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Décisions

Cass. 1re civ., 7 mars 2018, n° 17-12.027

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Inter Invest (SAS), Inter action consultants (SAS)

Défendeur :

Ecofip (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

Mme Canas

Avocat général :

M. Sudre

Avocats :

SCP Rousseau, Tapie, SCP Piwnica, Molinié

Paris, pôle 1, ch. 3, du 6 déc. 2016

6 décembre 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant être victime d'une campagne de dénigrement orchestrée par les sociétés Inter Invest et Inter actions consultants, la société Ecofip, spécialisée dans les opérations de défiscalisation outre-mer, les a assignées en concurrence déloyale et parasitaire devant le tribunal de commerce ; qu'estimant que les faits qui leur étaient reprochés entraient dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ces sociétés ont soulevé une exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 1382, devenu 1240 du Code civil et R. 211-4, 13°, du Code de l'organisation judiciaire ; - Attendu que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;

Attendu que, pour déclarer le tribunal de commerce compétent matériellement pour statuer sur l'ensemble des griefs allégués par la société Ecofip, après avoir constaté que celle-ci se plaignait d'une campagne la mettant nommément en cause et la présentant comme coupable des délits de blanchiment d'argent aggravé, de fraude fiscale, de faux et de divers détournements, l'arrêt énonce que le mode de diffusion anonyme des contenus incriminés sur Internet, tout comme les destinataires de ces diffusions, lesquelles ne s'adressent qu'aux personnes cherchant des renseignements en ligne sur la société Ecofip, révèlent qu'il s'agit, non pas d'informations données dans l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération de cette dernière, mais bien d'une volonté de jeter le discrédit sur son activité et donc, indirectement, sur ses produits, dans le but, de la part de son concurrent direct, de détourner sa clientèle sur un marché très serré ; qu'il en déduit que ces faits sont susceptibles d'être sanctionnés sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du Code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les imputations litigieuses, qui, selon ses propres constatations, portaient sur des faits constitutifs d'infractions pénales et visaient une personne morale déterminée, étaient constitutives de diffamation, de sorte qu'elles ne pouvaient être sanctionnées que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 et que, par suite, l'action exercée par la société Ecofip relevait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la huitième branche du moyen : - Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; - Attendu que, pour statuer comme il le fait, après avoir relevé que la société Ecofip reprochait également aux sociétés Inter Invest et Inter action consultants d'avoir faussement affirmé, dans leurs brochures commerciales et sur leur site Internet, que les monteurs en opérations dites "Girardin" devaient avoir le statut de conseil en investissements financiers et qu'elle soutenait que, l'exercice illégal de cette activité étant pénalement réprimé, une telle affirmation portait atteinte à son honneur et à sa considération, l'arrêt retient que l'information en cause ne concernait que les produits de la société Inter invest et ne visait aucunement la société Ecofip ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, bien qu'elle ne soit pas nommément désignée dans les écrits incriminés, la société Ecofip n'était pas aisément identifiable, eu égard au nombre limité d'opérateurs présents sur le marché considéré, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.