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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 mars 2018, n° 16-00634

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Blanc (ès qual.), Coupaul (SARL), Couturier (Epoux)

Défendeur :

Paul Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Régnier, Thréad, Zakharova-Renaud, Fisselier, Yver, Simon

T. com. Paris, du 18 nov. 2015

18 novembre 2015

Faits et procédure

La société Coupaul, société créée en 2006 par M. et Mme Couturier, avait pour objet l'exploitation de magasins de boulangerie.

La société Holder exploite le réseau de franchise de boulangeries portant l'enseigne Paul. La société Paul Services est une filiale de la société Holder.

La société Holder et la société Coupaul ont conclu deux contrats de franchise les 6 avril et 11 décembre 2006, portant respectivement :

- sur l'exploitation d'un fonds de commerce de boulangerie que la société Coupaul possédait à Poitiers,

- sur l'exploitation d'un fonds de commerce acheté par la société Coupaul à la société Holder d'un fonds de commerce sous l'enseigne La Viennoiserie, avec le transfert dudit fonds de commerce neuf mois plus tard dans un nouveau centre commercial Auchan à Poitiers et la transformation en franchise sous enseigne Paul.

Au mois d'octobre 2009, la société Coupaul a ouvert un nouveau point de vente en centre-ville de Poitiers, qu'elle a exploité sous l'enseigne " Le Nouveau Goût ".

Parallèlement, la société Coupaul a cessé de payer ses redevances de franchisé.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mars 2010, la société Paul Services a notifié à la société Coupaul la résiliation à effet immédiat et simultané des deux contrats de franchise.

Par acte du 7 avril 2010, la société Paul Services, a assigné la société Coupaul devant le Tribunal de commerce de Paris, afin de voir constater la résiliation des deux contrats de franchise à effet au 6 mars 2010 aux torts exclusifs de la société Coupaul et d'obtenir le paiement de la somme totale de 538 900,28 euros à titre d'indemnités.

Le 6 décembre 2010, la société Coupaul a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 10 octobre 2011, Me Blanc a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et Me Rousseau en qualité d'administrateur judiciaire.

Le 28 décembre 2011, suite à la mise en redressement judiciaire de la société Coupaul, la société Paul Services a assigné devant le Tribunal de commerce de Paris Me Blanc ès qualités de mandataire judiciaire et Me Rousseau ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Coupaul.

Par jugement du Tribunal de commerce de Poitiers du 6 juin 2012, la liquidation judiciaire de la société Coupaul a été prononcée, Me Frédéric Blanc a été désigné liquidateur judiciaire de la société Coupaul.

Me Blanc s'est porté intervenant volontaire en tant que mandataire de la société Coupaul puis, le 27 février 2014, en tant que liquidateur de la société Coupaul, dans le cadre de l'instance initiée par la société Paul Services.

Par conclusions du 25 mars 2014, M. et Mme Couturier se sont portés intervenants volontaires.

Par jugement du 18 novembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- joint les causes,

- dit sans objet l'assignation initiée à l'encontre de la selarl AJ Partenaires prise en la personne de Me Rousseau ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Coupaul,

- dit recevable les interventions volontaires de Me Blanc ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et de M. et Mme Couturier,

- débouté les défendeurs de leur demande de voir dire irrecevables les demandes de la société Paul Services à leur égard,

- dit recevables les demandes de la société Paul Services,

- dit que la résiliation des deux contrats de franchisé par la société Paul Services est régulièrement intervenue aux torts de la société Coupaul, le 6 mars 2010,

- débouté les défendeurs de toutes leurs demandes de dommages et intérêts, et des demandes de garantie d'engagements de caution de M. et Mme Couturier,

- condamné solidairement Me Blanc ès qualités et M. et Mme Couturier, à payer 6 000 euros à la société Paul Services au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- dit les parties mal fondées en leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent jugement et les en a déboutées,

- condamné solidairement Me Blanc ès qualités et M. et Mme Couturier aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 176,04 € dont 29,13 € de TVA.

Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, M. et Mme Couturier ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 18 décembre 2015.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 mai 2016, les procédures inscrites au rôle sous les numéros 16/00634 et 16/00674 ont été jointes dans le cadre de l'instance dont la cour est saisie.

La procédure devant la cour a été clôturée le 23 janvier 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 22 janvier 2018 par lesquelles Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, Mme et M. Couturier, appelants, invitent la cour, au visa des articles 1134, 1135, 1152, 1382 anciens du Code civil et du Code de déontologie européen de la franchise, à :

- infirmer le jugement du 18 novembre 2015 sauf en ce qu'il a dit recevable les interventions volontaires de Me Blanc, ès qualités, et de Monsieur et Madame Couturier,

- dire que la société Paul Services a rompu le 6 mars 2010 sans droit les deux contrats de franchise signés par la société Coupaul avec la société Holder, dont elle n'était pas titulaire ou dont sa substitution à la société Holder n'était pas opposable,

- dire que la société Paul Services n'a pas été loyale ni de bonne foi dans la mise en œuvre de la clause résolutoire des contrats,

- condamner en conséquence la société Paul Services à payer la somme de 741 160,86 euros de dommages et intérêts à Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Coupaul, subsidiairement,

- condamner la société Paul Services à payer à Me Blanc, ès qualités, la somme de 680 009 euros correspondant à une année de marge brute que la société Coupaul aurait dû réaliser jusqu'à la fin des contrats de franchise,

- condamner la société Paul Services à garantir M. et Mme Couturier en leur qualité de caution de la société Coupaul si leur engagement était recherché par les banques,

- condamner la société Paul Services à payer à M. et Mme Couturier la somme de 50 000 euros à chacun en réparation de leur préjudice moral et matériel,

- débouter la société Paul Services de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Paul Services au paiement d'une somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Me Blanc ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, ainsi que de M. et Mme Couturier,

- dire que les condamnations contre la société Paul Services porteront intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil à compter de la résiliation fautive des contrats, à savoir le 6 mars 2010,

- condamner la société Paul Services aux dépens de première instance et d'appel au profit de la SCP Régnier Béquet Moisan, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Ils expliquent notamment que :

- la société Paul Services n'avait aucun droit pour résilier à effet immédiat les deux contrats de franchise signés entre la société Coupaul et la société Holder,

- le contrat du 11 décembre 2006 n'a en tout état de cause pas pu être cédé à la société Paul Services par la société Holder puisque ce contrat n'a pas été listé en annexe du contrat de location-gérance du 1er décembre 2009 conclu entre ces deux sociétés,

- la société Paul Services n'a donc pas pu se substituer à la société Holder ni pour l'exécution, ni pour la résiliation du contrat de franchise du 11 décembre 2006,

- la société Paul Services, en sa qualité de locataire-gérant de la société Holder, n'était pas titulaire des deux contrats de franchise et n'a donc jamais eu la qualité de franchiseur à l'égard de la société Coupaul,

- la substitution du cocontractant de la société Coupaul ne lui était pas opposable, faute de consentement express de la société Coupaul à l'opération de cession,

- le courrier du 4 mars 2009 a eu pour seul effet de substituer la société Paul Services à la société Holder pour l'encaissement de divers paiements, la société Holder demeurant franchiseur de la société Coupaul,

- le formalisme requis par l'article 1690 du Code civil n'a pas été respecté, ce qui exclut que la substitution au profit de la société Paul Services soit opposable à la société Coupaul,

- le paiement par la société Coupaul des redevances à la société Paul Services ne signifie pas qu'elle a consenti au changement de franchiseur,

- faute de délégation, la société Holder restait tenue à son égard des obligations résultant des contrats de franchise et demeurait le franchiseur de la société Coupaul,

- la substitution du franchiseur entraînait l'obligation de communiquer un nouveau document d'information précontractuelle, tel que prévu à l'article L. 330-3 du code de commerce,

- les contrats conclus entre la société Coupaul et la société Holder ne contenaient pas l'accord anticipé au changement du franchiseur la libérant de toute formalité,

