CA Lyon, 1re ch. civ. B, 6 mars 2018, n° 17-00427
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Knaus Tabbert GmbH,
Défendeur :
Caravanage (SARL), Allianz IARD
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Carrier
Conseillers :
M. Ficagna, Mme Papin
Exposé de l'affaire
Selon bon de commande du 22 juin 2010, M. Jean-Clément L. a acquis auprès de la société Caravanage, sise [...], une caravane neuve de marque Tabbert, modèle Puccini 620, moyennant le prix de 34 000 .
Le 21 août 2011, un incendie a pris naissance dans la penderie provoquant la destruction de la caravane.
La société Allianz, assureur de M. L., a versé à son assuré une indemnité de 30 500.
Une expertise amiable contradictoire a été diligentée par le cabinet B. en présence de l'expert de la société Knaus Tabbert le 16 novembre 2011.
Dans son rapport daté du 7 janvier 2012, le cabinet B. a mentionné que l'incendie avait pour origine un échauffement des transformateurs situés dans un caisson lui-même situé dans la penderie, que l'implantation de ces transformateurs ne respectait pas les préconisations du fabricant de ces matériels au niveau de leur installation, et que le vendeur avait manqué à son devoir de conseil sur l'utilisation de la caravane au moment de l'achat.
Par acte du 2 décembre 2013, la société Allianz Iard et M. Jean-Clément L. ont assigné la société Caravanage, représentée par son liquidateur judiciaire, Me D., en garantie des vices cachés ainsi que la société Knaus Tabbert sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux (1386-1 du Code civil.)
Les défendeurs ont conclu à l'irrecevabilité de l'action en garantie des vices cachés pour cause de prescription de l'action et sur le fond ont conclu au débouté.
Par jugement du 8 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré la société Caravanage responsable du fait de la garantie des vices cachés,
- déclaré la société Knaus Tabbert responsable des dommages sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux,
- fixé la créance de la société Allianz Iard au passif de la société Caravanage à la somme de 31 639,92 et celle de M. L. à la somme de 1 000 ,
- condamné la société Knaus Tabbert au paiement de ces mêmes sommes, outre celle de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La société Knaus Tabbert a relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour :
Vu les articles 1245 et suivants du Code civil,
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau :
- de déclarer les demandes de la compagnie Allianz et de M. L. formulées à l'encontre de la société Caravanage au titre de la garantie des vices cachés sont prescrites, pour avoir été engagée plus de 2 ans après la découverte du vice,
- débouter la compagnie Allianz et M. L. de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la société Knaus Tabbert GmbH,
- de condamner in solidum la compagnie Allianz et M. L. à lui verser la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner in solidum la compagnie Allianz et M. L. aux entiers dépens.
Elle soutient :
- que son propre expert présent lors des opérations d'expertise contradictoires réalisées le 16 novembre 2011, a rendu son rapport d'expertise le 8 décembre 2011 et indique que la cause du sinistre réside dans l'obstruction par l'utilisateur des bouches d'aération assurant le refroidissement des transformateurs,
- que le tribunal a considéré que c'était le rapport d'expertise qui avait cristallisé le point de départ de ce délai de prescription, car seul ce rapport permettait aux intimés de connaître avec précision le vice, alors que la jurisprudence indique que les juges du fond peuvent fixer le point de départ du bref délai de l'article 1648 du Code civil à la date de la première réunion d'expertise,
- que dès le 26 août 2011, et dès les premières réunions d'expertise, la question de l'existence d'un vice caché a été évoquée par le cabinet B.,
- que l'article 1245-1 du Code civil prévoit expressément que la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être engagée qu'en cas d'atteinte à la personne ou en cas d'atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même, au cas présent la caravane,
- que selon l'expert, il s'agirait d'une défectuosité de la caravane elle-même et non des transformateurs,
- que la caravane étant le produit ayant lui-même subi un dommage, les demandeurs ne peuvent en demander la réparation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux,
- que la cause du sinistre réside dans l'obstruction, par l'utilisateur, des bouches d'aération assurant le refroidissement des transformateurs,
- que le choix de placer les transformateurs dans un caisson dans la penderie se justifie parfaitement comme l'a constaté M. C.,
- qu'elle a déjà vendu un très grand nombre de caravanes de modèle Tabbert 620 Puccini, sans jamais avoir eu d'incident d'ordre technique avec les transformateurs électriques situés dans les caissons à l'intérieur des penderies,
- qu'en ce qui concerne l'utilisation de l'alimentation électrique figurant aux articles 11 et suivants du manuel d'utilisation Tabbert, il est clairement indiqué que " outre ce chapitre, les modes d'emploi séparés des fabricants doivent être respectés ",
- que le mode d'emploi des transformateurs du fabricant Dometic met expressément en garde l'utilisateur de " veille(r) à ce que la circulation d'air ne soit pas entravée par des recouvrements ou autres influences perturbantes ",
- qu'à ce titre M. L. n'a jamais contesté avoir été en possession du livret de mode d'emploi du fabriquant Dometic, pour l'avoir lui-même transmis lors de la réunion du 16 novembre 2011 à M. C..
