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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 8 mars 2018, n° 16-04620

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Extrusion et Recyclage Matières Plastiques (Sasu)

Défendeur :

CMG Srl (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Mes Aguiraud, Lingot, Sourbe, Bonsirven

CA Lyon n° 16-04620

8 mars 2018

Exposé du litige

La SASU Extrusion et Recyclage Matières Plastiques (ci-après nommée E&R), représentée par son gérant M. X et qui exerce une activité de négoce selon son immatriculation au RCS, est agent commercial dans le domaine de l'industrie de la transformation des matières plastiques.

La société de droit italien CMG est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de lignes d'extrusion de film plastique (fabrication de film plastique à partir de granulés).

E&R et CMG se sont rapprochées pour collaborer. C'est ainsi que, par e-mail du 23 janvier 2008, CMG a transmis à E&R son fichier de clients français détaillant leurs équipements afin que ce dernier les visite et lui trouve de nouveaux clients.

Un litige est survenu entre les parties à propos du pourcentage des commissions au profit de E&R, qui a constaté des difficultés dans leur paiement concernant des affaires de 2012 et 2013. Estimant en outre que CMG avait violé l'exclusivité qui lui avait été concédée pour la France, E&R a, par courrier du 12 mars 2014, rompu la relation d'agence commerciale avec effet immédiat au 15 mars 2014.

Par exploit du 16 décembre 2014, E&R a fait assigner CMG devant le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse qui, par jugement du 27 mai 2016, a :

- constaté que E&R exerce l'activité d'agent commercial et peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 134-1 et suivants du Code de commerce,

- jugé que E&R et CGM étaient liées par un contrat d'agence commerciale,

- déclaré recevable la demande de E&R,

- s'agissant de l'affaire Chrystal Plastic, jugé que le taux de commissionnement applicable sera de 5 %, condamné CMG à payer à E&R la somme de 16 107,36 € au titre du reliquat de commission non perçue sur la vente [conclue à hauteur de 1 088 000 euros] et celle de 1 950 € sur la vente du groupe froid,

- jugé que E&R n'apporte pas la preuve d'une exclusivité des ventes sur le territoire français, rejeté les demandes de paiement de E&R au titre des commissions de :

* 7 000 € pour l'affaire B.,

* 100 000 € pour l'affaire API,

* 8 400 € pour l'affaire R.,

- débouté E&R de sa demande de condamnation de CMG à communiquer ses pièces comptables sous astreinte,

- dit que E&R a résilié abusivement le contrat, rejeté la demande de E&R de condamnation de CMG à lui verser la somme de 343 119,46 € à titre d'indemnité compensatrice de rupture de contrat,

- jugé que E&R n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale, débouté CMG de sa demande de voir E&R condamnée à lui payer la somme de 100 000 € et de celle relative à la production des factures de commissions sous astreinte,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- laissé les frais irrépétibles à la charge respective des parties,

- et condamné CMG aux entiers dépens.

Appelante par acte du 14 juin 2016 et par ses dernières conclusions du 11 décembre 2017 fondées sur les articles L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-12 ainsi que R. 134-3 du Code de commerce, encore les articles 1986 et suivants du Code civil, et l'article L. 110-4 du Code de commerce, E&R demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement sur sa reconnaissance du statut d'agent commercial de droit français, créancier de CMG au titre d'arriérés de commissions impayées, ainsi que sur le débouté de CMG de toutes ses demandes reconventionnelles,

- de le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,

- condamner CMG à lui verser :

* la somme de 162 007,38 € en paiement des commissions dues sur les affaires Chrystal Plastic, B. et API,

* la somme de 8 400 € en paiement de la commission due sur l'affaire conclue le 15 novembre 2010 avec la société R.,

- prendre acte que CMG a reconnu devoir a minima la somme de 16 107,38 € dans l'affaire Chrystal Plastic, effectivement réglée le 5 août 2016,

