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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 1 mars 2018, n° 16-05642

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

Euro Econ'Home (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

M. Poupet, Mme Boutié

TI Lens, du 11 août 2016

11 août 2016

Le 16 décembre 2014, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. X a signé un bon de commande auprès de la SARL Euro Econ'Home portant sur " le pack n° 4 " comprenant l'isolation des combles et une chaudière à condensation pour un montant total de 14 900 euros.

Suivant offre préalable émise et acceptée le même jour, la SA Cetelem a consenti à M. X un crédit accessoire à la réalisation de travaux d'isolation et de pose de chaudière à condensation d'un montant total de 14 900 euros remboursable par 168 mensualités de 124,76 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,95 %.

Par acte d'huissier des 29 septembre et 12 novembre 2015, M. X a fait assigner la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Cetelem et la SARL Euro Econ'Home devant le Tribunal d'instance de Lens aux fins de voir :

- prononcer la nullité du contrat de vente sur le fondement des articles L. 121-21 du Code de la consommation et la nullité du contrat de crédit de la SA Cetelem,

- subsidiairement, prononcer la nullité du contrat de vente pour dol et la nullité subséquente du contrat de crédit de la SA Cetelem,

- condamner la SARL Euro Econ'Home à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner solidairement la SA Cetelem et la SARL Euro Econ'Home au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement en date du 11 août 2016, le tribunal a :

- annulé le contrat de vente conclu entre la SARL Euro Econ'Home et M. X le 16 décembre 2014,

- annulé le contrat de prêt du 16 décembre 2014 accessoire à la vente conclue entre M. X et la SA Cetelem,

- débouté la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Cetelem de sa demande de restitution du capital emprunté,

- condamné la SARL Euro Econ'Home à verser à M. X la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Cetelem de sa demande de garantie de la SARL Euro Econ'Home et de sa demande au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la SARL Euro Econ'Home et la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Cetelem au paiement de la somme de 1 500 euros à M. X en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration en date du 14 septembre 2016, la SA BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions notifiées le 20 mars 2017, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter M. X de l'ensemble des demandes formulées à son encontre et de le condamner à lui rembourser le montant du capital emprunté, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par l'emprunteur. Elle sollicite en outre la fixation de sa créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL Euro Econ'Home à la somme de 14 900 euros à titre chirographaire outre la condamnation de M. X à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir :

- qu'à la suite de l'annulation du contrat de crédit affecté, M. X doit nécessairement rembourser le montant du capital prêté, sous déduction des sommes déjà versées, peu important que les fonds aient été directement versés entre les mains du vendeur,

- que la seule obligation du prêteur avant de débloquer les fonds est d'avoir la preuve de la livraison du bien ou de l'exécution de la prestation de service au moyen de la fiche de réception de travaux ou d'un document certifiant la livraison du bien, sans avoir à mener d'investigations plus poussées quant à la réalisation des travaux ou la livraison du bien,

- qu'aux termes du procès-verbal de réception de travaux signé par M. X et sur lequel est apposée la signature du poseur, M. X déclarait, après avoir procédé à la visite des travaux effectués par la SARL Euro Econ'Home que la réception était prononcée sans réserve avec effet au 9 janvier 2015,

- que l'absence éventuelle de production de la fiche d'informations précontractuelles ou de justificatifs financiers comportant la fiche de renseignements ne permet pas de caractériser une faute du prêteur dans le déblocage des fonds et de faire obstacle à la restitution du capital emprunté en cas d'annulation du contrat de crédit.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 février 2017, M. X sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions ainsi que la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Me Y.

Il soutient :

- que, s'agissant d'un démarchage à domicile, la société Euro Econ'Home devait respecter les dispositions du Code de la consommation applicables aux contrat conclus hors de l'établissement,

- que la faute du prêteur dans la remise des fonds au vendeur fait obstacle à l'obligation de l'emprunteur de restituer les fonds au prêteur et que la lettre adressée par M. X le 13 janvier établit la volonté non équivoque de se prévaloir de la faculté de rétractation dans le délai de 14 jours,

- que l'imprécision de l'attestation de fin de travaux ne permet pas de considérer qu'elle valait acceptation par M. X de l'intégralité des travaux et prestations et qu'il appartient au prêteur de s'assurer, avant de délivrer les fonds au vendeur, que la prestation de services a bien été exécutée conformément à son devoir de vigilance.

Assigné en intervention forcée devant la cour par acte d'huissier en date du 12 mai 2017, Me Z, pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Euro Econ'Home, n'a pas constitué avocat.

MOTIVATION

Sur la nullité du contrat principal

BNP Paribas Personal Finance n'a pas qualité pour remettre en cause la nullité du contrat conclu entre Euro Econ'Home et M. X auquel elle n'était pas partie, sa demande de ce chef est irrecevable.

Euro Econ'Home n'est pas représentée et ne la remet donc pas en cause.

Par conséquent, la nullité de ce contrat est acquise.

Sur les conséquences de la nullité du contrat principal et l'annulation du contrat de crédit

En vertu de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, le contrat de crédit accessoire est résolu de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu.

Dès lors l'annulation du contrat conclu entre Euro Econ'Home et M. X justifie la résolution de plein droit du contrat de prêt conclu le même jour entre M. X et la société Cetelem et la remise des parties en leur état antérieur à l'annulation des conventions.

L'annulation du crédit entraîne la restitution par l'emprunteur du capital prêté déduction faite des sommes déjà versées à l'organisme prêteur sauf à démontrer l'existence d'une faute commise par ce dernier dans l'exécution de ses obligations de nature à le priver de sa créance de restitution.