La société Caravanage représentée par son liquidateur demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- de déclarer la demande de la société Allianz Iard et de M. L. prescrite,
- subsidiairement de la déclarer mal fondée,
- de rejeter la demande de M. L. en ce qu'il n'a pas justifié avoir produit sa créance au passif de la liquidation,
- en tout état de cause de condamner la société Tabbert à la relever et garantir,
- de condamner la partie succombante à lui payer la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient :
- que l'assignation a été délivrée plus de deux ans après la connaissance du vice caché par la société Allianz et M. L. au vu des pièces produites et de l'assignation du 2 décembre 2013 elle-même dans laquelle les demandeurs ont reconnu avoir eu une connaissance précise du vice le 16 novembre 2011,
- que l'incendie n'a pas été provoqué par le dépôt de vêtement sur la tablette en partie basse de la penderie contrairement à ce qu'indique l'expert M. B., mais par l'encombrement de l'espace permettant l'aération du caisson contenant les transformateurs entre le fond et la tablette inférieure de la penderie,
- que la vocation d'une penderie n'est pas de recueillir des vêtements rangés à plat mais seulement des habits sur cintre,
- que le rapport B. n'est pas un rapport d'expertise judiciaire,
- qu'aucune preuve objective n'est rapportée.
La société Allianz Iard et M. L. demandent à la cour au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil dans leurs anciennes dispositions, L. 211-1 et suivants du Code de la consommation, 1641 et suivants du Code civil, 1386-1 et suivants du Code civil dans leurs anciennes dispositions, 1249 et 1251 du Code civil,
- de confirmer au besoin par substitution de motifs, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon en date du 8 décembre 2016,
- de condamner la société Knaus Tabbert à payer à la société Allianz la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de l'appel,
- de condamner les mêmes en tous les dépens de première instance comme d'appel, qui seront distraits au profit de la société Arnaud R. avocats, sur son affirmation de droit.
Ils soutiennent :
- que la découverte du vice date du 30 janvier 2012, date à laquelle ont été connues les conclusions du rapport du Cabinet B. en date du 7 janvier précédent,
- que le vice est caractérisé par le fait qu'il existe dans une penderie - c'est-à-dire un endroit confiné, fermé et spécialement aménagé pour ranger du linge - un caisson contentant des transformateurs producteurs de chaleur, ce qui la rend impropre à sa destination normale,
- que la société Caravanage n'a pas signalé à son client, qu'il ne fallait pas mettre de textile sur la tablette séparant la penderie et le caisson bas ni mettre de textile dans la partie inférieure de la penderie,
- que le vice rend impropre la caravane à l'usage auquel M. L. le destinait,
- que le vice caché est grave puisqu'il affecte la destination de la penderie et qu'il a eu pour conséquence le sinistre,
- que sa garantie légale est également due sur le fondement des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation puisqu'il résulte des éléments ci-dessus développés que la caravane ne présentait pas les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre, si bien que la cour, si elle ne confirmait pas la décision de première instance sur les fondements précités, le ferait par substitution de motifs au visa des dispositions du Code de la consommation,
- que la jurisprudence, en présence d'éléments incorporés, a pu préciser que le défaut de l'élément incorporé engageait la responsabilité de l'installateur sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux,
- que la responsabilité de la société Knaus Tabbert est donc nécessairement engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
MOTIFS
Sur la prescription
Aux termes de l'article 1648 du Code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
De même, aux termes de l'article L. 211-12 du Code de la consommation, l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans.
