CA Rennes, 3e ch. com., 6 mars 2018, n° 15-07162
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Effinov Nutrition (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseillers :
Mmes André, Jeorger-Le Gac
FAITS ET PROCÉDURE
Dans le courant de l'année 2011, Madame X, conseil en nutrition, a fourni auprès de la société Effinov Nutrition, société spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de compléments alimentaires, différentes prestations de formation, rédaction et conseil sans que ces activités ne fassent l'objet d'un contrat écrit.
Le 30 mars 2012, un contrat écrit a été signé par les deux parties, intitulé " contrat de collaboration ". Le 1er mai 2013, un second contrat de collaboration a été signé, prévoyant en son article 1 que Madame X exerçait les fonctions d'agent commercial " en exclusivité sur secteur 17/58/79, agent commercial pour deux pharmacies hors secteur : pharmacie mutualiste d'Angers et de Cholet ".
Suivant courrier en date du 15 novembre 2013, la société Effinov Nutrition a notifié à Madame X la rupture du contrat de collaboration.
Par courrier en date du 11 décembre 2013, Madame X a mis en demeure la société Effinov Nutrition de lui verser les commissions impayées ainsi que l'indemnité compensatrice liée à son contrat d'agent commercial. Cette mise en demeure étant demeurée infructueuse, Madame X a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Lorient qui, par ordonnance en date du 10 avril 2014, a jugé que la question de l'indemnité compensatrice relevait de la compétence du juge du fond.
Par acte en date du 22 septembre 2014, Madame X a fait assigner la société Effinov Nutrition devant le Tribunal de commerce de Lorient afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 12 773,13 au titre de l'indemnité compensatrice, 5 000 au titre de la résistance abusive et 4 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Suivant jugement en date du 12 août 2015, le tribunal a condamné la société Effinov Nutrition au paiement de la somme de 12 773,13 au titre de l'indemnité compensatrice, outre 4 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et a débouté Madame X du surplus de ses demandes.
Suivant déclaration enregistrée au greffe le 11 septembre 2015, la société Effinov Nutrition a interjeté appel de cette décision.
Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 20 décembre 2017 et a renvoyé l'affaire à l'audience du 23 janvier 2018.
A l'appui de son appel, par conclusions déposées au greffe le 31 mars 2016, la société Effinov Nutrition conteste l'existence d'un contrat d'agent commercial la liant à Madame X. Elle rappelle que les différents contrats de collaboration signés avant le 1er mai 2013 ne contiennent aucune clause prévoyant une fonction d'agent commercial au bénéfice de Madame X et conteste la validité du contrat signé le 1er mai 2013, contrat signé par Madame Y, directrice opérationnelle ne possédant pas les pouvoirs de représenter la société. La société Effinov Nutrition conteste que Madame X puisse sur ce dernier point invoquer la théorie du mandat apparent, l'intéressée ne pouvant ignorer que seul le directeur, Monsieur Z, avait qualité pour engager sa société. Elle fait observer en outre notamment que Madame X n'a jamais disposé de pouvoirs de négociation, ne fournit aucun document mentionnant sa qualité d'agent commercial et n'a jamais été inscrite au registre spécial des agents commerciaux.
