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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 février 2018, n° 16-17330

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aviscom (SAS)

Défendeur :

Société de Presse et Information (SA), NR Communication (SA), Dansnoscoeurs (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Bernabe, Reck, Haas, Bardon, Vidal

T. com. Rennes, du 31 mars 2016

31 mars 2016

Faits et procédure

La société Aviscom exploite depuis 2008 un site internet d'annonces nécrologiques et de condoléances en ligne ayant pour nom de domaine www.avisdedeces.net., qui a notamment pour objet la publication sur internet d'un avis de décès accompagné d'un registre de condoléances ainsi que divers services annexes (envoi de fleurs, bougies virtuelles...).

La société Aviscom propose, directement ou par l'intermédiaire des entreprises de pompes funèbres, aux familles des défunts, d'effectuer parallèlement aux avis de décès dont elles demandent la publication dans la presse papier régionale, une annonce de décès sur le site www.avisdedeces.net et de bénéficier du service de condoléances en ligne. Pour permettre l'information des personnes qui souhaitent laisser leurs condoléances et leurs témoignages en ligne, il est fait insérer dans l'annonce de décès à paraître dans la presse papier, une ligne mentionnant " condoléances et témoignages sur www.avisdedeces.net ".

Le Groupe La Nouvelle République dont font partie la Société de Presse et Information (SDPI), qui édite le journal Centre Presse diffusé dans le département de La Vienne, et sa régie publicitaire, la société NR Communication, s'est associé, avec plusieurs autres groupes de la presse quotidienne régionale, au sein de la société Dansnoscoeurs afin d'assurer la diffusion sur le site internet à l'adresse www.Dansnoscoeurs.fr des avis de décès publiés dans les titres qu'il édite.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mai 2014, la société Aviscom a reproché à la SDPI de procéder au couplage systématique et facturé d'office, sans possibilité pour les familles endeuillées d'y renoncer, des avis de décès qui lui parviennent par le truchement des entreprises de pompes funèbres, sur son journal Centre Presse et sur internet via le site www.dansnoscoeurs.fr.

Considérant que les sociétés SDPI, NR Communication et Dansnoscoeurs s'étaient rendues coupables de pratiques anticoncurrentielles constitutives de concurrence déloyale et d'abus de position dominante, la société Aviscom les a assignées devant le Tribunal de commerce de Rennes.

Par jugement du 31 mars 2016, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- déclaré irrecevable la société Aviscom pour défaut d'intérêt à agir,

- débouté la société Aviscom de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Aviscom à payer aux sociétés SDPI, NR Communication et Dansnoscoeurs la somme de 3 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les sociétés SDPI, NR Communication et Dansnoscoeurs de leurs autres demandes,

- condamné la société Aviscom aux dépens.

LA COUR

Vu l'appel et les dernières conclusions signifiées le 8 janvier 2018 par lesquelles la société Aviscom demande à la cour, au visa des articles 1382 du Code civil, L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-7 du Code de commerce et L. 122-3, L. 122-1, L. 121-1 et L. 122-11 du Code de la consommation, et de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles de :

- déclarer l'appel de la société Aviscom recevable en la forme et bien fondé au fond,

- rejeter la demande de la société SDPI tendant à voir écarter les pièces de la société Aviscom,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 7 janvier 2014 en tant qu'il a débouté les sociétés intimées de leur demande visant à interdire à la société Aviscom l'exploitation de bases de données d'annonces nécrologiques,

- infirmer le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau :

- constater que les sociétés intimées se sont rendues coupables de pratiques anticoncurrentielles constitutives de concurrence déloyale et d'abus de position dominante en ventes liées,

- leur enjoindre de ne pas procéder au couplage systématique des avis de décès dans le journal version papier et dans la version en ligne du journal et sur le site www.dansnoscoeurs.fr sans le consentement exprès et préalable des familles, respectivement par le truchement des entreprises de Pompes Funèbres, ce sous astreinte au profit de la société Aviscom de 500 € par infraction constatée,

- leur enjoindre de modifier leurs conditions tarifaires actuelles de prix anormalement bas,

- condamner in solidum chacune des intimées à lui payer une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- condamner solidairement les sociétés intimées à lui payer une somme de 30 386,40 € au titre des dommages intérêts en réparation du préjudice matériel subi au titre du couplage imposé,

- condamner chacune des sociétés intimées à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