- condamner CMG à lui verser la somme de 343 119,46 € à titre d'indemnité compensatrice de la rupture du contrat et 42 890 € pour défaut du respect de préavis,

- condamner CMG à lui verser la somme de 50 000 € (montant à parfaire) au titre des commissions impayées et réserver son droit de solliciter un montant de commission supérieur selon les documents comptables que CMG devra produire,

- enjoindre à CMG de communiquer les documents comptables certifiés par un expert-comptable indépendant ou commissaire aux comptes, se rapportant à toutes les opérations commerciales réalisées auprès de sa clientèle en France de janvier 2008 à décembre 2014, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,

- à titre subsidiaire, de faire droit à toutes ses prétentions sur le fondement du mandat,

- en tout état de cause,

- dire irrecevable la demande en dommages et intérêts de CMG,

- dire infondée la demande de CMG en renvoi préjudiciel en interprétation devant la CJUE,

- débouter CMG de toutes ses demandes,

- condamner celle-ci à lui verser la somme de 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- outre entiers dépens comprenant les frais de recouvrement forcé visés aux articles 8 et 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996.

Par ses dernières conclusions du 8 décembre 2017 fondée sur les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce et les articles 1,3 et 5 de la directive CE du 18/12/1986 sur le contrat d'agent commercial, la société de droit italien CMG SRL demande à la cour de :

- au principal,

- infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau, juger que E&R ne rapporte pas la preuve d'avoir négocié avec la clientèle, que celle-ci exerce une activité de négoce et possède ce faisant une clientèle propre, ne pouvant donc se prévaloir des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce dont ceux concernant l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la cessation et l'indemnité substitutive de préavis, qu'il n'est pas non plus un mandataire au sens de la définition de L. 134-1 du fait de sa clientèle propre, et de débouter E&R de toutes ses demandes d'indemnité de cessation de contrat d'agence commerciale,

- Si la cour n'était pas convaincue, décider d'un renvoi en interprétation en application de l'article 267 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne, de poser à la CJUE la question préjudicielle suivante : Le terme " négociation " figurant à l'article 3 -2.a) de la Directive du 18/12/1986 n° 86/653, doit-il être interprété comme visant les éléments essentiels de la vente tels que la détermination du prix ou ses modalités de paiement, le volume, la date de livraison et le transport ou si le fait de visiter les clients et faire la promotion des produits du commettant et de leur remettre les offres élaborées par ledit commettant suffit à considérer que l'intermédiaire a négocié au sens de l'article 3-2.a) de ladite Directive ",

Subsidiairement,

- constater que la rupture a été prononcée par E&R, que celle-ci ne rapporte pas la preuve de lui avoir procuré des avantages substantiels liés à son activité, qu'elle conserverait en rapport avec son activité antérieure apparaissant dans la liste de clients remise à E&R,

- juger en tout état de cause que les motifs avancés par E&R - et en particulier le non-paiement d'une commission de 10 % au lieu de 5 % habituellement ne constituent pas des circonstances qui lui seraient imputables par suite desquelles l'activité de E&R ne peut être raisonnablement exigée au sens de L. 134-13-2°,

- par confirmation du jugement de ce chef, débouter en conséquence E&R de ses demandes relative à la prétendue indemnité de cessation de contrat d'agence,

- par voie d'infirmation du jugement, juger encore que E&R reconnaissant être l'agent commercial des sociétés concurrentes de CMG, soit les sociétés K-Design et Kundig, E&R a violé son obligation de non-concurrence prévue à L. 134-3, que l'appelante a engagé sa responsabilité et qu'elle lui doit réparation par le versement d'une somme provisionnelle de 100 000 €, en condamnant E&R à produire l'ensemble de ses factures de commissions adressées auxdites sociétés Kundig et K-Design ainsi que les factures desdites sociétés aux clients français, sous astreinte de 250 € par jour de retard passés 8 jours après la signification de l'arrêt,

