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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 6 mars 2018, n° 17-12043

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

North & South (Sté)

Défendeur :

Bukowski Design AB (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guihal

Conseillers :

Mme Salvary, M. Lecaroz

Avocats :

Mes Etevenard, Duverne Hanachowicz, Dalrot Cabouillet

T. com. Paris, du 31 mai 2017

31 mai 2017

La société Bukowski Design AB (ci-après Bukowski), de droit suédois, fabrique des animaux en peluche qu'elle exporte dans le monde entier via soit des ventes directes par internet, soit des salons professionnels, soit un réseau d'agents commerciaux.

Bukowski souhaitant développer ses ventes en Italie a, le 7 mars 2012, proposé à la SAS North et South (ci-après N-S), dont le siège social est en France à La Garnasse (43), d'être son agent commercial. Aucun contrat n'a été signé mais il ressort des échanges entre les parties que Bukowski a consenti à N-S une exclusivité pour l'Italie. A partir de cette date, Bukowski a admis verser à N-S une commission de 20 % des commandes, après paiement par le client.

Des différends sont nés entre les parties et Bukowski a rompu la relation d'agent commercial de N-S le 21 octobre 2016.

Par acte du 2 décembre 2016, N-S a assigné la société Bukowski devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamner celle-ci à lui verser diverses sommes, notamment au titre de commissions partiellement impayées.

Bukowski a soulevé, à titre principal, l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 31 mai 2017, ce tribunal a dit recevable l'exception d'incompétence, l'a dite bien fondée au profit de la juridiction italienne, a renvoyé N-S à mieux se pourvoir, condamné N-S aux dépens et à payer à Bukowski la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a estimé, au vu du règlement UE 1215/2012 et de l'arrêt Wood Floor du 11 mai 2010 de la CJUE, que N-S avait exercé de manière effective ses obligations en tant qu'agent simultanément en Ile-de-France, en Italie et dans un canton suisse, pour une part marginale dans ce dernier pays, que divers éléments faisaient ressortir que l'activité de N-S, pour le compte de Bukowski avait été six fois plus importante en Italie qu'en Ile-de-France et que le lieu de fourniture effective des services de N-S avait donc été, à titre principal, l'Italie.

La société N-S a formé contredit à l'encontre de cette décision. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de dire le tribunal de commerce compétent pour connaître du litige. Elle fait valoir que dans la mesure où elle réalisait des prestations tant en Ile-de-France qu'en Italie et en Suisse, elle disposait d'une option de compétence lui permettant de saisir le Tribunal de commerce de Paris. Elle oppose que le cas d'espèce est différent du cas Wood Floor dans lequel aucune limitation géographique n'était fixée et donc aucun lieu de prestation effective ne pouvait être déterminé. Elle soutient que le lieu d'exécution principale des prestations doit s'entendre comme le lieu d'exécution effective des prestations, peu important le volume du chiffre d'affaires.

Bukowski conclut au débouté des demandes. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay. En tout état de cause, elle demande la condamnation de N-S aux dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

Considérant qu'aux termes de l'article 4.1 du règlement (UE) n° 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable en l'espèce : " Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre " ;

Que l'article 7 du règlement dispose :

Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre :

1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ;

- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

(...) ;

Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 11 mars 2010 (aff C-19/09 Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH) a dit pour droit que l'article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000 devait être interprété en ce sens :

- que cette disposition est applicable en cas de fourniture de services dans plusieurs Etats membres,

- que, dans cette hypothèse, le tribunal compétent pour connaître de toutes les demandes fondées sur le contrat était celui dans le ressort duquel se trouvait le lieu de la fourniture principale des services,

- que pour un contrat d'agence commerciale, ce lieu est celui de la fourniture principale des services de l'agent, tel qu'il découle des dispositions du contrat ainsi que, à défaut de telles dispositions, de l'exécution effective de ce contrat, et en cas d'impossibilité de le déterminer sur cette base, celui où l'agent est domicilié ;

Considérant que cette interprétation vaut pour l'article 7 du règlement (UE) n° 1215/2012 précité ;

Considérant que N-S soutient qu'il y a lieu de rechercher les lieux de fourniture principale des services, ces lieux s'entendant comme les lieux de fourniture effective ; qu'en présence, comme en l'espèce, de trois lieux effectifs d'exécution des prestations de services, à savoir l'Italie, la Suisse et l'Ile-de-France, elle pouvait donc choisir d'agir devant le tribunal de l'un quelconque de ces Etats ;

Mais considérant, que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a dit que les notions de " lieu de fourniture principale " et " lieu de fourniture effective " ne se confondaient pas ; que c'est donc à juste titre, dès lors que N-S avait exercé de manière effective ses obligations en tant qu'agent commercial simultanément en Italie, en Ile-de-France et, de manière marginale, dans un canton suisse, et que l'absence de contrat ne permettait pas de déduire de ses dispositions le lieu d'exécution principale, que le tribunal a recherché, dans les faits de l'espèce, le lieu où l'activité avait été effectivement accomplie de manière prépondérante; qu'il a pu ainsi justement retenir, en comparant le chiffre d'affaires réalisé en Italie et en France au cours de ces dernières années, le nombre de sous-agents déployés sur le terrain, et le nombre de clients dans ces deux pays que le lieu de fourniture effective des services de N-S avait été, à titre principal, l'Italie ; qu'il apparaît en outre que c'est en Italie que N-S, dont l'activité en France s'est limitée à l'Ile-de-France, a bénéficié de la couverture territoriale la plus importante, et d'une exclusivité consentie par Bukowski ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement ayant déclaré le Tribunal de commerce de Paris incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

Sur les dépens et la demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la SAS North-South, qui succombe, supportera la charge des dépens et sera condamnée à payer à la société Bukowski Design AB la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Condamne la société North-South à payer à la société Bukowski Design AB la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société North-South aux dépens.