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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 13 février 2018, n° 16-03393

REIMS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Green Power (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

Mmes Bousquel, Lefort

T. com. Châlons-en-Champagne, du 10 juil…

10 juillet 2014

Exposé du litige

Le 8 juin 2011, M. Gérard X a commandé une éolienne auprès de la SARL Green Power au prix de 45 448 euros TTC incluant la livraison et la pose. Il s'est engagé à faire réaliser lui-même, avant la livraison, les fondations, les tranchées et la pose du compteur de réinjection nécessaire à l'installation de l'éolienne et ses accessoires.

Le matériel a été installé en novembre et décembre 2011. L'attestation de conformité a été délivrée par ERTEC le 4 janvier 2012. L'installation a été raccordée au réseau EDF le 5 janvier 2012.

Se plaignant de l'absence de fonctionnement de l'éolienne et après échange de correspondances entre les parties, M. X a fait assigner la SARL Green Power, par acte d'huissier du 25 octobre 2012, devant le Tribunal de grande instance de Nancy aux fins de voir consacrer la responsabilité de cette dernière sur le fondement des articles 1146 et suivants du Code civil et de la voir condamner au paiement de diverses sommes.

Par ordonnance d'incident du 3 septembre 2013, le conseiller de la mise en état du Tribunal de grande instance de Nancy, relevant la qualité de commerçant de M. X et la clause attributive de compétence figurant aux conditions générales de la vente, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne.

La SARL Green Power a contesté les demandes présentées en première instance, soutenant que les dysfonctionnements sont dus à une fausse manœuvre de M. X ayant provoqué la casse des pales et aux différentes interventions de ce dernier sur l'éolienne. A titre reconventionnel, elle a sollicité le paiement de sa facture restée impayée.

Par jugement du 10 juillet 2014, le Tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne a :

- rejeté la demande d'annulation de la vente de l'éolienne et de remboursement de la somme de 43 056 euros TTC,

- rejeté la demande de M. X en paiement de la somme de 4 032,20 euros TTC,

- rejeté les demandes de M. X en paiement de la somme de 2 000 euros pour les interventions et suggestions apportées et de la somme de 4 500 euros au titre des facturations EDF,

- rejeté la demande de M. X en paiement de la somme de 12 000 euros au titre des pertes d'exploitation,

- condamné M. X à payer à la SARL Green Power la somme de 4 187,48 euros TTC,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. X au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 18 juillet 2014, M. X a interjeté appel de ce jugement.

L'affaire a été radiée, à la demande de la SARL Green Power, par ordonnance d'incident du 20 janvier 2015, pour inexécution de la décision frappée d'appel, puis réinscrite au rôle le 28 décembre 2016.

Par conclusions n° 5 du 12 décembre 2017, M. Gérard X demande à la cour d'appel, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'éolienne livrée par la société Green Power n'est pas conforme à sa destination normale et que son utilisation en est diminuée, voire impossible,

Par conséquent,

- prononcer la résolution du contrat de vente du 8 juin 2011,

- à titre subsidiaire, dire et juger que l'éolienne livrée n'est pas conforme au contrat de vente, et prononcer la résolution judiciaire sur le fondement des articles 1184 et 1603 et suivants du Code civil,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée sur les causes et étendue du dysfonctionnement affectant l'éolienne litigieuse, ordonner avant dire droit une expertise judiciaire pour recueillir un avis technique sur ce point,

- en tout état de cause, condamner la société Green Power à lui rembourser la somme de 45 448 euros,

- lui donner acte de ce qu'il tient l'éolienne litigieuse à disposition de la société Green Power pour sa restitution,

- condamner la société Green Power à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamner la société Green Power à lui payer une somme de 4 500 euros au titre du préjudice lié à la surconsommation électrique,

- condamner la société Green Power à lui payer une somme de 12 000 euros au titre des pertes d'exploitation,

- condamner la société Green Power au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés au profit de la SCP Agnès G., avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et de première instance.