- l'ouverture d'un troisième magasin sous enseigne Le Nouveau Goût par la société Coupaul ne constitue pas une violation de la clause de non-concurrence stipulée aux contrats, en ce que le magasin n'opère ni sur le même marché géographique ni sur le même marché de produits,

- la société Coupaul n'a pas violé la clause de secret stipulée dans les contrats de franchise conclus avec la société Holder, le troisième magasin étant également exploité par la société Coupaul,

- les ventes extérieures n'ont jamais été prohibées par le franchiseur,

- en vendant ses propres produits à l'extérieur du magasin Paul, la société Coupaul n'a commis aucune infraction aux contrats,

- la société Coupaul n'a pas violé la clause de secret car elle n'a pas exploité le système Paul dans le troisième magasin, qui n'était qu'un point de vente de produits sans fabrication sur place,

- la société Paul Services a résilié de mauvaise foi et abusivement les contrats de franchise conclus avec la société Holder

- la mise en œuvre de la clause 12.1 aux termes de laquelle le franchiseur a pu résilier de plein droit, sans mise en demeure, les contrats de franchise,

- le franchiseur aurait dû faire application de l'article 12.2 qui imposait à la société Paul Services de la mettre en demeure,

- en violant les règles de dialogue énoncées par le Code de déontologie européen de la franchise, la société Paul Services a engagé sa responsabilité ;

Vu les conclusions du 12 janvier 2018 par lesquelles la société Paul Services, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134 alinéa 3 et 1382 du Code civil, de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 18 novembre 2015 en toutes ses dispositions,

- débouter Me Blanc, ès qualités de liquidateur de la société Coupaul, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter M. et Mme Couturier, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, y ajoutant,

- dire que l'appel interjeté par Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et M. et Mme Couturier est abusif, en conséquence,

- condamner solidairement Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et M. et Mme Couturier à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation de l'appel abusif,

- condamner solidairement Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et M. et Mme Couturier à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et M. et Mme Couturier aux entiers dépens d'appel ;

Elle fait notamment valoir que :

- le moyen tiré du défaut de qualité de la société Paul Services à résilier les contrats est soulevé tardivement par les appelantes,

- si le contrat du 11 décembre 2006 n'est pas listé en annexe, il ne s'agit que d'une erreur matérielle,

- les deux contrats lui ont été transférés par la société Holder, comme le mentionne le courrier du 4 mars 2009,

- le contrat de location-gérance a prévu expressément le transfert de l'ensemble des contrats de franchise, y compris celui du 11 décembre 2006,

- la société Paul Services a poursuivi l'exécution des deux contrats de franchise conclus avec la société Coupaul après leur transfert,

- les contrats de franchise des 6 et 11 décembre 2006 stipulaient expressément la faculté pour la société Holder de céder les contrats conclus avec la société Coupaul,

- le contrat de location-gérance conclu entre la société Holder et la société Paul Services a stipulé le transfert de tous les contrats de franchise au locataire-gérant, à savoir la société Paul Services,

- le courrier du 4 mars 2009 a informé la société Coupaul du changement de franchiseur,

- la société Coupaul, qui avait consenti par avance à la cession des contrats signés avec la société Holder, a en outre manifesté son consentement après la cession,

- l'ouverture de ce troisième magasin, sans son accord préalable, a constitué une violation flagrante de la clause de non-concurrence applicable pendant la durée des relations contractuelles et contenue dans les contrats des 6 avril et 11 décembre 2006, et une violation de la clause de secret, en ce que le troisième point de vente a été exploité sans qu'un contrat de franchise Paul soit conclu,

- elle n'a pas violé le Code de la déontologie européen de la franchise, la société Coupaul ayant commis une faute grave et intentionnelle, en violation manifeste du contrat de franchise ;

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la résiliation des deux contrats de franchise le 2 mars 2010 par la société Paul Services

Sur la qualité de la société Paul Services à résilier les contrats de franchise

Les appelants soutiennent que la société Paul Services, locataire-gérant du fonds de commerce Paul, n'avait pas qualité à résilier les deux contrats aux motifs que ces contrats ont été signés entre la société Coupaul et la société Holder, que le contrat du 11 décembre 2006 n'a pas été transféré à la société Paul Services, que la substitution n'est pas opposable à la société Coupaul, n'ayant pas donné son accord express et cette substitution ne lui ayant pas été notifiée, et qu'un nouveau DIP ne lui a pas été remis.

