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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 28 février 2018, n° 17-01857

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Editions Atlas (SAS)

Défendeur :

Godefroy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Penavayre

Assesseur :

Mme Truche

Avocats :

Mes Rives, Landon, Marbot, Morlon

TGI Dax, du 27 févr. 2013

27 février 2013

Faits constants

Thierry G. a travaillé jusqu'en 2008 en qualité de sous-agent pour le compte de la société ICP qui avait conclu un contrat d'agence commerciale avec la société Editions Atlas. La société ICP a cédé une partie de son mandat d'agent commercial à Monsieur Thierry Godefroy par contrat du 31 mai 2008, moyennant un prix de cession de 95 000 €, avec l'accord de la société mandante.

Par contrat du 7 avril 2008, Monsieur Thierry Godefroy a conclu avec la société Éditions Atlas un contrat dénommé " d'agent commercial " pour la vente à domicile d'ouvrages issus de son activité d'édition sur le département des Landes et sur certains cantons de l'arrondissement de Pau représentant une clientèle de 192 000 habitants.

Par avenant du 4 novembre 2010, la société mandante a élargi son secteur d'exploitation.

Par lettre du 11 janvier 2011, Monsieur Thierry Godefroy a notifié la rupture du contrat d'agent commercial au motif qu'il ne pouvait plus travailler en raison des changements intervenus dans la politique commerciale de son mandant.

Par acte d'huissier du 12 avril 2011 Monsieur Thierry Godefroy a assigné la SAS Éditions Atlas devant le Tribunal de grande instance de Dax en paiement de l'indemnité de cessation de contrat prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce au motif que la rupture du contrat était justifiée par des circonstances imputables au mandant.

Par jugement du 27 février 2013, le Tribunal de grande instance de Dax a :

- dit que la rupture du contrat d'agent commercial à l'initiative de Thierry Godefroy est justifiée par des circonstances exclusivement imputables à la société Éditions Atlas

- condamné la société Éditions Atlas à lui payer la somme de 64 704,24 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture et 9 673,28 euros TTC au titre de l'indemnité de préavis, lesdites sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice

- rejeté la demande au titre des dé-commissionnements

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de 50 % des condamnations

- condamné la société Éditions Atlas à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

La société Éditions Atlas a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe de la Cour d'appel de Pau le 18 mars 2013.

Par arrêt du 26 novembre 2014, la Cour d'appel de Pau a :

- déclaré irrecevable le moyen de défense soulevé en cause d'appel par la société Éditions Atlas tiré de la requalification de la convention liant les parties

- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Godefroy de sa demande en paiement au titre des dé-commissionnements

- réformant le jugement pour le surplus, condamné la société Éditions Atlas à payer à Monsieur Godefroy les sommes suivantes :

* 55 935,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture

* 6 991,89 euros au titre de l'indemnité contractuelle de préavis

outre les intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2011

- condamné la société Éditions Atlas à payer à Monsieur Godefroy la somme de 4 500 € au titre des frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel

- mis les dépens de l'instance à la charge de la société Editions Atlas avec distraction au profit de son conseil.

La société Éditions Atlas a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 22 février 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 26 novembre 2014 et remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour y faire droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Toulouse.

La SAS Édition Atlas a saisi la cour de renvoi le 16 mars 2017.

L'ordonnance de clôture est en date du 12 décembre 2017.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 14 décembre 2017, la société Editions Atlas demande à titre principal, de dire, sur le fondement des articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction applicable à l'instance, que la résolution unilatérale du contrat par Monsieur Thierry Godefroy est abusive parce que motivée par des circonstances qui sont sans lien avec le contrat et en conséquence, de le débouter de toutes ses demandes.

À titre subsidiaire, elle demande :

- de dire que la convention du 7 avril 2008 et les conditions réelles de son exécution ne permettent pas à l'intimé de se prévaloir du statut des agents commerciaux

- de constater qu'il est défaillant à faire la preuve de sa qualité d'agent commercial alors que cette preuve lui incombe en vertu de l'article 9 du Code de procédure civile

- d'infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Dax du 27 février 2013 en toutes ses dispositions contraires au présent dispositif, sur le fondement des articles 2003 et 2007 du Code civil

- de condamner Monsieur Thierry Godefroy à lui rembourser toutes les sommes payées en vertu de l'exécution provisoire avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date d'exécution de la condamnation.

Dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de confirmation, la société Editions Atlas demande à titre infiniment subsidiaire, de réformer le jugement du 27 février 2013 et de fixer le montant de l'indemnité de rupture à la somme de 49 158,66 euros (représentant 24 mois de commissions), de le confirmer en toutes ses dispositions non contraires au présent dispositif, de rejeter le surplus des demandes et prétentions adverses, de condamner Thierry Godefroy à lui payer la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me Robert R. en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Editions Atlas fait valoir que Monsieur Thierry Godefroy qui réclame une indemnité de rupture en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce alors qu'il a prononcé la résiliation unilatérale du contrat, est dans l'obligation de prouver non seulement un manquement grave de son cocontractant à ses obligations contractuelles mais également que la gravité des manquements justifie une résolution unilatérale avec effet immédiat.

Or dans la lettre de rupture, Monsieur Thierry Godefroy prétend faussement qu'il n'a plus la possibilité de travailler depuis plusieurs mois alors que la progression de son chiffre d'affaires (+20% entre 2009 et 2010) dément ce grief et qu'au surplus, il ne justifie d'aucune obligation contractuelle mise à sa charge de lui fournir des coupons publicitaires " en nombre suffisant" ou des produits nouveaux permettant de renouveler son offre.

En tout état de cause, l'intimé ne fait pas la preuve que le manquement contractuel qu'il invoque rendait impossible la poursuite du contrat puisqu'il ne s'est jamais plaint de ses conditions d'exercice en 32 mois d'exécution.

En réalité la rupture du contrat est motivée par un autre motif, l'existence d'un autre engagement contractuel de type salarié ainsi que le démontre la production de son avis d'impôt pour l'année 2011.

Enfin la société appelante prétend que le juge est tenu par les manquements invoqués dans la lettre du 11 janvier 2011 et que Monsieur Thierry Godefroy est irrecevable à se prévaloir de motifs qui n'y sont pas ou à en invoquer d'autres.

Subsidiairement, la société Éditions Atlas soutient que Monsieur Godefroy ne peut se prévaloir du statut des agents commerciaux dès lors qu'il n'avait ni le pouvoir de négocier le contrat pour lequel il était mandaté ni le pouvoir de représenter la société alors que la preuve lui en incombe. Elle propose de requalifier le contrat en convention de courtage qui est librement révocable, sans motif ni indemnité.

Plus subsidiairement encore, elle demande d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Dax qui a alloué à tort une indemnité de préavis à Thierry Godefroy alors que la poursuite du contrat était possible pendant la durée du préavis de trois mois, ainsi qu'une indemnité de rupture alors qu'elle n'a pas manqué à ses obligations.

À défaut, elle demande de fixer l'indemnité de rupture du contrat au montant net des commissions perçues au titre des 24 mois précédant la résiliation du contrat et de dire que les dé-commissionnements qu'elle a repris sont parfaitement justifiés en l'état de la défaillance des clients et des actions de recouvrement qu'elle a entreprises.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 9 novembre 2017, Monsieur Thierry Godefroy demande la cour :

- de dire que le contrat qu'il le liait aux éditions Atlas est un contrat d'agent commercial

- à défaut si la cour devait requalifier le contrat, de dire que la société Éditions Atlas a commis une faute en le trompant délibérément sur la nature du contrat qui liait les parties et la condamner à lui payer des dommages et intérêts équivalents au montant des indemnités auxquelles il aurait pu prétendre du fait de son statut d'agent commercial

- de dire qu'au regard de l'ensemble des éléments fournis aux débats, la société Éditions Atlas a profondément modifié l'équilibre du contrat et a manqué à ses obligations contractuelles

- de dire que la rupture du contrat est imputable à la seule société Éditions Atlas et que les indemnités qu'il réclame sont justifiées

- en conséquence, de confirmer le jugement du tribunal de Dax en date du 27 février 2013 en ce qu'il a imputé la rupture du contrat à la société Éditions Atlas

- de l'infirmer sur le quantum et de lui allouer les sommes suivantes :

