Livv
Décisions

Cass. soc., 7 mars 2018, n° 16-25.240

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Total marketing services (SA)

Défendeur :

Sadoum

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Goasguen

Rapporteur :

Mme Ala

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret

Dijon, ch. soc., du 8 sept. 2016

8 septembre 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Total marketing services (ci-après la société Total) a, selon contrat du 16 octobre 2009, à effet au 1er décembre 2009, donné en location-gérance à la société Sadoum, dont le gérant était M. Sadoum, un fonds de commerce de station-service pour une durée de trois ans ; que par lettres des 23 mai et 3 septembre 2012, la société Total l'a informé qu'elle mettait un terme à la relation contractuelle à compter du 30 novembre 2012, date d'échéance du contrat ; que M. Sadoum a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur les premier, troisième, et cinquième moyens : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen : - Vu les articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail ; - Attendu que si le mandataire gérant remplissant les conditions prévues par le second texte peut se prévaloir de la convention collective applicable à la relation de travail, il ne peut, en l'absence de lien de subordination, être assimilé à un cadre salarié et ne peut en conséquence prétendre à la qualification conventionnelle correspondante ;

Attendu que pour dire que la convention collective des industries du pétrole, étendue est applicable à M. Sadoum, qu'il doit bénéficier du coefficient 230 et ordonner une mesure d'expertise concernant le calcul d'un rappel de salaire et d'indemnités de fin de contrat sur la base de la classification conventionnelle, l'arrêt retient que M. Sadoum, assurant personnellement l'exploitation de la station-service dans le cadre d'un contrat de location-gérance signé avec la société Total est bien fondé à demander le bénéfice des dispositions de la convention collective des industries du pétrole du 3 septembre 1985, étendue, à laquelle se trouve soumise la société, que même s'il n'avait que très épisodiquement des salariés sous ses ordres il était toutefois chargé de la gestion et de l'animation de la station-service, de la vente de carburant et de la commercialisation de produits annexes dans les conditions prévues par la société et selon ses directives, que s'il était chargé du respect de ces dernières et d'effectuer les commandes nécessaires il n'avait en fait aucune indépendance ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique entre les parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le quatrième moyen pris en sa première branche, qui est recevable : - Vu les articles L. 7321-1 et suivants du Code du travail, ensemble l'article L. 311-3 du Code de la sécurité sociale, l'article 3 de l'accord ARRCO du 8 décembre 1961 et l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ; - Attendu que pour dire bien fondée la demande de dommages-intérêts de M. Sadoum en raison de sa non-affiliation aux régimes de retraite complémentaire en vigueur au sein de l'entreprise Total et ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer l'étendue de son préjudice, l'arrêt retient que le fait que les gérants de succursale soient rattachés au régime général de la sécurité sociale doit normalement leur ouvrir droit à une affiliation à l'ARRCO et/ou à l'ARGIRC, que la société Total n'établit pas que cette affiliation à ces organismes n'aurait pas été possible ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que les gérants de succursales, qui bénéficient des dispositions du Code du travail visant les apprentis, ouvriers, employés, ne sont pas des salariés, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié, comme elle y était invitée, si le gérant remplissait les conditions d'affiliation aux régimes de retraite complémentaires AGIRC et ARRCO, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le quatrième moyen pris en sa seconde branche, qui est recevable : - Vu les articles L. 7321-1 et L. 5422-13 du Code du travail ; - Attendu que pour surseoir à statuer dans l'attente des conclusions expertales sur le préjudice subi éventuellement par M. Sadoum suite à son absence d'affiliation au régime de l'assurance chômage, l'arrêt retient que ce dernier n'est pas fondé à reprocher à la société Total un défaut d'immatriculation au régime d'assurance chômage dès lors qu'il n'a pas fait l'objet d'un licenciement, qu'il doit être débouté de sa demande d'immatriculation, que toutefois, il appartiendra à l'expert de déterminer si celui-ci a subi un préjudice consistant à n'avoir éventuellement, si sa situation le justifiait, pas bénéficié des indemnités chômage, et dans l'affirmative de donner des éléments pour le chiffrer ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. Sadoum avait été affilié au régime des travailleurs indépendants, ce dont il résultait qu'il ne pouvait invoquer l'existence d'un préjudice tenant à son absence d'affiliation au régime de l'assurance contre la perte d'emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement qu'il dit que la convention collective des industries du pétrole, étendue est applicable à M. Sadoum, qu'il doit bénéficier du coefficient 230, ordonne une mesure d'expertise concernant le calcul d'un rappel de salaire et d'indemnités de fin de contrat sur la base de la classification conventionnelle, dit bien fondée la demande de dommages et intérêts de M. Sadoum en raison de sa non affiliation aux régimes de retraite complémentaire en vigueur au sein de l'entreprise Total, ordonne une mesure d'expertise afin de déterminer l'étendue de son préjudice, ordonne un mesure d'expertise afin de déterminer le préjudice subi par le défaut d'affiliation au régime d'assurance chômage et sursoit à statuer dans l'attente des conclusions expertales sur les préjudices éventuellement subis par M. Sadoum suite à son absence d'affiliation au régime de l'assurance chômage, sur ses demandes indemnitaires et de rappel de salaires, l'arrêt rendu le 8 septembre 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon.