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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 2 mars 2018, n° 15-00831

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mmes Le Potier, Dotte-Charvy

TGI Rennes, du 18 nov. 2014

18 novembre 2014

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon bon de commande du 11 septembre 2010, M. X, négociant en automobiles exerçant sous la dénomination commerciale " AO Garant ", a vendu aux époux Y un véhicule Renault Espace IV moyennant le prix de 9 950 euros TTC.

Prétendant que le véhicule, livré le 1er octobre 2010, est tombé en panne le 29 octobre suivant en raison d'un bris de moteur, les époux Y ont, par acte du 28 janvier 2011, saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 24 mars 2011, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire.

Puis, après le dépôt du rapport de l'expert Z intervenu le 3 février 2012, ils ont, par acte du 9 mai 2012, fait assigner M. X et la société Renault devant le Tribunal de grande instance de Rennes en résolution de la vente pour vice caché et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 18 novembre 2014, le premier juge a :

prononcé la résolution de la vente,

condamné M. X à enlever le véhicule sous astreinte de 30 euros par jours de retard à compter de la décision,

dit que l'astreinte provisoire court pendant une durée de 60 jours, à charge pour M. X, à défaut de restitution dans ce délai, de solliciter du juge de l'exécution la liquidation de l'astreinte provisoire et le prononcé de l'astreinte définitive,

condamné M. X à restituer aux époux Y la somme de 9 950 euros, somme correspondant au prix de vente,

condamné M. X à payer aux époux Y une somme de 6 090 euros en réparation des préjudices annexes,

condamné la société Renault à garantir M. X de l'intégralité des condamnations prononcées contre lui,

condamné in solidum M. X et la société Renault à payer aux époux Y la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

débouté au surplus M. X et la société Renault de leurs demandes,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

M. X a relevé appel de cette décision le 29 janvier 2015, en demandant à la cour de :

à titre principal, dire que le véhicule n'était affecté d'aucun vice,

débouter par conséquent les époux Y de leurs demandes,

condamner les époux Y au paiement d'une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

à titre subsidiaire, réduire à de justes proportions les demandes indemnitaires des époux Y,

débouter les époux Y de leur demande "reconventionnelle",

condamner la société Renault à garantir M. X de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

débouter les époux Y de leur demande de condamnation de M. X au paiement des frais irrépétibles et des dépens,

condamner la société Renault au paiement d'une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Contestant pareillement l'existence d'un vice caché imputable au constructeur, la société Renault a formé appel incident, en demandant à la cour de :

prononcer sa mise hors de cause,

débouter les époux Y de leurs demandes,

débouter M. X de sa demande de garantie,

condamner les époux Y au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

subsidiairement, déclarer satisfactoire l'offre de la société Renault de prise en charge des frais de remise en état du véhicule,

débouter M. X de sa demande de garantie au titre des frais d'immobilisation du véhicule,

à titre infiniment subsidiaire, ramener les demandes indemnitaires des époux Y à de plus justes proportions.

Les époux Y concluent quant à eux à titre principal à la confirmation du jugement attaqué tout en maintenant des demandes de condamnations solidaires de M. X et de la société Renault.

Ils demandent en outre la condamnation solidaire de M. X et de la société Renault au paiement d'une somme complémentaire de 6 000 euros au titre des frais d'immobilisation du véhicule et d'une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. X le 20 juillet 2015, pour la société Renault le 14 octobre 2016, et pour les époux Y le 16 septembre 2015.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Selon l'expert judiciaire, le bris de moteur subi le 29 octobre 2010 résulte de la rupture des coussinets supérieurs de bielle, ceux de la bielle n° 3 étant complètement détruits et les autres fortement endommagés.

Les constatations de l'expert, relativement à l'absence de rayure sur les faces flottantes des coussinets, ont conduit celui-ci à écarter l'hypothèse d'un fonctionnement du moteur avec un niveau d'huile insuffisant, le marquage très spécifique observé sur les coussinets endommagés trouvant sa cause dans le matériau utilisé, supportant difficilement dans le temps des charges très importantes dues à la combustion, ou dans la conception du moteur par rapport aux contraintes mécaniques.

Ainsi, contrairement à ce que M. X et la société Renault prétendent, les opérations d'expertise ont permis d'établir que le véhicule était, au moment de la vente, affecté d'un vice caché procédant d'un défaut de conception ou de fabrication, l'ayant rendu impropre à sa destination.

La mention de la facture "vendu dans l'état où il se trouve et se comporte, bien connu de l'acheteur après essai et examen attentif" ne saurait constituer une clause de non-responsabilité opposable à des acquéreurs non professionnels.

Le vendeur et le constructeur ne sauraient davantage prétendre que l'endommagement de l'embiellage du moteur pourrait ne résulter que de l'usure normale des coussinets, alors que, lors de la panne survenue moins d'un mois après la vente, le véhicule n'avait parcouru, depuis sa mise en circulation cinq ans plus tôt en juin 2005, que 100 000 kilomètres, et que l'expertise a permis d'établir que le matériau utilisé pour la fabrication des coussinets de bielle était inadapté à la résistance dans le temps des contraintes mécaniques ou de combustion.

À cet égard, contrairement à ce que la société Renault soutient, la démonstration du vice de fabrication ne procède pas seulement de l'extrapolation de plusieurs autres "cas similaires" qui, selon l'expert, ont été répertoriés par le constructeur, mais aussi de la constatation concrète d'une rupture des coussinets de bielle qui, après le rejet d'autres causes comme l'insuffisance de niveau d'huile, ne pouvait en définitive résulter, sans qu'il soit besoin de procéder à leur analyse, que de l'inadéquation du matériau utilisé ou d'une mauvaise conception du moteur.