* à titre d'indemnité de préavis, la somme de 11 386,08 euros TTC

* à titre d'indemnité de cessation de contrat, la somme de 75 907,20 euros (non soumis à la TVA)

- de réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa réclamation au titre de la restitution des dé-commissionnements indûment pratiqués et de lui allouer 13 983,74 euros de ce chef

- de dire que l'ensemble de ces sommes porteront intérêts à compter du 11 janvier 2011 et subsidiairement, à compter de la date d'assignation

- de condamner la société Éditions Atlas à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

Il fait valoir en substance que même lorsque la résiliation intervient à l'initiative de l'agent commercial, ce dernier a droit à l'indemnisation prévue par la loi lorsqu'il est en mesure de démontrer que la cessation du contrat est justifiée par des circonstances imputables au mandant qui consistent en l'espèce à avoir modifié de façon unilatérale l'équilibre du contrat, tant en termes de volume et de nature des produits que de clientèle, à l'avoir empêché de pratiquer des prix concurrentiels et enfin, à n'avoir pas respecté ses obligations de loyauté et d'information.

Il soutient que la requalification du contrat se heurte à la force obligatoire de la convention liant les parties et que le contrat est bien un contrat d'agent commercial et a été exécuté comme tel dans les faits puisqu'il a agi en toute indépendance et disposait tant d'un pouvoir de représentation que de négociation au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce.

À défaut, il prétend que la société Éditions Atlas a engagé sa responsabilité en trompant volontairement son cocontractant sur la nature de leurs engagements et doit être condamnée à lui payer des indemnités équivalentes à celles qu'il aurait perçues en vertu du statut d'agent commercial.

Au titre des indemnités contractuelles, il demande à être remboursé des dé- commissionnements indûment prélevés par la société Éditions Atlas. Il réclame que soient pris en compte les bonus et primes d'animation versées pendant la période d'exécution du contrat, soit une base de calcul qui s'établit à une moyenne de 3 162,82 euros hors taxes par mois tant pour l'indemnité de cessation de contrat que pour l'indemnité de préavis.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Les parties étant en désaccord sur les circonstances ayant conduit Monsieur Thierry Godefroy à provoquer une résiliation unilatérale du contrat et les conséquences qui en résultent, il est nécessaire d'examiner la nature des conventions qui lient les parties et le régime applicable.

En effet les règles régissant la rupture des relations contractuelles ne peuvent être fondées sur l'application de principes généraux lorsqu'elles concernent un contrat expressément prévu et réglementé par des dispositions spéciales, en l'occurrence les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, sauf à établir que c'est faussement que les parties ont souscrit un contrat d'agence commerciale alors que tel n'était pas leur volonté.

Sur la qualification du contrat liant les parties :

La société Éditions Atlas a contesté pour la première fois devant la Cour d'appel de Pau la qualification du contrat intitulé " contrat d'agent commercial " conclu par les parties le 7 avril 2008.

Cette demande est recevable dès lors que les parties peuvent invoquer en cause d'appel, des moyens nouveaux pour justifier les prétentions qu'elles ont soumises aux premiers juges.

Monsieur Godefroy prétend que sauf à dénaturer le contrat, la convention conclue entre les parties qui prévoit expressément que la résiliation du contrat ouvre droit au profit de l'agent à une indemnité compensatrice du préjudice subi, sauf faute grave ou cas de force majeure, impose à la société Atlas de respecter les stipulations qu'elle a dûment acceptées.

Selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats au nom et pour le compte d'un mandant.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Dès lors que la qualification donnée par les parties dans le contrat signé le 7 avril 2008 est contestée, il appartient au juge de rechercher quelle était l'intention des parties et suivant quelles modalités l'intéressé a exercé ses fonctions.

Il incombe à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve. Il doit ainsi établir qu'il exerce une activité de négociation pour le compte et au nom de son mandant en toute indépendance c'est-à-dire qu'il choisit librement les modalités d'exécution de sa mission et qu'elle s'exerce à titre permanent et non à titre ponctuel ou occasionnel.

Le contrat litigieux est la reproduction du contrat-type d'agent commercial et les obligations mises à la charge des parties reprennent les principales dispositions de la loi du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leur mandant (désormais codifiée aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce).

