Livv
Décisions

CA Saint-Denis de la Reunion, ch. civ., 16 février 2018, n° 16-01507

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

GTE Réunion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vidon

Conseillers :

MM. Vernudachi, de Thévenard

Jur. prox. Saint-Pierre, du 13 juin 2016

13 juin 2016

FAITS ET PROCEDURE

Par déclaration remise au greffe de la juridiction de proximité de Saint-Pierre le 21 septembre 2015, la SARL GTE Réunion a sollicité la convocation de Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X devant cette juridiction afin d'obtenir leur condamnation à lui payer la somme de 2 047,01 € au titre des échéances impayées arrêtées au 31 juillet 2015 dans le cadre d'un contrat de fourniture d'énergie destiné à la production d'eau chaude sanitaire par un chauffe-eau solaire, conclu le 8 juillet 2010.

A l'audience du 21 mars 2016, les défenderesses ont déposé des conclusions indiquant qu'elles ne contestaient pas les sommes réclamées et sollicitaient un délai de paiement de 24 mois ; le tribunal a soulevé d'office le moyen tiré de la nullité du contrat signé entre les parties du fait du non-respect des dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24, R. 121-4 et R. 121-5 anciens du Code de la consommation ainsi que le moyen tiré de la prescription de toute ou partie des demandes sur le fondement de l'article L. 137-2 du même code.

Le tribunal a invité la SARL GTE Réunion sur ces moyens et renvoyé l'affaire pour ce faire ; la SARL GTE Réunion a déposé des conclusions le 9 mai 2016 ; elle concluait au rejet des moyens tirés de la prescription et de la nullité du contrat et sollicitait la condamnation des défenderesses au paiement de la somme de 2 218,73 € au titre de échéances échues impayées ; elle demandait à la juridiction de constater la résiliation du contrat de plein droit du fait de la perte de la chose mise à disposition, et de dire qu'elle pouvait conserver le dépôt versé lors de la signature du contrat pour garantir la restitution du matériel mis à disposition ; subsidiairement, en cas d'annulation du contrat, elle reprenait les mêmes demandes, observant que la nullité de ce contrat à exécution successive devait produire les effets d'une résiliation à la date du jugement ; elle indiquait ne pas s'opposer aux délais de paiement et sollicitait la condamnation des défenderesses à lui verser 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

Par jugement en date du 13 juin 2016, le tribunal a :

- prononcé la nullité du contrat signé le 8 juillet 2010 entre la SARL GTE Réunion et Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X ;

- débouté en conséquence la SARL GTE Réunion de l'ensemble de ses demandes ; condamné la SARL GTE Réunion aux dépens.

Par déclaration du 22 août 2016, la SARL GTE Réunion a interjeté appel de ce jugement.

L'appelante a déposé des conclusions au greffe le 21 novembre 2016.

Les intimées n'ont pas constitué avocat.

Par acte en date du 14 décembre 2016, la SARL GTE Réunion a signifié à Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X sa déclaration d'appel et ses conclusions ; cette signification a été effectuée à la personne de chacune des intimées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 juin 2017.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 21 novembre 2016, l'appelante demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau :

- de dire que par l'effet de l'annulation du contrat conclu le 8 juillet 2010, qu'elle a cependant exécuté, les parties doivent être remises en l'état dans lequel elles se trouvaient avant cette exécution, de dire que les intimées ayant reçu une prestation en nature qu'elles ne peuvent restituer, elles doivent lui verser une indemnité équivalente à la valeur de la prestation reçue et de condamner en conséquence les intimées à lui verser la somme de 2 218,73 € au titre des prestations de fourniture d'eau dont elles ont bénéficié ;

- de dire que du fait de la perte de la chose objet du contrat, elle est fondée à conserver le dépôt de garantie versé lors de la signature du contrat pour garantir la restitution du matériel mis à disposition et qui est demeuré sa propriété ;

- de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois à compter de la signification de l'arrêt, le non-paiement d'une seule échéance devant emporter de plein droit exigibilité immédiate de l'intégralité des sommes restant dues ;

- de condamner les intimées à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

Les intimées n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation en sa rédaction issue de la loi 2008-3 du 3 janvier 2008, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions dudit Code dans les litiges nés de son application.