- très subsidiairement, si la cour entrait en condamnation, constater que la moyenne des commissions versées les 3 dernières années se chiffre à 48 048,02 €, de sorte que l'indemnité prétendument due ne peut dépasser deux années de moyenne, soit 96 096,05 € et non 410 336 € comme demandé dans l'assignation et 343 119,46 € comme demandé dans les conclusions d'appel,

- juger que la rupture ayant été prononcée par E&R, celle-ci ne peut prétendre à une indemnité substitutive de préavis, qui sera en tous cas réduite à de plus juste proportion pour être fixée au mieux à 16 483,09 €,

- plus subsidiairement, vu l'article L. 134-6 et l'attestation de M. Y, juger que E&R ne rapporte pas la preuve des prétendues ventes aux sociétés B. et API, ni qu'il ait été confié à E&R une exclusivité de territoire, et donc juger que E&R ne peut prétendre à aucune commission autre que celles relatives aux clients attribués dès l'origine (pièce 2) et qui lui ont été régulièrement versées :

sur l'affaire Chrystal Plastic, juger qu'un litige étant en cours à l'époque de la rupture, elle était bien fondée à différer le paiement des commissions jusqu'à la solution finale, et prendre acte du paiement du solde de la commission de 5 % sur cette opération soit 16 107,38 €,

sur la vente d'une filière à la société Polyex, concernant une pièce de rechange, qui d'habitude entre les parties ne donnait lieu à aucune commission, ladite pièce de rechange intéressant une installation livrée et facturée à la société de leasing Oséo de Polyex suivant sa facture n° 177 du 20/5/2010 et cette vente ayant été dûment commissionnée à E&R sur présentation de 2 factures (pièces 26 et 31),

la vente à R. Emballage a été dûment dénoncée à E&R et commissionnée (pièce 28),

- débouter en conséquence E&R de toutes ses demandes au titre de prétendues commissions impayées,

- encore très subsidiairement et sur le prétendu mandat d'intérêt commun,

- juger que E&R, en revenant sur son acceptation écrite d'une commission de 5 %, comme d'usage entre les parties, sur la vente Chrystal Plastic, favorisait son intérêt pécuniaire particulier à l'intérêt à la création et développement commun, que E&R ne rapporte pas la preuve d'une clientèle commune puisqu'elle nie en posséder une, que E&R n'accomplissait aucun acte juridique au nom et pour le compte de CMG et n'avait aucun pouvoir de représentation, et débouter E&R de toutes ses demandes à ce titre des commissions prétendument impayées,

- si la cour reconnaissait l'existence d'un mandat d'intérêt commun, réduire à de plus juste proportion l'indemnité de rupture et l'indemnité substitutive de préavis, et les fixer respectivement au maximum aux sommes suivantes de 56 422 € et 14 105 €,

- en tous les cas, condamner E&R à lui payer la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile avec distraction.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2017.

MOTIFS

A titre liminaire, il est noté que la compétence territoriale des juridictions saisies n'est pas discutée.

Sur l'application du statut d'agent commercial

L'article L. 134-1 du Code de commerce, qui est conforme à l'article 1er alinéa 2 de la directive communautaire n° 86-653 du 18 décembre 1986, définit l'agent commercial comme " un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. "

L'application du statut, non présumée, dépend des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée et la charge de sa preuve est imputée à celui qui le réclame.

En l'espèce, E&R revendique le statut d'agent commercial que CMG lui dénie au motif que E&R ne disposerait pas du pouvoir de négociation permanente pour son compte et qu'il détiendrait une clientèle propre lui conférant la qualité d'intermédiaire, exclusive de celle d'agent commercial.

Précisément, CMG se rapporte à un arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2017 (pourvoi 15-18.434) pour prétendre que la négociation s'entend de l'organisation des entretiens avec les acheteurs, la proposition d'implantation de produits, la visite dans les magasins, la formulation d'offres commerciales, la proposition de catalogues de produits, celle de délais de livraison ainsi que des volumes et des prix.