L'article 1 stipule que le mandant accorde à l'agent qui l'accepte, le mandat de vendre à titre exclusif, en son nom et pour son compte, des ouvrages qu'elle édite et commercialise et que le présent mandat est régi par les dispositions générales de la loi du 25 juin 1991.

Les autres dispositions font également référence aux obligations légales de l'agent commercial puisqu'au terme de l'article 5-1, le mandataire s'engage à prendre des commandes pour le compte du mandant (à condition que lesdites commandes correspondent au prix de cession et au barème de remises du mandant ainsi qu'à ses conditions générales de distribution et de vente), à exécuter toutes les formalités nécessaires à la conclusion de la vente pour le compte du mandant et qu'à l'article 6. 2, il est indiqué qu'il jouit de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique, sous réserve de l'article 11 qui renvoie aux règles légales pour régler les différends relatifs à la convention.

Quant à l'article 9 relatif à la cessation du contrat, il reprend les dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce sur l'indemnité compensatrice prévue par le statut des agents commerciaux.

La société appelante qui est un professionnel du secteur de l'édition ayant un réseau de plus de 350 agents commerciaux, ne peut sérieusement prétendre avoir méconnu la portée de ses engagements lorsqu'elle a signé avec Monsieur Godefroy le 7 avril 2008 un contrat intitulé d'agent commercial.

Les débats ont de surcroît permis de vérifier que les conditions d'exercice du contrat litigieux par Monsieur Godefroy étaient conformes aux principes d'indépendance et de négociation sus-rappelés.

En effet il n'existait aucun lien de subordination entre les parties et Monsieur Godefroy organisait librement son activité, ce qui n'est pas contesté par la société Éditions Atlas.

Quant au pouvoir de négociation et éventuellement de conclure, il ne s'entend pas seulement comme étant le pouvoir d'adapter l'offre tarifaire du mandant en consentant par exemple des remises ou des rabais pour répondre à la demande, comme le soutient la société appelante puisque précisément le mandataire a mission de se conformer à la politique commerciale du mandant et ne peut y déroger.

Il y a pouvoir de négociation au sens de l'article L. 134-1 lorsque l'agent commercial prospecte des clients au nom et pour le compte du mandant, leur présente des produits de façon attractive et les conduit à signer des commandes et à conclure au final un acte de vente qui sera ultérieurement consenti par le mandant mais qui l'engage, ce qui implique que l'agent commercial dispose d'un pouvoir de représenter la société mandante.

L'examen du document intitulé " plan de vente Atlas " (pièce numéro 109) qui est un recueil des techniques de vente préconisées par les éditions Atlas permet de vérifier que Monsieur Thierry Godefroy disposait dans les faits d'une marge de négociation puisqu'il pouvait sélectionner les produits susceptibles de séduire ses prospects, choisir ses fourchettes de prix et adapter l'offre en fonction du budget du client.

Par ailleurs les tarifs proposés comportent un certain nombre de facultés commerciales offertes aux agents commerciaux dans le cadre des négociations qu'ils menaient telles que des remises de 3 % en cas de vente au comptant ou la gratuité des frais de port ou la dispense d'agios.

Dès lors il y a lieu de rejeter la demande de requalification du contrat, le contrat liant les parties étant bien un contrat d'agence commerciale.

Sur la rupture du contrat :

L'article L. 134-4 du Code de commerce stipule que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel et le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. La réparation n'est pas due en cas de faute grave de l'agent commercial ou lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.

Il en résulte que l'agent commercial est fondé à prendre l'initiative de mettre fin au contrat en invoquant des circonstances imputables à son cocontractant lorsque le mandant n'exécute pas ses obligations contractuelles ou ne met pas son partenaire en mesure d'exécuter normalement sa mission.

Il n'a pas à démontrer l'existence d'une faute grave comme prétendu à tort par la société appelante et il suffit qu'il établisse l'existence des faits ou de circonstances imputables qui rendent impossible le maintien du lien contractuel de façon objective.

Dans la lettre du 11 janvier 2011, Monsieur Godefroy a informé les éditions Atlas de son intention de rompre le contrat à effet immédiat " à la suite de nouveaux changements le mettant dans l'impossibilité de travailler depuis plusieurs mois ". Il rappelle que la décision d'annuler tout investissement entraînant un manque total de coupons dans le secteur des Landes et des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à travailler dans des départements éloignés pendant plusieurs mois et qu'il est dans l'obligation financière et professionnelle de rompre le contrat.