Il n'est pas contesté que la société Cetelem a versé les fonds au vendeur au vu de l'attestation de fin de travaux signée par M. X le 9 janvier 2015 et de la demande de financement formalisée le même jour.

Le premier juge a retenu que l'attestation de fin de travaux avait fait courir le délai de rétractation de quatorze jours prévu par l'article L. 121-21 du Code de la consommation, que le courrier de rétractation de M. X en date du 13 janvier 2015 était intervenu dans le délai légal, que de surcroît la société Cetelem avait commis une faute en s'abstenant de s'assurer de l'exécution complète et parfaite des prestations convenues, M. X contestant d'ailleurs la réalité des travaux d'isolation des combles, et de remettre à celui-ci divers documents prévus par la loi.

Or, en premier lieu, si le premier juge estimait que M. X s'était valablement rétracté, le débat sur la nullité du contrat principal et ses conséquences était dépourvu d'intérêt.

Quoi qu'il en soit, vu l'article L. 121-21 du Code de la consommation et le contrat portant notamment sur une prestation de service consistant en l'isolation de combles par soufflage, le délai de rétractation de quatorze jours ne pouvait courir qu'à compter de la conclusion du contrat et non pas après l'exécution d'une telle prestation.

Enfin et en tout état de cause, la copie d'une lettre datée du 13 janvier 2015 produite par M. X, qui semble adressée uniquement à la société Cetelem, par laquelle il la " prie d'annuler le financement " et dont rien ne prouve qu'elle ait été expédiée et, a fortiori, reçue par son destinataire, ne peut évidemment constituer la preuve d'une rétractation de M. X quant au contrat de vente et de prestation de service.

En deuxième lieu, les organismes de crédit ne sont pas tenus de vérifier par eux-mêmes la parfaite exécution des contrats dont ils assurent le financement en l'absence de circonstance permettant de douter de cette exécution.

La société BNP Paribas Personal Finance a versé les fonds à la société Euro Econ'Home au vu d'un document daté du 9 janvier 2015, signé par le représentant de cette dernière et par M. X, qui ne le conteste pas, aux termes duquel :

- M. X déclare, après avoir procédé à la visite des travaux effectués par Euro Econ'Home, que la réception est prononcée sans réserve avec effet à la date du 9 janvier 2014,

- le vendeur ou prestataire de service déclare sous sa responsabilité que le matériel, conforme au bon de commande, a été livré,

- le client (M. X) demande à BNP Paribas Personal Finance d'adresser le financement correspondant à cette opération au vendeur ou prestataire de service.

Il n'est pas justifié de circonstances ayant pu faire douter le prêteur de la véracité des informations contenues par ce document et l'inciter à procéder à des investigations à ce sujet, le fait que le contrat portât à la fois sur la livraison d'une chaudière et l'isolation de combles n'étant pas une telle circonstance, de sorte qu'aucune faute de la société BNP Paribas Personal Finance quant au déblocage des fonds n'est démontrée.

En troisième lieu, c'est à juste titre que la société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que l'absence éventuelle de production de la fiche d'informations précontractuelles ou de justificatifs financiers comportant la fiche de renseignements ne permet pas de caractériser une faute du prêteur dans le déblocage des fonds et de faire obstacle à la restitution du capital emprunté en cas d'annulation du contrat de crédit.

C'est donc à bon droit que la société BNP Paribas Personal Finance prétend à la restitution par M. X du capital prêté et le jugement entrepris doit être réformé de ce chef.

Si cela est sans influence sur la seule partie du litige dont est saisie la cour, on observera tout de même que le tribunal, qui a déclaré nul le contrat principal, n'a pas ordonné la remise des parties en l'état où elles se trouvaient auparavant et en particulier les restitutions croisées du prix et des biens livrés et installés, ce qui ne lui était pas demandé par M. X et ne l'est pas en cause d'appel. Or, si ce dernier conteste aujourd'hui la réalité de l'exécution des travaux d'isolation, bien qu'il ait déclaré expressément et sans réserve le contraire par le document susvisé et n'en fasse pas état dans le courrier du 13 janvier 2015 qu'il est censé avoir adressé à l'appelante, il n'en apporte aucune preuve, la production d'un devis ultérieur aux mêmes fins n'en étant pas une, et est totalement taisant en ce qui concerne la livraison de la chaudière.

Sur la demande de garantie

Aux termes de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis à vis du prêteur et de l'emprunteur.

Tel est le cas en l'espèce puisque l'annulation du contrat principal par le tribunal sanctionne le non-respect par le vendeur de dispositions du Code de la consommation.

L'efficacité de cette disposition suppose que l'emprunteur puisse obtenir directement du vendeur le paiement de la somme considérée et il convient de faire droit à la demande de l'appelante de ce chef.

Sur les autres demandes

M. X, partie perdante, doit être condamné aux dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable, vu l'article 700 du même Code, de laisser à la société BNP Paribas Personal Finance la charge de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA BNP Paribas Personal Finance de ses demandes tendant à la condamnation de M. Jacques X à lui rembourser le capital emprunté et de la société Euro Econ'Home à garantir ce dernier de ce remboursement, condamne M. Jacques X à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de quatorze mille sept cents euros (14 700) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, déclare la société Euro Econ'Home tenue de garantir M. X de ce remboursement, à cet effet, fixe la créance de la société BNP Paribas Personal Finance au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL Euro Econ'Home à la somme de 14 700 euros, déboute M. X de ses demandes, déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, condamne M. X aux dépens.