulte de la conception de la charnière équipée d'un limitateur d'efforts pour éviter la rupture ou l'altération du bras en cas de collision avec un obstacle, sécurité présentant une défaillance par usure qui empêche le bras de se replier complètement et oblige l'opérateur à le tirer manuellement ; l'axe du bras du pulvérisation sort de son logement.
L'expert a relevé aussi que la cabine avait été altérée par des collisions répétées de la fusée AVD, correction ayant impacté les marqueurs d'élargissement, compas pendulaire qui permet à l'opérateur d'apprécier la position relative de la cabine par rapport aux essieux et la réparation effectuée entraîne la perte de la référence géométrique gauche droite.
Les défauts affectant le pulvérisateur ne sont pas en relation de causalité avec les conditions dans lesquelles la société appelante a stocké le matériel.
Les désordres relevés par l'expert n'ont pas été causés par un défaut d'entretien de la machine étant relevé que, s'agissant d'un matériel complexe, la société venderesse ne démontre pas avoir avisé sa cocontractante des démarches nécessaires à accomplir en ce domaine.
La société Château d'Escot exploite un domaine viticole mais n'a pas pour autant la qualité de professionnelle dans le domaine des machines à vendanger qu'elle ne fabrique pas et ce d'autant moins que le matériel litigieux est particulièrement complexe et l'expertise démontre bien les difficultés pour la venderesse et le fabricant de résoudre les défauts du matériel.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si la société Château d'Escot a utilisé le matériel, elle a été confrontée depuis l'achat à de multiples difficultés dues à des défauts de conception, un mauvais fonctionnement ou des pannes récurrentes empêchant une utilisation normale du bien et nécessitant un appel au vendeur et/ou au fabricant, la machine présentant malgré ces interventions des défauts graves en ayant diminué l'usage à tel point qu'elle ne l'aurait pas acquise si elle les avait connus.
Le fait d'avoir acheté un bien un prix " intéressant " n'exonère pas le vendeur de la garantie des vices cachés.
Il n'a jamais été indiqué à la société Château d'Escot que la machine à vendanger était un modèle de présérie et celle-ci n'a donc pas accepté les aléas tenant à la nécessité de procéder, après l'achat, à des adaptations nécessaires à cette situation.
La société appelante a donc dû faire face aux défaillances liées à la mise sur le marché du matériel litigieux.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la machine litigieuse présente des défauts cachés qui diminuent tellement son usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise s'il les avait connus.
Le jugement sera en conséquence infirmé.
En application de l'article 1644 du Code civil " l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ".
La société château d'Escot fait le choix de l'action rédhibitoire.
Le prix de vente s'élève à la somme de 115 000 euros HT soit 137 540 euros TTC.
La société Claas Réseau Agricole sera condamnée au paiement de cette somme et la société appelante sera déboutée de sa demande au titre des intérêts.
La société Château d'Escot a perçu la somme de 6 480 euros pour compenser la perte d'heures de personnel et la perte de vendanges ; elle ne produit aucun document comptable de nature à établir le principe de l'existence d'un préjudice économique subi dans l'exploitation de son vignoble et non déjà réparé.
Elle sera déboutée de toute demande au titre d'un préjudice complémentaire non démontré.
Sur l'action en responsabilité exercée par la SCEA Château d'Escot à l'encontre du fabricant la société Grégoire :
La société appelante n'exerce pas l'action rédhibitoire contre le vendeur originel ; son action est fondée sur l'article 1382 ancien du Code civil.
La société intimée oppose l'irrecevabilité de la demande par application de l'article 564 du Code de procédure civile pour être nouvelle.
Par conclusions déposées le 4 septembre 2014, la société Grégoire est intervenue volontairement à la procédure engagée par l'appelante à l'encontre de son vendeur sur l'unique fondement à l'origine des vices cachés.
Dans ses dernières écritures devant le tribunal la SCEA Château d'Escot a conclu à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la société Grégoire et subsidiairement, dans l'hypothèse où le tribunal estimerait cette intervention recevable, sollicité sa condamnation in solidum avec la société Class Réseau Agricole au paiement des sommes de 137 540 euros et 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en se fondant sur l'article 1382 ancien du Code civil.
La demande formée devant la cour de condamnation in solidum de la société Grégoire sur ce même fondement textuel n'est dès lors pas nouvelle et est recevable.