Elle affirme ensuite que si E&R a bien organisé des entretiens avec ses clients et proposé l'implantation des lignes de production fabriquées par elle (CMG), en revanche l'appelante (E&R) n'a jamais formulé d'offres commerciales qui n'auraient pas été rédigées précédemment par CMG, n'a jamais proposé de catalogues, n'a jamais proposé de délais de livraison, ni des volumes, ni des prix.

Ce moyen sera écarté, comme non fondé.

En effet, il n'est pas requis de l'agent commercial qu'il exerce une activité le conduisant à accomplir l'ensemble des actions détaillées par CMG, dès lors qu'il démontre que son activité effective exercée pour le compte de son mandant correspond à un pouvoir de négociation qui lui a été confié, étant précisé qu'il n'est pas exigé que des contrats soient réellement signés.

Au demeurant, le moyen invoqué par CMG est empreint de contradictions puisqu'elle dit expressément dans ses écritures que des catalogues ne pouvaient pas être proposés puisque toute sa production de haute technicité est nécessairement adaptée au client qui recevait parfois la visite du représentant légal de CMG accompagnant M. X, que les délais de livraison dépendaient de la ligne à fabriquer et donc nécessairement de sa seule appréciation et que les informations de volumes et de prix ne pouvaient qu'être déterminées par son fabricant après étude des besoins spécifiques du client et des modalités de la fabrication (temps de manœuvre, matières premières et composants etc...) et de la conduite des essais.

Par là-même, CMG rappelle que E&R était contrainte par ses instructions et directives, justifiées notamment par les échanges d'e-mails avec E&R sur la transmission de ses devis ou autres informations techniques, éléments établis par CMG à l'attention des clients ou prospects visités par E&R, ce qui confirme tout autant sa qualité de mandante que celle de mandataire confiée à E&R.

De plus, E&R démontre par la production aux débats de rapports d'activités, de confirmations de commandes et d'e-mails échangés avec CMG ou les prospects et clients, non seulement avoir visité la clientèle et les prospects de la mandante, mais aussi avoir exercé son pouvoir de négociation, qui s'analyse comme étant l'acte de négocier, à savoir selon le sens commun, la série d'entretiens, d'échanges de vues, de démarches [...] entrepris pour parvenir à un accord, même au plan financier et celui des modalités contractuelles, et ce, sans modification des instructions fournies par la mandante dès lors qu'il n'est pas distributeur.

Les diligences opérées par E&R pour le compte de CMG, qui ne démontre pas plus les avoir elle-même conduites de façon exclusive et indépendante des actes de la première, sont clairement détaillées dans les écritures de l'appelant pièces pertinentes à l'appui (p. 34 à 44, p.44 à 47), répondant aussi à la liberté d'organisation de la part de l'agent, exerçant bien sa profession en toute indépendance mais sans détenir une clientèle propre.

Cette absence de clientèle propre pour l'agent est au demeurant démontrée par l'émission des factures à l'attention des clients de CMG qui sont uniquement libellées à l'entête de celle-ci.

Enfin, est confirmée l'appréciation du premier juge quant à l'interprétation erronée des bilans de E&R faite par CMG, moyen également inopérant.

Par voie de conséquence, le renvoi préjudiciel en interprétation devant la CJUE s'agissant du terme "négociation" visé à la directive du 18 décembre 1986, requis par CMG, ne présente pas d'intérêt et, au fond, E&R est bien fondée à solliciter l'application du statut d'agent commercial.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

Il s'avère donc inutile d'examiner les moyens subsidiaires des parties à propos du mandat de droit commun.

E&R revendique alors le paiement des commissions résultant des ventes ainsi que, en conséquence de la rupture dont il a pris l'initiative, les indemnités en résultant.

Sur les commissions dans l'affaire Chrystal Plastic

S'agissant de ce client apporté par E&R, celle-ci sollicite un taux de commissionnement de 10 % du fait que les deux contrats ont été conclus sans remise et qu'il serait conforme aux usages pratiqués dans ce secteur d'activité visés par l'article L. 134-5 du Code de commerce d'appliquer un tel taux majoré.