Contrairement à ce qui soutenu par la société Éditions Atlas, la lettre de rupture ne fige pas les griefs invoqués par le cocontractant qui peut toujours les expliciter ou les compléter dans le cadre de l'instance l'opposant au mandant.

Monsieur Thierry Godefroy reproche essentiellement à son cocontractant d'avoir modifié sa politique commerciale, ce qui a eu pour effet de rompre l'équilibre du contrat et d'avoir manqué à ses obligations de loyauté et d'information en sorte que son chiffre d'affaires a diminué de façon conséquente (passant de 3 177 € par mois en 2008 à 1 600 € par mois pour le dernier trimestre 2010) tandis que ses coûts augmentaient en sorte qu'il travaillait à perte (compte tenu de la charge d'un prêt professionnel de 1 000 € par mois).

Il explique sans être sérieusement démenti sur ce point qu'entre 2008 et la fin de l'année 2010, le nombre total de nouveaux produits mis à sa disposition a été réduit par l'éditeur de moitié, passant de 8 à 4 par an, la situation s'étant aggravée au cours du dernier semestre de l'année 2010 puisqu'il n'a été procédé qu'au lancement d'une seule et unique collection nouvelle.

Selon les attestations produites, l'essentiel du chiffre d'affaires de l'agent commercial est réalisé grâce à de nouvelles collections qui sont sans cesse mise sur le marché (attestations É, R, F) ayant un effet d'attraction sur la clientèle et la remise des coupons-réponse adressés par les prospects.

Or selon le document émanant de la société Éditions Atlas (pièce numéro 73), les collections mises en service ont régulièrement diminué à partir de fin 2007, passant à 8 en 2008 (soit une baisse de - 43 % par rapport à l'année précédente) puis à 3 en 2009 (- 63 %) et à nouveau à 4 en 2010 tandis que le nombre de tests commerciaux diminuaient tout aussi régulièrement.

Il en résulte que le volume des produits mis à la disposition de l'agent commercial a subi une baisse de moitié sur les trois années d'exercice.

De même il sera observé que la nature des produits a changé puisque le catalogue du réseau de vente à domicile réservé aux agents commerciaux qui était alimenté traditionnellement par la division "fascicule" et la division "courtage" d'Atlas, n'a plus reçu de nouveaux produits exclusifs et que les produits nouveaux issus de la division vente par correspondance (VPC) ou des partenaires extérieurs sont devenus progressivement des produits moins attractifs selon les attestations de MM. C. et Godefroy qui parlent de produits de recyclage.

Enfin il n'est pas contesté que le démarchage de la clientèle par l'agent commercial était essentiellement effectué à partir des coupons-réponse renvoyés par les clients intéressés qui étaient communiqués à l'issue de campagnes publicitaires, notamment à la télévision, campagnes qui ont diminué de manière drastique à partir de l'année 2008 à la suite d'une réorientation de la stratégie commerciale de la société (attestation de Monsieur C.).

En conséquence, selon les tableaux communiqués aux débats (pièce numéro 6) les éditions Atlas ont considérablement réduit l'envoi de coupons-réponse puisqu'ils sont passés de 649 en 2009 à 159 à la fin du deuxième semestre 2010 soit une baisse conséquente du potentiel de clientèle.

S'il est exact que la société des éditions Atlas ne s'était pas engagée contractuellement à fournir un nombre déterminé de coupons-réponse, pour autant elle ne pouvait ignorer que l'essentiel de l'activité de ses agents commerciaux était réalisé à partir desdits coupons et elle n'a proposé aucun autre produit de remplacement pour pallier leur diminution.

Il en résulte que le mandant a modifié profondément les conditions d'exercice du mandat au cours des années 2008 à 2010 en réduisant tant le volume des produits nouveaux et exclusifs dont la vente était confiée à l'agent que le nombre de coupons-réponse qui lui étaient adressés, ce qui a eu une incidence notable sur son chiffre d'affaires alors que dans le même temps ses charges financières augmentaient puisque le secteur géographique mis à sa disposition passait de 192 447 habitants à 467 373 habitants.

