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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 mars 2018, n° 14-25640

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Addhoc Conseil (SAS)

Défendeur :

Degest (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

T. com. Créteil, du 28 oct. 2014

28 octobre 2014

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Degest est une société spécialisée dans l'expertise auprès des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Messieurs G. et B. étaient salariés de cette société en qualité d'ergonomes chargés d'études.

Au cours du dernier trimestre 2011, dans le cadre de la négociation d'une rupture conventionnelle de leur contrat de travail, MM. G. et B. ont négocié avec la société Degest la possibilité de créer leur propre entreprise d'expertise en CHSCT. Les parties se sont mises d'accord pour la signature d'un contrat commercial prévoyant un partenariat entre la nouvelle société à créer et la société Degest. Les ruptures conventionnelles ayant été signées le 9 décembre 2011, elles ont été soumises à validation et homologation, outre accord de l'inspection du travail pour Monsieur B., salarié protégé.

Les parties ont finalisé la négociation du contrat commercial le 23 décembre 2011 et l'ont signé le 5 janvier 2012. Aux termes de ce contrat il était prévu, d'une part, que l'entreprise Degest sous-traiterait à la future société un volume de prestations rémunérées et d'autre part, qu'elle ferait bénéficier MM. G. et B. de l'agrément expert CHSCT de la société Degest pour réaliser les missions d'expertise qu'ils pourraient se voir confier, en attendant que la nouvelle société Addhoc Conseil qu'ils devaient créer et immatriculer au plus tard le 28 février 2012 obtienne son agrément.

Le 31 janvier 2012, le contrat de travail de M. G. a été rompu par homologation tacite de la DIRECCTE. Le 15 février 2012, l'inspecteur du travail a autorisé la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. B.. Le 21 février 2012, les statuts de la nouvelle société Addhoc Conseil ont été signés et déposés au RCS le 27 février 2012. Le 5 mars 2012, la société Addhoc Conseil a été immatriculée au Registre du commerce et des sociétés.

Entretemps, ayant découvert des actes qu'elle qualifiait de concurrence déloyale qui auraient été commis en décembre 2011 et janvier 2012, la société Degest a sollicité la désignation d'un huissier de justice pour procéder à des constatations sur l'ordinateur de travail utilisé par Monsieur G.. Maître J. a été désigné le 6 février 2012 à cette fin et a établi un PV de constat le 22 février 2012. Le 1er mars, la société Degest a indiqué à Messieurs G. et B. qu'en raison du défaut d'immatriculation de la société au RCS avant le 28 février 2012, qui était une condition suspensive, le contrat commercial était non avenu. Elle a par ailleurs contesté la validité dudit contrat au regard d'un décret publié le 23 décembre 2011 par le Ministre du Travail. Enfin, elle a indiqué que son consentement aurait été vicié pour défaut de connaissance d'agissements qu'elle considère comme déloyaux.

C'est dans ce contexte que le 2 mai 2012 pour M. B. et le 4 mai 2012 pour M. G. et la société Addhoc Conseil, la société Degest a assigné ces derniers afin de les voir condamner pour actes de concurrence déloyale au détriment de la société Degest.

Par jugement du 28 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Créteil a :

- dit que M. Frédéric G. et M. Rémi B. ainsi que la société Addhoc Conseil ont commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société Degest ;

- débouté la société Degest de sa demande d'astreinte ;

- condamné solidairement M. Frédéric G., M. Rémi B. et la société Addhoc Conseil à payer à la société Degest la somme de 30 000 euros au titre de dommages et intérêts et déboute la société Degest du surplus de sa demande ;

- débouté M. Frédéric G., M. Rémi B. et la société Addhoc Conseil de leur demande d'astreinte afin de faire cesser des actes de dénigrement à leur encontre ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit ;

- condamné in solidum M. Frédéric G., M. Rémi B. et la société Addhoc Conseil à payer à la société Degest une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société Degest du surplus de sa demande et déboute M. Frédéric G., M. Rémi B. et la société Addhoc Conseil de leur demande de ce chef ;

- condamné in solidum M. Frédéric G., M. Rémi B. et la société Addhoc Conseil aux dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 304,85 euros TTC (dont TVA 20 %).