Elle invoque la faute contractuelle commise par la société Grégoire à l'encontre de la société Class Réseau Agricole susceptible d'être qualifiée de faute quasi délictuelle à son endroit.
La faute contractuelle ainsi invoquée est celle de la garantie des vices cachés qu'elle exclut de son recours.
Elle ne démontre pas la faute délictuelle qu'aurait commise la société Grégoire et elle sera déboutée de sa demande de condamnation.
Sur les demandes formées par la société Class Réseau Agricole à l'encontre de la société Grégoire :
Sur l'action directe :
La société Class Réseau Agricole a été assignée devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux par la société Château d'Escot, le 19 juillet 2011 en résolution de la vente fondée sur les articles 1641 et 1644 du Code civil, soit en garantie des vices cachés.
Le 20 avril 2012, elle a fait assigner la société Grégoire devant le Tribunal de commerce de Bordeaux en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au titre de la procédure ci-dessus et a fondé sa demande sur l'article 1134 ancien du Code civil relatif à la force obligatoire des conventions.
La société Grégoire est intervenue volontairement devant le tribunal de grande instance par conclusions déposées le 4 septembre 2014 et a conclu au débouté de la demande formée par la société du Château d'Escot.
La société Class Réseau Agricole par conclusions des 3 et 4 novembre 2014 a demandé à titre subsidiaire à être garantie par la société Grégoire.
Elle a sollicité la résolution de la vente conclue avec la société Grégoire par conclusions déposées le 7 novembre 2014.
La société Grégoire oppose à cette demande la prescription de l'article 1648 du Code civil pour n'avoir pas été formée dans le délai de deux ans sans qu'il y ait eu de cause d'interruption de la prescription.
Ce délai biennal court à compter de l'assignation délivrée au fond par la société Château d'Escot laquelle sollicitait la condamnation de son vendeur à lui restituer le prix de vente du bien sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, soit le 19 juillet 2011 et non de la date du dépôt du rapport d'expertise.
L'assignation en garantie exercée par le vendeur intermédiaire à l'encontre du fabricant devant le tribunal de commerce est fondée exclusivement sur l'article 1134 ancien du Code civil ; elle n'a pas le même objet que l'action en résolution de la vente pour vices cachés et n'a donc pas eu d'effet interruptif de la prescription ; c'est à bon droit que la société Grégoire fait valoir que l'action directe exercée à son encontre et présentée par conclusions en date du 7 novembre 2014 ne l'a pas été dans le délai de deux ans.
Sur l'action en garantie :
Cette action en garantie a été exercée le 20 avril 2012 devant le tribunal de commerce ; contrairement à ce que soutient la société Grégoire, cette assignation a bien été délivrée dans le délai de deux ans à compter de l'assignation du 19 juillet 2011 dont elle rappelle le dispositif; la demande en garantie présentée devant le tribunal de grande instance et la cour est recevable.
Dans le cadre de cette action, la société Class Réseau Agricole n'est pas bien fondée à solliciter le remboursement du prix de vente de la machine atteinte des vices cachés.
Il n'a pas été fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par la société Château d'Escot.
La demande de garantie sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile :
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.
Sur les dépens :
Ils seront mis à la charge de la société Class Réseau Agricole qui succombe.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement du Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 29 janvier 2015 sauf en ce qu'il a débouté la SCEA Château d'Escot de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau, dans la limite de l'infirmation, Prononce la résolution de la vente intervenue entre la SCEA Château d'Escot et la société Class Réseau Agricole, Donne acte à la SCEA Château d'Escot de ce qu'elle tient à la disposition de la société Class Réseau Agricole le matériel vendu, Condamne la société Class Réseau Agricole à restituer à la SCEA Château d'Escot la somme de 137 540 euros TTC représentant le prix du matériel affecté de vices cachés, Rejette la demande présentée par la SCEA Château d'Escot au titre des intérêts, Dit la SCEA Château d'Escot recevable en ses demandes à l'encontre de la société Grégoire mais l'en déboute, Dit l'action rédhibitoire directe en garantie des vices cachés exercée par la société Class Réseau Agricole à l'encontre de la société Grégoire prescrite et donc irrecevable, Dit la société Class Réseau Agricole recevable en son action en garantie à l'encontre de la société Grégoire mais l'en déboute, Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Met les dépens à la charge de la société Class Réseau Agricole.