La société Paul Services soutient qu'elle avait la qualité de cocontractant franchiseur, en ce que les contrats de franchise prévoient la cession de ces contrats, que la société Holder lui a transféré les contrats de franchise litigieux par contrat prenant effet le 1er janvier 2009, qu'en cas de substitution de franchiseur, un nouveau DIP n'a pas à être remis au franchisé, et que le franchisé a accepté en amont le transfert des contrats.

Sur le transfert des contrats de franchise à la société Paul Services

Il n'est pas contesté par les parties que par contrat à effet au 1er janvier 2009, la société Holder a donné en location-gérance son fonds de commerce à la société Paul Services, constitué notamment des contrats de franchise et de licence souscrits par la société Holder, et que le contrat conclu le 6 avril 2006 avec la société Coupaul était visé explicitement en annexe du contrat de location-gérance.

S'agissant du contrat du 11 décembre 2006, il est constant qu'il n'est pas spécifiquement visé dans le contrat de cession de fonds de commerce entre les sociétés Holder et Paul Services, cette dernière expliquant que cet oubli constitue une erreur matérielle.

Il ressort des termes mêmes du contrat que l'ensemble des contrats de franchise signés par la société Holder sont concernés, celui-ci disposant que " tous contrats clients et de tous contrats fournisseurs conclus à ce jour " sont transmis. En outre, les contrats de franchise ont été exécutés sans distinction par la société Coupaul à l'égard de la société Paul Services. Par ailleurs, l'attestation du directeur administratif et financier de la société Holder, certifiée par le commissaire aux comptes de la société après avoir vérifié les comptes de la société, corrobore ces éléments de fait. En effet, le directeur administratif et financier de la société Holder atteste le 10 janvier 2018 que :

" Tous les contrats de franchise des magasins exploitant sous l'enseigne Paul au 1er janvier 2009 ont été transférés à la société Paul Services à cette même date. Ce transfert a été régularisé au sein du contrat de location-gérance signé entre les sociétés Holder SAS et Paul Services le 31 décembre 2008. L'erreur matérielle présente à l'annexe 3 de l'acte n'était pas connue. C'est donc tout à fait normalement que la société Paul Services a ensuite agi comme le franchiseur de la société Coupaul au titre des contrats signés les 6 avril 2006 et 11 décembre 2006. A ce titre, les sommes versées par la société Coupaul à la société Holder SAS au titre de la redevance de franchise étaient ensuite transmises sur le compte de la société Paul Services, cela dès le début de l'année 2009. D'ailleurs, la société Coupaul a continué à payer les factures qui concernent ses deux magasins, alors même que lesdites factures étaient établies par la société Paul Services. En conclusion, les flux financiers traduisaient, dès le début de l'année 2009, une relation " franchiseur-franchisé " entre la société Paul Services et la société Coupaul concernant l'exploitation des deux magasins de Poitiers situés 91, Avenue du 8 mai 1945 et Centre Commercial Auchan " La Sauraie ".

Dès lors, il apparaît que la société Holder entendait transmettre à la société Paul Services l'ensemble des contrats de franchise qu'elle avait conclus et qui étaient en cours au 1er janvier 2009, y compris ceux signés avec la société Coupaul, cette dernière ayant considéré la société Paul Services comme étant son interlocuteur quel que soit le contrat et la société Paul Services ayant géré les deux contrats de franchise indifféremment.

Ces éléments démontrent que la volonté des parties était de transmettre le contrat de franchise du 11 décembre 2006 de la société Holder à la société Paul Services.