Sur la recevabilité de ses demandes, il fait valoir qu'elles tendent aux mêmes fins que celles qu'il avait présentées devant le tribunal de commerce puisqu'il avait sollicité l'annulation de la vente au visa des articles 1146 et suivants du Code civil, et qu'il n'est pas prescrit puisque le délai de deux ans court à compter de la découverte du vice dans son ampleur et ses conséquences, c'est-à-dire à compter du rapport de M. C. et non pas à compter de la mise en service de l'installation et de ses premiers dysfonctionnements en avril 2012.

Sur la demande de résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, il soutient que la société Green Power lui a livré une éolienne atteinte d'un vice caché qui la rend impropre à son usage puisqu'elle n'a jamais fonctionné; qu'elle s'entête à ne pas vouloir reconnaître sa responsabilité alors que le fabricant, la société WIPO, reconnaît le dysfonctionnement de l'éolienne; qu'au vu de cet aveu, c'est de façon aberrante que le tribunal a rejeté sa demande de résolution de la vente; que la société Green Power ne saurait prétendre que le rapport de M. C. lui serait inopposable alors qu'elle a été invitée à participer aux réunions et à transmettre les schémas de l'installation, ce qu'elle a refusé de faire; que ce rapport est éloquent et conclut que l'éolienne ne répond pas au contrat de vente et n'assure pas la fonction escomptée, à savoir la production d'électricité; que les dysfonctionnements mis en évidence par ce rapport critiqué par la société Green Power sont confirmés par le rapport de M. G. du 24 juillet 2017; que lorsque la chose n'est pas conforme à sa destination normale et que son utilisation en est diminuée voire impossible, l'acheteur peut agir sur le fondement de la garantie des vices cachés. Il ajoute qu'aucune faute de sa part exclusive de garantie n'est démontrée; qu'il a certes aidé la société Green Power, qui ne disposait pas des moyens matériels et humains nécessaires, à installer l'éolienne, mais ce sans incident; que le fait que les pales ont été endommagées et remplacées n'a pas eu de conséquences et n'explique pas le dysfonctionnement de l'éolienne; qu'il conteste en outre avoir effectué des interventions sur l'éolienne, mais qu'en tout état de cause, la société Green Power n'explique pas en quoi ces interventions seraient à l'origine des dysfonctionnements, alors que le rapport de M. C. établit le contraire.

A titre subsidiaire, si la cour considérait la garantie des vices cachés inadaptée, il sollicite la résolution de la vente pour délivrance non conforme en application des articles 1184 et 1603 et suivants du Code civil. Il fait valoir que le rapport de M. C. établit clairement que la délivrance est non conforme, que le matériel livré ne correspond pas au matériel commandé, et que l'installation n'a jamais fonctionné.

Il critique les premiers juges d'avoir retenu que l'éolienne a produit de l'électricité pour rejeter sa demande de résolution de la vente, expliquant qu'ils ont mal interprété les relevés ERDF, qu'il dispose de deux sites dont un à Dombasles qui génère de l'électricité et l'autre à son domicile de Hudiviller où il a fait installer des panneaux photovoltaïques pour pallier le dysfonctionnement de l'éolienne. Il critique encore le tribunal de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires au motif qu'il aurait effectué une fausse manœuvre, faisant valoir qu'il avait commandé une éolienne livrée et posée, que s'il a dû intervenir avec son matériel c'est uniquement en raison d'un manquement de la société Green Power qui n'a pas prévu le matériel nécessaire pour lever l'éolienne, étant précisé que le bon de commande mentionne bien un mât hydraulique avec vérin, et que la chute des pales, qui ont ensuite été remplacées, n'est pas de nature à expliquer les dysfonctionnements de l'éolienne

Par conclusions n° 6 en date du 8 décembre 2017, la SARL Green Power demande à la cour d'appel de:

A titre liminaire,

- dire M. X irrecevable en ses demandes nouvelles tendant à voir prononcer la résolution judiciaire de la vente du 8 juin 2011 et ordonner avant-dire droit une mesure d'expertise judiciaire,

