CA Versailles, 12e ch., 6 mars 2018, n° 17-00650
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Foncia Franchise (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leplat
Conseillers :
M. Ardisson, Mme Muller
Madame X et Monsieur Y, associés de la société Avenue immatriculée le 4 juillet 2007 pour une activité d'agence immobilière à Roanne, ont convenu le 29 juin 2007 d'un contrat de franchise pour l'offre de transaction et de location immobilière avec la société Foncia franchise (Foncia), pour une durée de quatre-vingt-quatre mois et moyennant le versement d'un droit d'entrée et de formation, d'une redevance de franchise dégressive de 6 % à 2 % selon le chiffre d'affaires et d'une redevance de communication de 2 % du chiffre d'affaires, la société Foncia élargissant la franchise de la société Avenue à la gestion immobilière à compter du 1er février 2009.
Le 11 juillet 2013, la société Foncia a informé la société Avenue et ses associés (les franchisés) qu'elle ne renouvellera pas le contrat après le terme du 28 juin 2014, leur proposant par ailleurs la signature d'un nouveau contrat de franchise limité à la transaction et à la location immobilière, assorti de la souscription à un contrat d'apporteur d'affaires pour la gestion immobilière.
Par lettre du 24 avril 2014, les franchisés ont décliné la nouvelle offre de la société Foncia, estimant qu'elle commettait un abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise et qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles d'assistance lors de l'ouverture de l'agence, de formation et d'assistance technique et commerciale, d'organisation du réseau, et réclamant, chacun, une indemnisation que la société Foncia a refusée, de sorte que, le 30 décembre 2014, les franchisés l'ont assignée devant le Tribunal de commerce de Nanterre en condamnation à payer, à la société Avenue, la somme de 696 898 euros, à Madame X, la somme de 252 000 euros et à Madame X et Monsieur Y outre une somme de 100 000 euros, réclamant en outre d'ordonner à la société Foncia l'interdiction d'implanter une franchise à Roanne et dans son agglomération pendant dix ans.
La société Foncia a conclu au débouté et réclamé que soit ordonnée aux requérants l'interdiction, sous astreinte, d'utiliser les signes distinctifs de son enseigne.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 8 décembre 2016 qui a :
- dit que la société Foncia n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise,
- dit que les demandes fondées sur des faits antérieurs au 30 décembre 2009 sont prescrites, donc irrecevables,
- débouté les franchisés de leurs demandes fondées sur le non-respect par la société Foncia de ses obligations contractuelles,
- débouté Madame X de se demande relative à l'absence de rémunération,
- débouté Madame X et Monsieur Y de leur demande au titre du préjudice moral,
- débouté les franchisés de leur demande d'interdire à la société Foncia d'implanter une franchise Foncia à Roanne ou dans l'agglomération Roannaise,
- débouté la société Foncia de ses demandes reconventionnelles,
- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,
- condamné les franchisés aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 24 janvier 2017 par Madame S. D., Monsieur Y et la société Avenue ;
Vu les conclusions transmises le RPVA le 9 août 2017 pour Madame X, Monsieur Y et la société Avenue, aux fins de voir, au visa des articles 1134, 1147, 1382 anciens du Code civil :
- dire que la société Foncia a commis un abus dans l'exercice de " droit de ne pas renouveler le contrat de franchise " de la société Avenue,
- dire que la société Foncia a manqué à ses obligations contractuelles d'assistance lors de l'ouverture de l'agence, de formation et d'assistance technique et commerciale, d'organisation du réseau,
- dire que le contrat d'apporteur d'affaires proposé aux appelants par la société Foncia constitue un mécanisme de rachat de clientèle constitutif d'un abus de droit au sens du droit fiscal,
- infirmer le jugement en ce qu'il rejette l'ensemble de leurs prétentions,
- condamner la société Foncia à payer :
à la société Avenue, la somme de 498 119,37 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour 24 avril 2014,
à Madame X, la somme de 252 000 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014,
à Monsieur Michel Y et Madame X, la somme de 100 000 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la société Foncia à payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Foncia aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître P. conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 5 octobre 2017 pour la société Foncia aux fins de voir, au visa des articles 1134, 1147, 1149, 1165 et 1382 du Code civil, 515 du Code de procédure civile :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté de la demande reconventionnelle de la société Foncia,
- condamner la société Avenue à payer à la société Foncia la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Foncia du fait de l'inexécution par la société Avenue de ses obligations au titre de l'article 23 du contrat de franchise,
- ordonner à la société Avenue de cesser d'utiliser pour les lettres de son enseigne une typographie similaire à la typographie " Times New Roman Bold Capitales " utilisée par la société Foncia, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter d'un délai de huit jours suivant la signification de la décision à intervenir,
- ordonner à la société Avenue de cesser d'utiliser toute couleur similaire à la couleur bleue " RAL5011 " pour son logo et ses enseignes sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter d'un délai de huit jours suivant la signification de la décision à intervenir,
- ordonner à la société Avenue de cesser d'utiliser des fenêtres de couleurs sur son logo, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter d'un délai de huit jours suivant la signification de la décision à intervenir,
- condamner solidairement la société Avenue, Madame X et Monsieur Y à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
1. Sur l'abus dans l'exercice du droit au non-renouvellement du contrat de franchise