Sur l'opposabilité du transfert

En l'espèce, les contrats des 6 avril et 11 décembre 2006 signés entre les sociétés Holder et Coupaul disposent à l'article 10.2 intitulé " caractère personnel du contrat de franchise " :

" Le contrat est conclu intuitu personae mais l'intuitu personae n'est pas réciproque et s'applique uniquement au franchisé. En conséquence, les modifications qui pourraient intervenir dans la personne du franchiseur, telles que par exemple, fusion, scission, absorption, apport partiel d'actif, cession, transfert à une filiale et tout autre accord juridique ou commercial avec un tiers seraient sans effet sur l'existence ou l'exécution du présent contrat ".

Le contrat à effet au 1er janvier 2009 signé entre les sociétés Holder et Paul Services dispose à l'article 2 notamment que le fonds de commerce donné en location-gérance comprend " le bénéfice et la charge de tous contrats clients et de tous contrats fournisseurs conclus à ce jour se rapportant au fonds de commerce qui seront transférés selon les modalités visées à l'article 3 ci-après " et à l'article 3.1.1 que " le locataire-gérant reprendra à sa charge les contrats clients en cours et non exécutés à la date d'effet, à ses risques et profits, et de telle manière que le bailleur ne puisse en aucun cas être directement ou indirectement inquiété à ce sujet ".

Par courrier du 4 mars 2009, que la société Coupaul ne conteste pas avoir reçu, la société Paul Services, informe cette dernière que " la société Holder SAS a donné en location-gérance à la société Paul Services SAS, société dont elle détient 99,99 % du capital, son fonds de commerce de franchiseur du Système Paul, avec effet au 1er janvier 2009. Par voie de conséquence, nous vous informons, par la présente, que la société Paul Services est subrogée dans tous les droits et obligations antérieurement contractés par la société Holder SAS avec votre société depuis le 1er janvier 2009. A titre pratique, nous vous prions de bien vouloir libeller désormais tous vos règlements au nom de Paul Services SAS (...) et nous retourner l'autorisation de prélèvement automatique que vous trouverez ci-joint dûment remplie et signée ".

Ce courrier de la société Paul Services donne à la société Coupaul l'ensemble des informations nécessaires sur sa subrogation dans tous les droits et obligations de la société Holder, s'agissant du fonds de commerce de franchiseur du système Paul et donc des contrats signés avec la société Holder. La société Coupaul ne peut donc utilement invoquer les dispositions de l'article 1690 du Code civil.

Par ailleurs, il est de principe que le contrat de franchise peut être vendu par le franchiseur sans avoir à être soumis à une acceptation par le franchisé, ce d'autant que le contrat prévoit que l'intuitu personae dudit contrat ne vaut que pour le franchisé. Les contrats clients, définis comme étant l'ensemble des contrats de franchise et de licence, faisant partie du contrat de location-gérance, la société Coupaul ne peut contester la qualité de la société Paul Services à reprendre le contrat de franchise ainsi qu'à résilier lesdits contrats. Dès lors, la société Paul Services n'avait pas à communiquer un nouveau DIP à la société Coupaul, les contrats de franchise " Paul " se poursuivant dans les conditions initialement définies. Ainsi, la société Coupaul a reçu les factures émises par la société Paul Services relatives aux redevances dues au titre des contrats, sans remettre en question sa qualité. En outre, le paiement à la société Holder des redevances sur la base des factures émises par la société Paul Services ne peut caractériser à lui seul l'absence de qualité de la société Paul Services à gérer les contrats de franchise.

Enfin, il convient de relever que la société Coupaul a accepté par avance dans les contrats de franchise la cession desdits contrats.

La société Paul Services avait donc qualité à résilier le contrat de franchise des 6 avril et 11 décembre 2006.