- ordonner aux frais des sociétés intimées la publication du dispositif du jugement à intervenir dans la page "Carnet du Jour" du Journal Centre Presse, sur un quart de page, à raison de 3 insertions, en faisant état qu'il s'est rendu coupable de concurrence déloyale et d'abus de position dominante en ventes liées et d'entente au détriment de la société Aviscom exploitante du site Internet www.avisdedeces.net,

- ordonner aux frais des sociétés intimées la publication dans les huit jours de la signification de l'arrêt à intervenir du dispositif du jugement sur la page d'accueil du site internet du journal Centre Presse ainsi que sur la page d'accueil du site www.dansnoscoeurs.fr pendant un délai de trois mois, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard dans la publication, la cour se réservant le droit de liquider cette astreinte ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 janvier 2018 par lesquelles la société SDPI et la société NR Communication, intimées ayant formé appel incident, demandent à la cour, au visa des articles 1315 et 1382 du Code civil, L. 120-1, L. 122-1 et suivants du Code de la consommation, L. 420-2 du Code de commerce et L. 341-1 et L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle, de :

- les recevoir en leurs écritures et les déclarer bien fondées,

- écarter des débats l'ensemble des pièces visées par la société Aviscom dans ses écritures compte tenu de l'absence de communication en temps utile,

- déclarer irrecevable et à tout le moins, mal fondé l'appel interjeté par la société Aviscom,

- confirmer la décision du Tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a déclaré irrecevable la société Aviscom en ses demandes,

- déclarer recevable et bien-fondé l 'appel incident formé par les sociétés SDPI et NR Communication,

en conséquence,

- interdire à la société Aviscom la détention, la commercialisation et plus généralement la réutilisation sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit de tout ou partie du contenu de données extraites de la base de données d'annonces nécrologiques de la Société de Presse et d'Information, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,

à titre subsidiaire,

- débouter la société Aviscom de toutes ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner la société Aviscom à payer aux sociétés Société de Presse et d'Information, NR Communication, chacune, outre les dépens, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Gérard Haas, pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 8 janvier 2018 par lesquelles la société Dansnoscoeurs, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa de l'article 1382 du Code civil, de :

- la recevoir en ses écritures et les déclarer bien fondées,

- lui donner acte de ce qu'elle s'associe aux demandes formées par les société SDPI et NR Communication,

y faisant droit,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a déclaré considéré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la présente action initiée par la société Aviscom et qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a condamné la société Aviscom aux dépens et à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Dansnoscoeurs de son autre demande,

et statuant à nouveau,

à titre subsidiaire, si la cour refusait à la société SDPI la qualité de producteur de la base de donnée exploitée sur le site www.dansnoscoeurs.fr,

- reconnaître à la société Dansnoscoeurs la qualité de producteur de la base de donnée exploitée sur le site www.dansnoscoeurs.fr,

- interdire à la société Aviscom la détention, la commercialisation et plus généralement la réutilisation sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit de tout ou partie du contenu de données extraites de la base de données d'annonces nécrologiques de la société Dansnoscoeurs, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- dire que la cour d'appel restera compétente pour la liquidation de l'astreinte,

- condamner la société Aviscom à verser à la société Dansnoscoeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Sur les demandes tendant à voir écarter des débats les pièces visées par la société Aviscom dans ses écritures

Les trois sociétés intimées demandent d'écarter des débats l'ensemble des pièces visées par la société Aviscom dans ses écritures pour défaut de communication en temps utile. Elles relèvent que près de deux mois après la communication des conclusions, ces pièces n'avaient toujours pas été communiquées de sorte que les dispositions de l'article 906 du Code civil et de l'article 15 du Code de procédure civile n'ont pas été respectées. Elles réfutent le caractère probant de la pièce n°74 que produit l'appelant comme justificatif de la communication de ses pièces en temps utile, le 7 novembre 2016. Elles soulignent que la société Aviscom n'a nullement réagi lors des conclusions qui lui ont été signifiées en décembre 2016 évoquant l'absence de communication de ses pièces. Enfin, elles considèrent que la communication du 27 décembre 2017, soit un an après ses écritures, ne correspond pas aux pièces visées dans la pièce n°74 de sorte qu'à l'évidence, la société Aviscom " tente de tromper la religion de la Cour " pour masquer sa défaillance avérée.

La société Aviscom soutient qu'un total de 116 fichiers a été adressé par we transfer le 7 novembre 2016, soit le même jour que l'envoi de ses conclusions. Elle ajoute que ces pièces avaient été communiquées en première instance et que les pièces complémentaires produites en appel, l'ont été dans le cadre d'une autre procédure en première instance l'opposant à la société NRCO, autre société du groupe NR Communication.