A titre principal,

- débouter purement et simplement M. X de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

- cantonner, le cas échéant, à la somme maximale de 13 034,40 euros le montant des éventuelles restitutions à opérer au bénéfice de M. X des suites de la résolution du contrat de vente,

En tout état de cause :

- condamner M. X à lui payer la somme de 4 187,48 euros au titre du solde de la facture du 30 décembre 2011 et de la facture du 16 avril 2012,

- condamner M. X au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me D., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

S'agissant de la recevabilité, elle estime que les demandes de M. X sont radicalement différentes et nouvelles par rapport à celles soumises aux premiers juges, de sorte qu'elles sont irrecevables en application de l'article 564 du Code de procédure civile. Elle soutient en outre qu'elles sont forcloses en application de l'article 1648 du Code civil puisque M. X a attendu le 17 octobre 2014 pour invoquer la garantie des vices cachés, alors que les anomalies décrites par l'expert privé de M. X, à savoir l'absence de fonctionnement de l'éolienne depuis son installation, étaient connues de lui depuis avril 2012, de sorte qu'il a eu connaissance du vice caché allégué en son principe, son ampleur et ses conséquences, dès cette date, bien avant le dépôt du rapport d'expertise privée.

Subsidiairement, sur la garantie des vices cachés, elle fait valoir en premier lieu que M. X n'apporte pas la preuve qui lui incombe des dysfonctionnements allégués, expliquant que contrairement à ce qu'il soutient, le fabricant ne les a jamais reconnus, et que les constats d'huissier ne font que relater les dires de M. X. Elle soutient par ailleurs que le rapport d'expertise privée du 9 décembre 2016, non contradictoire et menée plus de quatre ans après l'installation, lui est inopposable car réalisé à la demande et dans l'intérêt exclusif de M. X; que les constatations des huissiers sont contredites par les données de comptage de production d'électricité par ERDF; que l'expert de M. X n'a constaté lui-même aucun des dysfonctionnements allégués et n'a pas pu les expliquer. S'agissant du rapport de contrôle du 24 juillet 2017 de M. G., elle fait valoir là encore qu'il s'agit d'un rapport non contradictoire et que cet artisan n'a aucune compétence notoire en matière d'éolien ni même d'électricité, étant précisé que l'installation a reçu l'attestation de conformité du consuel. Elle conteste la validité et la sincérité de l'attestation produite par M. X.

En second lieu, elle soutient qu'elle apporte la preuve du bon fonctionnement de l'installation, puisque M. X a acquis l'éolienne non pas pour son domicile mais pour son entreprise, exploitante de plusieurs stations de lavage dont une à Hudiviller, et qu'il ressort des données de comptage de production électrique de l'entreprise X que l'installation produit de l'électricité. En réponse à l'argumentation de l'appelant, elle fait valoir qu'il est interdit de raccorder sur le même compteur une installation éolienne et des panneaux photovoltaïques, et qu'en tout état de cause les panneaux photovoltaïques ont été installés en décembre 2014 et ne peuvent donc expliquer la production d'électricité antérieure. Elle ajoute que le rapport de M. G. produit par M. X fait apparaître que l'installation est en état de fonctionnement, et le rapport de M. C. indique que la station de lavage possède une installation photovoltaïque en état de marche.

En troisième lieu, elle fait valoir qu'à supposer les dysfonctionnements établis, M. X n'apporte pas la preuve qu'ils sont imputables à un vice caché et se garde bien de préciser quel est le vice qui en serait à l'origine. Elle ajoute que la garantie des vices cachés est exclue en cas de mauvaise utilisation de la chose vendue, et que la faute de la victime est une cause d'exonération de garantie, et rappelle que lors des tests de mise en fonctionnement le 9 janvier 2012, suite à une fausse manœuvre de M. X avec son propre matériel, l'éolienne est tombée au sol provoquant la casse des pales. Elle précise que ce dernier a refusé le système hydraulique de levage du mât de l'éolienne pourtant prévu au devis. Elle soutient en outre qu'il a effectué de nombreuses interventions inappropriées ou inopportunes qui ont pu être à l'origine de défauts de fonctionnement. Elle s'oppose à la demande subsidiaire d'expertise qui ne vise qu'à suppléer la carence de M. X dans l'administration de la preuve.

Sur le défaut de conformité allégué subsidiairement, elle soutient que M. X n'établit pas non plus en quoi la délivrance de l'éolienne litigieuse ne serait pas conforme à celle convenue et rappelle qu'elle n'est pas tenue à une obligation de résultat quant à une production minimale d'électricité.

Enfin, elle s'oppose à la demande de remboursement intégral du prix d'achat de l'éolienne alors que M. X n'a pas payé les factures en totalité, qu'il produit et vend son électricité à ERDF et que l'installation a désormais une certaine vétusté. Elle s'oppose en outre aux demandes indemnitaires, non justifiées, et s'estime en revanche bien fondée en sa demande reconventionnelle de paiement du solde des factures.

Motifs de la décision

I. Sur la recevabilité des demandes de M. X

A titre liminaire, il sera observé que la société Green Power ne formule, dans le dispositif de ses conclusions, aucune demande relative à la prescription de l'action en garantie des vices cachés, de sorte qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du Code de procédure civile la cour n'est pas saisie de cette question.

L'article 564 du Code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, " les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les parties adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ".

Aux termes de l'article 565 du même Code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

La demande d'annulation de la vente et la demande de résolution de la vente tendent aux mêmes fins, à savoir l'anéantissement rétroactif du contrat. Par ailleurs, l'interdiction de formuler des demandes nouvelles en appel ne prive pas les parties de la possibilité d'invoquer de nouveaux moyens juridiques.

Dès lors, la demande de résolution de la vente fondée désormais sur la garantie des vices cachés formulée pour la première fois en appel est parfaitement recevable.

Quant à la demande subsidiaire d'expertise, il s'agit d'une mesure d'instruction qui peut toujours être ordonnée par le juge, même d'office, en tout état de la procédure. Elle est donc également recevable à hauteur d'appel.

Il convient dès lors de rejeter la fin de non-recevoir tirée des prétentions nouvelles en appel invoquée par la SARL Green Power.

II. Sur la garantie des vices cachés

1) Sur la demande de résolution de la vente

Il résulte de l'article 1641 du Code civil que le vendeur est tenu de garantir l'acheteur des défauts cachés du bien vendu qui le rendent impropre à son usage ou qui en diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou à un moindre prix s'il en avait eu connaissance.

En application de l'article 1644 du même Code, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Il appartient à l'acquéreur d'apporter la preuve de l'existence d'un vice caché et antérieur à la vente.

M. X produit une lettre d'accord de la société Wipo Wind Power, fabricant de l'éolienne, qui s'engage à le dédommager pour l'absence de production d'électricité pour les six premiers mois de janvier à juin 2012. Il ressort de ce courrier daté du 15 juin 2012 que l'appareil Win Force 10 kW devrait produire en moyenne 20 000 kWh par an avec une vitesse de vent de 5m/s, soit 1 666 kWh par mois. La société Green Power produit elle-même un courriel d'ERDF du 10 octobre 2013 indiquant que la production d'électricité de M. X était estimée à 21 221 hWh. L'intimée admet d'ailleurs, dans un courrier du 28 juillet 2012, que la société Wipo a reconnu que l'installation n'avait pas fonctionné correctement et qu'une compensation financière cohérente pouvait être versée au client.

Un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 27 août 2012 fait apparaître que le compteur électrique indique une consommation d'électricité de 22 929 kWk alors que M. X devrait au contraire produire de l'électricité. Il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier en date du 25 mars 2013 que l'écran de contrôle de l'éolienne ne détecte pas le vent et indique que la production d'électricité est entre 250 et 600 Watts, alors qu'elle devrait être de 10 000 Watts environ. Le procès-verbal de constat du 25 septembre 2013 établit, en présence du représentant de la société Green Power, que l'éolienne ne fonctionne toujours pas.

