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Décisions

CA Douai, 3e ch., 22 février 2018, n° 17-00205

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mutuali (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mornet

Conseillers :

M. Pety, Mme Lamotte

TGI Dunkerque, du 13 déc. 2016

13 décembre 2016

Exposé du litige

La société Mutuali, société de courtage en assurances santé, a conclu avec M. X un contrat de mandat d'intermédiaire en assurance le 6 mars 2013, aux termes duquel il est notamment stipulé que M. X sera exclusivement rémunéré sous forme de commissions et prévu une reprise de commissions en cas de résiliation d'un contrat d'assurance santé pour quelque motif que ce soit.

Le 28 avril 2014, M. X a mis fin à ce contrat.

Plusieurs contrats d'assurance ont été résiliés par leurs souscripteurs.

Arguant être en droit de reprendre les commissions versées lorsqu'au cours d'une période de 24 mois à compter de la prise d'effet du contrat d'assurance santé, celui-ci est résilié par le souscripteur, la société Mutuali a fait assigner, suivant acte du 11 février 2016, M. X aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 10 067,10 euros, outre 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, et 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon jugement du 13 décembre 2016, le Tribunal de grande instance de Dunkerque a notamment :

- dit que la clause " article 4.1 " n'est ni nulle ni léonine mais qu'elle crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

- condamné M. X à payer à la société Mutuali la somme de 15 887,88 euros à titre de reprise des commissions,

- condamné la société Mutualité à payer à M. X la somme de 15 887,88 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonné la compensation entre les deux sommes,

- rejeté la demande de dommages et intérêts complémentaires.

La société Mutuali a relevé appel de ce jugement le 5 janvier 2017 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 avril 2017, la société Mutuali demande à la cour, au visa de l'ancien article 1134 du Code civil et des articles 1984 et suivants du même code, de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu que la clause " article 4.1 " n'était ni léonine ni abusive et en ce qu'il a prononcé la condamnation de M. X à lui payer la somme de 15 887,88 euros au titre des reprises de commissions,

- l'infirmer en ce qu'il a retenu un déséquilibre significatif et l'a condamnée à payer à M. X la somme de 15 887,88 euros à titre de dommages et intérêts,

et statuant à nouveau de ces chefs,

- débouter M. X de sa demande de dommage et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I du Code de commerce,

- condamner M. X à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Y.

A l'appui de ses prétentions, la société Mutuali fait en premier lieu valoir que la clause 4.1 de la convention n'est pas nulle. Elle soutient que l'application des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce est exclue puisque l'activité des intermédiaires en assurances est définie par les articles L. 511-1 et suivants du Code des assurances. Elle avance que M. X a la qualité d'intermédiaire en assurance et qu'aux termes de la convention signée, les parties ont expressément soumis leur relation aux articles 1984 et suivant du Code civil, mais aussi que la mission d'intermédiaire d'assurance s'exerce dans le cadre des dispositions du Code des assurances. Elle soutient donc que la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'une activité économique faisant l'objet de dispositions législatives particulières, de sorte que le statut des agents commerciaux ne peut s'appliquer et que M. X ne peut pas s'en prévaloir ni invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 134-9 du Code de commerce.

La société Mutuali fait en deuxième lieu valoir que la clause 4.1 n'est ni léonine ni abusive. Elle soutient que M. X avait le statut de travailleur indépendant et qu'il lui appartenait de rechercher une clientèle et de payer ses charges. Elle avance que le simple fait que M. X prétende n'avoir pas tiré un revenu suffisant de son activité ne permet pas d'établir que la clause litigieuse est léonine. Elle ajoute que le droit à la commission perçue est liée de manière indissociable à l'existence du contrat souscrit par l'assuré, de sorte que si le contrat d'assurance est résilié, la commission perçue en rémunération de celui-ci doit être restituée par le mandataire. Elle précise encore que le déséquilibre significatif s'apprécie au regard de l'équilibre général des prestations réciproques et du principe de la liberté contractuelle. Elle avance donc qu'il était clairement stipulé que les sommes perçues étaient une avance sur commissions. Elle ajoute aussi que le mécanisme de reprise s'applique dans ses relations avec les compagnies d'assurances dont elle est le mandataire ou le courtier, et que la reprise a pour but d'éviter une trop forte rotation des contrats entraînant la perte des conventions conclues avec la compagnie d'assurance.