Vu la déclaration d'appel du 18 décembre 2014 de Messieurs B. et G. et de la société Addhoc Conseil,

Vu les dernières conclusions signifiées le 25 mai 2016 par la société Addhoc Conseil, et Messieurs G. et B., par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,

Vu les articles 145 et 146 du Code de procédure civile,

- recevoir MM B. et G., la société Addhoc Conseil en leur appel et les y déclarant bien fondés ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Degest de son appel incident et plus généralement de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre reconventionnel,

- enjoindre à la société Degest de cesser tout acte de dénigrement à l'encontre de Messieurs Rémi B. et Frédéric G., ainsi que de la société Addhoc Conseil, et ce sous astreinte de 1 500 euros par manquement constaté ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamner la société Degest à payer à la société Addhoc Conseil une somme de 115 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Degest à payer à MM B. et G. et à la société Addhoc Conseil une somme de 6 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles ;

- condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl LM Avocats, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 novembre 2017 par la société Degest par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 28 octobre 2014 en ce qu'il a dit que Messieurs Frédéric G., Rémi B. et la société Addhoc Conseil ont commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société Degest ;

Statuant à nouveau sur le montant des dommages-intérêts,

- condamner in solidum Messieurs Frédéric G., Rémi B. et la société Addhoc Conseil au paiement de la somme de 130 000 euros en réparation des préjudices subis par la société Degest ;

- ordonner à Messieurs Frédéric G. et Rémi B. ainsi qu'à la société Addhoc Conseil de cesser leurs agissements déloyaux et tout acte de concurrence déloyale sous astreinte de 10 000 euros par manquement constaté ;

- dire que la société Degest n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'encontre de Messieurs Frédéric G. et Rémi B. et de la société Addhoc Conseil ;

- constater que les noms de Messieurs Frédéric G. et Rémi B. ne figurent plus sur le site Internet de Degest ;

- débouter Messieurs Frédéric G. et Rémi B. ainsi que la société Addhoc Conseil de l'intégralité de leurs demandes formulées à l'encontre de la société Degest ;

- condamner in solidum Messieurs Frédéric G., Rémi B. et la société Addhoc Conseil à payer à la société Degest la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles engagés en première instance ;

- condamner in solidum Messieurs Frédéric G., Rémi B. et la société Addhoc Conseil à payer à la société Degest la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

- condamner in solidum Messieurs Frédéric G., Rémi B. et la société Addhoc Conseil aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- dire que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal dans les conditions prévues par la loi.

Vu la décision avant dire droit en date du 27 avril 2017 par laquelle la cour a ordonné la transmission du constat et des annexes au constat de Maître J. saisies le 22 février 2012 ;

Vu le PV de constat de Maître J. reçu au greffe de la cour le 12 octobre 2017,

La société Addhoc Conseil et Messieurs G. et B. (ci-après " les appelants ") font tout d'abord valoir que le contenu de l'ordinateur de M. G. doit être écarté des débats considérant que le procédé utilisé n'est ni sérieux ni loyal, son ordinateur ayant déjà été visité et l'huissier n'ayant extrait que quelques documents et non tout le contenu de l'ordinateur et n'ayant pas précisé la propriété des documents ni leur date de création ainsi que leur dernière modification.