Considérant que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a écarté le chef d'abus de la société Foncia dans le renouvellement du contrat, les franchisés font valoir les investissements et les efforts qu'ils ont réalisés depuis l'origine de leur activité, particulièrement pour les travaux d'aménagement du local conformément à la charte Foncia, dans la formation des équipes, la communication (édition de magazines, fabrication de produits dérivés, publi-reportage, la participation à des salons de l'immobilier et l'organisation d'animations) ainsi que dans les apports en comptes courant auxquels les associés ont procédé au moyen d'emprunts personnels pour pallier les difficultés de trésorerie ;
Que les résultats des franchisés ont été consacrés par leurs bons classements que la société Foncia a réalisés sur le réseau de ses agences ;
Qu'enfin, l'offre de nouveau contrat de franchise adossé au contrat d'apporteur d'affaires et suivant lequel les franchisés soutiennent que " Foncia Immobilias devait fournir des prestations de gestion locative aux clients de ses franchisés, moyennant une commission d'apport égale à 50 % d'une année d'honoraires HT (...) organisait purement et simplement un mécanisme de rachat de clientèle constitutif d'un abus de droit fiscal, et dont la société Avenue ne voulait être le complice " ;
Qu'ainsi, la décision de non-renouvellement du contrat a totalement désorganisé l'activité de la société Avenue dont le chiffre d'affaires a connu une baisse de 25 % en 2014 par rapport à 2013 et dont le personnel s'est trouvé démotivé, deux des salariés ayant démissionné ; que si la société Foncia ne les avait pas maintenus dans l'apparence trompeuse d'un renouvellement du contrat, les franchisés n'auraient pas consacré autant de temps et d'investissements dans la marque qui ont permis le développement de la notoriété locale de la société Foncia ;
Mais considérant qu'aucune de ces considérations générales n'est de nature à caractériser un déséquilibre significatif dans l'exécution des obligations réciproques des parties au contrat de franchise, de sorte qu'il ne peut se déduire la preuve de l'abus dans le droit du franchiseur de ne pas renouveler le contrat après le terme convenu entre les parties, ou dans la liberté de renouveler une offre à des conditions différentes, et dont l'appréciation fiscale est par ailleurs dépourvue de fondement, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement de ce chef.
2. Sur les manquements du franchiseur à ses obligations
Considérant que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes de remboursement des droits d'entrée et des redevances qu'ils ont versées à compter du 30 décembre 2009, les franchisés soutiennent que la société Foncia a manqué à son obligation de résultat de fournir les prestations de conseil, de formation, d'information et d'assistance permanente technique et commerciale qu'elle était engagée à fournir en application des articles 9.1, 9.3, 10 et 12 du contrat ;
Mais considérant que ces affirmations générales sont contredites par les pièces que la société Foncia a communiquées établissant la preuve de son assistance lors de l'ouverture de l'agence des franchisés, dans l'organisation de formations et de commissions de travail de 2009 à 2012, dans la fourniture d'une assistance sur l'information sur les biens ou sur le fonctionnement des agences, dans l'organisation d'une réunion annuelle du réseau ainsi que pour l'animation du réseau et enfin, dans la mise à disposition d'un logiciel dont les franchisés avaient choisi l'option jusqu'en 2011, et tandis d'autre part, que les franchisés n'établissent pas, et n'allèguent d'ailleurs pas, avoir dénoncé les carences de leur franchiseur dans les prestations qui lui incombaient pendant toute la durée d'exécution du contrat, il convient de confirmer le jugement aussi de ce chef.
3. Sur l'enlèvement des signes distinctifs de l'enseigne du franchiseur
Considérant que pour voir confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Foncia de sa demande en suppression des signes distinctifs de la signalétique de son agence, la société Avenue estime qu'aucune confusion n'est possible avec ceux de société Foncia ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 23 du contrat de franchise relatif aux effets de l'extinction du contrat, les franchisés sont engagés à ne plus " utiliser la marque, ni une quelconque marque pouvant l'évoquer, l'enseigne, les logos et plus généralement la signalétique Foncia sur aucun support virtuel ou matériel " ;
Et considérant qu'il est dûment établi par la société Foncia que la typographie des lettres utilisées sur l'enseigne en façade de l'agence Avenue est d'une police de caractère ressemblante, que ses façades et son logo empruntent les mêmes couleurs bleu et orange, et présentent un empilement de fenêtres stylisées en forme de carrés dont la combinaison entretient une confusion avec celle adoptée par la société Foncia, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement de ce chef, et d'ordonner à la société Avenue, selon les modalités décidées ci-dessous, la suppression de toute marque orange ainsi que l'empilement de fenêtres stylisées en forme de carrés, ce qui est de nature à faire cesser le risque de confusion ;
Qu'en revanche, la société Foncia sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée en cause d'appel et tirée du détournement des signes de son enseigne, alors qu'elle n'offre pas la preuve d'un préjudice, ne contredisant par ailleurs pas la société Avenue qui déplore une baisse de son chiffre d'affaires depuis qu'elle a quitté le réseau.
4. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que les franchisés succombent à l'action, en sorte que s'il est équitable de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ; qu'en cause d'appel, ils seront condamnés à acquitter la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par ces motifs, Contradictoirement, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle qui a débouté la société Foncia franchise de sa demande en suppression des signes distinctifs de l'enseigne du groupe Foncia ; Statuant à nouveau de ce chef, Ordonne à la société Avenue de supprimer la couleur orange ainsi que l'empilement de fenêtres stylisées en forme de carrés pour son logo, ses enseignes et sur les façades de l'agence, sous astreinte de 500 euros par jour passé le délai de un mois suivant la signification de l'arrêt ; Y ajoutant, Déboute la société Foncia franchise de sa demande de dommages et intérêts ; Condamne in solidum la société Avenue, Madame X et Monsieur Y à payer à la société Foncia franchise la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Les condamne aux dépens d'appel.