Sur les conditions de la résiliation

La société Paul Services soutient que la résiliation des deux contrats de franchise des 6 avril et 11 décembre 2006 signés par la société Coupaul est due d'une part, à des défauts de paiements répétés de cette dernière malgré des lettres de mise en demeure et d'autre part, à l'ouverture par la société Coupaul d'un magasin " Le Nouveau goût " violant les articles 6.3, 13, 14. Elle indique faire application de l'article 12 desdits contrats, s'agissant d'une résiliation de plein droit, sans mise en demeure, à effet immédiat. Elle indique que la société Coupaul ne lui a jamais demandé l'autorisation d'ouvrir le magasin " Le Nouveau goût " et que l'ouverture de ce point de vente constitue la violation de la clause de non-concurrence contractuelle, qui a vocation à protéger le résultat de ses investissements en évitant que son savoir-faire ne soit détourné. Elle explique que l'ouverture d'un établissement qui ne relève pas de son réseau caractérise la violation de ladite clause, s'agissant d'un établissement concurrent de ceux du franchiseur. Elle allègue également que l'obligation de revente exclusive est violée, en ce que les produits vendus dans le magasin " Le Nouveau goût " sont les mêmes que ceux des magasins sous enseigne Paul. De même, elle fait valoir que la clause de secret est aussi violée, en ce que les pains Paul constituent une partie cruciale du " système Paul ", que le magasin litigieux doit être qualifié d' " autre entreprise " de la société Coupaul, distincte de ses fonds de commerce, objets des contrats des 6 avril et 11 décembre 2006, et qui eux font l'objet de contrôles de sa part.

Elle relève enfin qu'elle a respecté la forme de la résiliation et conteste l'application des dispositions du Code de déontologie de la franchise.

La société Coupaul explique au contraire qu'elle a été contrainte d'ouvrir ce troisième magasin en raison de fautes imputables au franchiseur. Elle indique également que la clause de non-concurrence ne peut valablement être invoquée en ce que, le magasin litigieux lui appartenant, les produits vendus étant ceux des deux magasins Paul et le chiffre d'affaires réalisé étant déclaré à la société Paul Services, elle ne peut se faire concurrence à elle-même. Elle précise qu'elle n'a pas utilisé les signes distinctifs de l'enseigne Paul dans le troisième magasin. Elle conteste également avoir violé la clause de secret, au motif qu'elle n'a utilisé aucun élément du système Paul, ce d'autant que la vente extérieure fait partie du concept et de la pratique du franchiseur. Elle reproche à la société Paul Services d'avoir rompu brutalement les contrats de franchise de mauvaise foi.

Par courrier du 2 mars 2010, la société Paul Services a résilié à effet immédiat les contrats de franchise des 6 avril et 11 décembre 2006 la liant à la société Coupaul en invoquant les dispositions des articles 12 d'une part et 6.3, 13 et 14 desdits contrats d'autre part, lui reprochant l'ouverture d'un troisième magasin de boulangerie qui n'est pas sous enseigne Paul et sans lui avoir demandé l'autorisation, cette circonstance caractérisant la violation de la clause de non-concurrence et de la clause de secret.

L'article 12.1 des contrats stipule notamment :

" La résiliation interviendra de plein droit, sans mise en demeure, par simple lettre recommandée avec accusé de réception prise à l'initiative du Franchiseur : (...)

- Dans les cas prévus à l'article 10 (caractère personnel du contrat de franchise) ;

- En cas de non-respect d'une disposition de l'article 11 (Agrément-Préemption), 13 (Non-concurrence) ou 14 (Secret) ".

L'article 13-1 dispose que " Pendant la durée du présent contrat, le franchisé s'interdit (lui-même, son dirigeant de droit ou de fait et/ou son conjoint éventuel) de créer, participer ou s'intéresser directement ou indirectement, par lui-même ou par personne interposée à l'exploitation de tout point de vente concurrent de ceux du réseau du franchiseur, sauf accord préalable, exprès et écrit du franchiseur. (...) Cette interdiction est justifiée par le fait que le Franchiseur transmet au franchisé un savoir-faire substantiel, indispensable à la mise en œuvre du contrat qui appartient au franchiseur, pour la réalisation duquel d'importants investissements ont été consentis, qui n'était pas à la disposition du franchisé avant la signature du contrat et dont le Franchiseur ne souhaite pas qu'il soit utilisé pour le compte de concurrents ou par ceux-ci ".

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Coupaul a ouvert un troisième magasin sous enseigne " Le Nouveau goût ", en plus des deux magasins sous enseigne " Paul " à Poitiers, qu'elle n'a pas obtenu l'autorisation expresse de la société Paul Services et qu'elle commercialise dans ce magasin les produits fabriqués pour ses deux autres magasins " Paul ".