Elle fait valoir en troisième lieu que l'article L. 442-6, I du Code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer. Elle soutient tout d'abord qu'elle est liée à M. X par un contrat de mandat de nature civile et non un contrat commercial, et que l'article L. 442-6 du code précité a vocation à régir les rapports de nature exclusivement commerciale. Elle soutient ensuite que M. X ne démontre pas que la clause litigieuse lui ait été imposée sans négociation possible et qu'il y ait été soumis. Elle rappelle ainsi que le simple fait qu'une partie ait souscrit à une obligation ne suffit pas à démontrer qu'elle l'a fait sous la contrainte et qu'il n'y a pas de présomption de soumission à une obligation. Elle précise que M. X ne saurait invoquer un déséquilibre significatif pour contester le déséquilibre global du contrat conclu. Elle ajoute encore que les parties se sont entendues sur les modalités essentielles du contrat et ont accepté ses conditions financières. Elle soutient enfin que cette clause est justifiée par des contreparties légitimes et qu'il n'existe aucune volonté de sa part de soumettre ses mandataires à des obligations déséquilibrées.

Elle fait valoir en quatrième lieu que ses demandes sont fondées et que M. X ne conteste pas la résiliation des contrats apportés. Elle ajoute que les motifs de résiliation des contrats apparaissent au verso des bordereaux de reprise et que la chute des contrats n'est pas de son fait.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 juin 2017, M. X demande à la cour de le recevoir en son appel incident, et de :

- débouter la société Mutuali de toutes ses demandes,

- condamner la société Mutuali à lui payer la somme de 20 000 euros à titre des dommages et intérêts,

- condamner la société Mutuali à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Mutuali aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP J. - Pelletier.

A l'appui de ses prétentions, M. X fait en premier lieu valoir que la clause 4.1 est nulle car contraire aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 134-9 et de l'alinéa 1er de l'article L. 134-10 du Code de commerce. Il soutient qu'il est soumis au statut d'agent commercial et que cette qualification n'est exclue que pour les seuls agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. Il avance que le collaborateur mandataire d'un intermédiaire d'assurance ne bénéficie d'aucun statut particulier en ce qui concerne sa mission de représentation, ce qu'admet la société Mutuali qui soutient que leurs relations sont régies par les règles du Code civil applicables au contrat de mandat. Il ajoute encore que si l'activité de mandataire d'intermédiaire d'assurance est définie au 4° de l'article R. 511-2 du Code des assurances, si l'exercice des missions du mandataire d'intermédiaire est subordonné à des conditions d'honorabilité et de capacité spécifiques, et que si le collaborateur mandataire doit être inscrit sur le registre spécialement dédié aux intermédiaires d'assurance, les conditions même d'exercice du mandat ne font l'objet d'aucune réglementation particulière. Il avance donc que sa mission de représentation n'est pas incompatible avec le statut légal d'agent commercial, lequel ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont données au contrat, mais dépend des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée. Il soutient également que sa mission n'était pas limitée à la présentation, la proposition ou l'aide à la conclusion d'une opération d'assurance santé puisqu'il prévoyait que le mandataire avait aussi pour mission de réaliser des contrats d'assurance pour le compte du mandant. Il revendique donc l'application à son profit du statut des agents commerciaux, de sorte que les commissions versées lui sont acquises. Il soutient en effet que la clause 4.1 dont la société Mutuali demande l'application est réputée non écrite par l'article 134-16 du Code de commerce, car contraire aux dispositions d'ordre public des alinéas 2 de l'article L. 134-9 et alinéa 1er de l'article L. 134-10 du même code.

Il fait en deuxième lieu valoir que la clause 4.1 est une clause léonine qui attribue à la société Mutuali des droits disproportionnés par rapport à ses obligations. Il soutient aussi que cette clause est en contradiction avec l'économie générale du contrat et contraire aux dispositions de l'article 1999 du Code civil, de sorte qu'elle doit être réputée non écrite. Il précise à ce titre que la clause 4.1 crée un déséquilibre significatif au préjudice du mandataire.