L'appelant produit en outre un rapport d'expertise amiable non contradictoire de M. C., consultant en ingénierie et physique, du 9 décembre 2016 dont il ressort notamment que la tension de l'éolienne est de 230 volts au lieu de 400 et que l'installation n'assure pas la fonction de production d'électricité escomptée. Le consultant indique par ailleurs qu'il regrette que la société Green Power n'ait pas répondu à sa convocation ni fourni les schémas de l'installation ni aucun document permettant de progresser dans la résolution des désordres, et précise que l'expertise se borne donc à constater les désordres et anomalies. Il indique en outre que les manipulations inappropriées reprochées par la société Green Power à M. X n'ont pas d'impact sur les désordres constatés.

En outre, il résulte d'un rapport de contrôle de l'installation réalisé par M. Claude G., électromécanicien, notamment que les mesures d'un vent d'environ 9m/s ont indiqué une tension maximum de 245 volts entre phases, et que la génératrice est un modèle triphasé 230V, donc inadapté à un couplage sur le réseau français qui est en triphasé 400V. D'ailleurs, la société Green Power a indiqué, dans un courrier du 28 janvier 2013 adressé à M. X qu'elle produit elle-même, qu'il a été prouvé que le problème de surconsommation d'électricité est dû au réseau ERDF et non au réseau privé de l'éolienne, ce qui est conforme au courriel de la société Wipo du 7 août 2012, produit par M. X, qui indique que c'est un mauvais couplage réseau de la machine qui est source de surproduction de l'éolienne comptabilisée comme consommation par le compteur. La société Green Power produit en outre la proposition de raccordement électrique de ERDF pour l'installation de M. X (avec une puissance maximale installée de 10kWA et une puissance de raccordement de 10kWA en triphasé répartie 3,3kWA/3,3kWA/3,4kWA) qui confirme que la tension de raccordement est de 400V entre phases. M. X justifie également d'un témoignage de M. Laurent D. possédant la même éolienne que lui et indiquant qu'elle ne fonctionne pas non plus. Cette attestation, qui n'est pas conforme aux exigences de l'article 202 du Code de procédure civile, est certes à prendre avec précaution et n'est pas en soi décisive, mais constitue un élément de preuve supplémentaire en faveur du non fonctionnement de ce type d'éolienne sur le réseau français.

La société Green Power n'apporte pas la preuve des erreurs techniques commises par M. C. et M. G. dans leurs rapports. Elle ne peut non plus valablement soutenir que le rapport d'expertise amiable produit par M. X ne lui serait pas opposable dès lors que cette pièce a été régulièrement versée aux débats et soumise à la libre discussion des parties. En effet, si le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties, il ne peut pour autant refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire.

Par ailleurs, la société Green Power n'apporte pas non plus la preuve que la chute de l'éolienne au sol, par la faute de M. X, au moment de l'installation, serait responsable des désordres, alors que ce qui a été cassé a été réparé et que les pièces versées aux débats démontrent que les dysfonctionnements de l'éolienne ne proviennent pas d'un problème mécanique mais plutôt d'un problème électrique, à savoir l'inadaptation de l'installation au réseau français.