En l'espèce, dans leur assignation du 2 décembre 2013, M. L. et la société Allianz ont indiqué :
" En définitive, ce n'est que le 16 novembre 2011, date de la seconde expertise, que M. L. a eu connaissance précise du vice. Les investigations menées lors de cette expertise ont révélé que l'incendie n'était pas dû à un problème électrique mais à la surchauffe des transformateurs situés dans un caisson installé au fond de la penderie. "
Ainsi, le point de départ de la prescription de deux ans doit être fixé au 16 novembre 2011.
L'assignation au fond ayant été délivrée le 2 décembre 2013, sans qu'aucune cause d'interruption ou de suspension ne soit alléguée, l'action de la société Allianz et de l'acquéreur doit être déclarée prescrite.
Sur la responsabilité de la société Knaus Tabbert du fait des produits défectueux
Aux termes de l'article 1245-16 du Code civil : " L'action en réparation fondée sur les dispositions du présent chapitre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur."
L'action est donc recevable.
Aux termes de l'article 1245-1 du Code civil :
Les dispositions du présent chapitre [responsabilité du fait des produits défectueux] s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne.
Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
En l'espèce, la société Allianz fait grief au fabricant d'avoir mis en vente une caravane comportant une penderie présentant un défaut grave.
Toutefois, en l'espèce, ni les transformateurs, ni la penderie n'étaient intrinsèquement défectueux.
C'est la conception de la caravane qui est en cause.
Le produit défectueux est donc la caravane elle-même. Les dommages affectant la caravane elle-même ne pourraient être pris en compte.
En tout état de cause un produit est défectueux au sens de l'article 1245-3 du Code civil, lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Selon l'article 1245-12 du Code civil,
la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.
En l'espèce, il sera relevé qu'aucune expertise judiciaire n'a été réalisée et le caractère inadapté de l'implantation des transformateurs dans la penderie, caractérisant un défaut de conception de la caravane, n'est pas établi en l'état de l'opposition entre les experts des parties.
D'autre part, l'accumulation de vêtements sur la tablette basse de la penderie et l'obstruction par un chiffon, de l'aération située au fond, constitue une faute de la victime de nature à supprimer la responsabilité de la société Knaus Tabbert.
En effet, il s'agissait d'une précaution élémentaire que M. L., habitué de ce type de caravane connaissait, ce dernier ne contestant pas de surcroît avoir eu en sa possession un mode d'emploi des transformateurs du fabricant Dometic mettant en garde l'utilisateur de "veiller à ce que la circulation d'air ne soit pas entravée par des recouvrements et autres influences perturbantes".
En conséquence, le jugement sera infirmé et la société Allianz et M. L. seront déboutés de leurs prétentions.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré, Statuant de nouveau : Déclare prescrite l'action de la société Allianz Iard et de M. L. sur le fondement de la garantie des vices cachés et sur le fondement de l'article L. 211-1 et suivants du Code de la consommation, Déboute la société Allianz Iard et M. Jean-Clément L. de leurs prétentions sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, Condamne in solidum la société Allianz Iard et M. Jean-Clément L. à payer à la société Knaus Tabbert le somme de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et à la société Caravanage, représentée par la société MDP (Me D.) es qualité de liquidateur, la somme de 1 500 , Condamne in solidum la société Allianz Iard et M. Jean-Clément L. aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au bénéfice de Me L. avocat sur son affirmation de droit.