Ayant en l'espèce soulevé d'office le moyen tiré de la nullité pouvant être encourue du fait du non-respect des dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24 R. 121-4 et R. 121-5 anciens du Code de la consommation, c'est à juste titre et par des motifs que la cour adopte, que le tribunal d'instance a retenu que la faculté ouverte au juge de soulever d'office ce moyen de nullité n'était enfermé dans aucun délai de prescription, et qu'il pouvait être soulevé même si le consommateur, comparant ou non, ne l'avait pas lui-même fait.

Par ailleurs, c'est également par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu que, le contrat ayant été signé dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile, ni les conditions générales, ni les conditions particulières du contrat n'étaient conformes aux prescriptions impératives des dispositions de l'article L. 121-3 du Code de la consommation en sa rédaction en vigueur lors de la signature du contrat, et que le bordereau de rétractation n'était pas conforme aux prescriptions des articles L. 121-25, R. 121-4 et R. 121-5 du même code en leur rédaction en vigueur lors de la signature du contrat.

Le non-respect de ces dispositions étant sanctionné par la nullité du contrat, c'est à juste titre que le tribunal a prononcé la nullité du contrat signé entre les parties le 8 juillet 2010, l'appelante ne disconvenant d'ailleurs pas de cette nullité dans ses conclusions d'appel.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat signé entre les parties le 8 juillet 2010.

L'annulation d'un contrat entraîne la remise des parties en l'état antérieur à la signature du contrat ; lorsque le contrat a été exécuté elle doit ainsi entraîner des restitutions réciproques, pour permettre cette remise en état pour chacune des parties.

Lorsque cette remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'exécution du contrat annulé est impossible, notamment parce que l'une des parties a bénéficié d'une prestation en nature qu'elle ne peut restituer, la partie qui a bénéficié de cette prestation doit s'acquitter, si tel est demandé, d'une indemnité équivalente à la valeur de cette prestation.

En l'espèce, le contrat passé entre les parties avait pour objet la fourniture d'énergie au moyen d'un équipement installé par la société GTE Réunion et restant la propriété de celle-ci.

La fourniture d'énergie correspond à une prestation en nature, qui ne peut être restituée ; la SARL GTE Réunion est dès lors fondée, ensuite de l'annulation du contrat à solliciter, au titre de la remise des parties en leur état antérieur, une indemnité correspondant à la valeur de l'énergie fournie pendant la période pendant laquelle le contrat a été exécuté.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SARL GTE de ses demandes, et de condamner Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X à verser à la SARL GTE, au titre de cette indemnité, la somme de 2 218,73 €.

Par ailleurs, il est constant que l'équipement visé au contrat n'a pas été restitué, et ne peut l'être, ayant disparu ; il sera dès lors, pour compenser cette absence de restitution, fait droit à la demande de la SARL GTE tendant à conserver le dépôt de garantie versé lors de la signature du contrat, qui, au regard des conditions particulières et de la formule choisie par les intimées, se monte à 1 €.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SARL GTE les frais irrépétibles qu'elle a engagés ; sa demande au titre de l'article 700 du CPC sera rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, en matière civile, par décision réputé contradictoire et en dernier ressort, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 451, alinéa 2 du Code de procédure civile, - Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat signé le 8 juillet 2010 entre la SARL GTE Réunion et Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X ; - Infirme le jugement pour le surplus, et, statuant à nouveau : - Condamne Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X à verser à la SARL GTE Réunion la somme de 2 218,73 € ; - Dit que la SARL GTE Réunion peut conserver le dépôt de garantie de 1 € versé lors de la signature du contrat par Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X pour garantir la restitution de l'équipement ; - Déboute la SARL GTE Réunion de sa demande au titre de l'article 700 du CPC ; - Condamne Mmes Cynthia X et Marie Jocelyne X aux dépens de première instance et d'appel.