A titre subsidiaire, la société Effinov Nutrition conteste le montant de l'indemnité réclamée, Madame X ne justifiant pas avoir apporté une clientèle nouvelle, ne pouvant être considérée comme ayant agi en qualité d'agent commercial que pour une durée maximale de 8 mois, et ayant généré des commissions pour un montant faible, 5 824,29 pour l'année 2013. La société Effinov Nutrition conclut en conséquence à l'infirmation de l'intégralité du jugement déféré, Madame X étant déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée à verser une somme de 3 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame X, par conclusions déposées le 1er juin 2016, se réfère à la lettre de résiliation, à une attestation d'une pharmacienne cliente et aux courriels échangés entre les parties pour affirmer que la société Effinov Nutrition a toujours eu la volonté de lui confier un mandat d'agent commercial. Elle rappelle que le contrat en date du 1er mai 2013 stipule expressément cette qualité d'agent commercial, invoque la qualité du mandat apparent en ce qui concerne la validité de cet écrit et fait observer qu'en toute hypothèse le contrat d'agent commercial peut être oral et qu'il est en l'espèce établi par les factures de commissions versées aux débats. Sur le montant de l'indemnité compensatrice, elle indique avoir apporté une clientèle nouvelle et invoque la jurisprudence pour affirmer avoir droit comme l'ont indiqué les premiers juges à une indemnité égale à deux ans de commission. Elle conclut en conséquence à la confirmation de la décision déférée, sauf en ce qui concerne la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive, justifiée selon elle à hauteur de la somme de 5 000 . Elle sollicite enfin une somme de 4 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Ainsi que l'ont rappelé à bon droit les premiers juges, l'article L. 134-1 du Code de commerce définit l'agent commercial comme un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente, de négocier, et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteur, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
Il appartient au juge de déterminer si une personne morale ou physique doit être qualifiée d'agent commercial dans ses rapports avec un cocontractant en examinant la mission confiée à l'intéressé, son indépendance et ses facultés de négociation, sans s'arrêter à la qualification donnée par les conventions liant les parties, ni au statut fiscal ni à l'existence ou non d'une immatriculation auprès d'un tribunal de commerce.
En l'espèce, il résulte des courriels retenus par le tribunal de commerce que dès 2011, Madame X a prospecté des thérapeutes et des pharmaciens afin de commercialiser des produits commercialisés par la société Effinov Nutrition, et qu'elle a à ce titre perçu des commissions, commissions dont le montant a été fixé par écrit dans un protocole daté du 30 mars 2012 et qui ont fait l'objet de très nombreuses factures ; la société Effinov Nutrition ne démontre nullement que dans le cadre de cette activité, Madame X était privée de la possibilité de négociation caractérisant le mandat d'agent commercial ; c'est dès lors en faisant une exacte lecture des pièces produites que les premiers juges ont retenu que Madame X a exercé les fonctions d'agent commercial pour le compte de la société Effinov Nutrition dès l'année 2011 ; cette fonction a été au demeurant confirmée par écrit lors de la rédaction du 1er mai 2013, contrat régulier en application de la théorie de l'apparence puisque signé par un représentant de la société Effinov Nutrition, ne comportant pas novation et se contentant de confirmer une situation juridique déjà existante.
Madame X est fondée en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 134-[12] du Code de commerce de réclamer une indemnité compensatrice du fait de la rupture du mandat ; si l'usage fixé par la jurisprudence est de fixer le montant de cette indemnité à deux années de commissions brutes, il convient cependant conformément aux règles de droit commun en matière de réparation d'un dommage d'allouer à l'agent commercial une somme réparant l'intégralité de son préjudice, mais sans cependant l'excéder, en appréciant in concreto les éléments de l'espèce ; force est de constater qu'au cas précis, Madame X n'a exercé ses fonctions que pour une durée d'environ deux ans ; le préjudice résultant de la rupture de son mandat ne peut en conséquence être jugé équivalent à la totalité des commissions perçues durant l'exercice de son mandat ; le montant des dommages-intérêts sera évalué en conséquence à une année de commission, soit la somme de 6 386,56 ; la décision sera réformée sur ce point.
Madame X ne démontre pas que la résistance de la société Effinov Nutrition à lui reconnaître son droit à indemnisation relève d'une intention de nuire de la société, ni qu'elle ait subi de ce fait un préjudice complémentaire ; la décision l'ayant déboutée de sa demande en dommages-intérêts complémentaires sera en conséquence confirmée.
La société Effinov Nutrition étant déclarée débitrice d'une indemnité, il convient de confirmer la condamnation prononcée en application de l'article 700 du Code de procédure civile à son encontre et d'allouer sur ce fondement en cause d'appel à Madame X la somme de 1 000 .
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Lorient en date du 12 août 2015 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts alloués. Statuant à nouveau sur ce point, Condamne la société Effinov Nutrition à verser à Madame X la somme de 6 386,56 avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2013. Ajoutant à la décision déférée, Condamne la société Effinov Nutrition à verser à Madame X la somme de 1 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Met l'intégralité des dépens à la charge de la société Effinov Nutrition.