Enfin, la société Green Power échoue à démontrer que l'éolienne produit en réalité de l'électricité comme elle le soutient. En effet, les relevés de données de comptage ERDF montrent au contraire que quasiment aucune électricité n'est produite en 2012 (57 kWh environ) et 2013 (33 kWh environ), alors que les factures EDF de M. X montrent en revanche une nette augmentation de sa consommation d'électricité en mai 2012, et alors qu'il est produit 1 669 kWh sur la période du 27 mai au 1er décembre 2014, période au cours de laquelle M. X justifie avoir fait installer des panneaux photovoltaïques raccordés sur même réseau que l'éolienne (même si la cour conçoit que ce type d'opération est interdite par ERDF), pour pallier les insuffisances de l'éolienne. Par ailleurs, les chiffres de plus de 20.000 kWk figurant sur les photographies du compteur de M. X, produites par la société Green Power, ne correspondent pas à l'électricité produite comme tente de le faire croire l'intimée, mais à la consommation d'électricité, comme l'huissier de justice l'avait relevé dans son procès-verbal de constat du 27 août 2012.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Green Power a vendu à M. X une installation éolienne qui ne peut fonctionner correctement sur le réseau français géré par ERDF. Si la machine n'est pas en soi atteinte d'un vice de conception ou de fabrication (lequel n'est effectivement pas établi), il n'en demeure pas moins que le bien vendu a un grave défaut, puisqu'il ne produit pas suffisamment d'électricité en raison d'une tension de raccordement au réseau ERDF inadaptée, étant précisé que son fonctionnement sur le réseau français dans le but de produire de l'électricité, notamment pour revendre le surplus, est nécessairement entré dans le champ contractuel. Ainsi, M. X n'aurait pas acheté cette éolienne s'il avait su qu'elle était inapte à la production d'électricité en France. L'éolienne installée est donc impropre à l'usage auquel elle était destinée, ce qui justifie la résolution du contrat de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et il sera fait droit à la demande de remboursement du prix de vente à hauteur de ce qui avait été payé par M. X, soit 43 056 euros, à charge pour lui de restituer l'éolienne à la société Green Power, aux frais de cette dernière.

2) Sur les demandes de dommages-intérêts

L'article 1645 du Code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices.

Les échanges de courriers pour tenter de résoudre les problèmes liés à l'installation de l'éolienne avec la société Green Power et le fabricant Wipo et la longueur de la procédure illustrent les tracas engendrés par les dysfonctionnements de l'éolienne pour M. X, ce qui justifie de lui allouer une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral.

En revanche, M. X ne justifie nullement d'une surconsommation d'électricité à hauteur de 4.500 euros. La seule facture produite ne saurait justifier un préjudice supérieur à 1 300 euros environ.

S'agissant des pertes d'exploitation, M. X justifie certes avoir déclaré, au registre du commerce et des sociétés, une activité de production et de vente d'énergie électrique à son adresse personnelle. Toutefois, il ne produit aucune pièce permettant d'évaluer son préjudice de pertes d'exploitation. Il sera donc débouté de cette demande.

La société Green Power sera donc condamnée à payer à M. X la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 1 300 euros au titre de la surconsommation d'électricité.

III. Sur la demande reconventionnelle en paiement des factures

La résolution de la vente justifie de rejeter la demande de la SARL Green Power en paiement du solde de la facture initiale (2 000 euros) et de la facture faisant suite à la casse des pales (2 486,48 euros).

Il convient de rappeler que le présent arrêt constitue le titre exécutoire permettant la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire.

IV. Sur les demandes accessoires

La société Green Power, partie perdante, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de l'avocat postulant de M. X, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'équité commande en outre de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. X à hauteur de 3 000 euros. La société Green Power sera donc condamnée au paiement de cette somme.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, infirme le jugement rendu le 10 juillet 2014 par le Tribunal de commerce de Châlons en Champagne en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, rejette la fin de non-recevoir invoquée par la SARL Green Power, prononce la résolution du contrat de vente conclu le 8 juin 2011 entre M. Gérard X et la SARL Green Power, condamne la SARL Green Power à restituer à M. Gérard X la somme de 43 056 euros payée par ce dernier au titre du prix de vente, DIT que M. Gérard X doit restituer l'éolienne Yonval GP10kW à la SARL Green Power, aux frais de cette dernière, condamne la SARL Green Power à payer à M. Gérard X, à titre de dommages-intérêts, les sommes suivantes: - 1 000 euros en réparation de son préjudice moral - 1 300 euros au titre de la surconsommation d'électricité, rejette la demande indemnitaire de M. Gérard X au titre des pertes d'exploitation, condamne la SARL Green Power à payer à M. Gérard X la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la SARL Green Power aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de l'avocat postulant de M. X, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.