Il fait en troisième lieu valoir qu'en raison du déséquilibre significatif créé dans les droits et obligations des parties par la clause 4.1, il est fondé à demander, en application de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, la condamnation de la société Mutuali à lui payer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2017.

Motifs

A titre liminaire, la cour remarque que les parties ne remettent pas en cause l'existence du contrat de mandat d'intermédiaire en assurances conclu entre elles le 6 mars 2013 ; la cour note également que chacune des parties produit au débat ledit contrat et constate que chaque page de celui-ci est paraphée et la dernière page signée par les deux parties sur l'exemplaire versé au débat par la société Mutuali.

La cour observe que le litige entre les parties porte sur la clause 4.1 du contrat de mandat d'intermédiaire en assurance relative aux modalités d'attribution des commissions au mandataire à titre de rémunération.

Cette clause stipule :

"Mutuali, effectue une avance de commissions. En cas de résiliation d'un contrat ou de sans effet pour quelque motif que ce soit, cela entraînera une reprise de commissions. La reprise de commission est de 100 % et cela pendant une période de 24 mois à compter (sic) de la prise d'effet du contrat.

Le Mandataire s'engage à rembourser l'avance correspondante et autorise d'ores et déjà le Mandant à prélever cette somme sur le compte bancaire ou postal du Mandataire sans limitation de durée.

Les commissions sont versées sur le montant Hors Taxe du Chiffre d'affaire".

Il s'ensuit que le contrat conclu entre M. X et la société Mutuali est un contrat de mandataire d'intermédiaire en assurance non salarié, étant précisé que l'article 9 dudit contrat stipule expressément que le mandataire ne peut être considéré comme salarié du mandant.

1. Sur la nullité de la clause 4.1 tirée de l'application du statut des agents commerciaux

En application de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; il peut être une personne physique ou une personne morale ; ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières.

Or, l'activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance est soumise aux dispositions des articles L. 511-1 et suivants et R. 511-1 et suivants du Code des assurances.

L'article L. 511-1, I de ce code définit l'intermédiation en assurance ou en réassurance comme l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion, et précise que n'est pas considérée comme de l'intermédiation en assurance ou en réassurance l'activité consistant exclusivement en la gestion, l'estimation et la liquidation des sinistres ; il indique encore qu'est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance.

L'alinéa 1er de l'article R. 511-1 du Code des assurances considère, pour l'application de l'article L. 511-1 du même code, comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d'une opération d'assurance, le fait pour toute personne physique ou personne morale de solliciter ou de recueillir la souscription d'un contrat ou l'adhésion à un tel contrat, ou d'exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou un adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d'un contrat.

L'article R. 511-2, I du Code des assurances dispose que l'activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance ne peut être exercée contre rémunération que par certaines catégories de personnes, notamment (4°) les mandataires d'intermédiaires d'assurance, personnes physiques non salariées et personnes morales mandatées par une personne physique ou une personne morale mentionnée aux 1°, 2° ou 3° ci-dessus ; il précise ensuite que l'activité des personnes visées aux 3° et 4° du présent article est limitée à la présentation, la proposition ou l'aide à la conclusion d'une opération d'assurance au sens de l'article R. 511-1 du même code, et éventuellement à l'encaissement matériel des primes ou cotisations, et, en outre, en ce qui concerne l'assurance sur la vie et la capitalisation, à la remise matérielle des sommes dues aux assurés ou bénéficiaires.

La cour constate que le contrat conclu entre M. X et la société Mutuali est intitulé : " Convention de mandat d'intermédiaire d'assurances dit de 4e catégorie

Régie par les articles 1984 et suivants du Code civil

L'article R. 511-2.4 du Code assurances ".

En page 1 du contrat, il est indiqué qu'" il a été préalablement exposé que le mandataire accepte le mandat d'intérêt commun pour la représentation d'opération d'assurances telle que limitée par les articles R. 511-1 et suivants du Code des assurances. Et que la présente convention de mandat est régie par les dispositions du Code des assurances et les stipulations particulières qui suivent dans la mesure où elles complètent les articles 1984 et suivants du Code civil ".