En ce qui concerne la politique de prix concurrentiels, Monsieur Godefroy prétend qu'il devait faire face à une double concurrence, une concurrence interne puisque les éditions Atlas proposaient directement sur leur site Internet, à des prix attractifs, la vente des collections confiées en parallèle aux agents commerciaux, et une concurrence externe par l'intermédiaire de sites Internet au sein desquelles des produits neufs identiques à ceux que les éditions Atlas mettaient à sa disposition, étaient mis en vente par des concurrents à des prix nettement inférieurs.

Ces faits sont établis par les pièces numéro 13 et 14 produites aux débats qui révèlent que les éditions Atlas proposaient de vendre une collection de DVD de la série " Charmed " au prix de 676,20 € alors que la même collection intégrale sur Amazon était vendue pour 158,22 euros.

Dès lors il y a lieu de constater que la société Éditions Atlas n'a pas satisfait à son obligation de prendre des mesures concrètes pour permettre à l'agent commercial de pratiquer des prix concurrentiels au regard de ceux pratiqués par la concurrence.

Enfin Monsieur Godefroy explique que la société Éditions Atlas a mis en œuvre un plan social qui a eu pour effet de supprimer les interlocuteurs directs et journaliers des agents commerciaux en décembre 2010 et supprimé le département " fascicule " qui concevait et imprimait des ouvrages qui constituaient jusqu'alors le cœur historique et économique de son activité, et ce sans concertation ni information préalable alors que ces mesures impactaient directement son chiffre d'affaires.

S'il ne peut être fait grief aux éditions Atlas d'avoir modifié leur politique commerciale et procédé à des retraits de publications pour s'adapter à la concurrence, il leur incombait par contre d'informer loyalement leur cocontractant des mesures prises dès lors qu'elles avaient pour effet d'affecter directement les ressources de l'agent.

Les lettres produites aux débats démontrent que Monsieur Thierrry Godefroy n'a cessé d'attirer l'attention sur sa situation sans qu'aucune mesure concrète n'ait été proposée à l'exception de mesures ponctuelles ne lui permettant pas de retrouver un niveau du chiffre d'affaires adapté.

L'ensemble de ces faits qui ont eu pour effet de rendre impossible la poursuite normale du mandat par l'agent constituent des circonstances imputables aux Editions Atlas, au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce, en sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Monsieur Godefroy était fondé à obtenir les indemnités compensatrices prévues par la loi.

Sur les indemnités de fin de contrat :

L'agent commercial a droit à une indemnité de préavis de trois mois et une indemnité compensatrice de fin de contrat qui est calculée, conformément aux usages, sur la moyenne des commissions brutes perçues pendant les trois dernières années multipliée par 24 mois.

En l'espèce le Tribunal de grande instance de Dax a alloué à Monsieur Thierry Godefroy les sommes suivantes :

- 8 088,03 euros hors taxes (9 673,28 euros TTC) pour l'indemnité de préavis de trois mois

- 64 704,24 euros non soumis à la TVA pour l'indemnité compensatrice.

Tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens de l'article L. 134-5 du Code de commerce.

La base de calcul de l'indemnité compensatrice est déterminée sans faire de distinction selon la nature des éléments de la rémunération de l'agent et doit tenir compte au cas d'espèce des bonus et des primes d'animation versées pendant la période de référence pour un total de 14 937,33 euros.

C'est en vain qu'il est soutenu que l'indemnité allouée devrait être calculée sur une base de 24 mois dès lors que le contrat s'est exécuté pendant une durée significative et que, du fait de la rupture du contrat, Monsieur Thierry Godefroy a perdu son investissement après avoir acquis, suivant contrat du 31 mai 2008, son mandat pour un prix de 95 000 €.

Le tableau récapitulatif des commissions versées par la société appelante (pièces numéros 5 et 35) n'est pas complet puisqu'il ne fait pas état des commissions hors taxes payées au titre de l'année 2008 pour plus de 25 000 €.

