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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 1 mars 2018, n° 16-19570

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Clair Azur (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poinseaux

Conseillers :

Mmes Hecq-Cauquil, Chesnot

TGI Meaux, du 30 juin 2016

30 juin 2016

Vu l'appel interjeté le 29 septembre 2016, par Mme X d'un jugement en date du 30 juin 2016, par lequel le Tribunal de grande instance de Meaux a, disant n'y avoir lieu à exécution provisoire, principalement :

- Dit que la vente intervenue entre Mme X et la SAS Clair Azur le 11 mai 2014 est parfaite,

- condamné Mme X à régler à la société Clair Azur le solde de la commande passée, soit 24 500 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2014,

- donné acte à la société Clair Azur de ce qu'elle offre, dans les 45 jours du règlement total des sommes dues, de procéder à la livraison et à l'installation du matériel objet de la vente du 11 mai 2014,

- débouté la société Clair Azur de sa demande de dommages et intérêts à l'égard de Mme X,

- débouté Mme X de ses demandes,

- condamné Mme X à payer à la SAS Clair Azur la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Mme X aux dépens de l'instance ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 7 mars 2017 aux termes desquelles Mme X demande à la cour, au visa des articles 1134, 1157 et 1162 du Code civil, L. 111-1, L. 122-11, L. 122-11-1, L. 122-15, L. 121-20 et L. 132-2 du Code de la consommation, de :

A titre principal,

- Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Meaux du 30 juin 2016 sauf en ce qu'il a débouté la société Clair Azur de sa demande de dommages et intérêts,

- débouter la société Clair Azur de l'ensemble de ses demandes,

- prononcer l'annulation du bon de commande conclu entre la société Clair Azur et Mme X,

- condamner la société Clair Azur à payer à Mme X la somme de 500 euros à titre de remboursement de l'acompte versé,

A titre subsidiaire,

- prononcer l'annulation du bon de commande conclu entre la société Clair Azur et Mme X,

A titre très subsidiaire,

- prononcer la résolution du contrat de vente conclu entre la société Clair Azur et Mme X,

- condamner la société Clair Azur à payer à Mme X la somme de 500 euros à titre de remboursement de l'acompte versé,

En tout état de cause,

- condamner la société Clair Azur à payer la somme 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 18 janvier 2017, par la SAS Clair Azur tendant à voir pour l'essentiel, au visa des articles 1134, 1144, 1146, 1147, 1153, 1184, 1315 et 1590 du Code civil, L. 111-1, L. 131-11, L. 114-1, L. 122-11 et L.122-15 du Code de la consommation :

- Confirmer le jugement rendu le 30 juin 2016 par le Tribunal de grande instance de Meaux,

- débouter Mme X de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme X à lui régler la somme de 24 500 euros au titre du solde de la commande passée,

- donner acte à la société Clair Azur de ce qu'elle offre dans les 45 jours du règlement total des sommes dues de procéder à la livraison et à l'installation du matériel objet de la commande ferme et définitive du 11 mai 2014 entre les parties,

Y ajoutant,

- condamner Mme X à lui régler la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et atteinte à l'image de marque de la société Clair Azur,

- condamner Mme X à lui régler la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur ce, LA COUR :

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; il convient de rappeler que :

* Le 11 mai 2014, à la Foire de Paris, Mme X a signé, sur le stand de la société Clair Azur, qui commercialise en France différents produits dont des spas, un bon de commande, portant sur un spa modèle H 700, série Ovation, habillage cèdre, pour un montant HT de 20 833 euros (25 000 euros TTC) mentionnant une livraison avant le 25 mai 2014 ; à cette occasion, Mme X a remis à la société Clair Azur un chèque de 500 euros ;

* le 13 mai 2014, la société Clair Azur a fait parvenir à Mme X un courrier et un courriel comportant le descriptif de la commande et la notice de préparation à l'installation du spa ;

* le 24 mai 2014, par courriel, Mme X a informé le directeur commercial de la société Clair Azur d'événements familiaux justifiant son souhait de reporter cet achat ;

* la société Clair Azur par courrier du 9 juin 2014, a indiqué à Mme X que l'annulation de la commande était impossible ;

* d'autres échanges de correspondances sont intervenus, notamment un courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 23 octobre 2014, non réclamé, aux termes duquel la société Clair Azur a mis Mme X en demeure de lui proposer des dates de livraison pour le spa ;

* le 9 janvier 2015, la société Clair Azur a fait assigner Mme X devant le Tribunal de grande instance de Meaux, essentiellement au fins de condamnation à lui régler les sommes de 24 500 euros au titre du solde de la commande et de 2 400 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive injustifiée et atteinte à l'image de marque de la société, offrant de procéder à la livraison et à l'installation du matériel dans les 45 jours du règlement ;

* le 30 juin 2016 est intervenu la décision dont appel ;

Mme X fait principalement valoir que :

- le bon de commande est nul, pour pratique commerciale agressive, et l'acompte de 500 euros doit lui être restitué ;

- le contrat de vente doit être résolu et l'acompte de 500 euros restitué pour manquement de la société Clair Azur à son devoir d'information et de conseil ;

- la violation de l'article L. 121-97 du Code de la consommation, imposant l'information du consommateur de l'absence de délai de rétractation pour une vente réalisée sur une foire ;

Subsidiairement,

- l'acquéreur a la faculté, prévue par le bon de commande, d'annuler la vente, seul l'acompte de 500 euros pouvant être conservé par la société en application de l'article 2 des conditions générales du bon de commande ;

La société Clair Azur répond que :

- le contrat conclu le 11 mai 2014 entre elle et Mme X est parfait et doit être exécuté ;