Sur le fond, ils contestent toute concurrence déloyale de leur part. Ils rappellent qu'à la fin de l'année 2011, dans le cadre d'une procédure de rupture du contrat de travail, la société Degest n'a plus confié de missions d'expertise à Monsieur G. et l'a invité à préparer l'exécution de leur contrat commercial en vue de la création de la société Addhoc Conseil, futur partenaire commercial, que ledit contrat, négocié en décembre 2011 concomitamment à la rupture conventionnelle et signé par les parties le 5 janvier 2012, prévoyait les conditions de leur partenariat ainsi que la transmission des informations sur les clients qui s'adresseraient à elle, ce qui nécessitait que les parties puissent identifier les clients et prescripteurs de l'autre société, que dans ces conditions, il était normal que Monsieur G. établisse sa propre liste de ses contacts professionnels, liste qui n'était pas un document de la société Degest, mais qu'il a constituée et qui comportait ses contacts, avec pour certains la mention " statut Degest " pour les utiliser dans le cadre du contrat commercial, qu'y figuraient également des fournisseurs et des prospects de la future société, que le fait qu'une telle liste ait été trouvée sur l'ordinateur de Monsieur G. ne démontre pas l'existence d'actes de concurrence déloyale, que le fait d'avoir demandé aux destinataires du mail de ne pas conserver cette liste est justifié par le seul fait que la société Degest n'avait pas à connaître les prospects de la société Addhoc Conseil, que la société Degest ne prouve pas que Monsieur G. se serait introduit dans le système informatique, que les fichiers relatifs aux expertises et au chiffre d'affaires étaient publics et mis à la disposition de chacun, que le fait de les détenir ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, ce d'autant que Monsieur G. œuvrait à la création de la société Addhoc Conseil et avait accès aux éléments nécessaires à la demande d'agrément, que les fichiers relatifs aux expertises se trouvaient à juste titre sur son ordinateur puisqu'elles lui servaient pour son travail d'ergonome, chargé d'études, qu'en outre ces fichiers étaient mutualisés, conformément à une note de service, que ces fichiers n'ont jamais été exploités à l'extérieur de la société Degest, qu'il n'y a eu aucun acte de détournement.

Ils font valoir qu'il n'y a pas eu de dissimulation d'une invitation à un réseau de professionnels, le seul fait que la date de la réunion tombe pendant leur RTT ou congé maladie ne suffisant pas à caractériser la dissimulation et la société Degest ayant été invitée à y participer, invitation qu'elle a rejetée et qu'à cette réunion MM. G. et B. n'ont émis aucun doute sur l'étendue de leur intervention, limitée à l'époque à celle de professionnels, ergonomes, sans que cela ne puisse constituer un acte de concurrence déloyale.

Ils contestent tout acte de dénigrement, le mail invoqué n'étant que la suite de la mise à pied infligée à Monsieur G. qui l'empêchait d'accéder à ses mails.

Enfin, ils contestent tout détournement de clients ainsi que toute concurrence déloyale et tout préjudice en résultant. Ils rappellent que la clientèle des cabinets d'expertise est très volatile, qu'elle est constituée par les CHSCT dont les membres sont désignés par les institutions représentatives du personnel et qu'au gré des élections, les majorités changent ainsi que le choix pour l'un ou l'autre des cabinets d'expertise, sans qu'il y ait détournement de clientèle, que c'est ce qui s'est passé en l'espèce pour certains CHSCT qui ont rejoint la société Addhoc sans qu'il puisse lui être reproché un acte déloyal.

A titre reconventionnel, la société Addhoc Conseil fait valoir que la société Degest a commis plusieurs actes de concurrence déloyale dont elle demande l'indemnisation, consistant d'une part à l'utilisation des noms de MM. B. et G. sur le site internet de leur société, malgré la rupture des contrats de travail, d'autre part en détournant à son profit un client lors d'un rendez-vous et d'autre part en dénigrant les associés de la société Addhoc Conseil.

En réponse, la société Degest fait tout d'abord valoir que les documents saisis, dont le contenu de l'ordinateur de M. G., sont essentiels aux débats, et ont été autorisés par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, qu'aucun recours n'a été interjeté contre le jugement avant dire droit du tribunal de commerce du 14 octobre 2013 qui a autorisé l'ouverture du séquestre et qu'ils doivent donc être retenus en tant qu'éléments de preuve.

La société Degest soutient que Monsieur G. a subtilisé des fichiers et informations relatifs aux clients et contacts de la société Degest au moyen d'une intrusion dans le système informatique de la société et dans les ordinateurs des dirigeants de l'entreprise, qu'il s'agissait de fichiers non libres d'accès, qu'il n'était pas autorisé à les récupérer sur son ordinateur, ni par ses fonctions salariées, ni au titre du contrat commercial qui n'était pas en vigueur, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale, que la dissimulation et la destruction qui ont accompagné cette captation de fichiers en établit la déloyauté et caractérise la mauvaise foi de Monsieur G., qu'à ce titre, Monsieur G. a fait l'objet d'une sanction disciplinaire avec mise à pied notifiée le 27 janvier 2012, validée par la Cour d'appel de Paris dans le cadre de l'instance prud'homale.