L'ouverture d'un magasin, point de vente au sens de la clause précitée, par l'appelante dans la ville de Poitiers constitue un acte de concurrence à l'encontre du réseau Paul, deux magasins Paul étant déjà exploités par la société Coupaul, et les produits Paul étant commercialisés sous une autre enseigne.

Cette commercialisation porte en effet atteinte au savoir-faire du réseau Paul, en ce que la vente de produits Paul sous une enseigne qui ne renvoie pas à l'enseigne Paul porte atteinte à l'image et à la spécificité du système, ce alors que les produits, les méthodes de préparation, les gammes de produits, des formules spécifiques et spécifications pour certains types de produits constituent une partie du savoir-faire, tel que décrit en page 3 des contrats de franchise.

En outre, si la société Coupaul a déclaré à la société Paul Services des ressources " extérieures ", cela ne justifie pas pour autant que la société Paul Services a été exactement informée de l'ouverture de ce point de vente, et a accepté cette situation.

Par ailleurs, la commercialisation par la société Paul Services de produits à d'autres enseignes comme certains gâteaux auprès des magasins Super U ou certains pains particuliers aux restaurants MC Donald, seules certaines ventes ponctuelles étant établies et reconnues en l'espèce, ne limite pas les effets de l'interdiction contractuelle posée à la société Coupaul, le franchiseur étant seul en mesure de définir la stratégie par laquelle il développe et commercialise ses produits.

Enfin, la société Coupaul ne démontre pas la situation financière difficile qu'elle invoque pour justifier l'ouverture d'un troisième magasin, ni que la société Paul Services aurait commis des fautes à son égard, alors que le changement de lieu d'exploitation qu'elle incrimine comme étant la cause de ses difficultés était convenu dès l'origine dans le contrat de franchise du 11 décembre 2006.

De même, la société Coupaul ne peut valablement invoquer la violation des dispositions du Code de déontologie de la franchise, auquel les contrats ne se réfèrent d'ailleurs pas et qui n'ont aucune force obligatoire. En tout état de cause, la société Coupaul ne demande pas la nullité de la clause de résiliation à effet immédiat et ne peut donc reprocher à la société Paul Service d'avoir résilié le contrat sans mise en demeure ni négociation préalable, ce d'autant que la violation de la clause de non-concurrence constitue une faute grave de la part d'un franchisé.

Dès lors, à défaut d'avoir obtenu un accord express du franchiseur, la société Coupaul a violé la clause susvisée.

Ainsi, aucune preuve d'un abus de droit ou de la mauvaise foi dans l'exercice du droit de résiliation à effet immédiat n'est établie par la société Coupaul à l'encontre de la société Paul Services, étant d'ailleurs relevé que les incidents de paiement, contrairement aux affirmations de la société Coupaul, ont été invoqués dès la lettre de résiliation du 2 mars 2010 par la société Paul Services.

Ce grief invoqué par la société Paul Services à l'encontre de la société Coupaul est donc constitué, tel que les articles 12 et 13 desdits contrats le stipulent.

Cette seule circonstance suffit à justifier la résiliation à effet immédiat par la société Paul Services : les dispositions de l'article 12 des contrats ont été remplies par cette dernière, celle-ci ayant envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception à la société Coupaul et au moins un des motifs invoqués pouvant entraîner la résiliation de plein droit sans mise en demeure, étant caractérisé.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres griefs invoqués, ceux-ci étant surabondants.

En conséquence, les demandes formulées par les appelants doivent être rejetées.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la société Paul Services pour appel abusif

La société Paul Services ne démontre pas que Me Blanc ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, M. et Mme Couturier ont fait dégénérer en abus leur droit de former un recours.

Elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et M. et Mme Couturier, parties perdantes, doivent être condamnés aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Paul

Services la somme supplémentaire de 15 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et M. et Mme Couturier.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement ; Y ajoutant, condamne Me Blanc, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coupaul, et M. et Mme Couturier, aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Paul Services la somme supplémentaire de 15 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; rejette toute autre demande.