Ces éléments démontrent que le contrat de mandataire d'assurance non salarié conclu entre M. X et la société Mutuali est soumis aux dispositions particulières du Code des assurances, et non aux dispositions du Code de commerce régissant le contrat d'intérêt commun d'agent commercial.

De surcroît, il ressort de ce contrat aux :

- article 1 " Déclarations du mandataire ", que le mandataire a déclaré " remplir l'intégralité des conditions de compétences professionnelles visées par les articles R. 512-8 et R. 512-10 du Code des assurances et d'honorabilité visées par les articles L. 512-1 et L. 512-4 et suivants du Code des assurances et s'engagent à les remplir pendant toute la durée des présentes à peine de résiliation de plein droit et sans préavis de celles-ci ",

- article 2, que le mandataire a pour mission de rechercher et de réaliser pour le compte du mandant des contrats d'assurances appartenant aux branches visées à l'article R. 321-1 du Code des assurances,

- article 3, que le rôle du mandataire consistera notamment à mettre le mandant en relation avec tout assurable ou à les signaler l'un à l'autre, à donner aux assurables notamment tous renseignements nécessaires à l'exécution du présent mandat par une information objective et complète, présenter et faire régulariser tous documents, contrats avenants, propositions tant nouvelles que de modifications, ordre de remplacement propres à réaliser une production saine et stable au profit du mandant.

Il s'en évince que l'activité de mandataire de la société Mutuali, société de courtage en assurance, exercée par M. X figure expressément parmi les catégories de personnes limitativement énumérées à l'article R. 511-2 du Code des assurances et dont la mission s'exerce dans le cadre des dispositions législatives du livre 5 du Code des assurances et des dispositions réglementaires du livre 5 du même code.

Enfin, la société Mutuali produit au débat trois attestations de l'ORIAS des 19 mars 2013, 5 janvier 2014 et 19 janvier 2014 indiquant que M. X est inscrit au registre des intermédiaires en assurance sous le numéro d'immatriculation 12066144 en qualité de mandataire d'intermédiaire d'assurance depuis le 4 mai 2012 jusqu'au 28 février 2014, puis jusqu'au 28 février 2015.

En l'état de ces constatations et énonciations, M. X ne peut pas revendiquer le statut d'agent commercial prévu à l'article L. 134-1 du Code du commerce et le bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 134-9 et du premier alinéa de l'article L. 134-10 du Code de commerce.

Il s'ensuit que M. X n'est pas fondé à demande la nullité de la clause 4.1 du contrat de mandat d'intermédiaire en assurance.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la clause 4.1 n'est pas nulle.

2. Sur le caractère léonin de la clause 4.1 et sa contrariété à l'économie générale du contrat et à l'article 1999 du Code civil

2.1. Sur le caractère léonin de la clause litigieuse

La cour rappelle qu'une clause léonine est celle dont l'exécution aurait pour résultat de procurer à l'un des contractants un avantage exorbitant au détriment des autres ; cette excessivité peut entraîner la nullité de la clause léonine ou justifier la réduction par le juge des profits unilatéraux excessifs.

Sur ce, il résulte de la lecture de la clause 4.1 précédemment énoncée que l'obligation de la société Mutuali réside dans le paiement immédiat à M. X d'une avance de commission sur les contrats d'assurance santé, de sorte que le versement initial de la totalité de la commission n'est manifestement pas définitif.

De surcroît, cette clause est limitée dans le temps et lie de manière indissociable le droit à commission à l'existence du contrat d'assurance santé souscrit par l'assuré, puisque la reprise de commissions, si elle est de 100 %, s'applique soit pendant une période de 24 mois à compter de la prise d'effet du contrat d'assurance santé, soit en cas de sans effet pour quelque motif que ce soit, dans cette hypothèse, le contrat d'assurance santé n'ayant en tout état de cause pas été conclu ; la lecture de la clause 4.1 montre également que la reprise de commissions de 100 % par la société Mutuali ne dépend pas de la seule volonté de celle-ci et ne se fait pas sans motifs de sa part.