Elle estime que constitue également un acte de concurrence déloyale le fait de s'être approprié des invitations à une réunion en vue de constituer un réseau d'experts, destinées à la société Degest sans l'en avoir informée et en lui ayant caché qu'ils s'y rendraient pendant leurs RTT ou arrêt maladie en n'indiquant pas clairement aux organisateurs de la réunion à quel titre ils y participaient en l'absence de la société Degest, ce qui caractérise des manœuvres frauduleuses destinées à écarter la société Degest de ce réseau d'experts.

Elle soutient encore que, même si le tribunal ne l'a pas retenu, constitue un acte de concurrence déloyale la participation de M. G. à une réunion d'acteurs intervenant dans la vie des CHSCT en se présentant à la fois au nom du cabinet Degest et de la société Addhoc Conseil, entraînant ainsi une confusion dans l'esprit de ses interlocuteurs, tout cela dans l'intérêt et au profit de sa future société Addhoc Conseil.

Enfin, la société Degest indique que M. G. a tenu des propos dénigrants sur la société Degest en faisant croire, via un mail, à des clients, fournisseurs et partenaires que cette dernière voulait le licencier, ce qui était faux puisque Monsieur G. avait sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Elle soutient que Monsieur B. a également dénigré le Président de la société, Monsieur S. et que la société Addhoc Conseil a envoyé un mail le 15 mars accusant la société Degest d'exercer un emprise et d'avoir un comportement immature, ce qui constitue des agissements déloyaux prohibés, les parties s'étant expressément engagées, par contrat commercial, à " s'abstenir (..), l'une envers l'autre, tant au cours de l'exécution du (..) contrat qu'après son terme, de tout dénigrement auprès des tiers ".

Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice moral et financier, lié notamment au dénigrement, au démarchage déloyal et à la perte de clients importants tels que l'UES Mondadori Magazines ou la société Seete, et demande que les actes déloyaux cessent, au besoin sous astreinte.

La société Degest conteste toute utilisation frauduleuse des noms de MM. G. et B. sur son site internet postérieurement à la rupture du contrat de travail et indique n'avoir jamais détourné le moindre client ou dénigré la société Addhoc Conseil ou MM. G. et B..

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce la cour,

- Sur les pièces saisies par huissier

Considérant que par ordonnance du 6 février 2012, le président du Tribunal de grande instance de Paris a autorisé sur requête l'établissement d'un constat d'huissier pour ouvrir l'ordinateur de Monsieur G. et accéder aux mails reçus et émis par Monsieur G., les ouvrir et les imprimer ainsi que les pièces jointes, et en faire copie sur une clé ;

Que l'ordonnance précisait que la mission était limitée aux mails et pièces " en rapport avec les faits incriminés ", à savoir " l'existence d'agissements de concurrence déloyale, de dénigrement et/ou de diffamation au préjudice de la société Degest ou de ses dirigeants " ;

Qu'il résulte du constat établi le 22 février 2012 par Maître J. en exécution de cette ordonnance qu'il s'est fait communiquer par la société Degest le mot de passe pour accéder au contenu de l'ordinateur et de la messagerie de Monsieur G. hors sa présence ' étant précisé que Monsieur G. avait été mis à pied depuis le 13 janvier 2012 et n'avait plus accès à ses mails depuis cette date, que l'huissier a pourtant noté que les dernières consultations de messages dataient du 20 janvier 2012 et qu'une synchronisation avait eu lieu le 25 janvier 2012, ce qui confirme que quelqu'un d'autre que Monsieur G. a accédé à sa messagerie et à l'ordinateur de Monsieur G. hors sa présence avant ledit constat, comme cela résulte en outre d'un précédent constat d'huissier établi le 16 janvier 2012 sans ordonnance, versé aux débats, aux termes duquel la société Degest avait déclaré que dès le 11 janvier 2012 elle avait accédé dans le cadre d'une opération de maintenance à l'ordinateur de Monsieur G. et avait indiqué à l'huissier que des fichiers qui n'auraient pas dû y être s'y trouvaient ;