Il ressort de l'examen du RPVA que l'avocat de la société Aviscom a communiqué :

- le 8 novembre 2016, des conclusions accompagnées d'un bordereau faisant état de 73 pièces communiquées dont 65 pièces communiquées en première instance et de 7 pièces complémentaires en appel, ses confrères étant en copie,

- le 2 janvier 2017, des conclusions accompagnées d'un bordereau faisant état de 65 pièces communiquées en première instance, de 7 pièces complémentaires en appel communiquées le 7 novembre 2016 et d'une pièce complémentaire n°74 qui correspondrait au justificatif de la communication des pièces par we transfer intervenue le 7 novembre 2016, ses confrères étant également en copie.

Les sociétés intimées affirment n'avoir reçu que des bordereaux sans que les pièces ne leur soient communiquées. La pièce n°74 est insuffisante à établir la réalité d'une communication de pièces par la société Aviscom le 7 novembre 2016 et par ailleurs, le fait que la société Aviscom ait produit des pièces complémentaires dans le cadre d'une autre procédure, est sans incidence sur la nécessité de produire ces pièces dans la présente procédure. Toutefois, les sociétés intimées reconnaissent que les pièces leur ont été communiquées le 27 décembre 2017.

Il est de principe que l'obligation de communiquer simultanément au dépôt et à la notification des conclusions les pièces produites à leur soutien visée à l'article 906 du Code de procédure civile n'impose pas d'écarter des débats des pièces dont la communication y contrevient, s'il est démontré que le destinataire de la communication a été mis, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d'y répondre.

La communication de pièces du 27 décembre 2017 est intervenue antérieurement à l'ordonnance de clôture survenue le 9 janvier 2018 et à la suite de cette communication, les sociétés intimées ont conclu respectivement les 3 et 8 janvier 2018. Il ressort de la lecture de leurs dernières écritures qu'elles ont pu développer utilement leur défense tant au regard des pièces précédemment communiquées en première instance qu'elles détaillent et commentent en portant notamment des appréciations quant à l'opportunité de leur production, que des 8 pièces complémentaires communiquées en appel et qui, à l'exception d'un courrier des pompes funèbres du 25 mars 2015 lequel, au demeurant, concerne le journal l'Union et le site de La Voix de l'Union qui ne sont pas en la cause, sont constituées de décisions de tribunaux de commerce et de la Cour d'appel de Paris ayant eu à statuer dans des litiges de même nature. Elles ont donc disposé du temps nécessaire pour examiner les pièces communiquées par la société Aviscom et en contester la portée ou la pertinence. Enfin et de surcroît, les sociétés intimées ne précisent pas concrètement quelle atteinte à leurs droits est consécutive au retard apporté à transmettre des pièces.

Par suite, il ne sera pas fait droit à la demande de rejet des pièces communiquées en temps utile par la société Aviscom.

Sur l'exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir de la société Aviscom

Les premiers juges ont considéré, au visa de l'article 31 du Code de procédure civile, que la société Aviscom ne pouvait se prévaloir d'un intérêt à agir puisqu'elle n'a subi ni concurrence déloyale, n'étant pas en concurrence avec la société dansnoscoeurs en relation avec le titre Centre Presse, ni qu'elle a pu subir un abus de position dominante puisqu'elle est absente du département de la Vienne, de sorte qu'elle ne peut exciper d'aucun préjudice du fait de l'activité de Centre Presse.

Or, l'article 31 du Code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt au succès ou au rejet d'une prétention. Il s'en déduit que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action dont l'appréciation relève de l'examen de l'affaire au fond. Par suite, à la supposer établie, le tribunal ne pouvait déduire de l'absence de préjudice, qui est une condition de fond de la responsabilité civile, un défaut d'intérêt à agir.

Les trois sociétés intimées soutiennent que la société Aviscom ne dispose pas d'un intérêt à agir à leur encontre dès lors qu'elle n'était pas présente dans la zone de diffusion du journal Centre Presse, soit le département de la Vienne, et qu'au cours des années 2012 à 2014, elle n'a commercialisé aucune annonce nécrologique auprès des pompes funèbres de ce département, département que de surcroît, elle ne démarchait pas.

Or, d'une part, la violation de la réglementation en vigueur, en l'occurrence le droit de la consommation, qui est d'ordre public, par un opérateur économique, créé une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive en soi d'un acte de concurrence déloyale de sorte que l'action en concurrence déloyale n'est pas subordonnée à l'existence d'un rapport de concurrence direct ou effectif.