M. X et la société Renault soutiennent encore que le vice ne serait pas rédhibitoire et que les époux Y auraient à tort refusé l'offre commerciale de remise en état du véhicule.

Il est cependant établi que l'endommagement des bielles à l'origine de la panne du 29 octobre 2010 a rendu le moteur hors service et son remplacement nécessaire.

Le vice des coussinets de bielle a donc bien rendu le véhicule impropre à sa destination, de sorte qu'en application de l'article 1644 du Code civil, les acquéreurs étaient fondés à choisir d'exercer l'action résolutoire, sans que le vendeur ou le fabricant puissent leur imposer une simple réparation.

Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 11 septembre 2010 entre M. X et les époux Y, et ordonné la restitution du prix aux époux Y et du véhicule à M. X.

Pour s'opposer à sa condamnation à paiement de dommages-intérêts en application de l'article 1645 du Code civil, M. X soutient que le vice était indécelable et qu'il ne pourrait donc être regardé comme un vendeur de mauvaise foi.

Vendeur professionnel de véhicules d'occasion, il ne pouvait cependant ignorer les vices affectant la chose vendue.

À cet égard, les époux Y ont indéniablement dû subir les tracas inhérents à la panne puis au déroulement de la procédure, et ils justifient en outre avoir exposé des frais de remorquage de 100 euros et avoir dû se procurer un véhicule de remplacement moyennant le prix de 1 990 euros TTC.

L'acquisition de ce véhicule de remplacement le 1er décembre 2010 a toutefois nécessairement mis fin à cette date au préjudice de jouissance procédant de l'impossibilité d'utiliser le véhicule vendu par M. X.

Étant observé que la résolution de la vente avec restitution du prix exclut que les acquéreurs aient pu subir un préjudice résultant de la perte de valeur du véhicule, le "préjudice d'immobilisation", évalué par l'expert à 5,55 euros par jour, ne peut que se confondre avec le préjudice de jouissance.

Au regard de ce qui précède, les dommages-intérêts alloués aux époux Y seront ramenés à 4 000 euros toutes causes confondues, le jugement attaqué étant réformé en ce sens.

Par ailleurs, la demande d'indemnisation complémentaire au titre du préjudice d'immobilisation sera, pour les motifs précédemment exposés, rejetée.

Bien que sollicitant la confirmation du jugement attaqué, les époux Y sollicitent, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel comme ils le faisaient dans leurs écritures de première instance, la condamnation solidaire de M. X et de la société Renault à la restitution du prix de vente de 9 950 euros et au paiement des dommages-intérêts réparant leurs préjudices annexes.

Il est toutefois de principe qu'après la résolution d'une vente, seul le vendeur auquel la chose vendue est restituée est tenu de restituer le prix.

En revanche, les époux Y sont fondés à exercer contre le constructeur automobile, vendeur originaire du véhicule, une action contractuelle indemnitaire directe en garantie des vices cachés et à réclamer sur ce fondement la condamnation de celui-ci, avec le vendeur intermédiaire, au paiement de dommages-intérêts.

M. X et la société Renault seront donc condamnés in solidum au paiement d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Pour s'opposer à la demande de garantie formée à son encontre par M. X, la société Renault lui fait grief d'être à l'origine de l'aggravation du préjudice subi par les époux Y en ayant empêché toute résolution amiable du litige.

Il a cependant été observé que le vice affectant le véhicule vendu avait la nature d'un vice de fabrication rédhibitoire, de sorte que celui-ci était bien imputable au constructeur automobile et que les époux Y étaient fondés à exercer l'action résolutoire sans se contenter d'une simple prise en charge de tout ou partie du coût des réparations.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné la société Renault à garantir M. X des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages-intérêts, des frais irrépétibles et des dépens de première instance.

En revanche, étant rappelé que seul le vendeur auquel la chose vendue est restituée est tenu de restituer le prix, M. X ne peut prétendre à être garanti par la société Renault de cette condamnation à la restitution aux époux Y de la somme de 9 950 euros.

De même, la garantie ne peut, par principe, porter sur l'astreinte qui constitue une obligation personnelle du débiteur de la condamnation à reprendre le véhicule.

Enfin, c'est sur d'exactes considérations d'équité que le premier juge a condamné M. X et la société Renault au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Y l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte que M. X, qui a pris l'initiative d'un appel pour l'essentiel non fondé, sera condamné au paiement d'une indemnité complémentaire de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR : Infirme le jugement rendu le 18 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a : condamné M. X au paiement d'une somme de 6 090 euros à titre de dommages-intérêts, condamné la société Renault à garantir M. X de ses condamnations à la restitution du prix de 9 950 euros et à la reprise du véhicule sous astreinte, et rejeté la demande de condamnation en paiement de dommages-intérêts formée par les époux Y contre la société Renault ; Condamne in solidum M. X et la société Renault à payer aux époux Y une somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts ; Condamne la société Renault à garantir M. X des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages-intérêts ainsi que des frais irrépétibles de première instance et des dépens de première instance ; Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ; Déboute les époux Y de leur demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires ; Déboute M. X du surplus de sa demande de garantie ; Condamne M. X à payer aux époux Y une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Condamne M. X aux dépens d'appel ; Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.