Que de fait, la société Degest avait un mot de passe pour accéder à la messagerie de Monsieur G. ;

Qu'il résulte de ces éléments et notamment de l'accès avéré à plusieurs reprises par la société Degest, hors la présence de Monsieur G., à son ordinateur sans autorisation, depuis le 11 janvier 2012, que les conditions dans lesquelles les fichiers ont été trouvés sur l'ordinateur de Monsieur G. mettent en doute la validité de leur extraction, ce d'autant que l'origine des fichiers, leur propriété et leur date de création n'ont pas été relevés et qu'il ne résulte pas des constats faits postérieurement que les pièces extraites ou écartées répondaient à des critères objectifs de sélection, les quelques mails et pièces annexées au constat ne faisant l'objet d'aucun bordereau récapitulatif ni d'aucune description en lien avec la mission autorisée, et le procès-verbal ne précisant pas sur quelles bases l'huissier avait sélectionné ou écarté certains mails ou certaines pièces ;

Que sans les écarter des débats, la demande n'ayant pas été formulée au dispositif des conclusions, la valeur accordée auxdites pièces ne sera toutefois que relative, au regard des autres éléments du dossier, leur caractère probant étant insuffisant à elles seules ;

- Sur la concurrence déloyale

Considérant qu'aux termes de l'article 1382 (ancien) du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;

Que le demandeur à l'action en concurrence déloyale doit rapporter la preuve d'une faute résultant de l'accomplissement d'actes positifs et caractérisés de concurrence ou de dénigrement, ainsi que la preuve d'un préjudice certain et directement causé par la faute du défendeur ;

Que le principe de la liberté du commerce implique que le démarchage et la prospection de clientèle est libre dès lors qu'elle ne s'accompagne pas d'un acte déloyal ;

Que si la captation ou le détournement de fichiers clients constituent des actes susceptibles d'être constitutifs de concurrence déloyale, tel n'est pas le cas de l'utilisation desdits fichiers lorsque cette utilisation est faite avec l'accord de leur propriétaire, à supposer ladite propriété établie ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que Monsieur G. avait constitué fin décembre 2011 une liste de contacts et prospects dont une partie émanaient des contacts de la société Degest ;

Qu'il n'est pas établi que cette liste aurait été copiée d'un fichier existant et qu'elle appartenait à la société Degest, ni qu'elle en ait été à l'origine, les pièces extraites de l'ordinateur ne permettant pas de l'établir ;

Qu'au surplus, sauf à considérer que le contrat de partenariat envisagé avec la future société Addhoc était uniquement destiné à inciter Messieurs G. et B. à accepter la rupture conventionnelle qui leur avait été proposée par la société Degest, comme cela a pu être évoqué courant décembre lors des négociations de rupture de leur contrat de travail, c'est en toute bonne foi que Monsieur G. a pu se constituer une liste de clients et prospects, y compris avec des clients et des contacts de la société Degest, pour préparer la reprise d'activité avec la société Addhoc Conseil dont la création avait été expressément acceptée par la société Degest ;

Qu'à aucun moment il n'a été indiqué à Monsieur G. qu'il ne pourrait pas se servir de ses connaissances et de sa longue expérience (douze ans) au sein de la société Degest, pour démarrer son activité dans la nouvelle société ;

Qu'au contraire le contrat commercial signé par la société Degest le 5 janvier 2012 prévoit expressément que par " client ", il faut entendre " toute personne physique ou morale missionnant ou ayant missionné l'une des parties au contrat pour réaliser une mission d'étude ou d'expertise ainsi que toute personne morale ayant déjà contracté avec l'une des parties antérieurement à la date d'effet du présent contrat et tout prescripteur de l'une de ces personnes physiques ou morales " ;

Que le contrat prévoit expressément les modalités selon lesquelles les deux sociétés s'interdisent de démarcher ou de détourner leurs clients réciproques ;

Que la société Degest a soutenu la création de cette société et savait que les deux sociétés allaient se faire concurrence, dès lors que le secteur de l'expertise CHSCT est un marché " captif " et que les experts se connaissent et s'organisent en réseau ;