D'autre part, est prohibée l'exploitation abusive d'une position dominante lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché et ses marchés connexes.

Enfin, si elle conteste son caractère systématique, la société NR Communication, régie publicitaire de la société SDPI, société éditrice du journal Centre Presse, reconnaît qu'elle propose aux établissements de pompes funèbres, des offres permettant une diffusion couplée dans le journal Centre Presse et sur le site internet www.dansnoscoeurs.fr. Cette pratique dénoncée par la société Aviscom en tant que vente liée en ce qu'elle serait imposée systématiquement et facturée d'office sans que les familles endeuillées en soient averties, permet de diriger celles-ci et / ou les Pompes funèbres, vers un site, édité par la société Dansnoscoeurs laquelle diffuse en ligne les annonces nécrologiques du journal Centre Presse sur support papier et est un concurrent direct du site www.avisdedécès.net édité par la société Aviscom. De même, par son intervention, la société SDPI, éditrice du journal Centre Presse qui comporte une section nécrologique, permet de diriger les familles ayant subi la perte d'un proche et / ou les Pompes funèbres vers le site de la société Dansnoscoeurs.

Par suite, la société Aviscom qui reproche aux sociétés intimées de s'être rendues coupables de pratiques anticoncurrentielles par violation des dispositions du Code de la consommation et des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, justifie d'un intérêt légitime et partant, est recevable, à agir en cessation des pratiques commerciales déloyales et trompeuses qu'elle dénonce et en réparation in solidum d'un préjudice personnel, matériel et moral, qu'elle estime avoir subi du fait de ces agissements. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré la société Aviscom irrecevable à agir.

Sur la pratique commerciale dénoncée

La société Aviscom fait grief aux sociétés intimées d'avoir intégré de manière unilatérale et forcée, dans leur offre commerciale des avis de décès paraissant dans la version papier, un couplage systématique avec les annonces nécrologiques paraissant dans la version internet du journal et sur le site dédié www.dansnoscoeurs.fr auquel un renvoi automatique est effectué, et ce jusqu'au 25 novembre 2014, comme cela résulterait de leurs propres pièces. Elle affirme que la preuve du couplage imposé résulte indubitablement d'un courrier du 26 mai 2014, du manuel de saisie de la société Dansnoscoeurs, de sa confirmation par des courriels des entreprises de Pompes funèbres et des factures de la société NR Communication produites. Les trois sociétés intimées soutiennent que la société Aviscom ne rapporte pas la preuve du couplage qu'elles auraient imposé et réfutent le caractère probant des pièces qu'elle produit. Elles affirment qu'elles proposaient une offre alternative et se prévalent à cet égard d'exemples d'avis de décès et de factures, d'un avis de parution dans la Nouvelle République, du remboursement d'une parution internet non demandée et effectuée par erreur et de la note de la DGCCRF du 17 janvier 2011.

Or, la société Aviscom qui supporte la charge de la preuve de l'existence de la pratique qu'elle dénonce, échoue à démontrer que les intimées aient procédé à un couplage d'office et systématique des annonces nécrologiques dans le journal Centre Presse, diffusé dans le département de la Vienne, et sur le site internet dansnoscoeurs.fr.

En effet, la majeure partie des pièces qu'elle produit sont inopérantes à cet égard en ce que :

- les nombreuses décisions des tribunaux de commerce et de la Cour d'appel de Paris ne concernent pas le titre Centre Presse,

- les devis et factures (pièces appelante n°9, 25 et 57) ont trait au département de l'Indre et non le département de la Vienne, seul en cause dans la présente instance,

- les divers courriers (pièces appelante n° 27, 28, 37, 55, 73...) sont relatifs aux journaux du Groupe Ouest France et du Groupe Centre France alors qu'il s'agit, en l'espèce, du Groupe La Nouvelle République,

- la pièce n°29 qui concerne le nombre d'avis de décès du journal Centre Presse parus sur le site dansnoscoeurs.fr, ne contient aucune indication établissant l'existence d'un couplage systématique,

- outre le fait qu'elle ne répond pas aux exigences de l'article 202 du Code de procédure civile, la pièce n°56, intitulée " courriel Mestre du 12 janvier 2016 " dans lequel son auteur, M. Jacques G., atteste que la société NR Communication incluait son service internet avec chaque avis d'obsèques sans que ce soit expressément demandé par ses clients, renvoie à 10 factures (pièce appelante n°57 de deux pages) de la société NRCO uniquement pour le département de l'Indre, et si l'on se réfère à la pièce n°25 de dix pages, à des devis et factures portant exclusivement sur ce dernier département,