Compte tenu des justificatifs fournis aux débats par l'intimé en pièce 17, qui permettent de vérifier que Monsieur Thierry Godefroy a perçu, avant dé-commissionnement, une somme de 86 272,33 euros hors taxes pour la période de mai 2008 à décembre 2010 (soit pendant 32 mois) et de 14 937,33 euros au titre des bonus et primes d'animation, l'indemnité de rupture s'établit comme suit :

101 209,66 euros x 24 mois = 75 907,24 euros non soumis à la TVA.

32 mois

Par ailleurs Thierry Godefroy a droit à une indemnité de préavis de trois mois qui ne saurait être réduite dès lors qu'il est établi qu'il travaillait à perte depuis le mois d'octobre 2010 et qu'il ne pouvait plus exécuter le contrat.

Il lui sera alloué de ce chef la somme de 11 386,08 euros TTC calculée comme suit : 3 162,80 x 3 = 9 488,40 euros hors taxes outre la TVA.

Sur le remboursement des dé-commissionnements :

L'article 7 du contrat prévoit que "la partie des commissions payée d'avance sera reprise dès que l'analyse du compte d'un client fera paraître un retard de paiement qui sera considéré comme une absence de paiement définitive à partir de 60 jours de retard.

Si l'intervention du service contentieux de la société auprès des clients s'avère positive, l'agent sera recrédité de la commission, déduction faite des frais de recouvrement engagés ".

Monsieur Thierry Godefroy prétend que la société Éditions Atlas a procédé à des dé-commissionnements indus et qu'elle ne produit aucun justificatif permettant de vérifier le bien-fondé des reprises.

Cependant la société éditions Atlas a mis en place un site intranet permettant aux agents de consulter à tout moment l'état des dé-commissionnements devant être opérés et le résultat des actions de recouvrement entreprises.

Il est à noter que Monsieur Thierry Godefroy ne justifie d'aucune réclamation à cet égard alors que l'état des créances non recouvrables a été produit et certifié par les deux sociétés de recouvrement concernées.

Il en résulte que les opérations de dé-commissionnements ne peuvent être contestées ni en leur principe ni en leur montant, étant rappelé qu'aucune clause du contrat n'impose à la société mandante d'engager des actions judiciaires à l'encontre des clients défaillants mais seulement de faire intervenir un service de contentieux pour tenter un recouvrement de la créance impayée qui est considérée, en vertu des stipulations contractuelles, comme définitivement irrécouvrable à l'issue de 60 jours de retard.

En conséquence il y a lieu de débouter Monsieur Thierry Godefroy de sa réclamation de ce chef.

Sur les autres demandes :

Monsieur Thierry Godefroy demande de condamner la société Éditions Atlas aux intérêts de droit à compter de la date de la rupture ou à défaut, de la date de l'assignation en justice.

Conformément au droit commun, il y a lieu de condamner la société appelante aux intérêts de droit à compter de la mise en demeure formalisée par l'acte introductif d'instance.

En considération de motifs d'équité et compte tenu de la longueur de la procédure, il y a lieu d'allouer à l'intimé la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

La partie qui succombe doit supporter les entiers dépens de l'instance.

Par ces motifs, LA COUR statuant après en avoir délibéré, Vu l'arrêt de cassation de la chambre commerciale de la cour de cassation en date du 22 février 2017 qui a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 26 novembre 2014 par la Cour d'appel de Pau, Vu la déclaration de saisine du 16 mars 2017, Dit que le contrat conclu entre les parties le 7 avril 2008 est un contrat d'agent commercial au sens des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce et déboute la SARL Éditions Atlas de sa demande de requalification, Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Dax du 27 février 2013 en ce qu'il a dit que la rupture du contrat d'agent commercial est justifiée par des circonstances exclusivement imputables à la société Editions Atlas, L'infirme partiellement sur le montant des indemnités allouées, Condamne la société Éditions Atlas à payer à Monsieur Thierry Godefroy les sommes suivantes : - 11 386,08 euro TTC au titre de l'indemnité de préavis - 75 907,24 euros non soumis à la TVA au titre de l'indemnité compensatrice de fin de contrat, Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice, Dit n'y avoir lieu à remboursement au titre des dé-commissionnements, Confirme le jugement pour le surplus, Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples, Condamne la société Editions Atlas à payer à Monsieur Thierry Godefroy une indemnité de 6 000 € pour les frais exposés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel, Condamne la société Éditions Atlas aux entiers dépens de l'instance.