Ce qui sera rejeté.

En effet, outre que E&R ne verse aucun élément probant sur le prétendu usage qui consisterait à fixer un taux de commissionnement de 10 % lorsque la vente est conclue sans remise, le texte sus-visé ne trouve application que dans le silence de la convention entre les parties.

Or, en dépit même de l'absence de conclusion d'un contrat écrit d'agent commercial entre les parties, il résulte des e-mails échangés entre elles les 6 et 14 avril 2009 que le taux admis est au moins de 3 % et qu'il est en général de 5 % " sauf cas exceptionnel ".

Les factures de commissions versées au débat établies par E&R mentionnent généralement un pourcentage de 5 %, et CMG admet dans ses écritures un commissionnement de 3 % à 6 % puisqu'une affaire a donné lieu à ce dernier pourcentage le 18/11/2010.

Une autre proportion ne peut pas résulter de la seule volonté d'une des parties.

Ainsi, E&R n'est pas fondée à solliciter un taux de commission proportionnel au taux de remise, et notamment à revendiquer un taux de 10 % dans l'affaire Chystal Plastic, certainement âprement négociée par l'agent, sans remise, pour un chiffre de commande de plus d'un million d'euros (1 000 088 euros). Certes, l'e-mail de CMG adressé à E&R le 6 avril 2009 indique " en ligne générale avec une commission du 5 % tu peux garantir une remise de 15 % ", ce qui ne signifie pas l'accord du mandant à un commissionnement du double de la commission usuelle (2 x 5 %) pour une affaire conclue par l'agent sans remise.

Egalement, le taux convenu entre E&R entre les sociétés étrangères qu'il représente, stipulé dans un contrat écrit d'agent commercial, ne suffit pas à fonder un taux applicable avec un autre mandant, en dépit de l'identité du secteur d'activité.

Le taux de commissionnement est en conséquence maintenu à 5 %, et la condamnation de CMG par le premier juge à payer à E&R les sommes suivantes est confirmée :

- 16 107,38 € au titre du reliquat de commission non perçue sur la vente de 1 000 088 euros (dont une base de commissionnement de 1 022 147,67 euros correspondant au matériel exclusion faite des prestations de montage), effectivement payée en cours de procédure d'appel le 4 août 2016,

- outre celle de 1 950 € sur la vente du groupe froid à hauteur de 39 000 euros non discutée par l'intimé.

Sur les ventes directes

S'agissant des clients B., API et R., E&R énonce que CMG a réalisé des ventes en direct, sur lesquelles elle serait fondée à réclamer un commissionnement chiffré respectivement à 7 000 euros, 100 000 euros et 8 400 euros, en l'absence même d'une intervention de sa part, mais en application de l'article L. 134-6 alinéa 2 du Code de commerce.

Ce texte, transposé de la directive précitée, qui n'évoque pas la notion d'exclusivité, dispose que " Lorsqu'il - l'agent - est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe ".

En l'espèce, l'e-mail du 23 janvier 2008 marquant le début des relations entre les parties a concédé à E&R, non pas un territoire, mais une liste de clients français de CMG, appelée à se développer, de sorte que toute vente à l'attention de l'un de ces clients, listé ou apporté par l'agent, vente conclue directement par le mandant sans même l'intervention de l'agent, induit un droit à commissionnement pour ce dernier.

Les clients B. et API (Auvergne Plastique Industrie) sont mentionnés sur la liste et E&R ne conteste pas que le client R. a été apporté par l'agent, de sorte que celui-ci est fondé sur le principe de sa demande.