Que le fait qu'elle soutienne dans ses écritures, sans toutefois formuler de demande, que le contrat commercial était non-avenu en raison de la non-réalisation de la condition suspensive d'immatriculation de la société le 28 février 2012, alors qu'elle a été enregistrée le 27 février 2012, est sans incidence sur la qualification des agissements de Monsieur G., tous antérieurs au 28 février, ce dernier pouvant de bonne foi considérer qu'il était autorisé, à tout le moins jusqu'à cette date, à utiliser la liste des contacts de la société Degest en exécution dudit contrat pour permettre le démarrage de son activité, ou à participer à des réunions préparatoires à l'activité de la nouvelle société dont elle avait accepté la création et la concurrence ;

Qu'il n'est dès lors nullement établi que la reprise des fichiers clients, ou la participation à des réunions d'experts ou à des réseaux de CHSCT constituent des actes déloyaux, alors qu'ils étaient faits dans l'optique du partenariat convenu, aucune des pièces versées aux débats ne démontrant un acte caractérisé de concurrence déloyale ou de dénigrement ;

Que le démarchage illicite de clients ou le détournement de ceux-ci, s'agissant notamment des sociétés Mondadori et Casino Barrière d'Enghien les Bains, ne peut résulter du seul fait que les CHSCT de ces sociétés ont fait appel à la société Addhoc alors qu'ils avaient travaillé dans le passé avec la société Degest, mais aussi avec les autres cabinets d'expertise tels que Cedaet, Secafi ou Arete, ce qui démontre que le marché est particulièrement volatile et que les CHSCT ne sont pas une clientèle " fixe ", ce que confirme le secrétaire du CHSCT de la société Mondadori ;

Que de même, le fait d'avoir participé à une réunion d'experts pendant des RTT ou un congé maladie sans en avoir informé la société Degest n'est pas suffisant pour caractériser un acte de concurrence déloyale, alors en outre que ladite réunion avait eu lieu en octobre 2011, à une date où Messieurs G. et Brick n'avaient pas encore élaboré un projet de création d'entreprise, et que la société Degest avait indiqué qu'elle ne souhaitait pas s'y rendre, ce qui contraignait ses salariés, s'ils souhaitaient y participer, d'y aller sur leur temps de repos ou sur leur temps libre ;

Que Monsieur G. a en outre agi en toute transparence en confirmant par mail à la société Degest sa présence à cette réunion ainsi qu'en l'informant de la prochaine date prévue ;

Qu'il appartient par conséquent à la société Degest de démontrer que ces agissements ont été faits en fraude de ses droits, ce qui n'est pas établi en l'espèce ;

Considérant que la société Degest ne démontre pas plus le dénigrement allégué, tant de la part de Monsieur G. que de Monsieur B. ou de la société Addhoc ;

Qu'aucun des termes utilisés par Monsieur G. dans son mail du 20 janvier 2012, envoyé de sa boîte mail Yahoo.fr personnelle à un certain nombre de ses contacts, soit sur leurs adresses personnelles soit sur leurs adresses professionnelles, les informant de sa mise à pied conservatoire, en indiquant " mon patron a saisi mon ordinateur de travail et procédé en mon absence à des fouilles de mon disque dur et de ma messagerie, bien sûr sans précaution du respect de la vie privée et de la correspondance privée. Depuis cette date, je n'ai plus accès à ma messagerie dont on a modifié le mot de passe. Aussi, et c'est l'objet de ce mail, il se peut que vous m'ayez envoyé des e-mails récemment que je n'ai pas pu lire. En conséquence, et si vous le souhaitez, merci de me les transférer sur ma boîte mail personnelle et de correspondre désormais sur cette adresse " ne contient aucun terme dénigrant la société Degest, ni aucune accusation diffamatoire, les termes utilisés étant purement descriptifs de sa situation au regard de sa présence dans l'entreprise, sans en tirer aucune conséquence ;