Il en résulte que la reprise de commissions sur les contrats d'assurance santé souscrits, mais résiliés sur une période de 24 mois ou sans effets, est le corollaire de l'avantage que constitue la perception anticipée par M. X de la totalité des commissions avancées par la société Mutuali, de sorte que la clause 4.1 ne crée aucun avantage excessif au profit de la société Mutuali.

Enfin, comme le soutient la société Mutuali, cette clause vise à assurer, dans la seule mesure nécessaire, la protection des intérêts légitimes de la société de courtage en assurances santé qui, par ce mécanisme de reprises de commissions, souhaite éviter une trop forte rotation des contrats d'assurances entraînant la perte des conventions conclues avec la société d'assurance, de sorte que la clause 4.1 tend à la prémunir du risque de résiliations intempestives des contrats souscrits avec les assurés et de ceux conclus avec les sociétés d'assurances.

Il s'ensuit que la clause 4.1 respecte un juste équilibre entre les intérêts respectifs des parties au contrat de mandat d'intermédiaire d'assurance et ne donne aucun avantage exorbitant à la société Mutuali au détriment de M. X.

C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont décidé que la clause 4.1 n'avait pas de caractère léonin et ont débouté M. X de ce chef.

Surabondamment, la cour observe que M. X était parfaitement apte pour apprécier le sens et la portée de clause 4.1 du contrat de mandat d'intermédiaire en assurance qu'il a librement souscrit et qui prévoyait, de manière claire et précise, que sa rémunération consistait exclusivement en des commissions, lesquelles lui aient été versées totalement sous forme d'avance et ne lui étaient acquises qu'après un délai de 24 mois à compter de la prise d'effet du contrat en cas de souscription par l'assuré ; M. X a également accepté, en toute connaissance de cause, de signer ce contrat ne prévoyant pas d'engagement de la part de la société Mutuali quant à un pourcentage d'avance de commissions qui lui resterait acquis dès lors qu'une reprise de 100% de commissions était expressément stipulé.

M. X ne peut donc pas utilement se prévaloir du caractère léonin de la clause 4.1, lequel ne résulte pas des stipulations de l'article 4.1 du contrat.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la clause 4.1 n'est pas léonine.

2.2. Sur la contrariété de la clause litigieuse à l'économie générale du contrat et à l'article 1999 du Code civil

En application de l'article 1999 du Code civil, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a fait pour l'exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis ; s'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursements et paiements, lors même que l'affaire n'aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous le prétexte qu'ils pouvaient être moindres.

Il résulte de ces dispositions que les parties au contrat de mandat peuvent déterminer par avance les modes de fixation de la rémunération du mandataire en déterminant :

- soit une somme fixe due en tout état de cause puisque la rémunération du mandataire n'est alors pas subordonnée à la réussite de l'affaire selon l'alinéa 2 de l'article 1999 du Code civil,

- soit un pourcentage correspondant à une commission due en cas de réussite de l'opération.

La cour rappelle également qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l'espèce, l'article 4 du contrat de mandat d'intermédiaire d'assurances fixe les conditions de rémunération du mandataire sous la forme exclusive de commissions ; ces stipulations contractuelles fixent les modalités d'attribution des commissions (article 4.1), les modalités de calcul (article 4.2) et le mandat d'auto facturation (article 4.3).

Au surplus, l'article 9 dudit contrat stipule expressément que le mandataire ne peut être considéré comme salarié du mandant.

Il s'évince de ces deux stipulations contractuelles que les parties ont convenu que la rémunération de M. X se faisait uniquement par des commissions versées par la société Mutuali, et non par une somme fixe déterminée à l'avance et due en tout état de cause.

Ensuite, l'article 4.1 du contrat ne fait que préciser que les commissions, dont le versement était promis, étaient effectuées sous forme d'avance, qu'en cas de résiliation d'un contrat ou de sans effet, une reprise de commissions serait effectuée, et que la reprise de commission serait de 100% et s'appliquerait pendant une durée de 24 mois dans l'hypothèse d'une prise d'effet du contrat.

La cour relève également que l'article 8 dudit contrat stipule que " tous les frais exposés par le mandataire pour la réalisation des opérations faisant l'objet de la présente convention restent à sa charge exclusive, sans aucun recours contre le mandant " et que l'article 17 " Prospects & RDV fournie (sic) par Mutuali " stipule : " Quand le mandataire le voudra, Mutuali pourra lui proposer des prospects à traiter ou des RDV pris par un call center ", étant précisé que cette stipulation contractuelle indique ensuite que le coût du rendez-vous est de 40 euros facturable sur bordereau de commission.