Quant au chiffrage des commissions, dont le pourcentage ne peut, selon les motifs précédemment visés, être retenu à 10 % comme le requiert E&R, mais plutôt à celui de 5 %, E&R soutient que sa base de calcul est la suivante :

- pour le client B., un prix de 70 000 euros, correspondant effectivement à la vente d'une extrudeuse dont le projet est évoqué dans l'e-mail du 18 janvier 2011 adressé à CMG,

- pour le client API (Auvergne Plastique Industrie), un prix de 1 000 000 euros relatif à la vente de deux lignes d'extrusion, qui s'avère plutôt chiffré à 375 000 euros hors options suivant l'offre du 25 février 2013 communiquée par E&R,

- pour le client R., un prix de 84 000 euros, effectivement visé dans la pièce tirée de la comptabilité de CMG, correspondant à une vente du 15/11/2010.

CMG, en dépit d'une sommation de la part du conseil de E&R, s'est refusée à communiquer des éléments comptables pertinents pour vérifier les prix reçus de la part de ces trois clients, tandis que l'attestation de son commissaire aux comptes du 29 octobre 2015 n'est nullement probante s'agissant de la " société Auvergne Plastique "; en effet, à supposer même que ce dernier ait voulu évoquer la société API ce qui n'est pas démontré, sa conclusion de l'absence de vente de lignes d'extrusion pour un montant proche de 1 000 000 euros n'est tirée que de l'examen des frais de déplacement et séjour des personnes de CMG.

Ses dires évoquant un commissionnement effectif antérieurement versé à E&R sont en outre contredits par les pièces des dossiers justement commentées par E&R dans ses écritures, ce versement visant d'autres opérations.

Par voie de conséquence, suite à l'examen des pièces versées au dossier de la cour, et par infirmation du jugement, il est alloué à E&R les commissions de :

- 3 500 euros pour le client B. (70 000 x 5 %),

- 18 750 euros pour le client API (375 000 x 5 %),

- 4 200 euros pour le client R. (84 000 x 5 %).

S'agissant des clients Polyex et LFP, le premier inscrit sur la liste de clients concédés et le second dont CMG ne dément pas qu'il ait été apporté par E&R, celle-ci sollicite un paiement de commissionnement à hauteur d'une évaluation de 50 000 euros, à parfaire, ne pouvant pas estimer précisément les prix de ventes.

Pour le client Polyex, qui a mis en place " une nouvelle filière de 550 mm sur la machine " suivant un e-mail du 11 mars 2014 adressé par ce client à CMG, cette dernière tente de soutenir que la filière en question n'est qu'une pièce de rechange, n'ouvrant donc pas droit à commissionnement, puis, ce qui est contradictoire, que la commission a été payée.

E&R répond à juste titre que la pièce de rechange n'a jamais été exclue de son droit à commission, ce que la cour retient d'autant plus que la filière (qui a fait l'objet de paiements de commissions pour d'autres clients comme en justifie l'appelante) est un matériel, non une prestation, et encore que les paiements évoqués par CMG correspondent à d'autres opérations, ce dont elle justifie par ses explications et les pièces afférentes versées.

Pour le client LFP, en sus de l'argument de la pièce de rechange, déjà écarté, CMG ne fait qu'affirmer sans aucun élément à l'appui que l'accord avec l'agent ne concernait que les lignes d'extrusion, ce qui est écarté.

Par suite, le droit à commissionnement de E&R est acquis.

Quant à son évaluation, étant considéré qu'il est illusoire de condamner CMG à produire des documents comptables retraçant des opérations anciennes, dès lors que toute sommation antérieure est restée vaine, il convient, au regard du droit de communication de l'agent visé à l'article R. 134-3 du Code de commerce et de la limitation du pourcentage de commission aux 5 % précédemment discutés, de la fixer à 25 000 euros, définitivement, sans plus ample condamnation du mandant à communication d'éléments comptables.

Sur la rupture

La rupture ayant été décidée par E&R par courrier du 12 mars 2014, CMG entend se prévaloir de l'article L. 134-13 du Code de commerce pour soutenir que l'agent commercial n'a droit à aucune indemnité, dès lors que la cessation du contrat ne résulte pas de circonstances qui lui seraient imputables et qui auraient de plus le caractère de gravité empêchant même provisoirement la poursuite des relations.