- le manuel de saisie d'une annonce sur le site www.dansnoscoeurs.fr (pièce appelante n°18) qui mentionne en page 16 que les avis nécrologiques parus sur les titres de PQR du Groupe Centre France sont automatiquement couplés sur le site dansnoscoeurs.fr, ne concerne pas le Groupe La Nouvelle République, seul en cause dans l'instance,

- deux autres pièces qui, au demeurant, portent le même numéro 36 dans le dossier remis à la cour, concernent le Groupe Centre France.

Enfin, la société Aviscom se prévaut d'une lettre du 26 mai 2014 (pièce n°15) que lui a adressée la société SDPI en réponse à ses doléances. Elle considère que la preuve du couplage en résulte indubitablement dès lors que la société SDPI reconnaît " proposer une offre principale couplée ". Outre qu'il ne peut se déduire de l'emploi du verbe " proposer " qu'il s'agirait d'une offre imposée, cette unique lettre non corroborée par aucun élément est insuffisante à établir la pratique dénoncée.

Par suite, la société Aviscom sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur les demandes reconventionnelles

Le détournement irrégulier des investissements de la société SDPI

La société SDPI soutient que la société Aviscom a extrait une part extrêmement substantielle des annonces nécrologiques qu'elle a collationnées pour alimenter son propre site internet, ce détournement pouvant se caractériser tant comme un détournement de base de données que comme du parasitisme. La société Dansnoscoeurs demande, également mais à titre subsidiaire, qu'il lui soit reconnu la qualité de producteur.

En application des dispositions de l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle, le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection spécifique du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Ces dispositions sont la transposition, en droit français, des articles 7 à 11 de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 dont l'objectif, selon son 39ème considérant, est de protéger les fabricants de bases de données contre l'appropriation des résultats obtenus et de l'investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu.

La Cour de justice de l'Union européenne, dans quatre arrêts du 9 novembre 2004 (affaire The British Horseracing Board Ltd et a. c/ William Hill Organization Ltd - affaires Fixtures Marketing Ltd c/ Oy Veikkaux Ab, Svenska Spel AB et Organismos prognostikon agonon podosfairou AE), a dit pour droit que " la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données au sens de l'article 7, paragraphe 1 de la directive (...) doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l'exclusion des moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données et que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données (...) doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci, à l'exclusion des moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d'éléments par la suite rassemblés dans une base de données ".

Ce droit sui generis ainsi consacré n'est donc pas destiné à stimuler la création de données mais à rentabiliser l'investissement affecté à la constitution d'un ensemble informationnel. Il appartient en conséquence à la société SDPI et subsidiairement, à la société Dansnoscoeurs, de justifier du montant de leurs investissements relatifs à la collecte des données utilisées, à la mise à jour de sa base et à son architecture. Or, force est de constater qu'elles ne fournissent, ni l'une ni l'autre, strictement aucun élément comptable justifiant du montant de leurs investissements de sorte qu'elles seront déboutées de leur demande formée à ce titre.

S'agissant des faits de parasitisme allégués, ils sont en réalité les mêmes que ceux invoqués au titre de l'atteinte au droit sui generis du producteur de la base de données. Dès lors, en l'absence de toute justification des investissements réalisés relativement à la constitution de cette base de données, la demande formée à ce titre sera également rejetée.

Sur les autres demandes

La société Aviscom succombant essentiellement tant en première instance qu'en appel, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En outre, elle devra supporter les dépens d'appel et verser aux sociétés SDPI et NR Communication la somme supplémentaire de 3 000 euros et à la société Dansnoscoeurs celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, rejette les demandes tendant à voir écarter des débats les pièces communiquées par la société Aviscom ; infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Aviscom aux dépens de première instance et à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; statuant à nouveau, déclare recevables les demandes formées par la société Aviscom et au fond, l'en déboute ; déboute les sociétés Société de Presse et d'Information, NR Communication et Dansnoscoeurs de leurs demandes ; condamne la société Aviscom aux dépens d'appel ; autorise Maître Gérard Haas, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la société Aviscom à verser à la société Société de Presse et d'Information et à la société NR Communication la somme de 3 000 euros et à la société Dansnoscoeurs celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.