- les ventes réalisées sur les foires, telles que la Foire de Paris, échappent au droit de rétractation de sept jours prévu aux articles L. 121-20 et suivants du Code de la consommation, et qu'il est de jurisprudence constante que la vente réalisée dans ces conditions est ferme et définitive dès la signature du bon de commande ;

- l'appelante a résisté de manière abusive et injustifiée et a porté atteinte à l'image de marque de la société ;

- elle n'a pas exercé de pressions sur celle-ci pour qu'elle acquière le spa, l'attestation produite en ce sens, mensongère, n'est en outre pas conforme aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile et au surplus a été réalisée bien postérieurement à la vente du mois de mai 2014, étant datée du 12 janvier 2015 ;

- être fondée à voir ordonner la vente forcée du spa en raison de la résistance abusive dont Mme X a fait preuve d'autant qu'aucune condition résolutoire n'est prévue au bon de commande ;

- Mme X s'est parfaitement rendue compte de l'achat qu'elle effectuait puisqu'il s'agissait du modèle exposé à la Foire de Paris.

Contrairement aux ventes faisant suite à un démarchage à domicile, les consommateurs qui signent un bon de commande sur une foire ou un parc d'exposition ne disposent pas de droit de rétractation en cas de vente au comptant.

Le jugement déféré a parfaitement relevé que la société Clair Azur verse aux débats le bon de commande du 11 mai 2014 sur lequel Mme X a apposé une première fois sa signature après la mention aux termes de laquelle elle reconnaît " avoir pris connaissance de la notice de préparation à l'installation des équipements inclus dans ma commande " et une seconde fois après avoir mentionné de manière manuscrite " lu et approuvé ", dans la case prévue pour la signature du client.

L'article 1 des conditions générales de vente annexées à ce bon de commande précise que " cette commande constitue une vente ferme et définitive. Article 1583 du Code civil. "

Ce texte prévoit que la vente est effectivement parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Le jugement déféré a parfaitement relevé que la chose vendue et le prix étaient clairement définis au contrat et l'absence de délai de rétractation dûment mentionné.

L'article 2 de ces mêmes conditions générales prévoit qu'en cas d'annulation à l'initiative du client les acomptes versés restent en tout état de cause acquis à la société Clair Azur. Cet article qui règle le sort de l'acompte en cas d'acceptation de la résiliation du contrat par le vendeur ne permet pas de remettre en cause le caractère ferme et définitif de la vente signée sur le salon dont le co-contractant reste libre de solliciter l'exécution forcée.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu que la somme de 500 euros versée constituait bien un acompte et non des arrhes et qu'aucune faculté de résiliation n'était ouverte à l'acquéreur.

S'agissant des pratiques commerciales agressives, l'attestation délivrée le 12 janvier 2015 par Mme X n'entraîne pas la conviction de la cour, dans la mesure où elle est contredite par le courriel adressé le 24 mai 2014 par Mme X au directeur commercial de la société Clair Azur, exposant que de dramatiques inondations avaient touché, en Serbie, le village natal de son mari et la famille de celui-ci, qu'elle ne souhaitait plus poursuivre la commande du spa, cadeau prévu pour son mari : " Je n'ai plus le cœur et je suspens ce cadeau pour l'instant. J'en ai parlé du coup à mon mari car ce n'est malheureusement plus une surprise " avec les différents corps de métiers qui sont venus pour que je puisse avoir des devis pour la dalle et l'arrivée d'alimentation d'électricité. Et sincèrement c'est avec tristesse que je dois absolument interrompre l'achat pour quelques temps et je ne sais à ce jour quand je pourrai le faire. Donc j'abandonne cet achat (...) "

Le tribunal a relevé de manière pertinente que ces propos démontrent en outre la pleine connaissance qu'avait Mme X de son engagement, puisqu'elle avait fait intervenir différents professionnels afin de réaliser des devis pour construire la dalle destinée à recevoir le spa et l'alimentation en électricité nécessaire pour l'installation de cet équipement. S'agissant des relations commerciales lors de la conclusion de la vente, elle ajoute à la fin de son courriel : " ne m'en voulez surtout pas, mais dans une plus grande tranquillité le désir sera de retour et j'espère pouvoir faire l'achat avec un plaisir intense beaucoup plus tard, mais je ne sais pas quand. Je tiens cependant à vous remercier du fond du cœur pour votre patience et votre bonne compréhension, ainsi qu'à toute votre équipe bien sympathique (...)".

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a considéré que l'existence de pratiques commerciales agressives n'était pas démontrée.

Sur le manquement au devoir d'information et de conseil, le jugement déféré a justement relevé que les mentions complètes et détaillées portées sur le bon de commande précisent non seulement la chose vendue et le prix, mais encore les modalités de livraison convenues d'après les spécifications de Mme X et les préconisations techniques nécessaires pour l'installation du spa, dont celle-ci avait connaissance, ainsi qu'elle l'a mentionné dans son courriel du 24 mai 2014, de sorte que Mme X, qui en outre a signé le bon de commande concernant le modèle d'exposition, ne démontre pas en l'espèce la carence de la société Clair Azur dans son devoir de conseil et d'information, la proposition d'un achat à crédit n'entrant en outre nullement dans le champ de l'obligation d'information.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'exécution forcée du contrat en application de l'article 1184 du Code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Clair Azur :

Le jugement déféré a considéré à bon droit que la preuve n'est pas rapportée de ce que la résistance de Mme X à voir exécuter le contrat a causé à la société Clair Azur un préjudice distinct des intérêts moratoires de la créance, notamment un préjudice lié à une atteinte à son image et sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Sur les autres demandes :

Il serait inéquitable de laisser à la société Clair Azur la charge de la totalité de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Meaux en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne Mme X à payer à la société Clair Azur la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.