Le courrier de rupture, contrairement à ce que fait valoir CMG, vise non seulement le litige relatif à la commission dans l'affaire du client Chrystal Plastic, mais aussi la vente directe d'extrudeuse au client B. en 2010, ainsi qu'une modification unilatérale de la part de CMG des conditions d'exécution du mandat d'agent commercial dans le cas d'une affaire Colly & Martin.

L'affaire Collly & Martin ne fait pas l'objet d'explications dans les écritures de l'appelante.

L'affaire Chrystal Plastic a déjà été évoquée pour constater la condamnation de CMG au paiement d'un solde dû de commission.

Les parties s'accordent à dater à novembre 2013 le paiement de la part de ce client auprès de CMG, de sorte que, en application de l'article L. 134-9 alinéa 2 du Code de commerce, la commission était exigible par E&R au plus tard le 31 janvier 2014.

Dès lors que E&R a accepté le virement partiel à hauteur de 35 000 euros à la date antérieure du 23 décembre 2013, même sous la qualification d'acompte sur facture, seul le défaut de paiement du solde de 16 107,38 euros est constitutif d'un manquement contractuel imputable au mandant, et cette somme n'a été payée qu'en cours de procédure d'appel après la condamnation prononcée par le premier juge, à la date du 4 août 2016, soit avec un retard de plus de deux années.

CMG ne peut pas justifier ce retard par la fausseté du pourcentage sollicité par E&R, puisqu'il lui appartenait a minima de payer la commission en appliquant le pourcentage usuel de 5 %, ni par des prétextes fallacieux tenant à la nature du matériel vendu, aux difficultés d'installation de la ligne et aux prétendus défauts de paiement de la part du client, tous griefs inexacts et inopposables à l'agent.

Le défaut de paiement ainsi constitué suffit à imputer la rupture aux torts du mandant, contrairement à l'appréciation du premier juge.

S'y ajoutent l'aveu de CMG dans un e-mail du 13 mars 2014 d'avoir procédé à des ventes directes, ce dont E&R a ensuite justifié dans le cadre de la présente procédure qui retient à ce titre la certitude de cinq clients pour lesquels CMG a exclu E&R de toute commission, ainsi que la transmission de fausses informations par l'intimé s'agissant des affaires négociées et conclues par l'agent, et le défaut de communication des documents comptables pourtant exigés par la loi.

Alors encore que le moyen opposé par CMG relatif à la notion d'avantages substantiels tirée de la directive (article 17 alinéa 3 §3) non reprise dans la transposition dans le Code du commerce est jugé inopérant, il est conclu que E&R s'est trouvée dans une situation juridique qui l'a contrainte à dénoncer la convention.

La rupture est ainsi imputée aux torts de CMG, qui doit en supporter les effets juridiques tels que visés à l'article L. 134-12 du Code de commerce.

L'indemnité de cessation de contrat a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent commercial, ce qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties.

Sur les effets de la rupture

S'agissant de l'indemnité compensatrice, il est constant qu'elle correspond à deux années de commissions.

CMG, qui produit un extrait comptable, calcule faussement cette indemnité (96 096,05 euros), en prenant en compte le double de la moyenne annuelle calculée sur les trois années 2011 (année où les commissions sont faibles), 2012 et 2013, ce qui occulte au contraire les paiements - importants - de commissions versées début 2014.

Pour sa part, E&R sollicite le paiement de la somme de 343 119,46 euros, correspondant à l'addition de sa facturation globale d'avril 2012 à mars 2014 qu'elle chiffre à 182 219,46 euros et des commissions dont il a été privé et dont il réclamait paiement dans le cadre de cette procédure à savoir les sommes de 3 900 euros, 7 000 euros,100 000 euros et 50 000 euros.

Par confrontation entre les pièces communiquées, le chiffre des commissions effectivement perçues par E&R s'établit de mars 2012 à mars 2014 à 166 112,08 euros [56 679,70 euros au titre de 2012 + 8 500 euros et 65 932,38 euros au titre de 2013 + 35 000 euros au titre de 2014].

S'y ajoute le chiffre des commissions dont elle a été évincée, à retenir suivant les rectifications opérées par l'arrêt, qui les globalise à 51 450 euros [3 500 euros client B.,18 750 euros client API, 4 200 euros client R. et 25 000 euros clients Polyex et LFP ensemble].

Le total des commissions perçues ou qu'aurait dû percevoir E&R s'élève ainsi à 217 562,08 euros (166 112,08 euros + 51 450 euros), représentative de l'indemnité compensatrice.

S'agissant de l'indemnité de préavis, qui doit se chiffrer à trois mois de commissions en application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, E&R la chiffre à 42 890 euros.

Calculée usuellement sur la base d'une moyenne tirée des trois dernières années, donc en l'espèce de mars 2011 à mars 2014, elle se chiffre au vu des pièces communiquées à la somme de 20 677,92 euros (248 135,08 euros / 36 x 3).

CMG est condamnée à ces paiements, avec intérêts moratoires au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt s'agissant d'une créance indemnitaire.

Sur l'obligation de non-concurrence

CMG prétend que E&R a manqué à son obligation de loyauté en représentant des sociétés directement concurrentes, à savoir les sociétés K design et Kunding, et qu'elle en a subi un manque à gagner, qui l'autoriserait à le voir condamner à lui payer des dommages-intérêts, fixés à 100 000 euros ainsi qu'à produire des éléments comptables.

Ce moyen manque de sérieux et sera écarté, en confirmation des motifs et de la décision du premier juge, puisque E&R démontre que CMG connaissait les mandants de E&R dès 2008, et que ce sont précisément les relations antérieurement entretenues par l'agent avec ces sociétés étrangères, fabricantes de produits complémentaires et non pas concurrents de CMG, qui a conduit celle-ci à conclure avec E&R une convention d'agence commerciale.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Les dépens, exclusion faite des frais de recouvrement forcé évoqués par l'appelante (visés aux articles 8 et 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996) qui ne sont pas justifiés et prématurés, sont imputés à l'entière charge de CMG, qui supporte en outre celle d'une indemnité de procédure au profit de l'appelante.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : - retenu au profit de E&R le statut d'agent commercial, - jugé que le taux de commissionnement est de 5 %, - condamné CMG à payer à E&R pour le client Chrystal Plastic la somme de 16 107 36 € au titre du reliquat de commission non perçue sur la vente [conclue à hauteur de 1 088 000 euros] et celle de 1 950 € sur la vente du groupe froid, en ajoutant que cette somme a été versée en cours de procédure d'appel le 4 août 2016, - débouté E&R de sa demande de condamnation de CMG à communiquer ses pièces comptables sous astreinte, - jugé que E&R n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale et débouté CMG de sa demande de dommages-intérêts (100 000 €) ainsi que de celle relative à la production des factures de commissions sous astreinte, L'infirme sur le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne CMG au titre des ventes directes effectuées sans respect des droits d'agent commercial de E&R, les commissions suivantes : - 3 500 euros (client B.), - 18 750 euros (API), - 4 200 euros (R.), - 25 000 euros pour les clients Polyex et LFP ensemble, Juge que la résiliation du contrat d'agent commercial initiée par E&R avec effet au 15 mars 2014 est imputée aux torts de CMG, Condamne CMG à verser à E&R : - au titre de l'indemnité compensatrice, une somme de 217 562,08 euros, - au titre de l'indemnité de préavis, une somme de 20 677,92 euros, Déboute CMG de sa demande de renvoi préjudiciel en interprétation devant la CJUE, Condamne CMG à verser à E&R une indemnité de procédure de 15 000 euros, Dit que les dépens de première instance et d'appel, hors frais de recouvrement forcé visés aux articles 8 et 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996, sont à la charge de CMG.