Que le fait d'avoir indiqué qu'il avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire dans la perspective d'un licenciement ne peut être considéré comme mensonger, ou dénigrant, quand bien même les parties avaient signé une rupture conventionnelle, la mention du licenciement résultant de l'utilisation habituelle de la mise à pied dans le cadre de ce type de procédure et Monsieur G. n'en tirant aucun argument ;

Que le dénigrement n'est pas établi ;

Que la décision des premiers juges sera infirmée sur ce point ;

Qu'en ce qui concerne Monsieur B., le dénigrement allégué porte sur des propos qu'il aurait tenus sur Monsieur S., président de la société Degest, auprès de certains salariés et de tiers, propos sans aucun lien avec la concurrence déloyale alléguée, et détachés de tout contexte professionnel ;

Qu'il s'agît en outre de rumeurs par ouï-dire rapportés par des attestations dont le caractère probant n'est pas contesté, mais qui ne permettent pas d'établir la réalité de l'origine des propos rapportés ;

Qu'en tout état de cause, à les supposer même établis, ces propos sont sans lien avec la concurrence déloyale et le dénigrement dont la société Degest demande l'indemnisation in solidum des trois appelants ;

Qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point ;

Considérant enfin qu'au regard des critiques émises par Monsieur G. dans un mail du 15 mars 2012 à l'égard de " l'emprise " et du " comportement immature " de la société Degest, il ne s'agit pas de propos péjoratifs, ni de propos susceptibles de dévaloriser l'image publique de la société Degest, la critique étant tout au plus une forme de défense face aux accusations portées par la société Degest à son encontre le 1er mars 2012 et ne portant pas atteinte à l'honorabilité ou à la réputation de la société Degest ;

Que là encore, la société Degest est mal fondée à demander l'indemnisation in solidum des trois appelants pour le préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de ces propos ;

Qu'il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges en toutes ses dispositions et de débouter la société Degest de l'ensemble de ses demandes ;

- Sur la demande reconventionnelle de Messieurs B. et G. et de la société Addhoc

Considérant que le maintien du nom des salariés sur le site internet de la société Degest, s'il a pu être constaté peu de temps après la rupture du contrat de travail, ce qui n'est pas contesté, ne s'est ensuite pas poursuivi, les constats versés aux débats ne permettant pas d'établir à partir de quelle connexion les recherches ont été faites et surtout si des pages obsolètes n'étaient pas maintenues sur le web indépendamment de la volonté de la société Degest qui a bien actualisé ses pages en retirant les noms des deux salariés ;

Qu'il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner ledit retrait sous astreinte ;

Considérant que la société Addhoc conseil qui s'est créée en 2012 a, la première année, essentiellement sous-traité des dossiers des autres cabinets, en attendant son agrément, et n'avait donc quasiment pas de clientèle propre susceptible d'être détournée ;

Que pendant cette première année, il était tout à fait possible que des clients, habitués à travailler avec Monsieur G., compte tenu de l'ancienneté de celui-ci au sein de la société Degest, s'adressent à la société Degest, en pensant traiter avec Monsieur G., sans que cela ne puisse être qualifié de détournement de clientèle par la société Degest, quand bien même cette dernière y donnerait suite et conserverait le client ;

Que le caractère volatile de la clientèle s'applique également à la société Addhoc, cette dernière ne pouvant se prévaloir d'une clientèle captive qui lui appartiendrait ;

Qu'enfin, les appelants ne démontrent pas plus les actes de dénigrement dont ils auraient été victimes et qui seraient constitutifs de concurrence déloyale ;

Que la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point ;

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Degest les dépens et qu'il n'est pas inéquitable d'allouer une indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Addhoc, Monsieur G. et Monsieur B., et d'infirmer la décision de première instance sur ce point ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a : - débouté Messieurs G. et B. et la société Addhoc conseil de leur demande d'astreinte, afin de faire cesser des actes de dénigrement à leur encontre ; Statuant à nouveau, Déboute la société Degest de toutes ses demandes, Déboute Monsieur G., Monsieur B. et la société Addhoc Conseil de toutes leurs demandes, Condamne la société Degest à payer à Messieurs B. et G. et à la société Addhoc Conseil, chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Degest aux dépens dont distraction au profit de la Selarl LM Avocats.