La cour constate que les conditions contractuelles ci-dessus rappelées, fixant la rémunération du mandataire, M. X, qui les a librement acceptées, ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 1999 du Code civil.

Elles ne sont pas non plus contraires à l'économie générale du contrat puisque si les commissions versées par la société Mutuali à son mandataire, M. X, sont bien le fruit du travail de prospection de ce dernier, les avances versées, et susceptibles d'être reprises en cas de résiliation d'un contrat ou de sans effet, doivent lui servir non seulement à assurer sa rémunération, mais également à s'acquitter de ses charges, notamment, comme le souligne M. X dans ses écritures, les frais de gasoil et administratifs, les cotisations RSI et les frais de rendez-vous facturés par la société Mutuali ; il s'ensuit que la clause 4.1 ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

L'article 4.1 du contrat de mandat d'intermédiaire en assurances doit donc trouver application, ce contrat faisant la loi des parties.

3. Sur les demandes de la société Mutuali à l'encontre de M. X

3.1. Sur la demande au titre des reprises de commission

Au vu de ce qui vient d'être énoncé, des relevés de commissions produits au débat par la société Mutuali et du principe de la force obligatoire du contrat entre les parties, il est établi que M. X est redevable de la somme de 15 887,88 euros à la société Mutuali au titre de la reprise des commissions.

M. X sera donc condamné à payer à la société Mutuali la somme de 15 887,88 euros au titre de la reprise des commissions ; le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

3.2. Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires

La société Mutuali sollicite la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts arguant que le retard apporté par M. X à la restitution des sommes perçues à titre d'avance lui cause un préjudice particulier.

Pour autant, la société Mutuali ne démontre pas, conformément aux articles 1315 du Code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, et 9 du Code de procédure civile, en quoi ce retard lui a causé un préjudice particulier.

Surabondamment, la cour note que la société Mutuali ne démontre pas que le refus de M. X de lui restituer les sommes perçues à titre d'avance sur commissions avait un caractère dolosif ou malveillant.

Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

4. Sur la demande reconventionnelle de M. X tendant à l'application de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce

En application de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Tout d'abord, M. X ne démontre pas que les stipulations essentielles du contrat de mandataire d'intermédiaire en assurance, en particulier la clause 4.1, ont été soustraites à la libre négociation des parties, ni que le contexte dans lequel le contrat a été conclu caractérise la volonté de la société Mutuali de le soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La cour note encore que le fonctionnement global et concret du contrat, tel qu'il résulte des motifs précédemment énoncés, ne démontre ni la volonté de la société Mutuali de soumettre M. X à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, ni qu'il est à l'origine d'un fonctionnement unilatéral du contrat au bénéfice de la seule société Mutuali.

Ensuite, l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce vise le partenaire commercial, de sorte que le partenariat commercial implique une volonté commune et réciproque d'effectuer de concert des actes de production, de distribution ou de services qui s'inscrivent dans la durée.

Or, M. X n'explique pas en quoi la société Mutuali pourrait être qualifiée, lors de la conclusion du mandat d'intermédiaire d'assurances, de partenaire commercial, notamment faute pour lui de soutenir qu'il aurait entretenu antérieurement quelque relation que ce soit avec la société Mutuali.

Enfin, il résulte de l'ensemble des motifs précédemment énoncés que la clause 4.1 litigieuse, analysée au regard de l'équilibre général du contrat, ne crée pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la clause 4.1 crée un déséquilibre significatif et M. X sera débouté de sa demande de ce chef.

5. Sur les demandes annexes

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile.

M. X succombant, il convient de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP S..

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, Infirme en toutes ses dispositions le jugement du 13 décembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Dunkerque, et statuant à nouveau, Condamne M. X à payer à la société Mutuali la somme de 15 887,88 euros au titre des reprises de commissions, Déboute M. X et la société Mutuali de leurs autres demandes, Condamne M. X aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Z, Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.